MOI CHRISTIANE F. - LES ENFANTS DE BANHOF ZOO: 30 ans déjà
En 1979, l'Allemagne est secouée par la sortie d'un livre qui très vite va devenir un best seller. Il s'agit de la poignante biographie d'une jeune adolescente de 13 ans, Christiane, qui y raconte sa lente descente aux enfers, sa vertigineuse plongée dans le monde de la drogue et de la prostitution, un sujet alors brûlant et particulièrement d'actualité dans le Berlin de cette fin d'années 70. Intitulé Wir kinder von Banhof zoo, devenu Moi Christiane F. 13 ans droguée, prostituée en France, le livre écrit par deux journalistes, Kai Hermann et Horst Rieck, parait tout d'abord sous forme d'un long reportage dans le célèbre et très sérieux magazine allemand Stern. Les deux hommes avaient rencontré Christiane, de son vrai nom Christiane Felscherinow, à Hambourg et, fascinés par son histoire, ils transformèrent l'interview en une très longue audition qui s'étira sur plusieurs mois. C'est ainsi que le reportage devint un livre qui connut un succès fulgurant à travers le monde.
A coeur ouvert, Christiane, son entourage d'alors, sa mère comprise, y parlaient de cette effroyable expérience qui devint un poignant témoignage de la vie de toute une jeunesse berlinoise sans espoir ravagée par les méfaits de la drogue, toute une génération perdue dans cette Allemagne grise des années 70, ses immeubles qui sentent la pisse et la merde même si de loin tout semble neuf et de haut standing comme le dit Christiane en ouverture de film.
Le triomphe du livre ne pouvait laisser indifférent les producteurs et les cinéastes. C'est ainsi qu'en 1981 la biographie de Christiane fut adaptée pour le grand écran et c'est le jeune réalisateur Uli Edel qui fut chargé de transformer le livre en un magnifique film qui à son tour s'apprêtait à battre des records d'entrée Outre Rhin mais également en France et en Suisse.
MOI CHRISTIANE F. 13 ANS DROGUEE PROSTITUEE: LE FILM
Alors âgé de 36 ans, Uli Edel n'avait jusque là travaillé que pour la télévision. Avec sesbaskets de bourlingueur et sa tête d'éternel étudiant qui hante les campus aux quatre coins de la planète, Edel qui avoue avoir dix ans auparavant essayé toutes les drogues dans le contexte beatnick a frappé très fort. Il réalise en effet une oeuvre incroyablement forte, difficile, crue. Il nous assène un véritable coup poing en plein visage, nous laisse pantois, comme vidés, un goût amer au fond de la gorge. Cette terrifiante épopée proche du cinéma-documentaire est tel un long cauchemar qui jamais ne semble vouloir prendre fin, allant toujours un peu plus loin dans l'horreur. Mis en scène avec un sens redoutable de l'efficacité, sans fioriture ni concession mais avec une esthétique très particulière, Moi Christiane F. est un film âpre d'une violence visuelle inouïe, un témoignage sans appel qui tente avec effroi de montrer une implacable réalité, celle de la jeunesse berlinoise du milieu des années 70, touchée en plein coeur par la drogue, ces enfants qui se marginalisent avant même d'avoir vécu par manque d'espoir. Ils n'ont plus aucun intérêt pour ce pays où la situation est très grave, ils ne croient plus en l'avenir si avenir il y a, ont perdu tout espoir. Et si jamais il y avait un futur la jeunesse allemande en a encore plus peur que de la drogue qui lui sert de refuge dans lequel elle s'isole.
