Ernesto

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Réal: Salvatore Samperi
Année: 1979
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 91mn
Acteurs: Martin Halm, Lara Wendel, Michele Placido, Virna Lisi, Turi Ferro, Concha Velasco, Francisco Marso, Enrique San Francisco...
Résumé: 1911 à Trieste. Ernesto, 16 ans, fils d'une mère juive et d'un père aujourd'hui décédé, est élevé par son oncle et sa rigide tante. Comme toute famille juive, l'argent et la réussite sociale sont primordiaux. Ernesto n'a pour seule ambition que de devenir violoniste et n'a guère d'intérêt pour le travail qu'il effectue afin de subvenir aux besoins de sa famille. Un jour il rencontre dans un entrepôt un docker homosexuel qui s'éprend de l'adolescent. Conscient de ses attentes, Ernesto accepte de se donner à lui et commence ainsi une relation passionnelle à travers laquelle Ernesto découvre les plaisirs virils jusqu'au jour où une putain lui fait découvrir l'hétérosexualité. C'est alors que Ernesto décide de mettre un terme à sa relation avec le docker. C'était sans compter l'arrivée dans sa vie d'un jeune garçon de son âge, Lilio, violoniste, dont il tombe éperdument amoureux. Lorsque Lilio lui présente Rachel, sa soeur jumelle, possessive et jalouse, une curieuse relation triolique aussi malsaine qu'ambigüe va naitre. Ernesto est incapable de choisir entre Lilio et sa jumelle...
On doit à Salvatore Samperi quelques unes des plus belles dramatiques érotiques des années 70 prenant comme principal thème l'initiation sexuelle et les amours interdites entre un adolescent et un adulte, souvent une très jolie jeune femme avec laquelle il souhaite s'initier aux plaisirs du sexe. On a encore tous en tête Grazie zia / Merci ma tante et Malizia, deux des plus gros succès de ce début de décennie. Avec Ernesto, libre adaptation du
roman éponyme de Umberto Saba, il y aborde certes son sujet de prédilection mais cette fois sous l'angle de l'homosexualité. Ernesto n'est plus ni moins qu'un film sur les incertitudes de l'adolescence, ces chemins que l'on cherche à un âge où il est encore difficile de comprendre ses désirs et l'ambiguïté qui les caractérise, sur la difficulté d'assumer ses choix et d'accepter son identité sexuelle.
Situé au début du siècle, Ernesto est une jolie comédie aigre-douce tout en nuances, d'une
beauté étonnante, d'un romantisme à fleur de peau, baignant dans une lumière solaire qui rappelle par instant le cinéma d'Hamilton. Les scènes d'amour entre l'adolescent et le docker sont d'une grande pudeur à l'instar de la passion explosive qui unit Ernesto et Lilio. Ni indécent encore moins scabreux, Ernesto risque donc de décevoir ceux qui en attendaient toute une série de scènes sulfureuses. Samperi préfère le romantisme, la tendresse. Il
suggère plus qu'il ne montre, attisant ainsi l'imagination du spectateur, renforçant l'aspect fantasmatique de l'ensemble. Difficile de ne pas succomber à la très belle scène où le docker fait lentement glisser les pantalons de l'adolescent, découvrant subrepticement son fessier, avant de l'étreindre tendrement.
La très belle partition musicale de Carmelo Bernaola tient une place importante et contribue pas mal à renforcer l'aspect romantique de l'ensemble.
Si la force des sentiments aussi troubles soient ils reste égale, le cadre de ces deux romances fort particulières quant à lui change. Des entrepôts sales et miséreux, l'univers quotidien du docker, se substitue en effet la beauté campagnarde et le clinquant de la haute bourgeoisie dont est issue la famille de Lilio. Ce luxe, cette richesse remplace la pauvreté habituelle du cadre de vie d'Ernesto et de sa mère, une famille de petits commerçants juifs. Cette élégance de style se retrouve également dans le choix des costumes des différents
protagonistes, riches ou pauvres. Symbole d'innocence, Ernesto est tout de blanc vêtu, une sorte d'ange tombé du ciel qui découvre la vie. Pour le docker, n'est il pas d'ailleurs son ange?
Ernesto n'est cependant pas exempt de toute cruauté. Samperi est par instant amer et cruel car la passion des sentiments l'est comme l'est l'adolescence.
