Quella strana voglia d'amare
Autres titres: That strange desire for love/ Esa estrana forma de amar
Réal: Mario Imperoli
Année: 1977
Origine: Italie
Genre: Dramatique / Erotique
Durée: 91mn
Acteurs: Christian Borromeo, George Eastman, Bebe Loncar, Marina Giordana, Philippe Leroy...
Résumé: Marco et Angela sont frère et soeur. Après le décès de leurs parents, ils vivent dans l'immense bâtisse familiale qui se dresse au milieu de la verdoyante campagne. Ils ont au fil du temps développé une forte relation incestueuse. Marco aime admirer sa soeur nue, Angela en est passionnément amoureuse. Leurs jeux aussi ludiques soient ils ont depuis longtemps dépassé le simple stade de l'innocence du moins pour Angela. L'arrivée de Claudia, une séduisante professeur de piano, va enflammer les sens de Marco qui s'en éprend rapidement. Après qu'elle les ait surpris entrain de faire l'amour, Angela va se replier sur elle même, vivre, les observant derrière un miroir sans tain, maladivement jalouse. Cette relation triolique morbide ne pourra conduire qu'à un drame inéluctable, cruel, violent, dans un climat de plus en plus lourd et maladif, point de non retour d'une folie latente...
Mario Imperoli restera pour l'amateur de cinéma érotique italien celui qui lança à tout juste 16 ans l'impétueuse Gloria Guida en lui offrant le personnage principal de la longue série des Lycéennes qui fera d'elle une star internationale.
Spécialiste de la comédie érotique aigre douce, il sut derrière une certaine légèreté traiter de sujets souvent tabous tels que l'inceste et la prostitution adolescente.
Quella strana voglia d'amare, inédit en France, est certainement son film le plus abouti mais également le plus grave. S'il reste une des oeuvres non seulement les plus fortes et marquantes qu'il ait réalisé durant sa courte carrière il demeure également un très bel exemple de ce cinéma érotique morbide dont l'Italie se fit la spécialiste dés la fin des années 60 jusqu'à la fin des années 70.
Quella strana voglia d'amare n'est jamais qu'une nouvelle histoire d'amour passionnel, obsessionnel et contre-nature, d'une relation incestueuse qui baigne sans cesse dans un climat de folie latente dissimulée derrière la beauté champêtre du cadre naturel où se dresse cette vaste demeure délabrée où vivent isolés les deux principaux protagonistes. Marco et Angela sont deux jeunes orphelins qui se sont au fil du temps coupés du monde dont les seuls reliquats sont ce prêtre qui leur rend visite de temps à autre et Rocco, l'homme à tout faire, monstrueusement balafré à la suite d'un grave accident de voiture qui lui a fait perdre l'usage de la parole.
Un des passe-temps de Marco est de truffer la maison de micros et de hauts-parleurs. Ce sont, outre des objets dont il se sert pour communiquer avec sa soeur, de véritables petits systèmes d'espionnage mis en place pour terrifier et rendre fou Rocco en diffusant des bruits assourdissants d'accidents qui lui martèlent l'esprit. Ce sont chez Marco ses premiers signes de folie tandis que Angela se complait à observer derrière un miroir sans tain soit son frère pour qui elle éprouve des sentiments amoureux soit l'intimité de la belle professeur de piano, une intruse qui sera le point déclencheur d'une autre folie cette fois plus destructrice,
cruelle et meurtrière. En voyant son frère lentement lui échapper, Angela se replie sur elle même et vit recluse dans sa chambre. Elle passe le plus clair de son temps à l'espionner derrière son miroir, guettant ses faits et gestes. La haine qu'elle nourrit pour cette femme grandit chaque jour un peu plus mais elle doit l'accepter par amour pour Marco. La jeune fille se détruit lentement, rongée par la colère et le désespoir. C'est étrangement auprès de cette intruse qu'elle va pourtant trouver un peu de réconfort. Une relation aussi trouble que troublante va ainsi naitre entre les deux femmes jusqu'à la nuit où Angela trouvera son frère entrain de lui faire passionnément l'amour. En quelques minutes tout va basculer. La folie qui habite tant Marco que Angela va enfin pouvoir exploser lors d'un final aussi inattendu que cruel d'une violence stupéfiante.
