Paola Senatore: Chronique d'une vie ratée
Si beaucoup d'acteurs et d'actrices du cinéma de genre italien ont connu un parcours des plus chaotiques et une fin souvent bien triste, celui de Paola Senatore est certainement un des plus tragiques avec celui de Karin Schubert. Il est plus d'autant plus tragique que les fées ne se sont jamais penchées sur le berceau de la future starlette, l'enfance de cette jolie rousse aux yeux verts ayant été tout aussi dramatique que le reste de sa vie. Le Petit Maniaco se devait de rendre hommage à cette actrice de talent qui n'a pas réellement su trouver sa voie et s'est perdue sur les difficiles chemins de la vie.
Si Paola est venue au monde à Rome en 1950, c'est malheureusement par la force des choses. Sa mère d'origine calabraise a dû fuir son bourg natal alors qu'elle était enceinte. Fille-mère, elle ne pouvait rester dans ce village à la mentalité rétrograde et fermée. Elle dût donc se réfugier à Rome où naquit la petite Paola.
Après une enfance guère heureuse, c'est à vingt ans que la belle Paola connut son premier contact avec le monde du cinéma. Elle tourne en effet son premier film en 1970, Robin Hood l'invincible arciere de José Merino. Elle enchaine aussitôt avec L'amore quotidiano de Claude Pierson dans lequel elle interprète une jeune fille qui a de graves troubles de la sexualité qui l'empêchent d'avoir des rapports sexuels avec les hommes.
Paola va dés lors se voir attribuer des rôles où elle doit jouer nue mais cela ne la dérange pas outre mesure. C'est lors d'un tournage qu'elle tombe éperdument amoureuse d'un homme qui allait devenir le centre de sa vie. Outre l'amant, il représentait à ses yeux la figure paternelle qui lui avait tant manqué dans son enfance. Mais la belle romance va s'arrêter quand Paola tombe enceinte. Refusant cette paternité, son amant la force à avorter et Paola doit donc s'exiler à Londres.
C'est à cette période pourtant qu'elle va tourner ses meilleurs films. On va ainsi pouvoir admirer la belle Paola dans bon nombre d'oeuvres aussi intéressantes que diversifiées allant du giallo au WIP en passant par le polar.
Elle est à l'affiche notamment du giallo de Gianfranco Piccioli Il fiore dai petali d'acciaio, l'excellent thriller surnaturel L'assassino ha riservato nove poltrone de Giuseppe Bennati, un huis-clos basé sur le modèle des Dix petits nègres dans lequel elle interprète une jeune fille perfide et ambigüe, le réputé WIP Diario segreto da un carcere femminile / Condamnées à l'enfer de Rino Di Silvestro ou encore le sexy giallo A.A.A Massagiatrice bella presenza offresi de Demofilo Fidani dont elle est l'héroïne principale interprétant une une escort girl mineure. Le film existe sous une forme hardcore avec inserts X que ne tourna pas Paola bien évidemment.
Elle effectue un étonnant strip-tease tout en exécutant une danse endiablée sous l'effet de
drogues dans le curieux thriller psychologique Madeleine anatomia di un incubo de Roberto Mauri aux cotés de Camille Keaton et Silvano Tranquilli juste avant Un tizio con la faccia strana ti cerca per ucciderti, un petit polar de Tulio De Micheli avec Barbara Bouchet et Christopher Mitchum dans lequel elle n'a malheureusement qu'un petit rôle.
Nous sommes alors en 1975. Paola va alors vraiment entamer sa période érotique. C'est avec Tinto Brass qu'elle ouvre le bal lorsque le réalisateur la choisit pour jouer le rôle d'une prostituée sadomasochiste dans Salon Kitty. Même si Paola n'est pas vraiment satisfaite de sa prestation, ce film va la faire découvrir du grand public qui n'attend qu'une chose: la voir jouer nue. Elle sera la fille du mois dans le magazine Playmen en février 1974. Son regard fier et décidé, son corps généreux, sa facilité à se dénuder vont beaucoup l'aider à devenir la nouvelle sexy star d'Italie.
Salvatore Sampieri va lui offrir en 1977 la chance d'échapper aux rôles légers et prouver son talent d'actrice avec Nènè de Salvatore Samperi avec qui elle partage la vedette avec l'actrice à scandale Leonora Fani. Paola y est bouleversante dans le rôle d'une mère soumise. Elle démontre avec brio ses talents de comédienne dramatique. Malheureusement, le film sera un cuisant échec en Italie et Paola voit alors sa chance disparaitre.
Dés lors, elle n'apparaitra plus que dans des films sexy dont elle ne sera plus jamais la protagoniste principale.
Elle est au générique de Black Emanuelle in America de Joe D'Amato. Sa participation à ce film qui lui coûtera cher car en plus d'une amende de 400 000 lires, elle sera condamnée à trois mois de prison.
