Le mythe interdit de la lolita à l'écran
L'Italie a longtemps été par le passé le berceau de toutes les audaces et de tous les scandales se permettant à travers son cinéma et plus particulièrement le cinéma de genre tous les excès. Passé maître dans l'art d'exploiter tous les filons, le cinéma italien a vu se developper au fil des années de nombreux genres et sous-genres, soulevant bien souvent de lourdes polémiques. Du très controversé nazisploitation à l'hérétique nunsploitation, les débordements érotico-pervers voire déviants du sexploitation en passant par les excès gore des années 80, la sexualité fut un des éléments majeurs du cinéma, une sexualité bien souvent mise en scène de façon perverse. Sexe, moralité, religion, un parfait tryptique que les réalisateurs aimèrent bafouer, renversant ainsi les valeurs acquises, transgressant tous les tabous d'une société pudibonde à l'excès et exagérement rigide. C'est dans ce cadre que naquit ce qu'on appelle le Teensploitation, dés les années 50, un courant qui existait déjà dans la littérature, souvent interdite, mais qui n'avait jusque là jamais été porté à l'écran. Ce nouveau dossier se propose donc d'étudier ce genre si particulier et tant controversé, jugé immoral et d'en voir les origines pour mieux comprendre son évolution jusqu'au jour d'aujourd'hui. Du mythe des lolitas et.. lolitos... all'italiana au cinéma scandale des années 70 emmené par la libération sexuelle jusqu'au point de non retour que représentèrent La maladolescenza et ses succédanés pour finir sur le cinéma érotico-gay adolescent, le child porn légal et enfin le très permissif X allemand et scandinave sans oublier la génération Clark, ce dossier brûlant tentera de passer également en revue la majorité des oeuvres et des réalisateurs spécialisés dans le genre mais également toutes les jeunes actrices et acteurs- pour ne pas dire enfants à scandale- qui firent les beaux jours du genre qui aujourd'hui n'a rien perdu de son aura sulfureuse.
PETIT HISTORIQUE D'UN PAYS TROP RIGIDE:
L'Italie des années 50 est une Italie qu'il est aujourd'hui difficile d'imaginer. C'était alors un pays dominé par le Vatican et la Démocratie chrétienne installée au gouvernement dont l'unique but était de diriger et réglementer les coutumes et la morale. L'église exerçait un contrôle pesant, régissant de main ferme la société italienne où la sexualité était un véritable tabou, où le divorce était scrupuleusement interdit.
Dans le monde du spectacle, l'Eglise avait un droit de regard rigide. Le mot censure était une des principales devises, imposant coupes et interdictions à l'excès. C'est donc dans un pays étouffé par la rigidité et la morale excessive que l'explosion se produira. Bien avant la libération des moeurs des années 70, on va assister à une lente érosion tant au niveau des réalisateurs que des institutions elles mêmes.
Le cinéma va trouver le moyen de contourner toutes ces règles et franchir les interdits en insérant dans les films des allusions de plus en plus audacieuses et scabreuses, en y intégrant un contenu de plus en plus osé, en suivant la politique du "coup de pied au cul" afin de faire avancer les choses. De leurs cotés, les institutions se craquellent doucement, l'édifice de rigidité se fragilise et lentement se meurt. Elles se font plus laxistes et tentent d'aller vers une certaine laïcisation. L'Italie sortait de vingt ans de guerre et de fascisme, d'une dictature qui avait construit une alliance de fer avec la monarchie et le Vatican.
Le cinéma était le moyen parfait pour montrer les choses, un terrain de bataille efficace pour faire passer les messages et franchir les interdits, donner un point de vue autant social que psychologique. La sexualité adolescente constituait l'ultime tabou, tabou dans le tabou, summum de l'interdit et de l'inavouable. Comment mieux faire passer les messages et faire voler en éclats les barrières que de s'attaquer à ce qu'il y a de plus caché?
LES ANNEES 50: LES ORIGINES DU GENRES:
Dans les années 50, la sexualité adulte est un sujet à scandale. On se souvient du tollé soulevé après la vision de Cary Grant faisant l'amour à Ingrid Bergman dans L'indiscreto de Stanley Donen en 1958. Si on n'ose imaginer l'amour entre adultes, que penser d'adolescents qui copulent?
La publication de Lolita de Nabokov en 1959 provoquera un autre scandale. La littérature, d'une incroyable richesse, regorge d'oeuvres sulfureuses de ce type et le cinéma n'en est que la continuité des plus logiques.
En 1959, Claudia Cardinale dans La prima notte de Alberto Calvacanti incarne une adolescente qui aime allumer des touristes dans la fleur de l'âge pour les ramener chez elle, exemple parfait de ce que le cinéma va commencer à engendrer.
C'est dans ces mêmes années qu'un des plus grands réalisateurs italiens va débuter sa carrière, Alberto Lattuada, en se spécialisant dans un érotisme dont le principal objet est la jeune fille en fleur et qui saura faire fi de la censure. Pour Lattuada, les années où l'enfant devient adolescent puis l'adolescent adulte sont les moments les plus forts d'une vie, un étonnant mystère émanant d'une jeune créature encore innocente qui découvre son corps, ses énigmes et surtout ses premiers désirs avec forte curiosité et grande tendresse. Lattuada va dans les années 50 tourner moult films dont La spiaggia en 1953 avec une toute jeune Valeria Moriconi en bikini, Gwendolina avec Jacqueline Sassard. Elle interpréte une adolescente de bonne famille qui découvre l'amour avec un garçon de classe moyenne qui la trompera avec une prostituée. Outre le plaisir que prend Lattuada à caresser de sa caméra les jambes des actrices lors d'une scène de vélo qui sera à l'origine des futures "Belles à bicyclette" très prisé par Tinto Brass, une image érotique récurrente dans le cinéma transalpin, le film fera partie des grands moments du cinéma de par sa sensibilité.
Pour Lattuada, seul le sexe compte et c'est ce que les critiques vont lui reprocher. Quand l'adolescente danse en bas noirs avec son jeune amant, le réalisateur, derrière cette sensualité et cette délicatesse, insiste sur le corps de l'enfant, dépassant par la même le stade de l'innocence. La tendresse n'est qu'une façade qui dissimule la sexualité. Elle cache les désirs brûlants de ces adolescents, ces désirs qui déchirent leurs sens et leur corps.
LES ANNEES 60: LE HARO DE LA CENSURE:
En 1960, on pousse encore plus loin les choses avec Dolci inganni / Les adolescentes avec Catherine Spaak alors âgée de 15 ans et ce plan alors inédit en Italie où dans son lit l'enfant se réveille, troublée, sortant d'un rêve érotique que Lattuada sous-entend clairement. Il va transgresser encore plus loin les tabous d'alors en montrant l'adolescente faire l'amour avec un homme de trente ans que joue Christian Marquand. L'Italie hurle, la censure s'empare du film et le mutile, coupant plus de 300 mètres de pellicule sous les cris de rage de Lattuada. Il est accusé d'obscénité mais trois ans plus tard, les coupes seront réintégrées. Dolci inganni pose un autre problème. Le film montre en effet la jeune fille offrant son amant à son amie, une pratique innommable et impensable alors. Imposer à sa fille un mariage est normal dans les coutumes italiennes, prêter son fiancé est une hérésie.
C'est dans cette Italie hypocrite, cette Italie à la double moralité qui prône la virginité que les italiens à travers ces films se sentent le plus attaqués dans leurs convictions équivoques. 1960 sera aussi l'année de La dolce vita de Fellini et de Labbra rosse de Giuseppe Benanti, autre film où une adolescente tourne autour d'un trentenaire. On citera aussi Il rossetto / Jeux précoces de Damiano Damiani, plus moral puisque le réalisateur gardera intacte la virginité de sa petite héroïne de 14 ans jouée par Laura Vivaldi qui tombe amoureuse d'un assassin.
Dolce inganni et Labbra rosse sont deux films importants pour d'autres raisons également. Ils ont permis un certain fétichisme érotique, celui de l'enfant, de la lolita. On montre des seins nus, le maximum de peau possible mais jamais un seul poil pubien où même un postérieur surtout celui d'une adolescente.
On est loin encore des débordements des années 70 où on filmera sans honte et dans toute leur splendeur des sexes nubiles et de jeunes corps nus, dévoilant dans leurs détails les plus érotiques les ébats adolescents avec ou sans adulte. Mais déjà on en voit les prémices. Les choses ne seront plus jamais pareilles et le cinéma va prendre de plus en plus de libertés.
En 1962 dans La voglia matta, Ugo Tognazzi incarne un quadragénaire amoureux d'une jeune fille de 15 ans toujours interprétée par Catherine Spaak dont le corps de nymphette est parfaitement mis en valeur par le réalisateur.
Le thème de la lolita est bel et bien né et va envahir le grand écran. Salce récidive avec Le ore dell'amore en 1963 toujours avec Tognazzi et Umberto Orsini. 1965 sera l'année de Ménage all'italiana de F. Indovina qui verra les débuts d'une future grande lolita, Romina Power, qui incarnera à chaque fois une adolescente perverse et aguicheuse qui n'hésite pas à dévoiler pudiquement sa poitrine dans Come imparai ad amare, Symphonie mortelle / I caldi amori di una minorenne et Femmine insaziabili / Perversion avant de créer un véritable tollé en interprétant la jeune Justine dans Justine ou les infortunes de la vertu tiré de l'oeuvre du Marquis de Sade.
Ce cinéma de la honte a pris son envol, le cinéma de l'obsession érotique. Les lolitas vont apparaitre de plus en plus nombreuses, les réalisateurs vont se faire de plus en plus osés et les films de plus en plus libres jusqu'à l'explosion hallucinante des moeurs et de la liberté sexuelle des années 70 que le cinéma va exploiter à fond.
LES ANNEES 70: L'EXPLOSION DES MOEURS:
Les années 70 resteront sans aucun doute comme l'ère de la révolution sexuelle et de la libération des moeurs qui au fil du temps va prendre une importance de plus en plus démesurée, en reculant sans cesse les limites de la morale, explosant sur son passage les tabous non seulement sexuels mais aussi religieux et moraux. L'Italie ne reste pas en retrait et sera sans nul doute l'un des pays qui se permettra le plus cinématographiquement parlant.
Après toutes ces années de retenues, d'interdits, de quasi despotisme, il était normal que la libération soit détonante. On montre, on démontre, on insiste, le sexe et l'amour sont désormais omniprésents. Comme le décrivent Marco Lombardo Radice et Lidia Ravera dans leur sulfureux roman Si le porcs avaient des ailes adapté au cinéma par Paolo Pietrangeli, ces années sont celles de la révolution sexuelle mais aussi de la contestation, des manifestations et de l'utopie, le rejet d'un système qu'on croit dépassé et que la jeunesse veut refaire. On revendique son autonomie, ses idées, son corps et sa sexualité, on tente de se démarquer voire d'exploser cette bourgeoise détentrice des anciennes valeurs, bourgeoisie décadente et putride si souvent écorchée dans le cinéma italien. A la grande différence des années 60 où le cinéma s'attardait sur l'homme mature déstabilisé et se focalisait sur la fraicheur et l'innocence, les années 70 vont s'intéresser essentiellement à l'adolescence, à la jeunesse, à la sexualité encore frémissante des corps, fille ou garçon, les instants troublants de la découverte de son corps, ses pulsions et ses fantasmes.
Si l'adolescence est le sujet principal, ce cinéma se permettra également d'étudier la sexualité de l'enfant que ce soit au travers de l'image érotisante de celui ci, son éducation sexuelle ou, ultime stade de l'audace, le sexe chez l'enfant et les premières expériences sexuelles.
PREMIERS EMOI D'UN CINEMA SCANDALEUX:
Dès 1970, Tonino Valerii met en scène le roman de Milena Mileni qui lui valut six mois d'emprisonnement pour indécence, La ragazza di nome Giulio / Une fille nommée Julien. Il conte l'histoire d'une adolescente, jouée admirablement par une toute jeune Silvia Dionisio, à la sexualité ambigüe qui se fait appeler par le prénom de son père défunt. Sa frigidité autant physique que psychique ainsi que sa névrose née de l'acharnement de sa mère et de sa gouvernante lesbienne à lui faire haïr les hommes, êtres dangereux et veules, auront raison de ses malheureux amants et de leurs parties génitales mais aussi de sa raison. Derrière ce sujet, Valerii met surtout en scène cette bourgeoisie pourrissante, obstacle à toutes les libertés, ce carcan familial imposé et rigide. La famille, la bourgeoisie sont des obstacles au bien-être, source de bien des névroses et révoltes adolescentes post soixante-huitardes.
Ces adolescents qui n'ont pas connu les turpitudes des années noires de leurs parents embourgeoisés et noyés dans l'argent, vivent leur adolescence ou plutôt leur "maladolescence" avec toutes les angoisses, les peurs, les questions récurrentes à ce stade de la vie. Ils sont malheureusement prisonniers de cette prison dorée qu'est la famille et ne peuvent fuir. Leur sexualité et leur innocence est contaminée par la cupidité, la rigidité de leurs parents qui n'ont pas les moyens de les comprendre. Le cinéma ne sera qu'un dramatique écho de cette situation, une vision abrupte des choses, le bâton de dynamite qui fera exploser les carcans sociaux.
