Le faro da padre
Autres titres: La bambina / Je serais presque un père pour elle
Real: Alberto Lattuada
Année: 1974
Origine: Italie
Genre: Dramatique
Durée: 103mn
Acteurs: Irene Papas, Luigi Proietti, Theresa Ann Savoy, Lina Polito, Mario Scaccia, Maria Pia Attanasio, Daniela Caroli, Bruno Cirino...
Résumé: Clotilde a 16 ans mais l'âge mental d'une enfant de 5 ans. Si elle vit dans un univers mental restreint son corps a lui les désirs d'une femme. Elle vit au manoir parental avec sa mère plus intéressée par les manigances immobilières de son avocat que par sa fille et sa grand-mère qui s'occupe d'elle avec soin et amour. C'est alors que l'avocat découvre l'adolescente et voit en elle un bel objet de chantage. Il la kidnappe mais n'avait pas prévu de tomber follement amoureux de Clotilde. Il va naitre entre l'adolescente et l'avocat une relation très forte où chacun ne peut plus vivre sans l'autre. Après que Clotilde ait été violentée par un des complices de l'avocat, ce dernier rend la jeune fille à sa mère. Mais séparé de cet homme qu'elle aime plus que tout, elle sombre dans la folie tandis que l'avocat se désespère. Seule leur réunion pourra leur rendre ce bonheur perdu...
Réalisé en 1974, Le faro da padre connu chez nous sous le titre évocateur de La bambina est une sorte de point de non retour dans la représentation de l'adolescence comme objet sexuel au cinéma quelques années avant l'unique Maladolescenza de Murgia même si les deux films ne sont en rien comparables. A cette époque, Alberto Lattuada, un des réalisateurs les plus controversés du cinéma italien, n'a plus rien à craindre de la censure qui bien souvent le foudroya par le passé et peut alors se laisser aller à tous ses fantasmes en abordant des thèmes le plus souvent pointus.
Clotilde est âgée de seize ans mais a l'esprit et le comportement d'une enfant de cinq ans. Elle est incontinente, ne parle que par onomatopées, pleure comme un nouveau-né. Si elle a le corps d'une adolescente, elle en a également les désirs et attire sur elle les regards masculins.
Fille d'une comtesse, c'est sa grand-mère qui s'occupe d'elle. La vieille femme la masturbe pour qu'elle s'endorme le soir, satisfaisant ainsi habilement les premiers émois de son ardente sexualité. Un refus de la part de la vieille femme et elle hurle comme une enfant. Satisfaite, elle s'endort alors comme un ange.
Inconsciente de ses actes, Clotilde l'est. Mais lorsqu'elle urine au beau milieu d'une réception, elle témoigne d'une certaine intelligence. A sa manière elle trouve dans ce geste indécent une façon détournée d'attirer l'attention et le regard concupiscent des messieurs.
Clotilde est insatiable. Dans son univers restreint d'enfant attardée, le sexe est comme une échappatoire, un refuge, l'unique plaisir d'une vie végétative.
Sa mère perdue entre un mariage stérile et quelques stratégies immobilières crapuleuses s'intéresse plus à l'argent et aux manigances financières de son avocat qu'à cette fille qu'elle aime mais à sa façon. En se laissant séduire par son félon d'avocat, la comtesse est loin d'imaginer que cette relation va se retourner contre elle.
Quand l'avocat découvre Clotilde, s'il est tout d'abord mal à l'aise devant cette enfant, il sera rapidement séduit par sa spontanéité, son naturel, son irrésistible charme et l'innocence qu'elle refléte. Il tombe vite amoureux de l'adolescente malgré son handicap mental.
Dés lors, Lattuada va oser toutes les provocations en bravant l'interdit. Non seulement son héroïne est une adolescente en plein éveil sexuel mais c'est de surcroît un adulte qui en tombe amoureux, l'idolâtre et organise son kidnapping.
Clotilde sauvage et farouche au départ, va apprendre à connaitre cet homme. Dans son esprit d'enfant, elle voit en l'avocat celui qui la nourrit et s'occupe d'elle. L'adolescente sauvage se fait docile, lui sourit comme elle souriait à un poupon, apprend à l'aimer. Elle voit aussi en lui ce mâle que son corps réclame. Après la gène coupable, l'avocat, touché au plus profond de son âme par cette adolescente, va l'aimer comme une femme et jouer avec elle comme avec une enfant. Il va s'éprendre d'elle jusque à en tomber fou amoureux, ne plus concevoir sa vie sans elle, l'aimer jusqu'à la coprolâtrie. Quand Clotilde s'oublie, urinant et déféquant sur lui lors d'un jeu, il ramasse les excréments, les porte à ses lèvres comme une offrande: Je t'aime Clotilde, j'aime tout de toi donc j'aime aussi ta merde! déclame t-il solennellement.
Désormais, Clotilde ne peut plus se passer de lui, autant son corps que son coeur réclament l'avocat. Tant et si bien que lorsqu'elle retrouve sa mère après avoir été enlevée et violentée, Clotilde va dépérir, refuser de s'alimenter et demeurer prostrée sous son berceau géant. Sa mère acceptera que l'avocat l'épouse à la grande joie de Clotilde.
Derrière ce scénario scabreux, cette histoire souvent grotesque, Le faro da padre, qui jadis fut sujet à polémique et fortement controversé et critiqué lors de sa sortie en Italie, n'est pourtant jamais qu'une comédie romantique, aussi acide et amère soit elle, qui prend pour base principale l'adolescence comme attrait sexuel mais également la décadence et le vice de la haute bourgeoisie, un thème alors très en vogue dans le cinéma italien. Le cinéaste agréme l'ensemble de quiproquos et autres situations vaudevillesques, essence même de la comédie à l'italienne. Si Lattuada comme beaucoup d'autres de ses confrères l'avaient fait déjà fait notamment au travers des premiers films de Gloria Guida, se permet de mettre en scène une relation interdite qu'on pourrait presque qualifier de pédophile La bambina est avant tout une magnifique histoire d'amour d'une rare émotion qui ne laissera personne indifférent.
Sous son aspect cynique et insolite se cache en fait un drame terrible que Lattuada magnifie par de très belles images et une interprétation parfaite de la part d'Irene Papas dans le rôle de la comtesse et Luigi Proietti dans la peau de l'avocat. Mais toute la force du film en revient à sa jeune interprète Theresa Ann Savoy dont c'était le premier film. A tout juste seize ans, Theresa irradie l'écran et possède un professionnalisme rare. Drôle, émouvante, Theresa parvient à attendrir et tirer les larmes au spectateur. Theresa EST tout simplement Clotilde et de son incroyable jeu nait toute la force du film.
Lattuada caresse son corps nubile de sa caméra, découvre son intimité sans pudeur, sublimine l'érotisme post pubère (Theresa dormant nue dans son berceau tel un ange).
Jadis sorti en salles en France mais totalement oublié depuis, devenu avec le temps plutôt rare en Italie, La bambina n'est jamais qu'une superbe histoire d'amour d'une rare intensité, un pur joyau de ce cinéma autre prenant comme base le mythe interdit de la lolita comme seule l'Italie a pu et su jadis en faire, brillamment intelligent, tendrement émouvant et si joliment scandaleux. Un de ces nombreux exemple type de films politiquement incorrects et particulièrement courageux qu'il serait aujourd'hui totalement impensable de pouvoir réaliser. Derrière l'émotion et l'aspect scabreux de cette histoire, La bambina fait partie des vestiges de ce cinéma italien qui bravait alors tous les tabous et interdits avec une assurance stupéfiante.