Karin Schubert: Le tragique destin d'une reine
Elle fut une des plus belles stars du cinéma de genre italien, celle dont le nom fera encore briller de mille feux les yeux de ses admirateurs. Son destin fut malheureusement un des plus tragiques, la vie n'ayant fait aucun cadeau à cette plantureuse diva originaire d'Allemagne. Découvrons le parcours de la superbe et exubérante Karin Schubert qui lentement connut la déchéance puis l'enfer à l'instar de ses consoeurs Lilli Carati, Paola Montenero, Laura Antonelli et Paola Senatore qui contrairement à elle surent s'en sortir
Karin Schubert, de son vrai nom nom Karin Joanna Schubert est née en 1941 à Hambourg. Elle suit des cours de secrétaire d'administration et remporte haut la main son diplôme. Sa foudroyante et insolente beauté la font très vite remarquer des agences de mannequin. Parallèlement à ses études, la belle va tout naturellement poser en tant que modèle pour différents magazines et spots publicitaires. Elle sera d'ailleurs la fière représentante des
Bières Peroni, sous l'égide de Ugo Tognazzi. C'est à cette époque qu'elle se fiance et épouse un des représentants de la firme Opel. Les jeunes mariés quittent l'Allemagne et s'installent en Suisse. De cette union naitra un fils qui d'ailleurs sera bien des années plus tard un des facteurs de la déchéance de la future star. Malheureusement, Karin doit retourner en Allemagne au chevet de sa soeur malade. Comme dans tout malheur se cache une part de bonheur, le réalisateur italien Amassi Damiani lui propose à cette époque de tourner son premier film en Italie: La facocera. Nous sommes en 1968, Karin a 27 ans et rentre donc dans l'univers du 7ème art qu'elle ne quittera plus. Elle va enchaîner films sur films. L'actrice saute avec une aisance incroyable d'un genre à un autre, en véritable professionnelle. On la voit dans des comédies telles que Riuscirà la nostra cara amica a rimanere vergine fino alla fine della nostra storia? de Hubert Frank en 1970, I due maghi del pallone de Mariano Laurenti et le Satiricosissimo du même Mariano Laurenti. Elle tente même le western avec Companeros de Sergio Corbucci.
Elle apparait brièvement dans le giallo de Enzo Castellari Gli occhi freddi della paura dans le rôle d'une d'hôtesse de night club puis dans un registre plus fantastique on la voit dans Ore di terrore de Robert Bradley.
En France, on la découvre surtout avec l'incontournable comédie La folie des grandeurs de Gérard Oury aux cotés de Louis de Funes et Yves Montand mais également deux autres grands noms du cinéma de genre italien Gabriele Tinti et Venantino Venantini, deux noms indissociables du cinéma de genre dont Karin ne tardera plus à devenir une des stars. Une version de Barbe Bleue, Barbablù de Luciano Sacripanti suivra en 1972. Cette même année elle fait une brève apparition dans le curieux giallo horrifique Girl in room 2A de William L. Rose.
Le cinéma sexy lui fait alors de l'oeil. Karin est à l'affiche de deux décamérotique, sous genre du cinéma érotique né du succès du Décameron de Pasolini. Elle est donc au générique de Quel gran pezzo dell'Ubalda tutta nuda e tutta calda de Mariano Laurenti aux cotés de Edwige Fenech avec laquelle elle forme un séduisant duo puis de Racconti proibiti... di niente vestiti de Brunello Rondi.
Karin poursuit allégrement sa carrière avec entre autre le brutal La punition de Pierre Alain Jolivet, Scusi.. ma lei paga le tasse? de Mino Guerrieri en 1973, Mio dio! come sono caduta in basso de Luigi Comencini. On la retrouve ensuite dans le polizesco de Sergio Grieco
L'uomo che sfido l'organizzazione en 1975 ainsi que Lo Sgarbo / Le châtiment de Marino Girolami. Elle est la perfide et odieuse Yvonne Rigaud, rivale de Silvia Dionisio dans Il bacio di una morta de Carlo Infascelli.
Si l'année suivante elle fait encore partie de la distribution d'un médiocre petit giallo ibérique, Il buio intorno a Monica de Ramon Fernandez, cette année là verra un tournant important dans sa carrière puisque Karin va devenir une habituée des comédies coquines à l'italienne. Arborant une nouvelle coupe courte très masculine alors à la mode elle est d'abord au générique de Emanuelle nera / Black Emanuelle en Afrique de Bitto Albertini aux cotés de Laura Gemser et Gabriele Tinti qui allèrent devenir de vrais amis. Laura Gemser se souvient avec tendresse de Karin. Elle a gardé d'elle l'image d'une femme rayonnante, forte, au tempérament exubérant comme le sont les vraies allemandes. Elle aimait rire à gorge déployée et ne se déplaçait jamais sans son mari et son chien qu'elle bichonnait sur les tournages. Karin adorait les chiens. Elle est ensuite à l'affiche d'un des films de la série des Toubib avec La dottoressa sotto il lenzuolo / La toubib au cours du soir de Gianni Martucci.
En 1977 elle tourne un autre film de la série Black Emanuelle, Emanuelle: perchè violenza alle donne / Emanuelle autour du monde sous la direction de Joe d'Amato. On la voit également dans l'exotique Il pavone nero / Le dieu noir de Osvaldo Civirani. Sous les tam-tams vaudous, Karin y a une brûlante scène de saphisme.