Grand admirateur de Marco Bellocchio,un des pionniers du cinéma contestaire avec Marco Ferreri, Salvatore Samperi marquera ce début d'années 70 par son cinéma rebelle, anti bourgeois, souvent audacieux. Il sera à la tête de tout un filon d'un certain cinéma érotique dit morbide qui ouvrira la porte à toute une série d'oeuvres où virginité et inceste seront à la base de films souvent bien sombres. Comment ne pas citer le désormais Malizia, oeuvre phare du cinéma érotique mais aussi de ce mouvement, qui fera non seulement de Laura Antonelli une star mais donnera également naissance à bon nombre d'oeuvres qui en reprendront son insolent sujet à savoir l'éducation sexuelle et le dépucelage d'un adolescent par une femme plus âgée. Toujours dans ce type de scénarii, il nous faut aussi mentionner le très bon Grazie zia / Merci ma tante avec Lisa Gastoni et Lou Castel, une sorte de copie si ce n'est de suite logique au film de Bellochio Les poings dans les poches, qui en son temps fit couler d'encre. Il fut plus ou moins repris par Marino Girolami avec Mon petit puceau / Grazie nonna dans lequel Edwige Fenech déniaisera son jeune neveu. Samperi fut également l'auteur du joli drame Cuore di mama / Coeur de mère tourné juste à la suite de Grazie zia, d'un Péché véniel toujours avec Laura Antonelli qui tentait de surfer sur la vague du succès de Malizia et d'Ernesto sur lequel nous reviendrons dans la partie qui traite du cinéma gay adolescent. Il signera aussi un des films les plus osés du cinéma érotico-morbide transalpin, Nenè que nous analyserons dans le chapitre consacré au point de non retour.
En 1974, Appassionata / Premières passions / Les passionnées de Gian Luigi Calderone, gros succès public en Italie, témoignera de cet état de fait en décrivant une famille en pleine errance. Un père s'éprend d'amour pour une jeune fille plus mature que son âge tandis que sa femme, dépressive, s'aperçoit qu'elle a sacrifié sa vie pour un homme qui ne l'aime plus et se rattache par la force des choses à son père. L'adolescente qui n'est encore finalement qu'une enfant va tenter de trouver son autonomie et ses points de repère en la personne de cette fille dont son père s'est épris mais aussi à travers l'inceste. Valentina Cortese, Eleonora Giorgi et surtout Ornella Muti encore toute jeune y sont bouleversantes dans ce film qui fut très mal accueilli à sa sortie par la critique. Ornella sera d'ailleurs à l'affiche de plusieurs films de ce style dont l'espagnol Cebo para una adolescente / Forbidden passion avec Philippe Leroy.
La orca réalisé par Eriprando Visconti en 1976, s'intéresse à une adolescente interprétée par l'audacieuse Rena Niehaus kidnappée par Michele Placido. Une étrange relation va alors naitre entre eux faite d'attirance et de haine, ce fameux syndrome de Stockholm qui unit l'otage à son geôlier. L'adolescente va se donner à lui, de façon perverse, totalement désinhibée, offrant ainsi à Visconti l'occasion de mettre en scène bon nombre de séquences scabreuses qui aboutiront à l'exécution de son ravisseur.
Dans La oedipus orca, suite directe de La Orca, on découvre comment l'adolescente va réagir une fois de retour dans cette famille où elle se sent désormais étrangère d'autant plus qu'elle devine que son père à qui elle reproche de ne pas avoir payé la rançon n'est pas son vrai père. C'est ici la source de ses nombreux maux dont sa frigidité. Obsédée par la mort de son geôlier à travers lequel elle vit désormais, elle va tenter d'éclaircir son passé en faisant un transfert de personnalité sur sa mère, séduire son vrai père et se donner à lui sous les yeux de son fiancé jusqu'au terrible et tragique dénouement.
Plus légers sont les films de Mario Imperoli comme La ragazzina / La lycéenne découvre l'amour qu'il réalisa en 1974 et qui lancera au firmament des starlettes la jeune Gloria Guida. On est là en présence d'une oeuvre souvent acerbe sur la perte de l'innocence, cette "maladolescence", au même titre que Blue jeans / Couples impudiques, Quell'età maliziosa / La lycéenne a grandi, Peccati di gioventu / Si douce si perverse signés Silvio Amadio, un des grands spécialistes du cinéma érotico-morbide.
Beaucoup plus ludique est le campagnard et ensoleillé Le dolci zie sans Gloria cette fois mais avec Pasquale Petit, Patrizia Gori, Femi Benussi et le jeune Jean-Claude Verné.
Tous ces films sous leurs faux airs de comédie sexy traitent en fait de problèmes plus graves tels que l'inceste ou la prostitution adolescente qui trouveront leur apothéose dans l'ultime film de Imperoli, Quella strana voglia d'amare avec Christian Borromeo et Beba Loncar qui narre les amours aussi incestueuses que morbides d'un frère pour sa soeur.
Ces films, stupidement sortis pour la plupart en France sous des titres essentiellement commerciaux, entre "Lycéennes" et autres "Collégiennes", puisent toute leur force essentiellement dans la présence de la solaire Gloria Guida, tout juste majeure. Gloria était encore mineure lorsqu'elle tourna son premier film pour Imperoli. Si de son corps de presque femme aux formes encore quelque peu nubiles naissaient le trouble, indicible, la jeune actrice incarnait à la perfection l'innocence, la candeur. Gloria, insouciante et d'une spontanéité étonnante, personnifiait avec désinvolture cette fameuse maladolescence.
On peut citer aussi La sbandata mais surtout La svergognata de Giuliano Biagetti avec Leonora Fani dans le rôle de cette adolescente qui cherche à perdre coûte que coûte sa virginité. La jeune fille est décrite en une seule phrase que son partenaire, Philippe Leroy: Je t'aime car tu es déjà une salope. Leonora (malgré son âge avancé en fin de carrière) fut une des plus célèbres adolescentes tendance perverse du cinéma transalpin d'alors. Elle avait débuté dans quelques gentilles comédies érotiques dans lesquelles elle interprète une adolescente en proie aux premiers frissons de l'amour telles que Amore mio non farmi male et sa suite Son tornate a fiorire le rose ou encore Lezioni private. Elle trouvera son rôle le plus scabreux en 1976 dans Bestialità de Virgilio Mattei sur un des scénarii les plus osés de Luigi Montefiori en interprétant une jeune fille traumatisée après avoir découvert les relations zoophiles qu'entretenait sa mère avec son chien. Elle perpétuera ces rapports contre-nature avec l'animal, déchirée entre l'amour de sa famille adoptive qui se sert d'elle comme objet sexuel et cet amour contre-nature mais sincère de l'animal quasi dominateur. Bestialità malgré sa faible réalisation et son aspect trop bavard est un parfait exemple de l'audace dont l'Italie a su faire preuve alors, osant mettre en scène un thème aussi tabou que la zoophilie.
L'actrice sera également au générique de Nenè de Salvatore Samperi, gros échec public en Italie, malgré un sujet délicat, l'éducation sexuelle d'un enfant de sept ans par sa cousine de quinze ans, Nenè, adolescente mal dans sa peau vivant mal sa propre sexualité. Samperi tente de dénoncer le danger d'une sexualité précoce et les graves conséquences que cela peut avoir sur l'enfant. Emporté par sa cousine et ses moeurs dépravés, il devient fou et refusera de grandir. L'échec du film vient surtout du manque de ces situations croustillantes que le public venait avant tout chercher. Nous reviendrons sur ce film plus en détail dans la partie Le point de non retour.
On citera aussi toujours avec Leonora le maladif Calde labbra / Maitresse à tout faire où, sous fond de bourgeoisie délabrée et pourrissante, une jeune fille délaissée par une mère trop occupée se laisse aller aux joies de l'amour saphique avec sa gouvernante interprétée par l'ex porn-star française Claudine Beccarie.
LE CINEMA DE TOUTES LES AUDACES:
En ce milieu des années 70, ce style de cinéma va devenir de plus en plus florissant. Des dizaines et dizaines de titres plus évocateurs les uns que les autres envahissent les écrans.
On pourra citer l'inoffensif L'educanda de Franco Lo Cascio avec Patrizia Gori également productrice, l'érotique Cugine mie de Marcello Avallone avec Ely Galleani, Cristiana Borghi et Franca Gonella qui sera également l'héroïne du trop gentillet La bolognese de Alfredo Rizzo, l'intelligente comédie Non commettere atti impuri de Giulio Petroni où un jeune garçon doit trouver son identité sexuelle, religieuse et politique en faisant face aux avances d'une adolescente qui cache ses relations incestueuses avec son oncle, Peccatori di provincia de Tiziano Longo avec Femi Benussi, un des meilleurs films de "maladolescence" où cette fois suite à un héritage, une adolescente va devoir faire face à la corruption y compris sexuelle de la part de ses oncles. On devait déjà à Longo le fort dispensable Sedicianni / Malicieuse à 16 ans avec Ely Galleani dans le rôle d'une lolita qui tente de séduire son beau-père. Citons également le décevant L'adolescente de Alfonsio Brescia dans lequel une adolescente machiavélique, Sonia Viviani, va aguicher son oncle pour le faire divorcer, l'excellent Cugini carnali / L'initiatrice de Sergio Martino, à tout point de vue superbe, plein de tendresse et d'émotion, Il bocconcino / Cours spéciaux pour collégiennes de Romano Scandariato avec Antineska Nemour dont l'intérêt avouons le sont les scènes de nudité adolescente copieusement étalées dont celle de son héroïne principale toute droite sortie de Salo. Antineska avait déjà été une des jeunes protagonistes d'un autre film à scandale, Il giudice e la minorenne dans lequel elle joue la fille d'un juge coupable d'avoir eu des relations sexuelles avec une mineure victime d'un cas supposé de viol.
On mentionnera également Christina studentessa degli scandali dans lequel une étudiante mineure, une toute jeune Malisa Longo alors à ses débuts, tente de séduire par jeu son professeur. Elle en tombera finalement amoureuse jusqu'au jour où ils coucheront ensemble faisant fi des règles établies. La cosa buffa de Aldo Lado quant à lui est une version moderne et très nature de Roméo et Juliette avec Ottavia Piccoli et Gianni Motandi.
Senza Buccia de Marcello Aliprandi montre un groupe d'adolescents partant en vacances en Eolie pour y pratiquer les joies du nudisme et les pratiques de l'amour et du sexe libre. Le plus timide rentrera en crise, difficile passage de cette adolescence à l'âge adulte, et rencontrera une femme plus âgée jouée par Olga Karlatos qui lui enseignera l'importance des sentiments. On retrouve également dans ce métrage qui ose exposer la nudité masculine frontale, une chose alors rare dans le cinéma italien, une toute jeune Lilli Carati et Ilona Staler.
Suggestionata de Alfredo Rizzo a le mérite d'avoir lancé la carrière de la toute jeune Gioia Maria Scola déjà vue chez Lattuada dans son documentaire sur les jeunes filles en fleur, Ragazze in fiore. Film assez cruel, il décrit l'histoire d'une adolescente étrange, mi-femme mi-enfant qui sombre progressivement dans la folie. Elle tentera de venger son père dépossédé de ses terres par un riche industriel en séduisant les deux fils de cet homme pour mieux les tuer.
Rizzo tournera ensuite Alessia... un vulcano sotto la pelle, plus embarrassant et malsain dans le thème qu'il met en exergue de façon malheureusement raté. Rizzo met maladroitement en scène une adolescente jouée par la sexy starlette Karine Verlier qui a passé toute son enfance recluse dans un couvent. A la mort des ses parents, elle revient chez ses oncles et y découvre les joies du sexe mais surtout les raisons de la mort de ses géniteurs. Sombrant lentement dans la folie, déstabilisée en découvrant la vraie nature humaine, elle met au point un plan diabolique pour se venger de toute sa famille.
Un des films qui restera comme un emblème du genre, vision d'une jeunesse coincée entre son désir de liberté, ses utopies et le carcan d'une société bourgeoise et décadente, est sans aucun doute Porci con le ali / Si les porcs avaient des ailes de Paolo Pietrangeli tiré de l'oeuvre scabreuse et qualifiée d'impie à sa sortie de Marco Lombardo Radice et Lidia Ravera. Situé à une époque de contestation et de révolution sexuelle, les années de l'utopie et des manifestations, Si les porcs avaient des ailes, film au langage cru et putassier, n'est qu'une vision acerbe de cette jeunesse perdue, voulant revendiquer leur propre autonomie tout en tentant de garder les valeurs anciennes inculquées. Le corps et donc la sexualité devient un moyen de faire connaissance mais également de montrer sa propre existence, sa vie sexuelle intérieure déchirée entre la famille et cette bourgeoisie réfrénant cette autonomie.
Toujours un air de contestation dans Desideria la vita interiore de Gianni Barcelloni qui fut l'assistant de Pasolini sur Porcherie. Choquée d'avoir découvert qu'elle a été adoptée, Desideria interprétée par la lolita par excellence Lara Wendel organise l'enlèvement de sa belle-mère jouée par Stefania Sandrelli mais après quelques expériences traumatisantes, des rapports ambigus et morbides vont naitre entre Desideria, ceux qui l'ont aidé et cette femme détestée. Malsain, particulièrement audacieux lors de certaines séquences (les menstruations de Desideria), le film de Barcelloni tente de mélanger politique et morbidité adolescente dans un cocktail souvent explosif.
Ce genre très spécial ne pouvait qu'engendrer des sous-genres repris par de grands thèmes du cinéma italien comme le giallo qui va faire rimer adolescence avec mort et autres actes pervers et manigances sexuelles souvent sur fond d'interdits religieux comme par exemple l'avortement.
C'est Massimo Dallamano qui ouvrira le bal avec son désormais très célèbre et réputé Mais qu'avez vous fait à Solange? puis La polizia chiede aiuto / La lame infernale où il condamne la société bourgeoise et le comportement frivole des jeunes d'aujourd'hui, fils de bâtards issus de la culture post-soixante huitarde.
Storie di vita et malavita / Teenage racket prostitution de Carlo Lizzani réalisé en 1975, film sombre, dérangeant et quasi documentaire avec Anna Rita Grapputo pose un autre jalon: la prostitution adolescente. Cette fois on ne se vend pas par besoin d'argent mais par ennui, par désespoir ou pour exercer un pouvoir sur l'homme. On découvre ses sens, sa féminité et c'est une forme aussi de rébellion contre la famille, fuir ses parents qui les gâtent mais ont trop peu de temps pour leur donner un peu d'attention ou pour contrer leurs instincts pervers comme la pédophilie.
