Femi Benussi: La diva slave
La plupart des genres cinématographiques ont eu leur reine et Dieu seul sait si la comédie érotique italienne a eu les siennes. Fort prolifique dans les années 70, l'Italie ne compte plus les décamérotiques et autres polissonneries familiales où se croisent maris cocufiés et nièces coquines. Si le premier nom qui vient à l'esprit quand on évoque la sexy comédie italienne est celui de la voluptueuse Edwige Fenech, il existe une autre reine qui enflamma alors les écrans et qui aujourd'hui encore reste aux cotés d'Edwige une des plus inoubliables diva de ces coquineries salaces. L'amateur aura évidemment reconnu la brune Femi Benussi, l'icône du cinéma sexy qui fit rêver toute une génération de spectateurs, une brunette flamboyante au regard limpide qui fait définitivement partie des étoiles de Cinecittà. Voici l'éblouissant parcours de cet incontestable sex symbol des années 70.
D'origine yougoslave, Femi Benussi de son vrai nom Eufemia Benussi est née le 4 mars 1945. Très tôt, elle décide de quitter sa ville natale, Rovigo d'Istria aujourd'hui ville croate, pour oublier une déception amoureuse. Elle quitte donc sa famille pour partir à la découverte de l'Italie. Elle débarque à Rome, ville où metteurs en scène et producteurs étaient alors sans cesse en quête de nouvelles starlettes. Une aussi belle étrangère ne passe donc pas inaperçue. C'est Pasquale Festa Campanile qui lui offre son tout premier rôle au cinéma en 1965, une simple figuration aux cotés de Vittorio Gassman et Virna Lisi dans Una vergine per il principe. Massimo Pupillo la remarque alors et lui propose à tout juste vingt ans un des principaux personnages de Il boia scarlatto / Le bourreau écarlate. Si elle y apparait sous le nom de Femi Martin ce film sera pour elle le premier d'une d'une très longue liste, plus de quatre-vingt titres en quelques quinze ans de carrière.
Pier Paolo Pasolini après avoir vu quelques unes de ses photos la veut absolument pour son nouveau film Uccellacci e uccelini dans lequel elle joue une fille des rues. Si le film sera pour Femi un carte de visite inespérée et surtout très utile pour la suite de sa carrière, il reste à ce jour un de ses plus beaux souvenirs, un des films si ce n'est le film dont elle est le plus fière.
Le cinéma de genre va par la suite beaucoup s'intéresser à Femi qui fait son entrée dans l'univers du western-spaghetti, des films musicaux et des films d'espionnage. Elle est au générique notamment de 00/ Ciak operazione mondo de Marino Marzano, le drame mafieux à l'eau de rose A suon di lupara de Luigi Pietrini, Tre pistolero contro Cesare de Enzo Peri, Requiem per un gringo de José Luis Merino, El Zorro de Guido Zurli, Il tempo degli avvoltoi de Nando Cicero ou encore Vacanze sulla costa smeralda de Ruggero Deodato aux cotés de Edwige Fenech. Edwige, l'autre grande sexy icône du cinéma transalpin d'alors, deviendra une de ses meilleures amies avec qui elle partagera sa passion pour l'ésotérisme et l'occultisme. Elles tourneront plusieurs fois ensemble dont Susanna e i suoi dolci vizi alla corte del re de François Legrand et le sexy giallo de Andrea Bianchi Nude per l'assassino.