En 1979 elle retourne le temps d'un film à la sexy comédie avec L'infirmière de l'hosto du régiment de Mariano Laurenti. Elle n'y a malheureusement qu'un tout petit rôle.
C'est cette même année que sous la direction de Jean Marie Pallardy l'actrice va tourner son premier film érotique réellement osé, Una donna particolare qui conte l'histoire d'un mari qui vend son épouse à de riches hommes. Comment Karin a t-elle franchi le pas de l'érotisme léger pour un cinéma plus hard? Karin l'expliquait ainsi: Je revenais d'Espagne où je venais de tourner une coproduction hispano-italienne et je n'avais plus de travail. Mon agent m'a appelé et m'a demandé si ça m'intéressait de faire des photos pour des magazines de charme très populaires en Italie, comme l'avait fait Marisa Mell, Paola Senatore, Lili Carati et tant d'autres. J'ai accepté et ce fut un réel succès, tant et si bien que j'ai prolongé mon contrat d'un an. Des photos aux films, il n'y a qu'un pas.
Entre temps, l'actrice avait divorcée et désormais seule, ce fut le commencement d'une lente chute aussi bien professionnelle que physique. Son fils toxicomane contribua à cette vertigineuse descente aux enfers. Karin devait le faire soigner et dut faire face à de graves problèmes financiers. Le cinéma la boudant, elle se tourna contrainte et forcée vers le porno dans lequel elle officia pitoyablement pendant presque dix ans. Elle tourne encore en 1984 pour Rino Di Silvestro A 16 ans dans l'enfer d'Amsterdam où elle est la mère déchue et alcoolique de Ann-Gisel Glass. Certains pourraient y voir un rôle quasi prémonitoire.
Karin se retrouve ensuite sans travail, elle n'a plus aucune proposition. C'est sous la férule de Andrea Bianchi qu'elle va alors faire son entrée dans le monde du hardcore. Ce sera
Cora bourgeoise ou putain / Morbosamente vostra. Elle tournera ensuite pour Paolo di Tosto, Giorgio Grand et tant d'autres jusqu'à l'aube des années 90 qui allèrent être tragiques pour la comédienne qui accepte désormais les situations les plus dégradantes.
Karin, la quarantaine passée, va connaitre la déchéance physique. Elle mit un terme à sa carrière à l'âge de 42 ans et n'apparaitra plus que dans des productions hardcore. On citera parmi celles ci Karin l'ingorda, Il vizio nel ventro, Osceno, The devil in Mr Holmes avec John Holmes et Kieran Canter, Le tre porcelline, La moglie vogliosa, Karin et Barbara, Cappuccetto rosso X de Luca Damiano. Enfoncées bien à fond en 1994 sera son ultime prestation à pratiquement 50 ans.
Trop âgée pour prétendre reprendre une carrière ne serait ce qu'érotique, sans argent, elle se retrouve coincée entre son fils toxico-dépendant et ses vingt chiens qu'il lui fallait nourrir.
Karin traverse une grave crise existentielle. Le 2 septembre 1994, elle fait une
tentative de suicide en avalant un tube de barbituriques en ingurgitant
plus d'un litre de vodka. Elle est heureusement sauvée à temps. Rétablie, Karin vit de l'agriculture dans une masure infestée de rats. C'est alors qu'elle trouve une petite maison avec du terrain pour ses chiens près de Turin à Manziana. Certains producteurs, à 54 ans, essaient encore de tirer profit de karin en tentant de l'utiliser comme un morceau de viande dira t-elle lors de son ultime interview. Elle avoue aussi survivre grâce à la générosité financière d'un vieil homme de 72 ans qui l'entretient, espérant désespérément que Karin tombe amoureuse de lui. Seule, désespérée, totalement perdue, quelques mois après cette interview, le 20 mai 1996, elle tente de se donner à nouveau la mort de la pire façon qui soit. Elle s'attache au tuyau d'échappement de sa propre voiture et s'asphyxia. La Mort, une fois de plus, ne voulut pas d'elle et Karin fut sauvée.
Depuis, l'ex-reine de beauté allemande n'est restée que l'ombre d'elle même, vivant retirée loin de tout. En 1998, la rumeur affirmait l'avoir vue dans un film X mais aucune preuve ne fut apportée. Toujours à la fin des années 90 elle est au coeur d'un mini scandale local lorsqu'elle est aperçue avec Marina Frajese dans une maison close.
Ce sera l'ultime fois que la comédienne fera parler d'elle. Karin va tout simplement s'évaporer de la surface de la Terre au début des années 2000. Certaines sources affirmèrent à l'époque que la malheureuse actrice souffrait de troubles mentaux et aurait été internée dans un hôpital psychiatrique. La preuve n'en fut jamais apportée. Quelque fut sa destinée espérons que Karin ait réussi à s'en sortir et qu'elle soit aujourd'hui encore de ce monde.
Contrairement à sa consoeur Lilli Carati qui sut se sortir du giron infernal de la drogue et de l'industrie pornographique, Karin à l'instar de Paola Senatore ou Laura Antonelli a fini de la pire façon qui soit alors que tout semblait sourire à cette flamboyante jeune femme.
Un destin tragique qui en fera méditer plus d'un mais qui fut malheureusement la triste récompense de bien des comédiens et comédiennes d'alors. Karin a su nous éblouir par sa beauté, cette exubérance et joie de vivre typiquement germanique et son évidente gentillesse. On gardera d'elle cette image merveilleuse qu'elle renvoyait d'elle.