Ces thèmes se retrouvent aussi dans des choses plus légères dont nous avons déjà parlé telles que La ragazzina / La lycéenne découvre l'amour, Blue jeans / Couples impudiques mais aussi La liceale / A nous les lycéennes de Michele Massimo Tarantini avec Gloria Guida ou La studentessa de Fabio Piccioni avec Christiana Borghi.
DAVID HAMILTON OU LA LOLITA MADE IN FRANCE:
On ne peut traiter de ce sujet sans évoquer un certain cinéma érotique français des années 70 et notamment celui de David Hamilton et de la plus controversée Catherine Breillat.
David Hamilton, ex-photographe londonien exilé très tôt en France connut une gloire certaine dans les années 70 via ses photos érotiques dont la marque de fabrique sera ce flou artistique et ces jeux de lumière dont il enveloppait ses nymphettes, photos clairement inspirées d'une de ses passions premières: la peinture. Il commence par publier des albums photos qui firent le tour du monde: Rêves de jeunes filles, Les demoiselles de Hamilton, Souvenirs et Collections privées.
Le très fort pouvoir érotique qu'exerçait ces nymphettes sur l'homme adulte était incontestable, apothéose de l'érotisation adolescente, transcendant tous les tabous. Hamilton devint alors un nouveau pionnier de l'érotisme à travers le monde et on lui propose de mettre en scène Emmanuelle en 1974 ce qu'il refuse. Le film est trop éloigné de ses propres fantasmes. Pour Hamilton, le cinéma a besoin de scénario et donc de temps. Faire des films l'intéresse mais il faut lui donner du temps afin qu'il en écrive de bons.
S'il avait déjà réalisé en 1972 un court-métrage intitulé Jeunes filles en fleur où il exposait la grâce de ses nymphettes, c'est en 1975 qu'il réalise en compagnie d'autres metteurs en scène son premier film Hildegarde Knef and her songs, l'histoire de la célèbre chanteuse allemande qui a 20 ans durant la guerre chantait dans des cabarets avant de se travestir en homme pour éviter la déportation qu'elle connaitra tout de même.
Il faut attendre 1977 pour qu'il mette en scène le film qui le rendra célèbre, Bilitis dont le scénario est écrit par Catherine Breillat. Comme d'accoutumée, David réutilise les jeunes modèles de ses photos pour son film dont Monica Christensen dans le rôle ici de la tante, sa jeune partenaire dans la vie. Bilitis est un joli prétexte pour étaler la beauté du corps d'adolescentes encore pures en les déshabillant dans des décors estivaux, entre dunes et rivières cristallines ou vieux cabanons, les initiant aux joies de l'amour saphique ou de la bisexualité par le biais de deux jeunes acteurs qui deviendront célèbres par la suite Bernard Gireaudeau et Mathieu Carrière. Bilitis est quant à elle jouée par Patti D'Arbanville fameuse alors pour son physique d'éternelle adolescente et sa sulfureuse scène lesbienne a seulement 16 ans dans Flesh de Andy Warhol / Paul Morrissey.
Hamilton récidive en 1979 avec Laura, les ombres de l'été où une nymphette jouée par Dawn Dunlap se laisse caresser sans pudeur par l'objectif d'une caméra et l'appareil photographique de sa mère, Maud Adams, qui explore sa fille nue.
Suivra le champêtre Tendres cousines dont le héros sera cette fois un adolescent de 14 ans joué par Thierry Savini cherchant à séduire sa jeune cousine Julia interprétée par Anja Schute. Tous les ingrédients indispensables à cet érotisme nubile sont là: promenades à bicyclette, baignades nues dans des bassins d'eau pure, dangereux jeux de séduction et travestissement, saphisme et premiers émois... A noter la présence de la toute jeune Fanny Bastien.
En 1983, il réalise Premiers désirs, un autre été, d'autres vacances, une ile inconnue et quatre jeunes Robinson Crusoé à la découverte de leurs corps et de leurs désirs frémissants. Et parmi ces quatre Robinson, on reconnaitra une toute jeune et débutante Emmanuelle Béart et Ann-Gisel Glass, future héroïne de A 16 ans dans l'enfer d'Amsterdam.
L'année suivante Hamilton mettra en scène son dernier film Un été à St-Tropez, un film quasiment dépourvu de dialogue reprenant le schéma de Jeunes filles en fleur.
Le cinéma de Catherine Breillat beaucoup plus controversé s'inscrit lui aussi en ligne directe dans ce cinéma adolescent. Si elle fit une apparition dans Dernier tango à Paris en 1972, Catherine est avant tout romancière et publia son premier roman en 1968, L'homme facile. Catherine comme elle le fera par la suite explore la difficile sexualité adolescente, la désintégration du couple et porte son regard acerbe sur le mâle dans notre société.
Ces thèmes, elle va les mettre en scène dans son premier film en 1976 Une vraie jeune fille qui provoquera en son temps un véritable scandale et ne sortira en Italie que 25 ans plus tard sous le titre L'adolescente.
Breillat y montre sans pudeur les fantasmes d'une adolescente en vacances chez ses parents, ses fantasmes mais également la découverte de sa sexualité ardente et difficile alors qu'elle la projette d'indécente manière sur un homme plus vieux qu'elle joué par l'insolent Hiram Keller. Urologie, vomi, fantasmes christiques- elle est crucifiée sur des barbelés après s'être fait introduire des lombrics dans le vagin, Une vraie jeune fille est un étalage de fantasmes, de frustrations et des tourments d'une adolescente jouée par Charlotte Alexandra, une des héroïnes des Contes immoraux et vue par la suite dans L'acrobate et Good bye Emmanuelle.
Breillat renouvellera l'exploration de ses thèmes favoris dans 36 fillette en 1988 ou Sale comme un ange en 1990.
Mais le cinéma français compte aussi quelques oeuvres sulfureuses qui en leur temps connurent nombre de déboires vis à vis de la censure de par leurs thèmes souvent scabreux, la France étant à ce niveau beaucoup moins permissive que l'Italie. On citera pour exemple Le souffle au coeur réalisé en 1974 par Louis Malle avec Lea Massari qui traite de l'inceste entre une mère et son fils de 14 ans, Malle n'ayant pas hésité à montrer les relations incestueuses de façon explicite ou quelques séquences plutôt osées pour l'époque comme celle où Benoit joué par le jeune Benoit Ferreux, le jeune héros et ses amis mesurent la longueur de leur pénis, découvrant leur jeune fierté masculine. Toujours de Louis Malle, comment ne pas citer l'oeuvre sulfureuse que fut en son temps La petite, film qui influença notamment Piccole labbra / La gamine.
Dans les années 80, le thème sulfureux de la lolita sera aussi repris dans La petite allumeuse de Danièle Lebroux où la jeune Alice Papierski, 14 ans, adolescente difficile, jette son dévolu sur un quadragénaire joué par Roland Giraud. Derrière son sujet difficile, le film de Lebroux vaut surtout pour sa peinture assez cruelle du milieu social du français moyen, ici divorcé, névrosé ou dépressif à cent lieues de la famille modèle de 3 hommes et un couffin.
La petite allumeuse rappelle également un autre film beaucoup plus dur cette fois Beau père de Bertrand Blier avec Patrick Dewaere et la petite Ariel Besse. Cette fois, l'adolescente après le décès de sa mère tombera amoureuse de son beau père, relation difficile entre une Ariel Besse impudique montrant sans honte son corps d'adolescente nue face à un Dewaere à fleur de peau.
Mais c'est en 1976 que la France connaitra un de ses plus gros scandales avec la parution du livre de la photographe roumaine Irina Ionesco. La célèbre artiste dans sa course à démontrer l'érotisation non pas de l'adolescence mais de l'enfance photographia nue sa propre fille Eva, véritable poupée blonde, dans des pauses plus que suggestives et lascives frisant le porno-soft. Elle deviendra sa modèle favorite et n'hésitera pas à la photographier travestie en prostituée ou en ange surréaliste, dévoilant son corps nu d'enfant pré-pubère sous toutes les coutures.
La jeune Eva Ionesco provoquera l'année suivante un autre scandale en apparaissant fugitivement nue dans le film Spermula lors de l'orgie finale, séquence retirée de toutes les copies du film tout comme le nom de la jeune actrice pour pédophilie latente. Eva deviendra surtout à 12 ans l'héroïne du sulfureux La maladolescenza où sans honte ni pudeur comme nous l'avons vu dans ce dossier elle affiche sa nudité pré-adolescente impudique et altière, et fait l'amour totalement désinhibée à son jeune partenaire Martin Loeb, le frère de la chanteuse Caroline Loeb.
LE POINT DE NON RETOUR:
Le point de non retour sera atteint avec certaines des oeuvres de Alberto Lattuada comme et surtout Le faro da padre / La bambina en 1974, l'incroyable La maladolescenza / Jeux interdits de l'adolescence de Pier Guiseppe Murgia en 1977, Nenè de Salvatore Samperi toujours en 1977, La gamine / Piccole labbra de Mimmo Cattarinich en 1978 et l'unique L'immoralità toujours en 1978 u cinéaste choc Massimo Pirri.
Nous allons sans plus tarder analyser ces quatre oeuvres assez étonnantes et uniques qui à elles seules représentent le genre et son infinie audace.
- LA BAMBINA:
Réalisé en 1974, Le faro da padre connu chez nous sous le titre évocateur de La bambina est une sorte de point de non retour dans la représentation de l'adolescence comme objet sexuel au cinéma quelques années avant l'unique Maladolescenza de Murgia même si les deux films ne sont en rien comparables. A cette époque, Alberto Lattuada, un des réalisateurs les plus controversés du cinéma italien, n'a plus rien à craindre de la censure qui bien souvent le foudroya par le passé et peut alors se laisser aller à tous ses fantasmes en abordant des thèmes le plus souvent pointus.
Clotilde est âgée de seize ans mais a l'esprit et le comportement d'une enfant de cinq ans. Elle est incontinente, ne parle que par onomatopées, pleure comme un nouveau-né. Si elle a le corps d'une adolescente, elle en a également les désirs et attire sur elle les regards masculins.
Fille d'une comtesse, c'est sa grand-mère qui s'occupe d'elle. La vieille femme la masturbe pour qu'elle s'endorme le soir, satisfaisant ainsi habilement les premiers émois de son ardente sexualité. Un refus de la part de la vieille femme et elle hurle comme une enfant. Satisfaite, elle s'endort alors comme un ange. Inconsciente de ses actes, Clotilde l'est. Mais lorsqu'elle urine au beau milieu d'une réception, elle témoigne d'une certaine intelligence. A sa manière elle trouve dans ce geste indécent une façon détournée d'attirer l'attention et le regard concupiscent des messieurs.
Clotilde est insatiable. Dans son univers restreint d'enfant attardée, le sexe est comme une échappatoire, un refuge, l'unique plaisir d'une vie végétative.
Sa mère perdue entre un mariage stérile et quelques stratégies immobilières crapuleuses s'intéresse plus à l'argent et aux manigances financières de son avocat qu'à cette fille qu'elle aime mais à sa façon. En se laissant séduire par son félon d'avocat, la comtesse est loin d'imaginer que cette relation va se retourner contre elle. Quand l'avocat découvre Clotilde, s'il est tout d'abord mal à l'aise devant cette enfant, il sera rapidement séduit par sa spontanéité, son naturel, son irrésistible charme et l'innocence qu'elle refléte. Il tombe vite amoureux de l'adolescente malgré son handicap mental.
Dés lors, Lattuada va oser toutes les provocations en bravant l'interdit. Non seulement son héroïne est une adolescente en plein éveil sexuel mais c'est de surcroît un adulte qui en tombe amoureux, l'idolâtre et organise son kidnapping. Clotilde sauvage et farouche au départ, va apprendre à connaitre cet homme. Dans son esprit d'enfant, elle voit en l'avocat celui qui la nourrit et s'occupe d'elle. L'adolescente sauvage se fait docile, lui sourit comme elle souriait à un poupon, apprend à l'aimer. Elle voit aussi en lui ce mâle que son corps réclame. Après la gène coupable, l'avocat, touché au plus profond de son âme par cette adolescente, va l'aimer comme une femme et jouer avec elle comme avec une enfant. Il va s'éprendre d'elle jusque à en tomber fou amoureux, ne plus concevoir sa vie sans elle, l'aimer jusqu'à la coprolâtrie. Quand Clotilde s'oublie, urinant et déféquant sur lui lors d'un jeu, il ramasse les excréments, les porte à ses lèvres comme une offrande: Je t'aime Clotilde, j'aime tout de toi donc j'aime aussi ta merde! déclame t-il solennellement. Désormais, Clotilde ne peut plus se passer de lui, autant son corps que son coeur réclament l'avocat. Tant et si bien que lorsqu'elle retrouve sa mère après avoir été enlevée et violentée, Clotilde va dépérir, refuser de s'alimenter et demeurer prostrée sous son berceau géant. Sa mère acceptera que l'avocat l'épouse à la grande joie de Clotilde.
Derrière ce scénario scabreux, cette histoire souvent grotesque, Le faro da padre, qui jadis fut sujet à polémique et fortement controversé et critiqué lors de sa sortie en Italie, n'est pourtant jamais qu'une comédie romantique, aussi acide et amère soit elle, qui prend pour base principale l'adolescence comme attrait sexuel mais également la décadence et le vice de la haute bourgeoisie, un thème alors très en vogue dans le cinéma italien. Le cinéaste agrémente l'ensemble de quiproquos et autres situations vaudevillesques, essence même de la comédie à l'italienne. Si Lattuada comme beaucoup d'autres de ses confrères l'avaient fait déjà fait notamment au travers des premiers films de Gloria Guida, se permet de mettre en scène une relation interdite qu'on pourrait presque qualifier de pédophile La bambina est avant tout une magnifique histoire d'amour d'une rare émotion qui ne laissera personne indifférent. Sous son aspect cynique et insolite se cache en fait un drame terrible que Lattuada magnifie par de très belles images et une interprétation parfaite de la part de Irene Papas dans le rôle de la comtesse et Luigi Proietti dans la peau de l'avocat. Mais toute la force du film en revient à sa jeune interprète Theresa Ann Savoy dont c'était le premier film. A tout juste seize ans, Theresa irradie l'écran et possède un professionnalisme rare. Drôle, émouvante, Theresa parvient à attendrir et tirer les larmes au spectateur. Theresa EST tout simplement Clotilde et de son incroyable jeu nait toute la force du film. Lattuada caresse son corps nubile de sa caméra, découvre son intimité sans pudeur, sublimine l'érotisme post pubère (Theresa dormant nue dans son berceau tel un ange).