Si Moi Christiane F. est un des films les plus puissants, les plus sombres jamais tourné sur un tel sujet, un des plus réalistes si ce n'est le plus réaliste il fut pourtant fortement critiqué pour sa complaisance. Edel fut accusé de faire de l'argent sur du fumier en exploitant la détresse de ces enfants pour satisfaire les bas instincts d'un public voyeur. Certes Moi Christiane F. est une succession de scènes crasseuses toutes plus nauséeuses les unes que les autres. Les aiguilles s'enfoncent en gros plan dans les veines, lesang gicle sur les murs, se mêle au vomi qui recouvre les matelas. Les protagonistes traversent le film tels des ombres, des silhouettes, fiévreuses, hagardes, des zombis au regard vitreux qui semblent ne plus attendre que la mort dans la pénombre des boites de nuit étourdissantes (le Sound), des lumières blafardes des couloirs du métro, des allées délabrées où on vend son corps pour une dose et quelques heures de trêve dans la grisaille de Berlin. Complaisant, aguicheur peut être mais un véritable choc, reflet d'une horrifiante réalité qu'on souhaiterait oublier. Si les détracteurs de Edel et ses producteurs voient là une affaire juteuse, peuvent ils cependant rester insensibles à un tel spectacle?
Ces mêmes détracteurs reprocheront au film de ne pas réellement respecter le livre dont beaucoup de chapitres ont été oubliés, dont certains personnages ont été réduits à de simples fantômes quand ils n'ont pas été tout bonnement supprimés. Ainsi Edel a balayé tout l'univers familial de Christiane à l'instar de l'histoire de certains protagonistes, de leur parcours, de leur vie au détriment des scènes choc. Beaucoup reprochèrent cela au film carainsi privé de tout arrière-plan, il est parfois difficile de comprendre comment tous ces enfants peuvent en arriver à de telles extrémités. Ils ne sont alors plus que des fantômes au milieu desquels émergent les deux protagonistes principaux, Christiane et Detlev, dont il ne nous reste plus qu'à suivre la lente destruction à travers quasiment deux heures d'images choc souvent inoubliables, sordides, crasseuses, poisseuses. On reste peut être dans le contexte d'un film purement d'exploitation mais à travers cette terrifiante vision Edel a peut être tout simplement voulu que le spectateur garde seulement en tête toute l'horreur de cette vie sans avenir que vivent ces enfants morts avant d'avoir vécu... quoiqu'en disent certains esprits retors!
Malgré cela, le public ne s'y trompa pas. Moi Christiane F. rencontra dés sa sortie en Allemagne et en Suisse un succès sans précédent. En France il connut le même engouement et devint au fil du temps une oeuvre culte à travers le monde qui aujourd'hui n'a rien perdu de sa force destructrice, toujours aussi efficace et dérangeante. Le temps n'a eu aucune emprise sue le film, évènement rare au cinéma, même si depuis longtemps les choses ont bien changé à Berlin.
Visionner Moi Christiane F. reste une épreuve, à la fois pénible et fascinante, hypnotique, rythmé par les sons dramatiques, funèbres des compositions de David Bowie.
Etrangement, le film est devenu difficilement visible, oubliés des éditeurs DVD et Blu-ray qui se contentèrent de sortir un simple transfert assez sombre et de piètre qualité démunie en outre de toute piste allemande. Plus bizarre, il ne connut aucun passage télévisé sur aucune chaine européenne.
En Allemagne, le film remportera en 1981 le Golden screen et la même année il obtint le prix du meilleur film étranger au Montréal world film festival.
UN TOURNAGE EPROUVANT:
Le tournage de Moi Christiane F. s'étala sur 4 mois, entre aout et novembre 1980, et ne fut pas toujours une partie de plaisir notamment les scènes qui furent tournées dans le centre commercial et celles dans le métro. En effet, Edel n'a jamais eu les autorisations pour y poser ses caméras. Il avoue même qu'on leur avait interdit. Elles furent donc réalisées sans l'accord des autorités, filmées caméra à l'épaule, à la hâte, parfois à l'aide de projecteurs manuels, parfois avec la seule lumière ambiante. L'équipe devait toujours être aux aguets et surveiller les gardes qui les chassaient et pouvaient à tout moment les emprisonner. Cela accentue le coté réalité du film et la dureté de ces scènes. Le film a été tourné sur les lieux mêmes où se déroulèrent les faits à l'époque, la fameuse station de métro Banhof zoo située derrière la gare de Berlin, son hall et son centre commercial, les toilettes publiques de Bulöw strasse, la Kufürstenstrasse, des endroits qui aujourd'hui n'existent plus, et la discothèque Sound, une des plus prestigieuse boite de nuit branchée européenne d'alors, où se retrouvaient junkies, dealers et prostitués.
