Spermula
Autres titres:
Réal: Charles Matton
Année: 1976
Origine: France
Genre: Science fiction / Erotique
Durée: 103 mn
Acteurs: Dayle Haddon, Udo Kier, Pierral, Radiah Frye, Jocelyne Boisseau, François Dunoyer, Ginette Leclerc, Isabelle Mercanton, Georges Geret, Angela McDonald, Suzannah Dijan, Karin Petersen, Myriam Mézières, Valerie Bonnier, Silvie Matton, Eva Ionesco (non crédité)...
Résumé: D'étranges et splendides femmes venues de l'espace, les Spermulites, débarquent dans un petit village. Elles ont besoin pour survivre de sperme et vont vider de leur semence les hommes du village. Une seule condition: ne jamais tomber amoureuse, les Spermulites ne pouvant connaitre l'amour. Leur reine va malheureusement succomber à l'amour tandis qu'un jeune notable va tenter de les éliminer...
Voilà un film plutôt original, une tentative osée de science-fiction française, prenant pour thème un dérivé pour le moins surprenant du vampirisme. Charles Matton, peintre, sculpteur, photographe qui avait déjà à son actif un film, L'italien des roses réalisé en 1973, a osé imaginer quatre femmes fatales venues de l'espace qui se délectent non pas du sang de leurs victimes mais de leur semence! Sur cette incroyable trame, Matton a construit un film assez inégal mais non dénué de charme où il met en avant ses qualités d'artiste peintre et photographe.
Typique des oeuvres de science-fiction française des années 70, il émane de Spermula, titre imposé par le producteur à ce film qui au départ devait s'intituler L'amour est un fleuve en Russie, quelque chose de très spécial. Il s'en dégage une atmosphère délicieusement suave et trouble à la fois malheureusement trop souvent cassé par un coté franchouillard déplaisant qui le fait ressembler parfois à un essai cinématographique campagnard. Ceci provient essentiellement de certains dialogues souvent pathétiques et quelques scènes d'érotisme lourdes digne de vieilles comédies grivoises.
On regrettera également le coté ésotérique que le réalisateur cherche à donner à son film. Il l'affuble en effet de dialogues métaphysico-philosophiques le plus souvent incompréhensibles et surtout risibles qui alourdissent inutilement son sujet. Malgré ces défauts, Spermula arrive pourtant à dégager un charme poétique aux limites parfois du surréalisme lors de séquences magnifiques comme celle ouvrant le film, des enfants nus courant dans une immense prairie tandis que dans son vaisseau une enfant Spermulite se meurt faute de semence humaine.
Tout aussi belle celle où l'une des Spermulites se projette dans un songe d'enfance où elle parcourt un monde étrange et envoûtant ou celle encore du curé qui pour fuir les vampires plonge dans une piscine, sa soutane rouge s'étalant dans l'eau comme une immense corolle rouge sang alors que deux Spermulites, véritables sirènes, nagent vers lui pour lui voler sa semence. Cette très belle scène se fond et se mélange avec celle où un couple plonge dans un lit pour y faire l'amour, véritable piscine de satin cette fois. Très réussies sont également les séquences de cabaret qui distillent un charme tout particulièrement vénéneux lors desquelles les artistes interprètent des numéros où le sexe est omniprésent rappelant quelque peu les pièces réalistes des années 40-50. Celles ci donnent à l'acteur de petite taille Pierral l'occasion de montrer ses talents de comédien, un rôle difficile pour celui qui ici se révèle formidable. A la fois drôle, pathétique et émouvant, il a notamment certaines scènes assez crues dont quelques unes de nu plutôt osé notamment celle où Radiah Frye le masturbe sous un drap.
Jamais vraiment ennuyant mais sans jamais être vraiment passionnant Spermula, guère mis en valeur par une photographie plutôt laide et des couleurs délavées, de par son coté vénéneux attirera l'attention du curieux qui saura apprécier le film à sa juste valeur. Ceux qui attendent du film de Charles Matton une débauche de sexe graveleux seront par contre fortement déçus. Spermula se contente d'un érotisme léger agrémenté certes par quelques gros plans de rapides fellations fort explicites dans sa version intégrale, les éditions vidéo ne proposant que des versions plus ou moins expurgées des quelques séquences X. Reste la très attendue orgie finale où les corps se mélangent dans de magnifiques décors où stupre et onirisme se marient allégrement. Outre une auto-fellation faite par un contorsionniste et quelques plans crus, licencieux, on retiendra de cette sublime bacchanale, véritable tableau vivant, la séquence où une femme danse au ralenti en nuisette blanche qui vole au vent avant que des pétales de roses, comme soufflées, ne sortent de son postérieur. On remarquera que la rose, tout comme les fleurs en général, sont omniprésentes tout au long du film ne serait ce que sous forme de simple symbole.
En tête d'affiche on retrouvera Dayle Haddon dans la peau de la reine des Spermulites qui succombe à l'amour que toute Spermulite doit pourtant fuir. Dayle, magnifique, n'a étrangement aucune scène de nu, celles ci étant réservées à ses sujets. Elle se contente en effet d'arborer de voluptueux déshabillés et prendre des poses aussi lascives que langoureuses. A ses cotés, on aura le plaisir de retrouver les yeux bleus et le regard perçant de Udo Kier, toujours aussi troublant dans le rôle d'un néo Van Helsing chasseur de Spermulites. Certains reconnaitront Radiah Frye, la chanteuse et danseuse noire qui accompagna le temps d'un album le chanteur français Nino Ferrer en 1975. Pour l'anecdote Radiah n'est autre que la mère de la future Mia Frye. Toujours au générique on aura la surprise de découvrir le nom de quelques comédiennes et comédiens français de renom tels que Ginette Leclerc.
Le nom de la petite Eva Ionesco, alors tout juste âgée dix ans, fut jadis retiré de la distribution pour cause de pédophilie, gros scandale alors pour le film. Les courtes séquences où Eva participe à l'orgie finale furent elles aussi coupées de toutes les copies vidéo qui virent le jour par la suite, transformant ainsi Spermula en une sorte de Graal pour les fans d'Eva qui la découvriront l'année suivante dans le sulfureux La maladolescenza. Ne subsistent que quelques plans très furtifs au tout début du film où l'enfant est présente, jeune spermulite à l'agonie reconnaissable à ses boucles blondes.
Etrange et unique, ovni dans le ciel du cinéma de science-fiction français, Spermula dont l'esthétique embrasse le liberty-pop mérite malgré ses défauts toute l'attention du spectateur. Il laissera après sa vision un sentiment trouble et complexe qui assurément entrainera l'envie de revoir le film une deuxième fois.
On notera que la version américaine qui circule uniquement sous forme de bootleg est différente de la version qu'on connait chez nous. Celle ci, raccourcie de quelques 20 minutes, est en fait un assemblage de certaines séquences commentées en voix off par la reine des Spermulites auxquelles ont été rajoutés des plans assez surprenants tournés ultérieurement de la planète et du vaisseau spatial des spermulites, de leur planète-mère et
de nos sexy vampires à l'agonie, l'arrivée de l'astronef sur Terre et un générique curieux qui rappelle celui de Star wars. Toutes les scènes de sexe ou érotiques ont été retirées de cet assemblage mais on trouve par contre une séquence absente du film original, la transformation de Udo Kier en Spermulite. Le malheureux acteur se retrouve donc dans la peau d'un transsexuel au pénis atrophié. C'est aux Goblins qu'on doit la partition musicale omniprésente de cette version non officielle.
Charles Matton reviendra à la réalisation en 1994 avec La lumière des étoiles mortes et en 1999 avec Rembrandt.