Jadis sorti en salles en France mais totalement oublié depuis, devenu avec le temps plutôt rare en Italie, La bambina n'est jamais qu'une superbe histoire d'amour d'une rare intensité, un pur joyau de ce cinéma autre prenant comme base le mythe interdit de la lolita comme seule l'Italie a pu et su jadis en faire, brillamment intelligent, tendrement émouvant et si joliment scandaleux. Un de ces nombreux exemple type de films politiquement incorrects et particulièrement courageux qu'il serait aujourd'hui totalement impensable de pouvoir réaliser. Derrière l'émotion et l'aspect scabreux de cette histoire, La bambina fait partie des vestiges de ce cinéma italien qui bravait alors tous les tabous et interdits avec une assurance stupéfiante.
- L'IMMORALITA:
La scène d'ouverture donne le ton: un homme, Federico, enterre une fillette dans un terrain vague. Dès les premières images émane quelque chose d'insidieux et particulièrement malsain. Un étrange sentiment de malaise saisit le spectateur à la gorge à la vision de ce film que l'Italie qualifia jadis d'obscène. La sortie de L'immoralità provoqua un véritable tollé, hué par la critique. Ce n'est que récemment que le film fut réhabilité puis acclamé avant de devenir une sorte de culte du teensploitation italien par le biais du DVD qui a été édité.
Spécialiste d'un certain cinéma d'exploitation souvent dérangeant, Massimo Pirri signe là une oeuvre forte, troublante mais surtout effroyablement intelligente, désespérée, maladive presque morbide.
Simona est une petite fille solitaire dont l'unique passion sont les tortues et les oiseaux. Ces animaux la symbolisent. Elle porte la carapace de la tortue pour se protéger du monde extérieur, elle est comme un petit oiseau fragile et sauvage enfermé dans une cage à l'intérieur de l'univers qu'elle s'est crée, à l'image des oiseaux qu'elle élève dans l'immense volière du jardin familial.
Le jour où elle recueille en cachette Federico, tueur psychopathe blessé lors de sa fuite, c'est pour elle comme une révélation, une sorte de coup de foudre. Une relation aussi forte qu'ambigüe va lentement s'instaurer entre eux. Federico est un oiseau blessé qu'elle veut sauver et à qui elle donnera le peu d'amour qui lui reste dans le coeur.
De son coté, elle fascine cet homme qui devra lutter dans un premier temps contre ses terribles démons intérieurs avant d'adopter la fillette comme un animal s'éprend de son sauveur.
Simona représente ce qu'il aurait toujours aimé être. S'il tue les enfants c'est pour éviter qu'ils deviennent adultes, s'il les viole c'est pour se donner l'impression qu'il est resté enfant. C'est là un effroyable jeu de transgression. Federico a conscience du désespoir et de l'immense vide qu'est la vie de Simona d'où cet amour qui va lentement naître entre eux.
La vie de Simona, c'est d'une part un père paralytique cloué dans un fauteuil roulant avec qui elle ne peut rien faire ni partager. Il est tel un zombi qui regarde à longueur de journée passer le temps sur les horloges qui décorent le salon. C'est d'autre une mère ignoble, monstresse alcoolique, putain bourgeoise et nymphomane qui hait ce mari qui la répugne et cette fille qui lui rappelle son passé. Elle n'attend plus que la mort de ce mari inutile afin d'hériter de sa fortune et pouvoir enfin fuir et se sentir vivre. Elle est elle aussi à sa façon un oiseau encagé qui attend le jour où il s'enfuira de sa prison pour s'envoler vers cette liberté salvatrice tant désirée. Elle pourra ainsi s'extirper de cette abîme qu'est devenue sa vie, croupissant dans une routine insupportable.
Liberté est le mot clé du film. Il est comme une bouffée d'oxygène qu'un noyé tenterait désespérément de chercher à la surface de l'eau. Simona, enfant déjà trop adulte et sans avenir, vit seule, retranchée dans cette noirceur.
Peu de film ont dépeint de façon si intense le désespoir, le néant d'une vie. L'aura de la mort se cache derrière ces semblants d'existence. Chaque mot, chaque geste, chaque regard est ici comme un couteau qui s'enfonce un peu plus chaque jour dans l'âme des protagonistes les tuant lentement en une longue agonie.
Les personnages de Pirri sont odieux et pitoyables, des parents de Simona au commissaire vicieux dont le plaisir est d'aller là où est "la merde pour mieux la retourner" et ces citoyens fascistes et hystériques.
Tous plus abjects les uns que les autres, le maniaque fait soudain figure d'ange. Il est peut être le plus pur, le plus sain d'entre eux. Il refuse de devenir comme tous ces gens comme il refuse ce monde d'adultes. La relation contre-nature qu'il entretient avec Simona part d'un amour pur et profond. Il est le père, l'ami, le confident mais aussi l'amant.
L'immoralità nous offre une scène impensable de nos jours lorsque Simona s'offre à Federico dans la salle de bain. Dérangeante certes même si le réalisateur a eu recours à une doublure elle reste une superbe et émouvante séquence qui aurait pu être particulièrement scabreuse et choquante mais qui sous l'objectif de Pirri devient un moment d'une infinie tendresse, jamais complaisant ni voyeuriste.
En découvrant l'existence de Federico, la mère volage le volera à sa fille et, narquoise, se donnera à lui sous ses yeux attisant la haine qui les lie. Pirri a réussi le tour de force d'imager à la perfection et avec une force remarquable l'exaltation du mépris, de la haine et de l'humiliation. La vie a fait de tous ces êtres des personnages monstrueux, abjects, une monstruosité qui atteint des sommets de cruauté lorsque cette épouse fera tomber de sa chaise roulante son mari afin de le voir ramper alors qu'il hurle qu'il n'est pas prêt de mourir et par conséquent de léguer sa fortune.
Odieuse, elle demandera alors à Federico de tuer ce mari impotent, de supprimer cet obstacle à sa liberté. Un enfant ou un homme quelle différence, tuer c'est tuer. Froide, sans pitié, prête à toutes les bassesses, ouverte à tous les vices, elle est l'être le plus pitoyable qu'on puisse imaginer, rongée, dévorée par le désespoir.
Dés lors, Simona n'a plus rien. On lui a tout pris et le suicide de son père la poussera au drame inexorable. Elle tuera de sang froid le commissaire venu "baiser la chienne" comme il aimait le dire, abattra sa mère qui trouvera enfin cette liberté salvatrice tant attendue dans la mort, défiant sa fille une dernière fois de son indécente nudité de vieille femme fatigué. Elle prendra Federico par la main, l'enfermera dans la volière du jardin. Plus que jamais il symbolise cet oiseau sauvage, criant son amour pour l'enfant. Federico est heureux jusqu'aux terribles et intenses images finales toute empreinte de cruauté, inexorable drame pour une conclusion glaciale où seule la mort peut libérer les âmes.
Magnifiquement mis en scène, le film est un véritable coup de poing, un film cruel et bouleversant sur le néant de la vie d'êtres sans avenir bercé par la très belle musique d'Ennio Morricone d'une absolue tristesse.
A film exceptionnel, distribution exceptionnelle: Mel Ferrer est ce père las et grabataire, Howard Ross incarne le maniaque et Lisa Gastoni dont ce fut l'un des derniers grands rôles est une mère exécrable mais pitoyablement émouvante.
C'est l'extraordinaire Karin Trentephol qui joue Simona, actrice suisse de onze ans, absolument incroyable et fascinante qui porte une bonne partie du film sur ses frêles épaules. Elle est l'anti-thèse de Eva Ionesco, véritable petite poupée blonde sophistiquée au regard pervers dans La maladolescenza, alors que la brune Karin, nouvelle enfant-femme, a la beauté ingrate de l'adolescence pré-pubère, fascinante avec sa coupe au bol, perchée sur ses chaussures à semelles compensées et moulée dans ses mini-shorts, un visage de glace et un regard vide dans lequel ne brille que la lassitude de vivre.
L'immoralità est un des plus incroyables films que l'Italie ait tourné, un film unique aujourd'hui totalement impensable qui continuera longtemps encore à hanter l'esprit du spectateur et témoigne de l'audace dont pouvait alors faire preuve l'Italie en matière de cinéma.
- LA MALADOLESCENZA:
La maladolescenza devenu Jeux interdits de l'adolescence pour la rarissime édition vidéo française fait sans nul doute partie des films les plus scandaleux et audacieux qu'ait connu l'Italie des années 70, une oeuvre très difficile d'accès au parfum de scandale où plane une ombre sournoise de pédophilie pour celui qui voudrait y voir à mal. La maladolescenza n'est pourtant ni plus ni moins qu'une illustration certes osée de l'éveil des sens de l'adolescence, le passage toujours difficile de l'enfance à l'adolescence et de l'adolescence à l'âge dit adulte. C'est également une tentative incroyablement osée de montrer que les enfants ont eux aussi à la base une sexualité qu'ils seront amenés à développer.
Trois et uniquement trois protagonistes représentent ici cette magique mais pourtant si douloureuse transition: Fabrizio, dix sept ans, Laura son amie d'enfance, treize ans, qui malgré ses formes naissantes n'est encore qu'une enfant et Silvia, onze ans, véritable petite poupée blonde qui possède déjà les désirs et la perversité d'une femme. La maladolescenza est l'histoire de cet étrange trio qui à travers leurs jeux où la sexualité est omniprésente oscille sans cesse entre perversité et méchanceté, innocence et fraîcheur. Voilà une fable perverse, cruelle, un hymne cru sur le passage traumatique de l'enfance au stade adulte, l'éveil de la sexualité et du corps. La sexualité n'est faite que de fantasmes qu'on ne maîtrise pas encore vraiment qui au final ne sont que des jeux aussi durs et cruels soient ils réservés en temps normal aux adultes. Tout enfant et adolescent s'est un jour
considéré adulte, a voulu jouer à l'adulte à travers ce type de jeux. La cruauté, l'humiliation, la perversité et même la perversion ne sont ils pas inhérents à ces périodes de la vie que sont l'enfance et l'adolescence? Les séquences d'urophilie (ou la représentation du stade pipi-caca propre à ce stade de la vie et directement ou indirectement lié à la sexualité de l'enfant), l'odieuse rivalité entre les deux fillettes, les sévices que Laura doit endurer en guise de punition, le massacre de l'oiseau, la cruauté tant verbale que physique de Fabrizio, adolescent perturbé par ses désirs qui trouvent écho dans la perversité, la maturité et la grossièreté de Silvia, ne sont que le reflet de leur lente transformation au cours de laquelle ils redeviennent de simples enfants lors de séquences totalement innocentes et pleines de fraîcheur comme lors de leurs promenades champêtres lorsqu'ils se roulent nus dans l'herbe. L'absence d'adultes d'ailleurs fait que l'âge est constamment mis en filigrane.
C'est un peu le Paradis corrompu, une revisitation amorale du mythe d'Adam et Eve que les choeurs angéliques d'une partition musicale symphonique pastorale renforcent. Il n'y a donc plus d'innocence, plus rien n'est préservé et l'humanité est odieuse dès le premier âge. Elle divise les individus entre bourreaux et victimes semble vouloir démontrer Murgia. Cette démonstration culmine lors du morbide et inéluctable final.
Vu sous un autre angle La maladolescenza pourrait être qu'une sorte de rêve. La séquence d'ouverture qui montre Fabrizio entrain de dormir nu aux cotés de son chien Xylot n'est peut être que l'illustration des désirs les plus inavouables du jeune garçon qui désire sa cousine encore trop prude et innocente pour satisfaire ses envies coupables. Silvia serait alors le double pervers de Laura, l'incarnation du mal, de la tentation, du péché de chair et du stupre. Les trois enfants pourraient alors personnifier Adam, Eve et Lilith folâtrant dans cet Eden vert où ils se laissent aller au vice et la corruption de la chair. a moins que tout simplement ce prologue ne cherche qu'à imager le coté bestial de tout être humain. Chacun se fera sa propre opinion.
La grosse polémique à l'époque de la sortie de La maladolescenza fut l'âge des jeunes acteurs d'une part et d'autre part la façon dont Murgia s'attardait sur leur corps, visant une érotisation extrême de l'enfant. Il en va de même pour certaines situations fort compromettantes notamment lors des étonnantes scènes d'amour où Silvia se donne à Fabrizio, véritable femme prisonnière involontaire d'un corps d'enfant, caressant par instant les frontières même de la pornographie soft. Murgia filme le tout d'une manière approximative donnant au film un aspect semi-clandestin qui rappelle ces produits destinés au marché underground et renforce par la même le coté malsain-vérité du film.
Entièrement tourné en 1977 dans les bois et champs verdoyants d'une permissive Autriche, La maladolescenza divisera toujours le public. S'il ne s'agit là que d'une illustration crue et sans détour de l'éveil des sens, on pourrait reprocher et même accuser Murgia de se contenter de placer sa caméra en voyeur, d'exploiter un sujet délicat pour en faire une oeuvre malsaine et complaisante destinée à satisfaire les instincts répréhensibles et pervers du spectateur mais le cinéma n'est il pas l'oeil de la vie? Il a simplement choisi de montrer sans artifice aucun mais en plaçant le spectateur dans une position particulièrement gênante cette difficile et ambigüe étape de la vie dans ce qu'elle a de plus naturellement osée en prenant pour base le fait que chacun de nous a connu un jour ou l'autre ce que le film tente d'imager. L'absence de tout adulte désamorce d'une certaine façon le coté sulfureux et interdit qu'il aurait pu avoir. La maladolescenza dont le titre de travail fut Spielen wir liebe reste pourtant un film profondément intelligent derrière ce coté dérangeant, une superbe étude sur la "maladolescence" et ces difficiles moments qui peuvent mener à la destruction.