Pour la séquence du concert de David Bowie au Sound, le chanteur qui avait d'autres engagements au moment où elle fut tournée ne put se rendre à Berlin. La scène du concert auquel assiste Christiane fut donc réalisée en Amérique où se produisait la star. Natja Brunckhorst eut donc la chance de rencontrer pour quelques petites heures seulement David Bowie dont elle garde aujourd'hui encore un excellent souvenir.
DES JEUNES COMEDIENS ETONNANTS:
C'est essentiellement dans les lycées, le milieux étudiant mais également dans les endroits branchés de la capitale telles les boites de nuit que Uli Edel partit faire ses recherches afin de dénicher les jeunes acteurs qui allaient incarner les différents protagonistes du film. Pour le réalisateur deux choses étaient primordiales à ses yeux. La première était que ces comédiens n'aient jamais touché à la drogue et soient parfaitement sains, la deuxième, peut être, la plus importante, étaient qu'en aucun cas ils ne s'identifient à leurs personnages. Ils devaient être capables de faire la différence entre ce qu'ils faisaient devant la caméra et la réalité. Ils devaient avoir en permanence le sentiment que ce qu'ils jouaient était un jeu. Edel leur a durant tout le tournage recommandé de bien garder les pieds sur terre et bien fait comprendre qu'une fois le film terminé, ils retourneraient à l'école. Le cinéaste fut extrêmement satisfait de leur performance. Ils furent tous merveilleux et fortement impliqués. Ils ont su maitriser sans aucune expérience derrière eux les scènes les
plus effroyables confessait-il lors d'une interview accordée à la sortie du film. Une fois les caméras éteintes, ils redevenaient eux mêmes et riaient de ce qu'ils avaient fait. Côtoyé de vrais junkies, avoir du tourné dans les lieux qu'ils hantaient, notamment pour les scènes dans le métro, les a beaucoup aidé à adopté la bonne attitude, à mimer et reproduire leurs gestes, leur posture, leur quotidien même si cet univers leur semblait à la fois surréaliste et effrayant. Thomas Haustein qui interprétait Detlev avoue aujourd'hui s'être particulièrement bien approprié cette atmosphère afin de donner le maximum de crédibilité à son rôle. Il se souvient également qu'une des scènes qui le mit le plus mal à l'aise est celle où il fait l'amour à Christiane pour la première fois. S'il avait déjà eu des flirts dans la vie, il n'avait encore jamais franchi le cap. Jouer une telle scène n'était donc point évidente et un brin gênante. Guère plus simple fut celle où il fait l'amour avec Rolf puisqu'il n'avait jamais approché le milieu homosexuel auparavant.
Edel fut tout spécialement heureux de la performance de Natja Brunckhorst qui interprète Christiane, choisie parmi plusieurs centaines de postulants. Il ne tarit pas d'éloges à son sujet. "Elle fut sidérante" dit-il. Dés qu'elle avait fini une scène si dure soit elle elle redevenait elle même, fraiche et pure. Mais dés que les caméras se rallumaient, elle reprenait comme si de rien n'était son rôle d'enfant prostitué blasé".