Quella voglia strana d'amare est une parfaite illustration de l'éternelle lutte entre Eros et Thanatos lorsque l'amour se rapproche dangereusement de la mort, celle d'un amour impossible et contre-nature entre deux êtres depuis longtemps coupés de la réalité, le reflet d'une folie dont on n'est peut être pas conscient mais qui vous ronge lentement de l'intérieur en se dissimulant derrière le vernis des apparences.
Quella strana voglia d'amare est une inexorable régression de la lumière vers l'obscurité pour les personnages de Imperoli dont la beauté se fond dans celle de la nature environnante. Ils sont pourtant à l'image de cette gigantesque ruine familiale fissurée de toutes parts, une superbe masure ancestrale d'apparence indestructible qui abrite l'aliénation de deux êtres pervers qui ne peuvent échapper à leur cruelle destinée.
Si Angela pourrait être suffisamment forte et intelligente pour quitter cette maison son frère en tombant amoureux de cette femme mature, figure symbolique de la mère protectrice et salvatrice, pourrait quant à lui s'ouvrir au monde extérieur. Le frêle équilibre illusoire de cet Eden va cependant très vite exploser lorsque leur folie latente respective reprendra le dessus. Du paradis c'est en enfer que le frère et la soeur vont alors plonger jusqu'au dramatique et inéluctable final où Imperoli, le point de non retour atteint, captera dans le regard de Angela l'essence même de l'aliénation, non pas celui d'un macabre triomphe mais de la mélancolie et du désespoir puisqu'ils réalisent que tous deux sont condamnés à une
inexorable mort psychique... ou quand sur fond de balançoire le fantôme du
passé se superpose à l'implacable réalité. Eros vient d'épouser Thanatos.
A la vision du film, on songe parfois à l'hôtel morbide et l'atmosphère pesante de Pensione paura de Francesco Barilli ainsi qu'au personnage d'adolescente livrée à sa propre démence que Leonora Fani y incarnait. Dans un cinéma beaucoup plus traditionnel on pensera au magnifique Ames perdues de Dino Risi.
Par bien des aspects Quella strana voglia d'amare et son étrange et magnifique ouverture en costumes rappellera le cinéma gothique d'antan. Avec un sens tout particulier de l'esthétisme Mario Imperoli filme ces longs corridors, ces escaliers interminables, ses salles aux murs effrités ornés de lourdes tentures et de tableaux, ces nuits d'orage qui contrastent avec la luminescence de la campagne par ces journées d'été.
A l'image des décors, Imperioli magnifie tout autant la beauté angélique de ses personnages par le biais de plans simples mais toujours superbes. Il capte un regard, un visage comme on peint un tableau. L'érotisme tout en nuance et volupté est tout aussi sublimé, jamais scabreux ni sale, bercé par la magnifique partition musicale de Manuel De Sica.
L'interprétation tout en justesse des trois principaux interprètes achève de donner au film sa touche de perfection. On saluera la prestation du jeune Christian Borromeo dont c'était le premier vrai grand rôle à l'écran et très certainement son plus beau. Imperioli joue merveilleusement bien de son androgynie et la beauté angélique de son visage angélique lors de plans d'une absolue maîtrise.
A ses cotés, Marina Giordana, la fille du réalisateur Claudio Gora dont c'était la première apparition à l'écran, prête ses courbes nubiles, son regard vert translucide et ses formes généreuses au personnage de Angela. La très mature Bebe Loncar dont ce sera un des derniers véritables grands rôles au cinéma est l'intruse, Philippe Leroy est remarquable dans la peau du prêtre tandis que George Eastman également responsable du scénario
est l'homme à tout faire balafré et muet. Voilà un personnage plutôt étonnant pour Eastman aussi effrayant que pathétique qui offre là une de ses plus inoubliables interprétations. L'imposant acteur tient là un de ses rôles les plus forts, trop court certes mais cependant déterminant au sein de cette histoire d'irréversible folie dans laquelle il tisse une relation ambigüe et destructrice entre lui et la jeune femme.
S'il fallait retenir un film de la belle carrière de Imperoli, ce serait bel et bien celui ci, une véritable petite perle du cinéma érotico-morbide italien aujourd'hui devenu quasiment invisible. Cette dramatique histoire d'amour interdit beaucoup trop méconnue, injustement oubliée des éditeurs DVD, mériterait largement d'être aujourd'hui redécouverte afin d'en apprécier toute la force et la beauté macabre.
Après cet éclat, le cinéaste signera l'étrange et rarissime Canne mozze avant de s'éteindre quelques temps plus tard.