Tout le film repose sur les épaules de son jeune casting, formidable en tout sens. Lara Wendel, fille de l'actrice Britta Barnes, avait débuté petite fille dans I ragazzi del massacro et Il profumo della signora in nero. Elle avait treize ans lors du tournage et continua dans ce registre, cataloguée comme nouvelle lolita perverse du cinéma italien avant
de finir chez Joe D'Amato et Umberto Lenzi (Ghost House, Killing birds), Martin Loeb avait dix-sept ans et n'est autre que le frère de la chanteuse Caroline Loeb, inoubliable interprète de "C'est la ouate". Il s'était auparavant illustré dans le film de Jean Eustache, Mes petites amoureuses qui là encore traitait des problèmes de l'adolescence. On le reverra par la suite chez Pierre Zucca pour Roberte. Mais on retiendra surtout celle par qui le scandale arriva, la petite et troublante Eva Ionesco, onze ans, fille de la célèbre et sulfureuse photographe roumaine Irina Ionesco qui avait déchainé les foudres en publiant un livre sur l'érotisation de l'enfant en photographiant nue sa fille dés l'âge de quatre ans dans des poses lascives et plus que suggestives aux limites parfois du surréalisme. D'une spontanéité et d'un naturel étonnant, éminemment troublante, alliant à la perfection candeur et perversité, maturité et innocence, Eva, aussi angélique que vénéneuse, est l'atout majeur de ce film singulier et unique en son genre.
Intelligent dans sa démarche outrancière aussi ambivalente et douteuse soit elle, voilà une très belle et audacieuse étude d'un stade déterminant de la vie de l'homme même si la polémique sur le travail de Murgia dont ce fut un des rares films de sa courte carrière de cinéaste ne cessera semble t-il jamais. La maladolescenza est surtout un parfait témoignage d'une époque où on prônait la totale liberté sexuelle, où l'Italie ne se donnait aucune barrière, explosant sans retenue tous les tabous de notre société y compris celui ci, un des plus difficiles et délicat. Le film de Murgia est en ce sens un parfait exemple si ce n'est l'apothéose de ce que la teensploitation transalpine a pu donner alors. En cela, La maladolescenza demeure en effet un film unique aujourd'hui totalement impensable et surtout réalisable, une oeuvre exceptionnelle devenue au fil du temps un véritable culte pour un certain public, un graal recherché par bon nombre de curieux et de passionnés devenu aujourd'hui très rare car strictement interdit dans la plupart des pays.
Pour nous, il s'agit là tout simplement d'une véritable gemme, un petit trésor, quintessence même de ce cinéma subversif que nous vénérons. Voilà tout simplement à nos yeux un véritable chef d'oeuvre dont chacun se fera une opinion très personnelle selon ses propres valeurs aussi bien éthiques que morales. La maladolescenza est tout simplement inclassable.
- LA GAMINE:
Parfait exemple d'un cinéma d'exploitation italien qui osait alors toutes les audaces afin de mettre en images les plus gros mais également les plus dérangeants tabous de notre société Piccole labbra connu sous différents titres français dont Histoire d'Eva, La gamine ou encore Le dernier espoir et réalisé par Mimmo Cattarinich se rapproche assez de La petite de Louis Malle dont il pourrait être un remake particulièrement osé. Contrairement à
La maladolescenza / Jeux interdits de l'adolescence de Pier Giuseppe Murgia qui prenait pour base l'éveil des sens et le douloureux passage de l'enfance à l'adolescence, Piccole labbra raconte l'histoire d'un homme brisé, fasciné par une pré-adolescente en plein éveil sexuel. Impuissant, il ne peut vivre cet amour interdit qu'au travers de fantasmes. Cela offre au réalisateur l'occasion de mettre en scène d'étonnantes séquences de rêves, désespérés, torturés, où Paul photographie Eva, se laissant ainsi aller à ses désirs. De ces photos, il en fait un livre intitulé Histoire d'Eva. (Devrait on y voir un clin d'oeil au livre d'Irina Ionesco?)
Cattarinich, ancien photographe pour Pasolini et Fellini dont ce fut le seul et unique film, donne à ces scènes ont un coté surréaliste, onirique, en multipliant à l'infini les simili-flous artistiques dans lesquels évolue la petite fille qu'il transforme en une sorte d'Alice au pays des interdits, flirtant aussi bien avec Lewis Caroll qu'avec David Hamilton et ses jeunes filles en fleur.
Pourtant derrière cette nouvelle érotisation de l'enfant aussi scabreuse puisse t-elle paraitre Mimmo Cattarinich raconte avant tout avec beaucoup de sensibilité et d'émotion l'histoire
d'un homme désespéré qui n'attend plus rien de la vie, un homme mort avant d'être mort, le récit doux-amer d'un amour interdit. Eva n'est au final qu'une version particulièrement pointue et surtout perverse du mythe de la Lolita puisqu'elle se laisse aimer par cet homme qu'elle détruit lentement pour mieux l'abandonner pour un jeune gitan, un acrobate de cirque ambulant qui finalement la déflorera. Paul les surprendra et ne s'en remettra pas, perdant ainsi sa seule et unique raison de vivre. Désespéré, il se suicidera en se tirant une balle dans la tête après avoir fini d'écrire les ultimes lignes de son livre dans lesquelles il résume sa détresse et la cruauté de la vie.
Sombre, tragique, audacieusement érotique, La gamine pourra déranger, mettre mal à l'aise les plus fermés d'esprit, puisque tout au long du film plane sur lui l'ombre sournoise de la pédophilie. Le réalisateur ne fait pourtant que mettre en scène de simples fantasmes aussi osés soient ils, ceux d'un homme tourmenté devenu impuissant qui à travers cette petite paysanne a retrouvé gout à la vie, partagé entre des élans paternels et des désirs plus implicites et coupables qu'il ne pourra jamais réaliser si ce n'est dans ses rêves. Piccole labbra n'est jamais qu'une nouvelle adaptation de l'éternel thème de l'irrésistible attraction
entre un homme adulte et une (pré) adolescente, située cette fois dans le contexte de la Grande Guerre, mais également des conséquences tragiques qui en découlent. Si la jeunesse peut avoir un effet thérapeutique, elle peut être aussi synonyme de mort et de destruction. On pourra rapprocher le personnage de l'écrivain de celui de Dirk Bogarde dans Mort à Venise de Visconti, on notera d'ailleurs que tout deux sont habillés de blanc, à la différence près que Paul se rapproche plus ici du personnage de Marc Porel dans La longue nuit de l'exorcisme puisque moralement il s'éloigne cette fois du héros de la lolita de Nabokov.
Les plans de nu adolescent pourront certes choquer mais la nudité, toujours justifiée, s'inscrit ici dans un contexte totalement artistique. Cattarinich, tout audacieux soit il lorsqu'il caresse de sa caméra le corps nu d'Eva, glisse sous ses jupons, l'observe dans le bain ou la déshabille avec sensualité, reste avant tout un esthète qui à l'instar de Hamilton filme avec grand soin sa petite héroïne, véritable peintre qui donne vie à de superbes tableaux vivants comme en témoigne le plan sur la fillette allongée nue sur un magnifique divan prenant innocemment la pose comme lorsque bien des années plus tôt Romina Power posait en
tenue d'Eve pour son jeune peintre dans Justine ou les infortunes de la vertu.
Bercée par une envoûtante partition musicale signée Stelvio Cipriani, Piccole labbra doit également beaucoup à son interprétation de ses deux principaux acteurs, d'une part la petite Katya Berger, fille de l'acteur William Berger, alors âgée de 13 ans, qui joue avec beaucoup de conviction et d'audace le rôle d'Eva,
d'autre part le sombre mais talentueux Pierre Clementi qui tout au long des années 70 se spécialisa dans le cinéma contestataire. Non crédité au générique, on reconnaitra Michele Soavi alors adolescent, dans le rôle du jeune acrobate qui prendra sa virginité à Eva.
Piccole labbra, resté très longtemps quasi introuvable faute à ses nombreuses scènes de nu adolescent, gros scandale lors de sa sortie en Italie, mutilé de plus de 10 minutes en Angleterre, s'il demeure aujourd'hui encore un film beau et particulièrement troublant, cruel et désespéré, moins réussi que La maladolescenza, il est surtout à l'instar de ce dernier un des plus parfait exemple d'un cinéma d'exploitation d'une effarante audace aujourd'hui totalement impensable, le témoignage pelliculaire d'une époque à jamais révolue.
- NENE:
Dès la fin des années 60, Salvatore Samperi s'est spécialisé dans la comédie aigre douce érotique qui traitait le plus souvent d'un sujet alors tabou et difficile, l'inceste. C'est dans la voie ouverte par La maladolescenza qu'il s'engouffre en 1977 en mettant en scène Nenè qui malgré son douloureux et émouvant sujet restera un cuisant échec en Italie lors de sa sortie.
C'est dans l'Italie de l'après-guerre, en plein chaos politique et social, écrasé par le conservatisme et dirigé de main de fer par l'Eglise que vivent les parents du petit Ju. Sa mère est une femme soumise et battue mais toute dévouée à son mari, un homme avare. Il est l'incarnation de l'autorité mâle toute puissante qui règne la trique à la main dans ce décor campagnard et cette maison jadis magnifique aujourd'hui croûlante dans laquelle par avarice il oblige sa famille à rester. Non loin se dresse une serre abandonnée où se réfugient les anciens partisans aujourd'hui considérés comme rebuts du pays.
Dans cet univers délabré, il y a Ju, tout juste sept ans, petit garçon incompris qui voudrait déjà être adulte. Il s'intéresse aux choses de la vie afin de se sentir exister et se donner une certaine importance dans un monde d'adultes dans lequel il ne trouve qu'incompréhension. Pourtant, Ju est toujours un enfant, innocent, jouant à homme/femme en cachant son sexe devant son miroir, tentant de comprendre ces différences qu'on ne saisit pas encore à cet âge.
L'arrivée de sa cousine Nènè, quinze ans, orpheline, va bouleverser sa vie. Nènè est une adolescente mature, presque femme, décidée à s'amuser et vivre pleinement sa vie malgré l'autorité de son oncle et les pleurs incessants de sa tante. Si elle tombe vite amoureuse de Rodi, un ex-partisan mulâtre, elle ne se sent pourtant pas encore prête à se donner à lui, se sentant encore au fond d'elle une enfant. C'est tout naturellement sur Ju qu'elle va jeter son dévolu. Il est la part d'enfance qui lui reste en elle, elle est la part de maturité que Ju aimerait déjà avoir, l'adulte qu'il rêverait d'être. Dès lors ce sont des jeux troubles auxquels ils vont se livrer, plus tout à fait innocents.
Si au départ on joue au docteur, elle l'invite rapidement dans son lit décidée à faire son éducation sexuelle. Samperi se laisse alors aller à quelques audaces de scénario même s'il sait rester pudique. Jamais il ne sombre dans le graveleux et le vulgaire.
Les choses vont alors basculer. Incompris par sa famille, déçu des adultes en général, Ju, attisée par les jeux inconscients de sa cousine et par la relation privilégiée qu'il a avec, tombe amoureux d'elle jusqu'à ne plus vouloir la partager surtout pas avec Rodi. Jaloux, de plus en plus seul, Ju souffre en silence et l'attitude de Nènè n'arrange rien. Si elle lui repète qu'il n'est qu'un enfant et elle une femme, dans son inconscience d'adolescente, elle continue à jouer avec lui. elle ne s'apercoit pas de la souffrance de l'enfant qui grandit chaque jour et le brise.
La confusion des sentiments est telle qu'il devient son confident, seule oreille à qui elle peut confier ses secrets les plus intimes, elle devient son jouet, s'offrant à ses désirs d'enfant-adulte.
Pensant être désormais un homme, se sentant aimé, Ju n'en est pas moins totalement perdu et déstabilisé par cette vie qui n'est ni la sienne, ni de son âge. Lentement il perd pied jusqu'au terrible drame le jour où l'Italie perd tout espoir de renouveau aux élections. Son père surprendra Nenè faisant l'amour à Rodi le mulâtre, pour lui un fils de bête. Brutalement corrigée sous les yeux de l'enfant qui les espionnait, Ju sombre dans la folie et détruira toute sa vie.
Nenè c'est le drame d'un enfant incompris de sa famille prise dans la tourmente d'un pays en plein chaos à la sortie de la guerre et qui va chercher ailleurs ce qu'il n'a pas. C'est le drame d'un enfant qui aimerait comprendre ces choses de la vie qu'on dit interdites et blasphématoires mais qu'il observe et dont il entend parler, un enfant à qui on répète que les femmes sont soit malheureuses soit des putains ou des truies. Ces femmes ce sont sa maîtresse d'école, tant de fois cocufiée et désenchantée, à qui il aimerait faire l'amour s'il était grand car il la trouve belle et intelligente afin de la voir heureuse, c'est sa cousine, belle et gentille qui le traite en homme et l'écoute, délurée lorsqu'elle fait son éducation sexuelle. C'est aussi sa mère, femme malheureuse et soumise, battue par ce père, autorité mâle qu'il deteste et jalouse, symbole de l'interdit et du mensonge tout comme le prêtre et ses sermons qui interdit le sexe au nom de Dieu tout puissant.
C'est le drame d'un enfant terriblement seul qui ne sait plus qui il est, coincé entre ce qu'il est et aimerait déjà être dans un pays qui ne sait plus où il va, emporté par le chaos politique, écrasé par un conservatisme extrême, dirigé de main de fer par l'Eglise toute puissante.