Il y eut cependant quelques exceptions à la règle. D'une part le junkie qui se shoote dans le cou devant Christiane, Eberhard Auriga, était un vrai héroïnomane qui venait de sortir de prison et que Edel embaucha comme conseiller sur le film, d'autre part tous les junkies qu'on voit dans les scènes finales du métro étaient des héroïnomanes. C'étaient de véritables drogués, tous plus âgés que les comédiens, le plus souvent parvenus au dernier stade. Il n'y avait là aucune triche, il s'agissait de l'accablante vérité, un long voyage au coeur de l'enfer et de la mort, aujourd'hui encore aussi fascinant qu'effroyable. "Il y avait dans ces plans lorsque nous les tournions quelque chose de réellement terrifiant, presque surréaliste" racontent Natja et Thomas aujourd'hui".
NATJA BRUNKHORST ET THOMAS HAUSTEIN: DEUX COMEDIENS HORS PAIR:
NATJA BRUNCKHORST:
Née le 26 septembre 1966 à Berlin, Natja avait donc 14 ans lorsque Uli Edel la choisit parmi quelques centaines d'autres jeunes filles pour interpréter Christiane. Le succès du film va très vite bouleverser la vie de l'adolescente dont une des passions est l'équitation. Afin de fuir les médias et le tapage fait autour du film, d'échapper à cette gloire soudaine à laquelle elle ne s'attendait pas, Natja après avoir obtenu un petit rôle dans Querelle de Fassbinder l'année suivante, s'exile en Angleterre afin d'y terminer ses études. Elle revient dans son Allemagne natale en 1987 et si au départ être actrice n'était pas son principal objectif, elle commence pourtant à suivre des cours dans une des plus prestigieuse école de comédie d'Allemagne, la Sclauspielschule Bochum, afin de perfectionner son jeu afin d'en faire son métier. Elle en sort diplômée en 1991 et entame alors sa carrière d'actrice dans une série de téléfilms totalement inédits chez nous destinée aux chaines allemandes.
Natja apparaitra très peu au cinéma, c'est avant tout pour la télévision qu'elle tourne tout en jouant de temps à autre dans quelques courts métrages. Elle entame une idylle avec l'acteur Dominic Raacke en 1991 et de leur relation naitra une petite fille, Emma. Malheureusement tout s'arrête pour Natja en 1993 lorsque à tout juste 27 ans Natja découvre qu'elle souffre d'un cancer. Elle va courageusement se battre contre la maladie durant presque deux ans. Guérie, elle refait surface en 1995 puis en 1997 en tant que scénariste cette fois puisque la jeune femme est à la base de la série télévisée Einsatz Hamburg süd dont elle écrit 26 épisodes. En 2001 elle remporte le prix du meilleur scénario pour Wie Feuer und Flamme. En 2002 elle ajoute une nouvelle corde à son arc en réalisant La mer pour lequel elle est également actrice. Toujours cette même année, Natja apparait dans 105 épisodes du feuilleton Dr Sommerfield. Aujourd'hui encore, entre l'écriture de deux scénarii, l'ex-Christiane F. continue d'apparaitre régulièrement dans différentes séries et téléfilms allemands. Elle vit désormais paisiblement à Munich.
Uli Edel ne tarit pas d'éloges sur Natja, étonné par son fabuleux jeu d'actrice dans Moi Christiane F. Sa spontanéité, son naturel l'ont toujours fasciné. Elle était capable de passer du rire aux larmes sans aucune difficulté comme elle avait la faculté de redevenir elle même, une jeune fille fraiche et souriante, après avoir tourné une scène si difficile ou éprouvante soit elle. Pour Natja, ce rôle n'était qu'un jeu, certes difficile parfois, pour lequel elle s'est totalement impliquée comme tous ses jeunes partenaires en s'immergeant dans le monde des junkies. Elle avoue n'avoir gardé aucun contact avec aucun des acteurs qui partageait l'affiche avec elle. Tous se sont perdus de vue dés la fin du tournage et elle n'a plus jamais eu de nouvelles, pas même de Thomas Haustein qui incarnait son petit ami, Detlev. Si beaucoup de fans ont toujours nourri le rêve de les réunir un jour, Natja brise le plus souvent cet espoir. Malgré le succès retentissant du film et son statut de cult movie aujourd'hui, l'époque de Moi Christiane F. est loin, très loin derrière elle et Natja est passée depuis longtemps à autre chose.