La belle yougoslave tournera d'autres gialli par la suite. On la retrouve donc à l'affiche de La peur au ventre de Roberto Montero Bianchi en 1972 où Femi meurt poignardée sur une plage lors d'une des plus belles scènes du film ainsi que du divertissant Omicidio per vocazione / L'assassino ha le mani pulite / Homicides par vocation de Vittorio Sindoni. Elle a un des rôles principaux de La sanguisuga conduce la danza de Alfredo Rizzo, un thriller érotique softcore sans grand intérêt avec Patrizia Webley et son amie Krista Nell qu'elle accompagnera jusqu'à son dernier souffle. Elle tourne également pour Mario Bava Une hache pour la lune de miel / Il rosso segno della follia qui n'est malheureusement pas un de ses meilleurs gialli. Elle enchaîne avec le trop peu captivant La mort sonne toujours deux fois / La morte bussa due volte du germanique Harald Philips, l'intéressant L'assassino è costretto ad uccidere ancora de Luigi Cozzi et le curieux Questa libertà di avere le ali bagnate de Alessandro Santini. Du gialli au polizesco il n'y a qu'un pas. En 1972 elle tourne La mala ordina / L'empire du crime de Fernando Di Leo et en 1975 Il giustiziere sfida la città / Bracelets de sang de Umberto Lenzi, un réalisateur dont elle garde un odieux souvenir. Nous sommes alors au milieu des années 70 et la carrière de Femi va alors prendre une toute nouvelle orientation. Avant d'être intronisée reine de la comédie coquine, Femi tournera pour Giuseppe De Santis, Un apprezzato professionista di sicuro avvenire, un drame lourdement censuré à sa sortie, qui après son passage chez Pasolini restera comme un de ses rôles les plus intéressants et surtout son seul film à tendance auteurisante.
En ce début de décennie, l'ère est à l'érotisme. La sexy comédie est en plein essor. Suite au succès du Décameron de Pasolini toute une série de décamérotiques va voir le jour. Femi va très vite en devenir une des égéries avant d'être une des stars, véritable icône du cinéma érotique et de la comédie polissonne qui occupera désormais la majeure partie de sa carrière. Elle est ainsi aux cotés de son amie Edwige Fenech dans Samoa reine de la jungle puis incarne une bien belle Tarzanne dans Tarzana sesso selvaggio de Guido Malatesta avant d'apparaitre en indigène sexy dans Che fanno i nostri supermen tra le vergine della giunglia de Bitto Albertini. Elle est Livia, la servante de Poppée, dans Le caldi notte di Poppea toujours de Guido Malatesta, un personnage qu'elle reprendra dans Poppea.. una prostitua al servizio dell'impero de Alfonso Brescia. Elle est également présente dans Le calde notti del Decameron de Gian Paolo Callegaro, Decameron 3: le piu belle done del Boccaccio et Canterbury proibito / Canterbury interdit de Italo Alfaro, I giochi proibiti dell'Aretino Pietro ou encore Les 1001 nuits érotiques de Antonio Margheriti.
Désinhibée, rayonnante, mutine, Femi étale son corps et ses charmes face aux caméras dans des rôles parfois peu conséquents mais toujours très remarqués. On ne compte plus les nièces friponnes, les tantes adultères et autres jeunes femmes en quête de bien polissons instants qu'elle va interpréter jusqu'à la fin de la décennie. On citera entre autre Quando l'amore è sensualità et Lezioni privati de Vittorio De Sisti, Il domestico et I sette magnifici cornutti de Luigi Russo. En 1974 Femi tourne à Paris ce qui reste son film le plus sexuellement osé Adolescence pervertie de José Bénazéraf aux cotés de Malisa Longo dans lequel elle fut fort heureusement doublée pour les scènes pornographiques même si la fellation qu'elle mime avec le jeune Hervé Hallf reste surprenante.
Elle est une tante nymphomane dans La collegiale / Collégienne en vadrouille avec Nino Castelnuovo et Silvia Dionisio puis apparait dans Carnalità de Alfredo Rizzo qu'elle retrouve pour la seconde fois avant d'interpréter la coquine femme de ménage raciste de La cameriera nera de Mario Bianchi. Elle est de nouveau une tante cette fois incestueuse qui tente de séduire le jeune Jean Claude Verné dans Le dolci zie de Mario Imperoli. Elle est à l'affiche de La moglie di mio padre et Cara dolce nipote / Les caprices d'une nièce / La collégienne prend des vacances de Andrea Bianchi, La novizia / La novice se dévoile de Giuliano Biagetti dont elle partage l'affiche avec Gloria Guida, La commessa de Riccardo Garrone ou encore Stangata in famiglia de Franco Nucci. Elle fait aussi partie de la distribution des deux sympathiques comédies de Mario Siciliano Una vergine in famiglia et Campagnola bella.