C'est aussi l'inconscience de l'adolescence et de ses jeux dont on ne voit pas toujours la portée et qui mène au drame inéluctable.
Samperi signe un film émouvant qui mé*êle la comédie italienne traditionelle qu'on retrouve par petites touches et le drame adolescent, terrible, ainsi que tous les éléments qui faisaient alors le cinéma italien. Bercé par les guitares et les mandolines où se greffent quelques airs d'opéra et de chants gregoriens,
Nenè bénéficie d'une belle photographie qui met en valeur ce décor campagnard, cette maison croulante et cette serre, refuge des héros.
Contrairement à La gamine ou La maladolescenza qui mettait un point d'honneur à filmer la nudité des enfants en parcourant leur corps et leur intimité, Samperi a choisi la carte de la pudeur. Nenè est totalement dépourvu de scènes de nu ou de séquences sulfureuses. On reste dans la légereté de l'innocence malgré l'aura sulfureuse de l'histoire et la tentative audacieuse de certains plans.
On saluera l'interprétation du tout jeune Sven Valsecchi, sept ans alors, parfaitement à l'aise dans la peau de ce bambin, d'un naturel étonnant.
A ses cotés, Leonora Fani, spécialiste des rôles d'adolescentes perverses, est une Nenè impétueuse même si désormais son corps de femme ne fait plus guère illusion dans ce type de rôle.
On saluera aussi la prestation de Paola Senatore en mère soumise et dévouée, émouvante et juste, loin des rôles qu'elle interprétait alors montrant à quel point elle pouvait avoir du talent sans pour cela se déshabiller.
On remarquera l'apparition d'Ugo Tognazzi en électeur désillusionné, émouvant dans son discours final.
LES ENFERS ARTICIELS DE LA MALADOLESCENCE:
Si on a tous en tête le film de l'allemand Ulrich Edel Moi Christiane F. 13 ans droguée prostituée réalisé en 1981 qui fut un des gros scandales et surtout succès de cette année, l'Italie s'était déjà penchée sur ce douloureux problème qu'est cette maladolescence qui part à la recherche du plaisir à travers les paradis artificiels, ces anges déchus en quête d'un peu de bonheur dans une vie qu'ils ne maîtrisent pas. L'Amérique avait déjà souvent traité le thème, que ce soit dans un cinéma qu'on qualifiera de grand public ou dans un cinéma beaucoup plus voire totalement underground comme celui du tandem Warhol-Morissey- Flesh / Trash / Heat ou même Cocaïne.
En Italie, le phénomène drogue apparut surtout au milieu des années 70 avec notamment en 1975 Anna de Alberto Grifi et Massimo Serchielli racontant l'histoire d'une adolescente de 17 ans toxico-dépendante et enceinte qu'un acteur va ramener chez lui afin d'en prendre soin. Filmé en noir et blanc et en vidéo sous forme d'un documentaire de onze heures, le film dans sa version finale sera ramené à quatre heures.
Mais le vrai premier film à traiter de ce phénomène de manière irrévocable sera Roma drogata: la polizia non puo intervenire de Lucio Marcaccini avec Anna Rita Grapputo et Patrizia Gori. Le film montre une poignée d'adolescents contestataires d'origine bourgeoise passant leur temps à prendre de l'héroïne jusqu'au jour où l'un d'entre eux sera hospitalisé suite à une overdose emmenant un inspecteur à faire la chasse au traffic de stupéfiants tout en affrontant l'hypocrisie bourgeoise.
Encore plus nihiliste est Perché si uccidono le merde de Mauro Macario en 1976 où un adolescent en mal de vivre découvre les drogues dures par le biais d'une amie jouée par Leonara Fani, choix qui le menera à la déchéance, au meurtre, à la violence, au viol et au suicide.
Deux films désespérés traitant de l'enfer de la drogue et de la prostitution adolescente furent tournés par Gianni Minello en 1976. Le premier est Nel cerchio, film souvent présenté lors de festivals comme Cannes ou Venise mais resté inédit et foudroyé par la censure. Il conte la vie d'un jeune adolescent sarde de 17 ans parti travailler à Venise mais arrêté pour vol. Après avoir connu l'enfer de la prison et ses sévices sexuels, il devra se prostituer pour survivre après avoir été libéré.
Le deuxième est Un ragazzo come tanti qui narre cette fois la vie de Pino, un adolescent venu vivre en ville afin de quitter le monde rural. Croyant y vivre ses rêves, il ira de désillusions en déceptions. Il sombrera dans la drogue et la prostitution avant qu'un artiste homosexuel ne tombe amoureux de lui et tente de le sortir de la misère.
Les deux films de Minello aujourd'hui quasi invisibles deviendront au fil du temps des classiques du film gay. Il réalisera en 1983 un autre film, plus soft cette fois, I ragazzi della periferia Sud qui retrace la déchéance de deux soeurs obligées de se prostituer pour survivre dans la banlieue romaine. La drogue n'est pas ici le sujet principal, il en est très peu question.
Plus un véritable documentaire en noir et blanc qu'un film de fiction, L'imperatore di Roma de Nico d'Alessandria retrace la vie d'un junkie romain. Particulièrement émouvant, ce film-reportage interprété par un vrai héroïnomane qui joue son propre rôle nous fait simplement vivre son quotidien avec précision et poésie sans occulté le coté tragique de son histoire.
Quant à Bambulè de Marco Modugno, il nous présente trois jeunes garçons romains sans réel avenir malgré leur situation sociale plutôt avenante unis par le même désir: oublier leurs désillusions dans la drogue et trouver suffisamment d'argent afin de pouvoir quitter la ville et s'installer au Brésil dans un paradis imaginaire nommé Tarana où sévit l'extase éternelle.
Eroina / Tunnel de Massimo Pirri est un autre exemple de cinéma qui ici tente de rejoindre le film noir. Pirri met en scène une ancien instituteur devenu toxico-dépendant et prostitué. Entre passes, shoot et tentative de s'en sortir, seule son amie Pina le raccroche à ce monde d'espoir jusqu'au jour où l'homme va tomber amoureux d'un adolescent joué par un tout jeune Karl Zinny (découvert dans La désobeissance de Lado puis vu par la suite dans entre autres Démons et Graveyard disturbance de Lamberto Bava mais le dramatique Un acte d'amour avec Claudia Cardinale) qui mourra d'overdose.
En 1980 Luigi Petrini réalise White "Pop" Jesus, comédie musicale livide, parodie sous acide de Jesus superstar où le Christ revient sur Terre pour combattre la Mafia tandis que Fabrizio Lori tourne le décevant Il falco e la colomba / Point de mire avec Lara Wendel et Fabio Testi où un important homme politique tombe amoureux d'une jeune droguée et prostituée que son proxénète joué par Danilo Mattei ne cesse de surveiller.
La sortie de Moi Christiane F. en 1981 va redonner un second souffle au genre en Italie et les ersatzs commencent à sortir dont le plus connu est A 16 ans dans l'enfer d'Amsterdam de Rino Di Silvestro avec la toute jeune Ann Gisel Glass et la vieillissante Karin Schubert.
Plus tragique est Amore tossico de Claudio Caligari, un film quasi documentaire de 1983 tourné avec de vrais junkies, dans lequel le réalisateur suit la vie au quotidien d'un groupe d'héroinomanes. Caligari ne lésine pas sur les scènes choc d'une criante réalité. Amore tossico se transforme vite en un douloureux voyage au bout de l'enfer. Voilà un des meilleurs film du genre et surtout un des plus réalistes et dérangeants.
LE CINEMA GAY OU QUAND LOLITA DEVIENT LOLITO:
Monstrueux! Voilà un terme qui autrefois qualifait le cinéma gay, un cinéma qui fait peur, un cinéma pourrait on dire bestial où des âmes perdues se laissent aller aux tourments de l'enfer. Et s'il était bien une mise en garde qu'on faisait aux enfants c'est bien de ne jamais se laisser tenter à ces pulsions interdites. La Bonne Morale s'est dressée contre le cinéma gay comme aurait pu le faire l'Inquisition.
Le cinéma a voulu et est parvenu à démontrer que non seulement nous sommes égaux mais qu'on ne peut cacher nos instincts, nos désirs, nos attirances au nom d'une standardisation qui voudrait qu'on réponde tous à une norme dite de normalité. Le cinéma gay adolescent a fait découvrir que le plaisir sexuel entre garçons et adolescents pouvait exister. Les joies et les tribulations sexuelles comme dans l'hétérosexualité font naturellement partie de cette période de vie comprise entre douze et dix sept ans. Si à douze ans, la discrètion est de mise, on joue au docteur, on se fait un touche-pipi loin du regard des autres et surtout des adultes, l'amour et le sexe adolescent pose moins de problème. A cet âge, on aime se toucher, se masturber, se caresser. La sodomie est beaucoup moins sollicitée mais non exclue.
C'est ici une phase normale de l'évolution. Si dans le carcan catholique cela est présenté comme une déviance dont on ne pas doit parler, le corps lui poursuit son parcours, le chemin de sa vie.
Et le cinéma gay va montrer au grand jour ce qu'on tait trop souvent mais n'est qu'une des nombreuses faces de la vie, montrer au grand jour et sans tabou l'homosexualité adolescente. Après les lolitas, voici les lolitos.
Le maître incontesté du genre est le parisien Jean Daniel Cadinot, né en 1944, véritable objet de culte, le plus grand représentant du plaisir gay selon une optique et une iconographie adolescente précise. Si tous les acteurs sont majeurs, ils appartiennent tous à un modèle bien spécifique. Ils ont le visage et le corps de garçons chastes, innocents et pures. Ce ne sont pas des éphèbes, le modèle cadinien est un jeune homme au corps parfait, aux yeux limpides et au visage d'ange, à la bouche charnelle et gourmande. Tous complices, nos adolescents au fil des films découvrent les joies du sexe dans des paysages buccoliques: montagnes, chalets, campagne, colonies de vacances.. Lycéens, scouts, jeunes rebelles issus de maisons de corrections... il y en a pour tous les goûts. Ils s'ébattent sans pudeur, gorgés de désirs, plus ardents les uns que les autres, de plus en plus audacieux.
Tournés en 35 mm jusqu'au milieu des années 90 puis directement en vidéo, ce sont là de véritables pornos gays de grande classe rivalisant avec de grands films hardcore et répondant à un esthétisme précis. Le look Cadinot est inimitable: nos jeunes hommes portent des maillots de corps étroits, des pantalons serrés qui mettent en évidence leurs attributs, des shorts ou des jeans déchirés dont on peut facilement extraire l'appareil génital et des slips blancs, quand ils en portent, qui ne cachent rien de leur intimité.
Si Cadinot, décédé en 2007, compte à son actif plus de cinquante films, on peut citer comme réferences pour la période années 80, sa meilleure: Classe de neige, Pension complète, Jeu de piste, Le désir en ballade, Sacré collège, Gamins de Paris ou Les minets sauvages qui demeure certainement son film le plus abouti et surtout le plus brutal.
Cadinot a bien sûr fait des émules. On peut citer Georges Duroy alias Bel Ami qui lui a crée une image d'adolescents plus musclés, plus masculins, de bonne stature, stéreotype même de la carte postale, orgueilleux adolescents/étudiants qui s'ébattent eux aussi en pleine nature. Lukas 1, 2 et 3, Frisky summer 1, 2 et 3, An american in Prague sont quelques unes de ses oeuvres.
En Amérique, c'est le réalisateur Kevin Clarke qui prend la relève et est devenu un des réalisateurs les plus enfants dui porn gay à la Cadinot. Ses films tels Something very big font partie des classiques du genre désormais et lancèrent les nouvelles stars du porn gay américain. On citera également The american city, A young man's world et Seduction of a surfer.
Le cinéma adolescent gay grand public compte aussi ses classiques. Nous n'omettrons pas de citer un des précurseurs Les amours particulières de Jean Delannoy en 1965. Si le film de Delannoy peut être considéré comme le tout premier vrai film mettant en scène les amours entre adolescents, il serait injuste d'oublier Zéro de conduite de Jean Vigo tourné en 1933 où un des jeunes écoliers est ouvertement attiré par les garçons.
Les roseaux sauvages de Techiné montrent eux une vision des amours homosexuelles adolescentes plutôt émouvante dans la France profonde des années 70.
En 1972, on trouve trace d'un obscur film américain dirigé par Anthony Aikman, The Genesis children, devenu aujourd'hui quasi invisible en Italie d'où l'intérêt de la sortie d'un DVD qui permet de redécouvrir cette étrange oeuvre culte dans laquelle huit adolescents et pré-adolescents sont réunis sur une plage dans le but d'y raconter une sorte de conte christique biblico-naturiste. Croisement improbable entre Sa majesté des mouches, La maladolescenza expurgée de son contenu sexuel et Le lagon bleu, The Genesis children durant quatre vingt dix minutes se contente de nous montrer les jeunes garçons s'amuser et s'ébattre nus au bord de la mer, la caméra les filmant par instant au ralenti afin de sublimer leur corps nubile et s'attarder sur leur intimité sur fond de très de belles images ensoleillées. Pour beaucoup les intentions de Aikman, ancien photographe de charme pour presse spécialisée masculine, sont plutôt douteuses et surtout énigmatiques car derrière ces pseudo messages bibliques, il semblerait qu'il n'y ait rien à comprendre. Le film ne serait qu'un prétexte pour satisfaire les instincts voyeurs d'un certain public avide de nudité adolescente, en fait son unique intérêt commercial. Pourtant le film qu'on peut considérer comme le premier film naturiste est une sorte d'allégorie philosophique maladroite et brouillon sur le Bien et le Mal, la vraie nature de l'Homme et des valeurs de la vie. Mais c'est surtout le reflet de toute époque, celle de ce début d'années 70, sur laquelle soufflait un vent de liberté extrême que savait reprendre le cinéma d'exploitation. Si l'aura de scandale qui entoure le film n'est pas prête à s'éteindre, The genesis children, oeuvre aujourd'hui totalement impensable, s'avère quarante ans plus tard un film d'une parfaite innocuité qui ne choquera que les plus pudiques.