THOMAS HAUSTEIN:
Si Natja continua une petite carrière tant au cinéma qu'au petit écran avant de s'adonner à l'écriture, Thomas allait quant à lui totalement disparaitre au grand désespoir de ses nombreux admirateurs qui durant quasiment 30 ans tentèrent de savoir ce qu'il était devenu. Pas même Natja comme elle l'avoue régulièrement lors des interviews qu'elle donne toujours aujourd'hui ne savait où Thomas se cachait, ne l'ayant jamais revu depuis la fin du tournage.
Grâce aux recherches de quelques fans invétérés durant toutes ces longues années, Thomas a récemment resurgi du néant dans lequel il s'était évaporé, touché par cette reconnaissance du public qui ne s'est jamais éteinte au fil du temps. A cette occasion Thomas a accepté avec grand plaisir de revenir sur les lieux du tournage mais surtout et avant tout sur cette expérience inoubliable que fut Moi Christiane F. .
A bientôt 45 ans, plus épanoui que jamais, il n'a rien perdu de ce charme qui autrefois en bouleversa plus d'un et d'une.
Thomas est né à Berlin en juin 1966. Alors jeune lycéen, il allait avoir 15 ans lorsqu'il fut choisi parmi plus de 2000 autres adolescents pour incarner Detlev. C'est la soeur du producteur Bernd Eichenberg qui le remarqua alors qu'il trainait au Sound, la boite branchée de Berlin où une partie du film fut tourné. Thomas était un habitué de ce lieu alors hautement réputé. Il avoue qu'il aimait le milieu étourdissant des nuits festives berlinoises et côtoyait régulièrement l'univers de la drogue sans pour autant avoir jamais été tenté par l'héroïne même s'il avait déjà essayé beaucoup d'autres choses beaucoup plus douces.
Sans trop y croire au départ, Thomas fut pourtant retenu pour le rôle et durant six mois il incarna Detlev. Se glisser dans la peau du personnage ne fut guère difficile pour lui tant il avait l'habitude voir des junkies notamment au Sound. Mais il confesse surtout que ce rôle lui apporta beaucoup sur le plan personnel. Cela l'aida à grandir et à se développer, à découvrir d'autres milieux dont ceux de la punk music, de la subculture, du monde artistique.
Il avoue également avoir été très proche de la soeur de la vraie Stella, l'amie de Christiane dans le livre, avec qui il est sorti l'espace d'un temps lors du tournage. La jeune fille apparait d'ailleurs dans le film. Elle interprète la jeune fille qui lui vend de l'héroïne au Sound lors de la séquence d'ouverture.
Si aujourd'hui certains des lieux où fut tourné le film ont été rénovés notamment la Banhoff zoo, toute l'équipe se retrouvait au milieu des junkies et prostitué(e)s qui envahissaient ces endroits. Thomas insiste sur le fait que rien n'était truqué hormis les scènes de shoot et de sevrage. L'ambiance était donc parfois très étrange. A son grand regret, certaines séquences qu'il aimait beaucoup n'ont pas été incluses dans le métrage final dont quelques scènes de shoot assez mouvementées tournées dans une maison en ruines prés du Mur.
Les scènes les plus difficiles furent pour Thomas celle où il fait l'amour avec Natja et celle où il se donne à un client. Plein de malice, il avoue qu'à 14 ans il n'avait jamais eu de relations sexuelles encore. C'était pour lui une grande première, une découverte qui le mettait quelque peu mal à l'aise.
Il connaissait évidemment encore moins le milieu gay et c'est avec grande attention que le réalisateur et son partenaire dans le film le mirent en confiance en lui montrant exactement ce qu'il devait faire lors cette douloureuse séquence qui clôturait son rôle.