Ainsi, la relation entre Ernesto et le docker va lentement prendre une tournure inattendue après que le jeune garçon ait découvert l'hétérosexualité avec une prostituée. De docile
esclave-amant, soumis aux désirs de l'homme (il l'initie directement à l'homosexualité en le sodomisant), c'est Ernesto qui prendra l'avantage sur l'homme. Il ose se rebeller lors de la difficile séquence de la badine. C'est là qu'il mettra un terme à leur relation après avoir humilié son amant en le laissant seul dans la blessante position du sodomite.
Cette cruauté est aussi présente dans la relation triolique qui va naitre entre Ernesto et les jumeaux. Si Rachel est jalouse et souhaiterait elle aussi avoir Ernesto, Lilio est quant à lui
possessif et brutal. Leur rivalité s'en trouve ainsi décuplée d'autant plus qu'Ernesto est incapable de choisir entre Ilio et sa soeur jumelle.
C'est un jeu à trois malsain qui débute alors dont toute la perversité éclate lorsque les jumeaux intervertissent leur personnalité. Lilio, maquillé en fille et habillé des vêtements de sa soeur devient ainsi Rachel et Rachel vêtue comme Lilio se coupe quant à elle les cheveux devant Ernesto. Elle devient alors ce garçon qu'il semble tant aimer. Cette troublante et dangereuse métamorphose ne fera qu'accroitre la colère de Lilio.
C'est l'argent ou plutôt l'arrivisme qui feront rentrer les choses dans l'ordre. Pour la famille d'Ernesto, l'argent de Rachel est une belle occasion pour qu'il épouse un jour la jeune fille et devienne ainsi un respectable et fortuné citoyen. Mais l'argent peut il dissimuler les véritables personnalités? Le clin d'oeil qu'adresse Ernesto à la caméra alors que le mot Fin apparaît apporte là une bien ironique réponse.
On pourra regretter que Samperi n'ait pas plus développé ses personnages et les relations
qui les unissent. Peut être aurait il été souhaitable de mieux les dessiner afin de renforcer le coté dramatique de certains éléments notamment la passion destructrice qui unit le docker à cet adolescent ainsi que les motivations qui poussent Ernesto à accepter ses avances alors que rien ne le faisait pressentir jusqu'alors.
Il en va de même pour ce dilemme auquel l'adolescent doit faire face lorsqu'il découvre qu'il prend tout autant de plaisir dans une relation hétérosexuelle. Si Ernesto est l'incarnation de la plus parfaite bisexualité, celle qu'on vit sans doute ni heurt dans un parfait et total équilibre,
il aurait peut être été souhaitable de mieux expliquer ce parcours à un âge où il est bien difficile de faire la part des choses. Si ce manque de psychologie dans le trait des personnages ne nuit pas forcément à l'histoire, une étude plus poussée lui aurait apporté très certainement une profondeur non négligeable. Samperi a tout simplement opté pour la simplicité, il n'a recours à
aucune fioriture, son but n'étant justement pas de faire une profonde étude
psychologique de ses personnages. Il reste dans la superficialité tout
en allant à l'essentiel. Celle ci pourra malheureusement faire dire aux âmes chagrines que Ernesto est une oeuvre certes belle mais sans véritable âme.
En l'état, Ernesto est un très beau film dont on retiendra la beauté des images, la tendresse et la pudeur, une belle histoire joliment gay tout en nuances sur les amours homosexuelles et l'ambiguïté sexuelle adolescente sur fond de début de siècle.
Ernesto doit également beaucoup à ses interprètes notamment l'étonnante prestation de son jeune protagoniste, Martin Halm, un acteur allemand ici dans son tout premier rôle au grand écran, dont le visage respire candeur et innocence. La justesse de son jeu est admirable face à Michele Placido, toujours aussi convaincant, en docker transi d'amour. Virna Lisi incarne une mère juive tandis que Lara Wendel dans le double rôle de Lilio / Rachel est un choix assez contestable. Curieux que le réalisateur ait donné à la même actrice le rôle des jumeaux. Cela renforce cependant l'aspect troublant de cette double entité d'autant plus que le coté ingrat de Lara, tout juste sortie des amours scandaleuses de La maladolescenza, apporte une touche d'androgynie bienvenue ici. Le réalisateur la retrouvera quelques années plus tard pour la comédie juvénile Vai alla grande. Si Ernesto est un des rares films italiens à avoir traité de l'homosexualité, qui plus est de l'homosexualité adolescente, il restera surtout avec Nenè et Malizia un des films les plus réussis de son auteur.