Si l'Italie n'est pas le pays où le cinéma teen gay fut le plus exploité, il n'en va de même pour l'Espagne dont la production depuis les années 70 est assez fertile et surtout prodigieuse tant en quantité qu'en qualité. Nous ne parlerons ici que des films les plus marquants, la production étant trop importante pour tous les citer. Un dossier spécial pourrait en effet leur être consacré.
Dans cette mouvance on citera aussi l'étrange The annunciation où le réalisateur hongrois Andras Jeles donne sa vision de la Génèse avec ce film où tous les protagonistes sont des enfants et des jeunes adolescents. Nous sommes là face à un conte hypnotique sur l'existentialisme moderne, une revisitation d'Adam et Eve où religion et lutte des classes se mêlent délibérément.
Le sexe des anges, documentaire socio-culturel puissant de Lionel Soukaz réalisé en 1977, est quant à lui une véritable ode à l'homosexualité adolescente, un hymne à la beauté du corps adolescent, à cette jeunesse que le réalisateur met en scène sous forme de tableaux homo-érotiques foudroyants.
Barnens ö du suédois Kay Pollack à lui aussi suscité de nombreuses controverses notamment dans nos pays occidentaux où il fut longtemps considéré comme un child porn en raison des quelques plans de nudité pré-adolescente qu'il contient. Il s'agit ici du parcours d'un jeune adolescent de 11 ans qui refuse de devenir un adulte. Il sait que cet été là c'est son dernier en tant qu'enfant et souhaite en profiter au maximum. On y suit ses angoisses, ses craintes, sa peur de voir son corps se transformer un peu plus chaque jour, obsédé par l'apparition des poils pubiens. En son pays, Barnens ô / Children's island reçut en son temps de nombreux prix dont celui du meilleur film et meilleur réalisteur et fut acclamé au festival de Berlin.
L'un des pionniers en est Eloy De La Iglesia qui dés 1972 tourna des pellicules plutôt ardentes pour l'époque quant on connait l'histoire et la politique de ce pays à cette période. Oeuvres vraies, oeuvres fortes, les films de Eloy s'ils sont élèmentaires ne sont que le reflet de la vie du réalisateur, une vie de reclus, rejeté du fait de son homosexualité. Ses films sont de véritables bombes, des oeuvre d'une force rarement égalée, sans concession et d'une dureté incroyable, reflet d'une condition de paria.
Quasi mythiques sont par exemple Los piaceres occultos tourné en 1976, qui raconte sans détours ni masque les amours d'un banquier et d'un jeune adolescent, El sacerdoce en 1978 ou les amours d'un prêtre qui ne peut lutter contre ses démons ni refreiner ses désirs sexuels quasi bestiaux pour les adolescents notamment un qui brisera sa vie, El diputado toujours en 1978 qui cette fois met en scène les désirs sexuels d'un homme politique marié pour les garçons de la rue sur lesquels ses fantasmes se focalisent. Il demeure aujourd'hui le plus osé et le plus dur de ses films. El colegas en 1982 raconte quant à lui la vie de trois adolescents dans une ville qui les étouffe. Pour De La Iglesia, le désir charnel est une arme contre l'hypocrisie et contre toute forme de bigotisme.
Autre auteur espagnol qui a son importance dans le cinema gay c'est Arthur Villaronga, le réalisateur de Tras el cristal / In a glass cage en 1986 où il met en scène un ancien nazi qui torture et viole des enfants avant un retournement de situation fort surprenant ou El mar où cette fois un garçon developpe une incontrolable passion pour un de ses compagnons qui se refuse à lui afin de mieux de se cacher ses véritables penchants.
El nino de la luna et 99,9 sont eux aussi quelques réferences filmographiques de cet auteur peu connu malheureusement et dont les oeuvres restent méconnues du grand public aussi bien en France qu'en Espagne et quasiment invisibles en Italie si ce n'est durant leurs passages lors de festivals.
Brutales sont aussi des oeuvres telles que Angelos de Giorgios Katakouzinos tourné en 1982 où un jeune homme de 20 ans doit vivre son homosexualité cachée dans une Grèce hypermachiste, Vagon fumador / Smokers only et ses adolescents qui se vendent sous l'oeil des caméras dans les cabines téléphoniques et les toilettes des galeries marchandes.
Toujours en Espagne, Cesc Gay sort en 2000 l'émouvant et trés frais Krampack, l'extraordinaire histoire de deux amis d'enfance dont l'amitié va lors d'un été devenir plus profonde penchant dangeureusement vers l'amour. D'une étonnante sincérité et surtout fraîcheur, Krampack est d'un naturel déconcertant comme on en voit peu au cinéma., renforcé par la prestation des deux comédiens.
On doit aussi à l'espagnol Ivan Noel l'étrange et magnifique In your absence / En tu ausencia où un adolescent traumatisé par la mort de son père s'éprend d'un étranger qu'il a rencontré sur la route, une relation qui conduira au drame inéluctable puisque cet homme cherche chez le jeune garçon autre chose qu'une relation paternelle.
D'Argentine, on mentionnera l'excellent et désespéré Glue de Alexis De Santos avec l'étonnant Nahauel Perez Biscayart où on suit la encore la quête d'identité sexuelle d'un adolescent amoureux de son meilleur ami quelque part dans un village perdu d'Argentine.
Alfonso Cuaron s'attarde de son coté sur Y tu mamà tambien / Et ta mère, l'histoire de deux adolescents supposés héterosexuels qui vont découvrir leur attirance pour les amours du même sexe lors d'un parcours initiatique mais s'orienteront vers des penchants trioliques avec une jeune fille. Magistralement interprété avec une justesse étonnante par de superbes interprètes, Y tu mamà tambien est une oeuvre sombre, féroce, courageuse et crue parfois surréaliste.
On citera du coté de l'Est le douloureux Mandragora du tchèque Wiktor Grodeki déjà responsable des moyens-métrages semi-documentaires sur la prostitution masculine à Prague Angels we're not angels et Body without souls. Mandragora est quant à lui une terrible vision de la prostitution adolescente à Prague, unevéritable descente aux enfers dans l'univers des films clandestins ado gay SM.
La Scandinavie s'est spécialisée dans un cinéma gay adolescent voire pré-adolescent, abordant souvent des thèmes douloureux et surtout difficiles qui souvent se termine de façon assez sombre voire dramatique même s'il reste pudique au niveau des scènes de sexe. Voilà une des grandes qualité de ce cinéma qui ne sombre pas dans le voyeurisme facile que ces sujets pourraient engendrer.
De Suède par exemple, nous arrive le gentillet et trés romancé Sebastian de Svend Wam, véritable stéréotype sucré devenu culte en Suède qui raconte le coming out d'un adolescent amoureux de son meilleur ami ou le féerique Is-slotet / Ice palace où deux petites filles d'une dizaine d'années découvrent avec pudeur leur attirance mutuelle sur fond de Suède enneigée. Dans ce film quasi muet tout passe à travers les images et le jeu des deux formidables petites actrices qui n'ont qu'une scène de nu assez osée lors de la séquence d'ouverture.
Des Pays Bas nous vient le trés beau For a lost soldier de Roeland Kerbosch. Durant la seconde guerre mondiale, un adolescent de 14 ans découvrant sa différence tombe amoureux d'un soldat américain en poste dans son village. Un lien très fort les unis et le jeune soldat lui fera découvrir l'amour jusqu'à leur douloureuse séparation. D'un sujet grave, Kerbosch en tire un film d'une pudeur exemplaire, plein d'émotion et tout en finesse, l'itinéraire d'un enfant dont cet épisode changera à jamais le cours de sa vie.
Du Danemark nous vient l'émouvant You are not alone qui nous entraine dans un pensionnat de Copenhague au milieu des années 70 où un pré-adolescent tombe amoureux de son meilleur ami de trois ans son ainé. Certes sulfureux, You are not alone est une magnifique histoire sur la quête de son identité sexuelle et la découverte de son premier amour. Le réalisateur y déploie tout un homo-érotisme trés estampillé années 70 mais You are not alone reste un magnifique film d'amour frais et innocent.
On citera aussi des films comme les excellents et sombres Venner for altid / Friends forever ou Smukke drenke qui tous deux traitent de la quête d'identité sexuelle d'adolescents paumés en proie aux désirs des adultes.
D'Allemagne on retiendra entre autre Orages d'été qui nous fait vivre les tragiques amours adolescentes de deux étudiants dont la véritable sexualité va se révéler lors d'un été où une équipe de jeunes footballeurs gays débarquent prés de chez eux. Le troublant et dérangeant Punish me / Verfolgt quant à lui traite d'une relation sado-masochiste qui vire à l'obsession entre un délinquant de 16 ans et son assistante juridique. On n'oubliera pas Gossenkind de Peter Kern et son jeune adolescent des rues au look trés rock'n'roll qui se prostitue et doit subir les assauts sexuels d'adultes libidineux.
Plus marginal et surtout brutal est Oï! warning qui nous entraine dans le milieu skin où un adolescent de 16 ans va tenter un coming out tragique.
Et l'Italie alors? La production gay y est quasiment inexistante, l'Italie prônant toujours ce coté macho visant une héterosexualité de si bon aloi. Mais on y trouve tout de même quelques films comme Ernesto de Salvatore Samperi où un docker dans l'Italie des années 30 joué par Michele Placido tombe amoureux d'un adolescent qui découvre ses penchants homosexuels mais se sent également attiré par une prostituée. S'il écartera le docker après avoir gouté aux amours homesuxelles, il sera fortement attoiré par un jeune garçon de son âge avec qui il vivra pleinement cette vie jusqu'au jour où il fait la connaissance de sa soeur jumelle. Un jeu pervers va alors naitre entre les trois protagonistes, nourri par la jalousie et une sorte d'amour/haine, liaison triolique malsaine où personne ne souhaite faire de choix. mes deux jumeaux sont ici tous deux interprétés par Lara Wendel, l'une des icônes de la teensploitation italienne et protagoniste de La maladolescenza.
Gianni Da Campo dirige en 1986 Il sapore del grano où un lycéen tombe amoureux de son jeune professeur, film plutôt léger à comparer des débordements que connut le cinéma italien lors de la décennie passée.
Aurelio Grimaldi réalise en 1992 l'intéressant mais quelque peu ennuyeux La discesa di Acla a Floristella qui traite de l'exploitation des enfants et jeunes adolescents dans le travail des mines qui dérivait souvant sur des abus sexuels durant les années 50. Beaucoup plus passionnant sera son film suivant La donna lupo en 1999 avec sa horde d'adolescents sauvages et pasoliniens qui se laissent aller dans des séquences de nu souvent crues et dures même si, époque oblige, les nus frontaux sont inexistants.
Citons également deux oeuvres de Antonio Capuano tout à fait méritables: Vito e gli altri où l'histoire cruelle d'un jeune garçon de douze ans au sein d'une bande d'adolescents des rues livrés à eux mêmes et Pianese Nunzio 14 anni a maggio qui cette fois raconte les amours d'un prêtre qui non seulement lutte contre la mafia mais tombe également amoureux d'un garçon de quatorze ans, Nunzio.
On citera également dans cette catégorie deux films de Gianni Minello Nel cerchio et Un ragazzo come tanti respectivement réalisés en 1976 et 1983 chacun contant la descente en enfer de deux adolescents qui, comme nous l'avons plus haut, doivent se prostituer pour survivre.
On citera aussi les deux films de Marco Risi Mery per sempre / Délinquants et sa suite Ragazzi fuori / Street boys dont le personnage principal, Mery, est un jeune homosexuel napolitain souhaitant changer de sexe, le tout dans un univers carcéral pour mineurs très dur. De ce fait, le film fut à sa sortie interdit à Naples, l'homosexualité étant encore un sujet tabou.
Oserions nous conclure cette partie sur le teen gay sans parler de la production américaine? Particulièrement prolifique, l'Amérique n'est pas restée en marge dans ce domaine et légion sont les films traitant de l'amour homosexuel entre ados. On pourra citer comme exemple et références: le douloureux The toilers and the wayfarers de Keith Froelich tout en noir et blanc ou le parcours d'un adolescent échappant à l'autorité de son père pour mieux vivre son homosexualité dans l'Amérique des années 60, L.I.E de Michael Cuesta et ses adolescents paumés qui se prostituent le long des routes tandis que son héros principal entretient une relation étonnante avec un sexagénaire pédophile, Johns et ses adolescents qui se prostituent pour vivre leurs rêves, l'étrange The reflecting skin, Edge of seventeen ou la découverte du milieu gay et sa superficialité par un adolescent de 17 ans en quête du Prince Charmant dans l'Amérique des années 80, les canadiens Jet boy / Moments où les errances d'un adolescent fugueur de 15 ans qui se prostitue pour survivre et The whole new thing où cette fois un adolescent de 15 ans tombe éperdument amoureux de son professeur d'anglais homosexuel, The nature of Nicholas dont le jeune héros, 13 ans, traumatisé par la mort de son père vit ses premiers émois sexuels à travers un fantôme et son meilleur ami ...
L'AUDACIEUX CINEMA TEUTON:
Si Gloria Guida représenta essentiellement l'apologie de la sexualité adolescente en Italie qui, si elle ne se donnait aucune limite en ce domaine se refusait encore certaines choses, l'Allemagne et sa trés réputée permissivité allait dans les années 70 se faire le porte-parole d'un genre un peu plus poussé à travers toute une série de films documentaires et de films-vérité souvent factices, sorte d'écho aux Mondos italiens, sur la sexualité adolescente, les premières érections, les premières relations..