Le look qu'arbore Thomas dans le film reste indissociable du personnage, touche définitive à sa beauté juvénile. Là encore, l'ex-comédien avoue que la plupart des vêtements qu'il portait pour le tournage était les siens. Peut être est-ce là encore une des nombreuses raisons pour laquelle Thomas semble si naturel durant tout le film.
En l'espace d'un seul film, il est devenu une sorte de figure emblématique de toute une génération qu'il toucha et émut. Spontané, attendrissant dans sa maladresse, Thomas était l'incarnation même de l'ange des rues déchu. Sa beauté de jeune éphèbe, ce sourire qui éclairait ce visage par instant fermé, son regard à la fois plein de tendresse et rempli de désespoir en ont un fait un des personnages les plus émouvants du film dont le coté homo-érotique trouvait toute sa splendeur lors de certaines scènes. Qu'il soit adossé contre un mur en quête de clients, le regard fuyant, moulé dans ses skinny jeans et chaussé de bottines à talons ou en plein sevrage dégoulinant de sueur, uniquement vêtu de ses sous-vêtements, Thomas traine avec lui tout au long du film un étonnant pouvoir d'attraction quasi électrique. Il dégage un érotisme à la fois sauvage et morbide. Sa composition en est d'autant plus remarquable si on considère son jeune âge. Est-ce alors surprenant si personne n'a oublié Thomas et qu'il continue aujourd'hui à jouir d'une telle popularité?
Thomas n'a jamais revu ni Natja ni aucun de ses autres partenaires. Il ne sait pas pourquoi. C'est ainsi. Mais il aimerait beaucoup tous les revoir aujourd'hui, rêvant comme nous tous d'une grande réunion de toute l'équipe. Très étonné de l'impact qu'a encore aujourd'hui Moi Christiane F. sur la jeunesse ainsi que l'attraction qu'exerce tous ces lieux tels que la Banhoff zoo, Thomas n'a pourtant pas à l'époque désiré continuer ce métier de comédien, trop critique envers lui même lorsqu'il visionna le film. Il préféra quitter ce milieu et poursuivre ses études.
Thomas vit toujours à Berlin. Il est aujourd'hui marié et père d'un garçon de 14 ans fier du passé d'acteur de son père même si Thomas n'en parle que rarement, encore moins dans son travail.
Très impliqué depuis son adolescence dans l'univers de la drogue, Thomas travaille depuis de longues années dans la prévention contre la drogue ainsi qu'en tant que conseiller psychologique pour jeunes toxicomanes. Son passé ne doit en effet ne pas prendre le pas sur ses difficiles fonctions afin qu'il puisse être crédible aux yeux de ses jeunes patients même si lorsqu'il dévoile qu'il fut Detlev, le seul, l'unique Detlev à l'écran les réactions sont toujours très chaleureuses et génèrent beaucoup de curiosité et de questions.
Si l'image de cet adolescent errant tel un zombi dans la faune désillusionnée berlinoise des années 80, restera ancrée en nous, nous sommes fiers que son interprète soit aujourd'hui un homme discret, heureux et dévoué à son prochain aussi à l'aise dans la vie qu'il le fut dans la peau de Detlev. On pourra lire la biographie de Thomas ICI.
A LA DECOUVERTE DES AUTRES ACTEURS:
JENS KUPHAL: Meilleur ami de Detlev et Bernd, Christiane disait de Axel qu'il était le garçon le plus laid qu'elle ait jamais rencontré. Son visage n'avait aucune harmonie dit elle. Ses bras et ses jambes semblaient être faits pour un autre corps que le sien... Pas de quoi attirer un PD. Axel mourra d'une overdose dans son appartement alors que Christiane était en vacances de Noël chez sa grand-mère. Dans l'adaptation cinématographique, Axel meurt bel et bien d'une overdose mais ce sont Christiane et Detlev qui découvrent le corps inanimé sur le lit, une seringue dans le bras.