Femi endossera elle aussi la blouse des professeurs et autres toubibs que l'Italie nous offre dés 1977. On l'admire dans Classe mista / La prof et les farceurs de l'école de Mariano Laurenti aux cotés de l'incendiaire Dagmar Lassander, Che dottoressa ragazzi! / Aïe Toubib! ne coupez pas de Gianfranco Baldanello, La professoressa di langue de Danilo Dani, l'insipide Le impiegate stradali de Mario Landi, La moglie di mio padre de Andrea Bianchi ou encorePeccatori di provincia de Tiziano Longo sans oublier une brève apparition dans Emanuelle in the country / L'infermiera di campagna de Mario Bianchi avec Laura Gemser.
La fin des années 70 verra le déclin progressif de la comédie sexy et la carrière de Femi comme celle de beaucoup d'autres stars du genre vont en souffrir. La reconversion n'est pas toujours évidente sans oublier l'implacable horloge du temps qui tourne inexorablement. A bientôt quarante ans, Femi ne peut plus vraiment continuer à jouer les gredines adolescentes ou les jeunes femmes légères. Elle continue cependant de tourner jusqu'en 1979 de petites comédies mineures dont la dernière sera Il vizaccio de Mario Landi et en apparaissant dans quelques petites productions de pure exploitation telle que Malabestia. Femi, désillusionnée, fatiguée d'apparaitre sans cesse nue, décide de ne plus accepter de scénario où il devra se dévêtir, un choix qui lui sera fatal.
Les années 80 verront ainsi la fin définitive du règne de Femi, certes emportée par l'agonie du cinéma de genre et de ce cinéma populaire qui durant quasiment dix ans la déifia, mais surtout brisé par sa décision irrévocable. Au cours d'une interview pour un quotidien italien, elle expliquera, déçue, amère, que du moment où elle a choisi de dire non aux scènes de nu plus aucun producteur ne l'appela, plus aucun metteur en scène ne la réclama.
Elle fera donc ses tristes adieux au cinéma en 1982 en apparaissant dans Erotiko pathos / Erotic passion du grec Ilias Milonakos, une petite production érotico-hard avec Ajita Wilson. Toujours aussi radieuse à bientôt quarante ans, Femi y dévoilera une dernière fois ses charmes lors de scènes particulièrement osées. Elle aurait du tourner une autre de ces productions, Le pornodiavole, toujours avec Ajita mais le film suite à de nombreux déboires resta inachevé. Femi apparaitra une toute dernière fois en 1983 dans un autre film érotique guère plus flamboyant Corpi nudi de son ami Amasi Damiani dans lequel elle joue son propre rôle. Elle n'y fait qu'une très brève apparition habillée aux cotés de Gianni Dei, à titre gracieux, par simple amitié pour Damiani. Voilà un bien triste chant du cygne pour celle qui fut une des reines du cinéma coquin italien puisque c'est ainsi qu'elle fera ses adieux au monde cruel du septième art.
Depuis quelques années déjà, Femi était consciente de la médiocrité des films qu'elle tournait. Fatiguée, lasse et surtout écoeurée par ce qu'on lui proposait, révoltée par les vils procédés commerciaux qui transformaient des oeuvres érotiques en productions hardcore pour l'étranger, Femi se sent étouffée, elle est arrivée à un point de non retour. Trop c'est trop dira t-elle il faut savoir s'arrêter. Elle va alors tirer un trait définitif sur son passé d'actrice et disparaitre. Elle décide sans regret de changer radicalement de vie. Elle quitte Rome et retourne vivre un temps en Yougoslavie où elle vivra les grandes transformations de son pays. Elle reviendra vivre, anonyme, quelques années plus tard à Rome, Aujourd'hui, loin des feux de la rampe, Femi a préféré ne plus accepter aucune interview ni revenir sur sa carrière d'actrice encore moins de se montrer. Contre toute attente, Femi, après de longs pourparlers, accepta de réapparaitre en 2002 après plus de 20 ans de silence à l'occasion d'un long entretien qu'elle accorda à la presse italienne, un moment unique durant lequel elle revint sur l'ensemble de sa carrière avant de s'évaporer à nouveau, cette fois définitivement, refusant catégoriquement toute apparition publique.
Si notre étoile a décidé d'enterrer ce glorieux passé, respectons cette décision mais pour nous, Femi restera une des étoiles les plus lumineuses et représentatives du cinéma populaire italien, celle qui continuera à illuminer nos songes les plus coquins encore de longues nuits. C'est bien connu, les astres stellaires sont immortels.