On a très peu parlé de cette série allemande de quatorze films intitulée Schulmädchen-report réalisée par Walter Boos et Ernst Hofbauer. Ces films furent dans leur pays un véritable succès puisque le premier opus vit par exemple plus de sept millions de spectateurs aller découvrir en salles ces Teen sex-mondos faisant ainsi la fortune de leurs réalisateurs responsables des épisodes suivants. Il est interessant de savoir que l'opus 13 de la série connut les honneurs d'une sortie salle tardive en France en 1982 sous le titre Collégiennes expertes.
L'Allemagne avait déjà étè à l'origine du filon "Ginécologue" si souvent réutilisé dans le cinéma italien à des fins plus comiques. L'un des précurseurs est Helga de Erich Bender qui prouvera que ce nouveau filon est un terrain fertile mais toujours sous couvert de réalité sociologique. Les films sont là encore des films-vérités où on interroge des gens dans la rue afin de tout savoir sur leur sexualité et spécialement sur la sexualité adolescente mise à nue, décortiquée dans sa plus indécente vision. On tente ici d'inculquer à la vieille génération jugée ignare ce que sont les adolescents d'aujourd'hui et tout ce qui se passe dans leur tête au niveau sexuel. On met à nu cette encore si fragile et fremissante jeunesse, le public fonctionne, le succès est à la clé.
Si dans les comédies italiennes appartenant aux longues séries de La lycéenne ou de La professeur, la Botte se limite à montrer ce que font les écoliers et écolières entre deux cours de façon légère et coquine, l'Allemagne va elle beaucoup plus loin.
Nos chères têtes blondes ont leurs chemises ouvertes exhibant des seins gourmands et les jambes écartées. Ici, la professeur est aveugle comme une taupe et bien souvent démissionne à la fin du film. L'érotisme allemand adolescent est donc beaucoup plus osé et pointu que l'érotisme italien et diffère aussi en un autre point. Si l'Italie ne montre que rarement les poils pubiens encore tabou dans ce type de cinéma, l'Allemagne est beaucoup plus ostentatoire et se fait un plaisir de les montrer au même titre que la nudité masculine qui s'étale au grand jour.
Si l'Italie situait la sexualité adolescente surtout dans les milieux estudiantins, le german teen sex lui la situe dans tous les milieux professionnels dont l'exemple le plus évident est la série des Schulmadchën: Avocat, medecin, ouvrier, enseignant... Celle ci met très souvent également les déviances sexuelles à l'honneur. Sont récurrentes des situations incestueuses de toutes sortes, père-fille, mère-fils, frère-soeur comme dans cet épisode où Cristina Lindberg tombe enceinte de son propre frère aprés lui avoir fait l'amour sous la douche, épisode disponible en VHS américaine sous le titre Campus swingers.
Tous ces films ont un aspect aujourd'hui bien psychédélique renforcé par les "Beatnick Music "de Gert Wilden. Mini-jupes, col V, bottes et platform shoes, chemises à manches larges, collants, petits gilets et sandales, cheveux raidis au fer à repasser.. Les amateurs de look estampillés années 70 y trouveront leur compte!
L'Allemagne, pays encore aujourd'hui de toutes les libertés, est aussi connue pour ses films X mettant en scène de jeunes éphèbes et nymphettes, un avertissement nous assurant leur majorité malgré leurs corps encore si nubiles. Limite entre légalité et clandestinité qui font les ravages des catalogues et magazines spécialisés et autre sex-shop, les éditeurs spécialisés dans ce genre étant depuis les années 80 florissants. Un cinéma qui n'est pas sans rapeller les films de Cadinot dont il n'est que la transposition teutonne.
L'INDUSTRIE PORNOGRAPHIQUE S'EMPARE DU MOUVEMENT:
Depuis la fameuse oeuvre de Nabukov, la littérature a fourmillé de livres et romans libertins qui permirent une totale libération. La violence des tabous quant aux relations avec des adolescents n'est que la négation de nos valeurs socio-culturelles créant des êtres plus forts plus autonomes et surtout sans préjugés. Le plus bel exemple est les jeunes martyrs de Sade qui ne meurent jamais, ils s'en sortent toujours et le plus souvent grandis par les épreuves passées.
En l'étudiant de près, le roman de Nabukov n'est pas simplement une oeuvre libertine, elle met en exergue surtout quelque chose de plus féroce, quelque chose qui aujourd'hui encore exerce un considérable impact sur l'imaginaire. Lolita traite en filigrane certes mais traite tout de même de pornographie refreinée. Elle décrit en effet de façon exhaustive, désinhibée et sale les objectifs et les réussites d'un pervers pris de passion pour une nymphette.
Une des ramifications du cinéma pornographique allait être donc une forme libératrice du thème de la Lolita. Mais il ne faut pas voir dans ce courant un encouragement au voyeurisme souvent implicite mais plutôt une valorisation du sex appeal adolescent.
Bien avant Lolita, le cinéma avait déjà montré des enfants nus à l'écran comme en 1939 dans Child bride avec une petite Shirley Miles de 13 ans. Dans les années 50, Elia Kazan tourne un provocateur Baby doll avec une toute jeune Caroll Baker. La Lolita de Kubrick a quant à elle 15 ans en 1962 et Ed Wood réecrit de son coté Child Bride sous le titre Shotgun wedding que tournera Boris Petroff.
Il faut attendre les années 70, années de toutes les libérations pour que naisse le courant hard qui dés 1969 sera autorisé au Danemark puis dés 1971 aux USA puis en France et en Allemagne dés le milieu de la décennie. En Italie, il fut toléré officiellement mais jamais légalisé.
Si beaucoup de films sont tombés dans les circuits clandestins par obligation dirons nous- des films que nous ne traiterons pas ici cela va de soi- au vu des contrôles de censure visant tout matériel à caractère X, il y a un autre courant légal cette fois venu de Scandinavie et des USA.
Dés 1971, de nombreux films à caractères pornographiques virent le jour au Danemark comme Bambina sex en 1971 (20000 copies furent tirées), Children love, Incestous love, Nymph lovers...
La maison de production Rodox produisit de son coté la série des Lolita, petits segments de films de dix minutes chacun.
En Scandinavie, la florissante Seventeen, célèbre à travers le monde, continue toujours ses productions. Il faut savoir qu'en Hollande et au Danemark la limite d'âge est fixée à 17 ans. On citera aussi Teeny excess originaire d'Allemagne, autre pays fort permissif.
Mais c'est l'Amérique qui fut dans les années 70 le pays le plus productif dans le teen hard notamment à Los Angeles et San Francisco. Toute une foule de jeunes hippies espérant s'installer à Hollywood débarquait alors. Lowell Pickett, un des pionners du genre, explique que ces jeunes préféraient se déshabiller plutôt que d'aller travailler dans un bureau. Une des actrices de l'orgie finale de Behind the green door n'avait que 16 ans alors nous apprend il par exemple.
En ce début d'années 70, toute une série de films ayant pour thème l'initiation au sexe adolescent virent le jour: Teenage fantasies, Virgin hostages, High school fantasies, Teenage lovers mais surtout Mona the virgin nymph dirigés par le tandem Howard Ziehm/Mike Light, premier vrai long métrage 100% X et My little sister de Alex deRenzy, beaucoup moins hard mais entièrement dédié au sexe adolescent.
Les réalisateurs pouvaient compter alors sur de très nombreux jeunes acteurs et surtout actrices certifiées majeures mêmes si certains ne l'étaient pas- un des cas les plus connus dans le X est celui de Traci Lords quelques années plus tard. De nombreuses actrices connurent donc leur heure de gloire et certaines continuèrent une carrière dans le X par la suite. On peut citer Sue Moreland, Sandy Dempsey, Clair Dia, Rene Bond, Cindee Summers et Suzanne Fields, future héroïne du Flesh Gordon de Ziehm.
Entre 1975 et 1985, ce courant hard va quasiment devenir un sous-genre qui s'inscrit dans la tradition libertine dont le thème principal est l'éducation de la jeune vierge. Le plaisir, l'excitation vient ici du fait qu'on se pose la question de l'âge de la maturité sexuelle tout en conservant l'iconographie du thème de l'amour "mineur", celle de la lolita et du lolito- mais essentiellement la lolita-provocante, celui des premiers tourments et émois mais en adoptant cette fois une tactique narrative plus dangereuse. La tendance se fait génèrale y compris dans le porno français.
S'il y eut nombre d'actrices souvent plus comiques que talentueuses qui prêtèrent leurs silhouettes encore nubiles malgré leur âge il y eut peu d'acteurs hard au final qui endossèrent la peau de jeunes puceaux. On citera l'un des plus connu Tom Byron, héros de Sister Dearest et Private teacher.
On citera aussi du coté de l'Italie où l'industrie pornographique apparut que fort tardivement le cas de Sabrina Mastrolorenzi, la lolita du hardcore transalpin, qui n'avait que 16 ans et demi lors des scènes où elle apparait dans La gemella erotica de Cavallone. Elle en avait 17 lorsqu'elle tourna Bath-man dal pianeta Eros.
ET AUJOURD'HUI ALORS:
Nouveau réalisateur culte dans l'image contemplative de l'adolescent, Larry Clark est en quelque sorte le miroir d'une certaine jeunesse désoeuvrée dont il se targue de mettre en scène. Les adolescents des années 2000 sont à travers son prisme des monstres aliénés et rock'n'roll, des êtres perdus et ravagés par la drogue, le sexe et le Sida. Image désespérée et parfois nihiliste de l'adolescence, le cinéma de Clark est sans concession, dur et souvent se voulant une forme de documentaire implacable.
Bien souvent- trop?- décrié, Clark fut souvent accusé de mettre en scène ses propres fantasmes, de projeter sur l'écran sa fascination pour les jeunes corps, de réaliser via sa caméra ses désirs sexuels. Parfois gratuit, le cinéma de Clark est pourtant d'une belle intelligence, terrible témoignage de notre époque où tous ces jeunes sont laissés dans l'incompréhension, le désoeuvrement, se débattant dans une vie qu'ils ne comprennent pas ou ne veulent pas, s'évadant à leurs façons vers d'autres horizons plus destructeurs que bienfaiteurs, prolongement en quelque sorte de ce désoeuvrement déjà existant dans les années 70 devenu ici paroxysmique, apocalyptique.
Photographe au départ, Clark se fit découvrir aux yeux de l'Amérique chic dans les années 70 au travers de ses photos et livres-albums, vision de ces enfants ravagés par le crack, de ces anges déchus en pleine action. Clark affirmait alors qu'il se mettait à la place de ces enfants et tentait de voir les choses comme ils les voyaient. Pour lui, le spectateur doit pouvoir se projeter dans ce milieu, se mettre à leur place, imaginer qu'il est avec eux en train de se droguer, de fumer ou de baiser.
Quelque soient les tentatives d'explication du réalisateur, on ne pourra enlever le doute dans l'esprit du spectateur quant au voyeurisme sous-jacent dont beaucoup l'accusent voire un pseudo-pretexte pour filmer des scènes de luxure et de pédophilie. Certes, Clark dénonce de manière froide et intransigeante l'American way of life qu'il dissèque avec une précision souvent nauséeuse mais sous ce couvert, peut on interdire de voir en lui un homme qui a fait de ses propres obsessions non seulement sa marque de fabrique mais y a basé l'ensemble de sa production.
Les trois oeuvres les plus marquantes de l'auteur sur cette génération condamnée comme il l'appelle sont Kids, son premier film, Bully et bien entendu Ken Park.
Kids se voulait être une forme de documentaire-vérité sur la drogue et le Sida, la sexualité ravageuse qui malheureusement enlève trop tôt la vie à de jeunes êtres qui n'ont encore rien connu de la vie à force de la vivre à cent à l'heure. On peut voir Kids comme ces vieux film d'antan sur le vice et l'hygiène sexuelle qui voulaient mettre en garde contre les dangers des maladies vénériennes.
Bully prenait comme un point de départ un triste fait divers ayant comme protagoniste un adolescent homosexuel refoulé et pervers qui sera jeté vivant une nuit en pature à un crocodile par ses camarades junkies ne supportant plus sa férocité.
Toujours plus loin plus fort, Ken park, son film le plus abouti, peut representer le troisième édifice à ce tryptique. Clark plonge sa caméra dans cet univers qu'il affectionne tant, le milieu des skaters, et y suit quatre adolescents qui doivent faire face à leur adolescence. Livrés à eux même, délaissés par des parents qui sont loin d'être des exemples (inceste, alcool...) ils essaient de trouver le plaisir dans l'amour, le sexe et la violence mais les dérapages sont inévitables, menant souvent à la folie ou la mort.
Oeuvre audacieuse, on y retiendra ce très long plan séquence d'une rare témérité, une sorte d'apothèose, qui montre un adolescent jouant au terrible jeu de la strangulation, se masturbant jusqu'à l'éjaculation. Clark dévie cette fois quasiment vers la pornographie.
Son film suivant, Wassup rockers, plus sage, nous plongera dans l'univers des skaters latinos en nous faisant suivre les péripéties d'une bande d'adolescents d'un quartier plutôt défavorisé mais cette fois Clark se contentera de filmer ses acteurs de façon plus pudique, mettant essentiellement l'accent sur leurs tenues vestimentaires et plus particulièrement leurs jeans moulants.
Un mot pour conclure sur un autre auteur américain qui doit être cité ayant tout à fait sa place dans ce dossier, c'est Greg Araki, surnommé le spécialiste du Teen apocalypse. Araki a lui choisi une vision apocalyptique, une peinture au vitriol de cette jeunesse en pleine déconstruction. Le monde de Araki est un no man's land, un monde de folie rempli de monstres à mille lieues des images magazines de Clark. Son tryptique Totally fucked up, Doom generation et Nowhere sont des oeuvres paroxystiques, nihilistes et plutôt agressives. Les ados de Araki ont les mains maculés de sang, et la violence dans l'âme, des êtres dégénérés trouvant un sens à leur vie dans l'horreur mais contrairement à Clark, Araki préfère traiter ses thèmes de façon plus surréaliste et délirante, parfois déjantée à laquelle on accrochera ou non.