Jens Kuphal comme tous ses partenaires était alors étudiant. Né en 1964, il avait 16 ans ans lors du tournage. Passionné de musique, Jens suivit entre 1985 et 1987 des études d'ingénieur
du son à Berlin. Dés 1989 il commence à travailler avec de prodigieux artistes allemands tels que Nena et Nina Hagen. Il travaillera par la suite avec des groupes comme Rammstein mais aussi avec Bonnie Tyler, Wyclef Jean ou encore Manfred Krug. En 1992 il fonde sa propre maison de production, la Nucleus Music Production. Jens travaillera beaucoup pour la ZDF et sera à l'origine de quelques célèbres musiques notamment celle qui représenta l'Allemagne aux jeux olympiques d'Atlanta en 1996. Il est aujourd'hui un heureux producteur de disques. A ce jour, il est avec Natja Brunkhorst le seul à avoir poursuivi une carrière artistique après le film. Le véritable Axel est mort à l'âge de 17 ans
BERNHARD JANSON: Dans le livre, il est Frank mais son personnage s'est dans le film transformé en celui de Milan qui était à l'origine le premier garçon dont Christiane était tombée amoureuse avant de rencontrer Detlev. Peu présent dans le film, Bernhard apparait furtivement durant les premières scènes au Sound en début de métrage puis fumer un joint lors du concert de David Bowie à la discothèque le Sound.
On le retrouvera à la fin du concert aux cotés de Bernd en pleine crise de manque. Christiane ira lui chercher une dose d'héroïne et se fera alors son premier shoot malgré les mises en garde des deux garçons. On ne verra plus Bernhard avant les scènes finales lorsque Christiane cherche désespérément son amie Babsi dans le métro. Totalement shooté, il murmurera simplement qu'il ne l'a pas vue. Ce fut pour Bernhard sa seule expérience cinématographique.
JAN JORG EFFLER: Il interprète Bernd, le meilleur ami de Axel et Detlev dont il partage l'appartement. C'est lui qui fera à Christiane les éloges de l'héroïne en comparant un shoot à un véritable orgasme. Jan Jorg Effler a par la suite mit un terme à sa courte carrière cinématographique et s'en retourna à l'anonymat.
ANDREAS FUHRMAN: Il interprète le rôle de Atze mais là encore il existe une grosse différence entre le film et le livre quant à son personnage. S'il drague Christiane et tente del'embrasser au cinéma lors des premières minutes du film, c'est un autre garçon, Charly, absent du métrage, qui à l'origine draguait la jeune fille durant la projection. Très peu présent dans le film Andreas ne réapparaitra qu'au détour d'une page de journal lorsque Christiane apprend sa mort par overdose. Atze fit partie alors des plus jeunes victimes de la drogue avec Babsi, la meilleure amie de Christiane. Andreas fera ses adieux au cinéma par la suite.
LOTHAR CHAMSKI: Il interprète le rôle de Rolf, un des clients réguliers de Detlev. Une relation assez étroite existait entre eux. Rolf était en effet amoureux de Detlev, une situation dont le garçon profitait afin d'être plus payé lors de leurs rencontres. Même si Detlev jurait à Christiane qu'il n'acceptait que de se faire toucher, la jeune fille le surprendra pourtant une nuit entrain de se faire sodomiser. Non professionnel lui aussi, Lothar disparaitra à la fin du tournage.
EBERHARD AURIGA: Eberhard fait figure d'exception à part entière dans le film. Il était en effet un véritable héroïnomane que Ulrich Edel engagea pour jouer le vieux junkie qui vole la seringue à Christiane dans les toilettes pour se piquer dans le cou devant une vieille dame. Fort de son expérience de junkie, Eberhard fut engagé par Edel comme photographe de plateau après avoir purgé deux ans de prison. Il put ainsi prodiguer de précieux conseils au réalisateur et aux jeunes comédiens lors du tournage tout en donnant un coté purement effrayant aux deux scènes où il apparait.