Elle retrouvera Joe D'Amato pour Immagini di un convento / Les amours interdites d'une religieuse où elle joue une soeur machiavélique prête à tout pour sortir d'un couvent maudit dans lequel on l'a enfermé de force. Blonde décolorée, elle est une hippie nudiste aux cotés de Paola Montenero dans l'existentiel et surréaliste Calamo de Massimo Pirri. On la voit ensuite dans le brutal polizesco Come cani arrabbiati de Mario Imperoli. Elle y endosse la tenue d'une fliquette sexy.
La concurrence malheureusement va devenir dure et Paola va être confrontée à toute une pléiade de nouvelles actrices jeunes et belles, Gloria Guida en tête. Elle va alors essayer de se recycler dans le cinéma de genre mais la lutte est perdue d'avance. Paola n'a plus la fraîcheur de ses vingt ans. Elle va devoir se contenter de seconds rôles.
Elle apparait ainsi dans quelques comédies sexy telles que L'infermiera di notte / L'infirmière de nuit de Mariano Laurenti où elle interprète le rôle trop court d'une généreuse prostituée, La dottoressa preferisce i marinai de Michele Massimo Tarantini, La settimana al mare, Le gynécologue de ces dames / Il ginecologo della mutua de Joe D'Amato et Le trou aux folles de Marino Girolami dans lequel elle est la très sexy épouse d'un Mario Carotenuto bisexuel qui se travestit en cachette.
En 1979, elle décroche un des rôles principaux de Mangiati vivi / La secte des cannibales de Umberto Lenzi aux cotés de Janet Agren dont elle joue la soeur et Me Me Lai. La même année elle apparait furtivement en prostituée dans Le tropique du désir / La donna della calda terra de José Maria Forqué. C'est à ce moment que le déclin de Paola commence.
Elle ne réapparaitra pas avant 1983. Cette année là, elle est à l'affiche de trois films érotiques inspirés de La clé de Tinto Brass signés Bruno Gabarro. Il s'agit de Malombra, Maladonna et Penombra qui n'est autre qu'un montage purement commercial des deux premiers films. On y retrouve une Paola quelque peu défraichie et triste qui pourtant dégage toujours cette sensualité charnelle qui fit son succès autrefois. Ce seront les ultimes films qu'elle tournera. Depuis quelques années déjà, Paola a de graves problèmes avec la drogue qui rapidement
vont l'anéantir d'autant plus que son compagnon, Claudio Campiglia, est lui aussi toxicomane. C'est à ce moment malheureusement que Paola tombe à nouveau enceinte. Malgré le peu de joie que montre son compagnon face à cette grossesse, Paola est déterminée cette fois à garder son enfant. Mais elle va devoir affronter d'importants problèmes financiers. Pour subvenir à leurs besoins, elle accepte de poser pour des revues pornographiques comme Le ore e men. Des photos érotiques au cinéma X il n'y a souvent qu'un pas qu'elle va vite franchir lorsque Arduino Sacco lui demande de tourner dans Non stop sempre buio in sala connu aussi sous le titre Paola Senatore sempre buio in sala. En fait, les scènes hardcore ont été tournées par un ami très proche de Paola, le réalisateur Bruno Gaburro, alors que les autres scènes de sexe ont été réalisées par Paola, son compagnon et un ami commun. Grâce à la sortie du film, Paola parvient à nouveau à faire parler d'elle même si ce film est une catastrophe.
Réalisé en semi-clandestinité, aux limites de l'amateurisme, Paola y apparait empâtée, le regard vide. La belle n'est plus que le spectre de ce qu'elle fut quelques années encore auparavant. Paola ne tourna qu'un seul film X mais les distributeurs surent être malins. Avec les chutes de film non utilisées, ils firent un autre film mettant en avant le nom de l'actrice. C'est ainsi que prit jour La sfida erotica auquel ils rajoutèrent des scènes tournées avec Marina Frajese, la star du X italien d'alors.
Le dernier scandale auquel le nom de Paola fut mêlé se produisit en 1985 quand la police vint l'arrêter en pleine nuit pour usage et possession de stupéfiants. Des centaines de journalistes et de photographes étaient venus attendre la star déchue, la mitraillant de leurs flashes. Paola déclara alors que c'était hallucinant de voir toute cette masse se presser comme si on venait d'arrêter l'ennemi public n°1. Je n'étais qu'une toxicomane, malade. Sous les flashes, j'ai vu toute ma vie défiler confia t-elle à un magazine en 1986.
Depuis ce jour, Paola n'a plus jamais fait parler d'elle. Elle a totalement et délibérément disparu. Des rumeurs affirmeraient qu'elle aurait réussi à sortir du monde de la drogue et se serait désintoxiquée. C'est tout le mal qu'on peut te souhaiter, Paola.
Où que tu sois désormais, nous espérons que tu as enfin trouvé le bonheur auprès de ton enfant et pu t'épanouir loin du monde impitoyable du show business.