Eleonora Giorgi: Le virage d'un ange
Ex-lolita du cinéma transalpin, on la compara souvent à un ange. Une longue chevelure blonde, les yeux bleus, un visage de poupée, elle illumina de sa candeur les écrans dans bon nombre de films le plus souvent à connotation érotique. Propulsée alors nouvelle sexy starlette, toute auréolée d'un léger parfum de scandale, elle sut cependant magnifiquement bien amorcer un virage professionnel radical dés le début des années 80 en mettant en valeur ses véritables talents de comédienne dans un cinéma beaucoup plus sérieux.
C'est à la lettre E que le Maniaco s'arrête aujourd'hui en vous dévoilant le parcours de cet ange si joliment nommé Eleonora Giorgi.
Issue d'un milieu aisé, Eleonora est née à Rome le 21 octobre 1953 d'un père producteur cinématographique et d'une mère hongroise céramiste. C'est à seulement 17 ans que Eleonora quitte la maison familiale pour vivre une vie autonome et indépendante. Afin de subvenir à ses besoins, elle est tour à tour secrétaire, baby-sitter, employé, mannequin et modèle. Ses photos ne passent pas inaperçues et tombent assez vite entre les mains de producteurs de cinéma. C'est ainsi qu'elle apparaît non créditée dans Fellini-Roma et La tarentule au ventre noire de Paolo Cavara.
En 1973, à tout juste 20 ans, Eleonora se voit confier le rôle principal de Storia di una monaca di clausura / Histoire du 17ème siècle de Domenico Paolella produit par Tonino Cervi qui l'avait remarqué après avoir eu entre les mains quelques unes de ses photographies. Magnifique aux cotés d'une ex-lolita du cinéma de genre Catherine Spaak, Eleonora y apparaît quasi angélique, sublimée par une superbe photographie. La carrière de la jeune actrice est ainsi lancée. Elle devient alors la nouvelle lolita du cinéma italien, spécialisée dans les rôles d'adolescentes souvent morbides.
Elle est à l'affiche de La sbandata de Salvatore Samperi et Alfredo Malfetti, adolescente amoureuse de son vieil oncle, l'incestueux Les passionnées, la meilleure amie débauchée d'une toute jeune et cruelle Ornella Muti amoureuse de son père dentiste. Elle est l'assistante nymphomane de Luigi Proietti dans En l'an 2000 il conviendra de bien faire l'amour de Pasquale Festa-campanile. Elle est également à l'affiche de Il bacio et Alla sua mamma nel giorno del suo compleanno.
En 1974 son nom est malheureusement lié à une terrible tragédie. Amie proche du jeune acteur Alessandro Momo, c'est sur la moto qu'elle lui avait prêté qu'il trouvera la mort le 19 novembre.
Cette même année, absolument délicieuse, elle fait la page centrale du magazine Playboy.
Sa carrière se poursuit néanmoins et on peut admirer sa superbe plastique dans Cuore di cane d'Alberto Lattuada, l'histoire d'un scientifique qui tente de greffer un coeur de chien sur un être humain, le violent polizesco de Romolo Guerrieri Liberi armati pericolosi / Jeunes violents et désespérés de Romolo Guerrieri avec Max Delys avec qui elle vit alors une intense histoire d'amour qui prendra fin assez rapidement avant qu'elle ne tombe dans les bras du jeune Danilo Matteià peine sorti d'Ame perdue de Dino Risi. Elle tourne pour Aldo Lado L'ultima volta aux cotés de Joe Dallesandro et pour Eriprando Visconti Caresses bourgeoises avant d'être l'héroïne de film scandale de Giorgio Stegani, Disposta a tutto dans lequel elle interprète une jeune étudiante encore mineure amoureuse d'un homme marié jusqu'à en devenir totalement dépendante. A sa sortie, le film fait couler beaucoup d'encre. Eleonora doit alors se défendre sur les ondes et expliquer les raisons pour lesquelles le cinéma en fit une de ses sexy starlettes la condamnant à jouer nue dans des films le plus souvent érotiques. Eleonora se sent alors bafouée, montrée du doigt par les médias. Elle part en Afrique avec Joe Dallesandro tourner 60000 chilometri di paura avant de se retrouver à l'affiche d'un giallo psychologique des plus inquiètant réalisé par Alfredo Rizzo Suggestionata.
C'est en 1979 qu'Eleonora décide de se refaire une santé et de redorer son blason de comédienne quelque peu terni depuis le scandale de Disposta a tutto en tournant pour Damiano Damiani Un uomo in ginocchio et Oublier Venise pour Franco Brusati. Travailler pour Brusati fut pour la jeune femme une chance. Elle confesse aujourd'hui que c'est Franco qui lui donna l'envie d'être enfin une vraie actrice.
Cette même année, Eleonora épouse en grandes pompes Angelo Rizzoli à Venise. De cette union naîtra un fils, Andrea. Devenue désormais une femme importante de la haute société italienne, Eleonora abandonne les films érotiques. Elle est ainsi à l'affiche de la comédie Mani di velluto avec Adriano Celentano avant d'être une des héroïnes d'Inferno de Dario Argento. Suivront Nu de femme, Grand hotel Excelsior, Mia moglie è una strega ou encore Oltre la porta.
En 1984 son époux est impliqué dans le scandale politique P2 qui défraya la chronique en Italie. Il est arrêté et emprisonné. Eleonora divorce et obtient la moitié du patrimoine de son ex-mari.
Elle se remariera en 1986 avec l'acteur Massimo Ciavarro dont elle aura un fils, Paolo.
C'est en 1988 qu'elle mettra un terme à sa carrière au grand écran après deux dernières apparitions, une pour Compagna di scuola et l'autre pour Il volpone.
Dans un premier temps Eleonora va quelque peu disparaitre pour s'occuper d'une ferme. Elle divorce en 1995 avant de se lier sentimentalement à l'écrivain Andrea De Carlo.
Eleonora va alors beaucoup travailler pour la télévision comme elle l'avait déjà fait dans les années 80. Elle tourne bon nombre de téléfilms et mini-séries, participe à de nombreux talk-shows et fait aussi de la radio.
En 2003 Eleonora ajoute une nouvelle corde à son arc puisqu'elle met en scène son premier film, Uomini e donne amori e bugie, produit par son ex-mari, Massimo Ciavarro et interprété par son amie Ornella Muti. Forte de cette première et fructueuse expérience elle réalise un deuxième film en 2009, L'ultima estate, avant de faire un come-back en 2010 à la radio.
Le regard toujours aussi envoûtant qui n'a pas rien perdu de cet éclat de candeur qui jadis en fit son charme, Eleonora est aujourd'hui une femme épanouie et heureuse, comblée par son métier tant de comédienne que de réalisatrice. Ce regard s'est malheureusement éteint définitivement le 3 mars 2025. Luttant contre un cancer du pancréas depuis 2021 la talentueuse actrice a perdu son combat contre la maladie. Eleonora restera non seulement à nos yeux une des éternelles lolita du cinéma de genre italien mais également une comédienne accomplie.