CHRISTIANE REICHELT: Elle interprète Babsi, la meilleure amie de Christiane dans le film. Elle sera la plus jeune victime que la drogue ait faite à Berlin. Elle décède en effet d'une overdose à tout juste 13 ans. Très important dans le livre, la présence de Babsi fut malheureusement réduite à son minimum dans le film pour n'apparaitre que dans quelques rapides séquences. Tout comme pour ses partenaires, ce sera l'unique prestation au cinéma de l'apprenti comédienne.
KERSTIN RICHTER: Kerstin endosse la peau de Stella, la meilleure amie de Babsi. Encore moins présente dans le film que Christiane Reichelt, Stella qui fut une des inséparables compagnes de Christiane n'est plus qu'un simple fantôme dans l'adaptation de Edel Kerstin disparaitra comme la plupart de ses camarades après la fin du tournage.
DANIELA JAEGER: Elle endosse la peau de Kessi la caïd, la meilleure amie de Christiane au début du film, celle qui pour la jeune fille est une sorte de modèle. Beaucoup plus présente dans le livre, le personnage de Kessi est dans le film malheureusement réduit à de furtives apparitions.On retiendra essentiellement la scène où les deux jeunes filles, épuisées par une nuit au Sound, s'affalent sur une banquette de métro au moment où la mère de Kessi passe devant elles.
LE SOEUR DE STELLA: Non créditée au générique, elle est tout simplement la vraie soeur de Stella, l'amie de la véritable Christiane. La jeune fille accepta de participer au film en tant que conseillère sur le tournage et apparait furtivement au tout début du film dans la scène où Detlev se fait remettre un sachet d'héroïne à la discothèque le Sound. Sa présence confesse Uli Edel lui fut très utile lors du tournage. Pour l'anecdote, Thomas Haustein avoue avoir flirté avec elle.
LA FAMILLE DE CHRISTIANE et SON ENTOURAGE:
La petite soeur de Christiane à laquelle la jeune Peggy Bussieck dont ce fut l'unique film prête son visage, la mère de Christiane jouée par Christiane Lechle une actrice allemande qui a principalement fait carrière à la télévision, Klaus le beau-père de Christiane interprété par Uwe Diderich, son seul et unique film, et la mère de Kessi incarnée par l'actrice de télévision Ellen Esser.
UN VOYAGE AU BOUT DE L'HORREUR:
Lorsque Christiane erre hagarde dans les couloirs blêmes du métro Zoo à la recherche de Babsi, elle y croise de très nombreux junkies, tous plus cauchemardesques les uns que les autres. Pour cette séquence particulièrement glauque, presque surréaliste, à la fois effroyable et fascinante, Edel a filmé clandestinement de véritables héroïnomanes dont certains en phase terminale. C'était la véritable faune qui peuplait le métro Zoo, sans trucage, sans fard, un grand moment de cinéma-vérité inoubliable qui marqua les jeunes acteurs.
FICHE TECHNIQUE:
WIR KINDER VON BANHOF ZOO:
Autres titres: Moi Christiane F. 13 ans droguée prostituée / Christiane F. Noi i Ragazzi dello Zoo di Berlino / Children from Banhof zoo
Réal: Uli Edel
Année: 1980
Pays: Allemagne
Genre : Drame
Durée: 104mn
Acteurs: Natja Brunckhorst, Thomas Haustein, Jan Jorg Effler, Jens Kuphal, Lothar Auriga, Daniela Jaeger, Kerstin Richter, Andreas Fuhrmann, Christiane Reichelt, Eberhard Auriga, Christiane Lechle, Uwe Diderich, Lothar Chamski, Bernhard Janson, Peggy Bussieck, Rainer Woelk, Ellen Esser, Lutz Hemmerling, Kerstin Malessa, Stanislaus Solotar, Cathrine Schabec... et David Bowie dans son propre rôle.
Date de sortie en France : 24 juillet 1981