L.I.E - Long Island Expressway
Autres titres:
Real: Michael Cuesta
Année: 2001
Origine: USA
Genre: Drame
Durée: 96mn
Acteurs: Paul Dano, Billy Kay, Brian Cox, James Costa, Bruce Altman, Tony Michael Donnelly, Walter Masterson, Michelle Carano, Adam Lefevre, Brad Silnutzer, Tatiana Burgos, Bob Gerardi, Gladys Dano, Frank Rivers, Anthony F. Perugine...
Résumé: Howie, 15 ans, vit avec son père depuis la mort accidentelle de sa mère sur la Long Island expressway, l'autoroute qui borde la ville où vit l'adolescent. Désenchanté, sans repère, oublié par son père trop occupé à son boulot, Howie traine avec ses amis et plus particulièrement Gary, une petite frappe au visage d'ange qui se prostitue pour gagner suffisamment d'argent et partir à jamais de cette ville. Tous vivent de menus larcins et de la prostitution. Gary ignore la double vie de Gary dont il est amoureux. Entre eux existe une sorte de jeu de séduction mais Howie n'ose pas franchir le pas. Un jour il est amené à faire connaissance de Big John, un pédophile sexagénaire qui passe son temps à lever les jeunes garçons au bord des routes. Il ignore que Gary fait partie de ses clients réguliers. Si dans un premier temps Big John désire Howie, le désarroi et la gentillesse de l'adolescent vont le déstabiliser. Il se prend d'amitié pour lui et va jouer les pères de substitution malgré la souffrance de devoir réfréner ses désirs sexuels. Une relation très forte va naitre entre eux...
Premier film du réalisateur Michael Cuesta, L.I.E fait référence à la Long Island Expressway, une autoroute qui s'étend en marge de la banlieue où vivent ces adolescents sans repère, les jeunes héros de cette histoire difficile qui fit à sa sortie couler beaucoup d'encre. Cette autoroute est synonyme de mort, la mère de Howie, le personnage principal, y a trouvé la mort, comme l'est également cette banlieue, vide, grise où tous ces jeunes semblent lentement mourir d'ennui. Pour tromper le néant de leur vie et peut être pouvoir un jour quitter ce mouroir de béton, ils cambriolent les pavillons et se prostituent le long de l'autoroute, offrant leur corps juvénile aux pervers de passage. C'est dans cet univers de désolation que vit Howie, 15 ans, un garçon profondément marqué par la mort de sa mère, trop tôt remplacée par son père, un homme d'affaires fourbe qui délaisse son fils pour son travail. La famille pour Howie ce sont ses amis tout autant à la dérive et plus précisément Gary, un voyou, une petite frappe au visage d'ange qui vend ses charmes aux quatre coins de la ville pour amasser le plus d'argent possible et fuir le toit familial pour la Californie.
La première partie du film est majoritairement consacrée à l'ambiguïté de leur relation. Ignorant la double vie de son camarade, Howie, encore innocent, est à l'âge où bien souvent la frontière entre l'amitié et l'amour est difficile à cerner. Chaque geste, chaque parole, chaque regard peut prendre une signification bien particulière parfois erronée, bercée par les sentiments qu'on refoule. Tout est ici à double sens, volontaire ou non. Gary lui conte fleurette au clair d'un feu de bois, Howie très attiré par son ami, se laisse séduire. Il le désire, il n'ose pas franchir le pas. C'est une fois de plus la quête de l'identité sexuelle que met en avant Cuesta mais avec beaucoup de tact et de sensibilité tant et si bien que cette quête en devient souvent émouvante et surtout très belle.
Toute cette première partie est empreinte d'un homo-érotisme nubile particulièrement délicat et parfaitement fantasmatique. Cuesta déshabille pudiquement ses jeunes comédiens qu'il aime mettre torse nu, s'attarde sur de langoureux regards qui parfois se font fuyants lorsqu'on observe discrètement son ami uriner ou s'habiller, déploie toute une imagerie typiquement masculine comme ces instants de rare bonheur où l'être secrètement aimé se retrouve sur vous au cours d'une lutte virile, ces moments où en l'absence de l'autre on fouille sa chambre, ramasse un sous vêtement... Ce sont les sous-entendus et les non-dits mais également tous ces jeunes paumés qui, nonchalants, au bord des routes, s'offrent aux automobilistes ou font leurs petites affaires derrière une pancarte.
La deuxième partie du film est beaucoup plus sombre et surtout plus difficile puisqu'elle narre la relation claire-obscure qui lentement va naitre entre Howie et Big John, un pédophile sexagénaire qui va prendre le garçon sous son aile protectrice. Exit toute recherche d'identité sexuelle, exit tout homo-érotisme, Cuesta se focalise désormais sur cet étrange lien qui aurait pu facilement pu faire sombrer le film dans la facilité et le voyeurisme pervers. Bien au contraire le cinéaste a choisi une fois de plus la pudeur tout en préférant la psychologie à l'aspect exploitatif du sujet. Il met en effet l'accent sur la personnalité double face de Big John, un homme qui collectionne les photos d'adolescents et les vidéos de fellations prises sur le net. Son désir pour cette jeunesse il le satisfait en levant les jeunes prostitués le long de l'autoroute et les parkings de la ville où trainent ces âmes sans marques. Big John est un homme girond haut en couleur qui reste pourtant un brin énigmatique.
Cet ancien et très respectable marine est il un être détestable, haïssable qui manipule son entourage en s'étant construit ce personnage peut être pour mieux se tromper lui même, tente t-il d'échapper à cette vie faite de vices et de perversion à travers cette rencontre inattendue? Ce qui est certain c'est que Big John ne laissera pas indifférent le spectateur qui tour à tour le haïra, l'aimera, éprouvera de la compassion ou du dégout. Il jouera avec ses sentiments jusqu'à parfois le désorienter tant il est source d'une mixité d'émotions. Plus leur relation avance, plus Big john doit surtout lutter contre ses démons intérieurs et réfréner ses désirs sexuels envers Howie. Touché par le naturel et le désarroi de l'adolescent, piqué au vif par sa sensibilité à fleur de peau et sa gentillesse, il va lentement devenir cette figure paternelle qui manque tant au garçon, se transformer en père de substitution, celui que
Howie a toujours rêvé d'avoir. Encore plus avant dans la réflexion, Howie pourrait être le fils qu'il n'a jamais eu et n'aura jamais, ce garçon qui doucement l'amènerait sur la voie de la rédemption. Big John, le pédophile, et Howie, l'adolescent perdu, deviennent alors deux personnages complémentaires. Chacun apporte à l'autre ce qui lui fait tant défaut et lentement cette relation ambigüe, trouble et troublante, faite de désirs inavoués va changer non seulement la vie du sexagénaire mais également aider Howie à franchir le cap difficile qui sépare l'adolescence du stade adulte. On regrettera simplement ce final qui se veut beaucoup trop politiquement correct. Quelques soient les efforts fournis, le mal, l'amoralité, la perversion doivent forcément être châtiés. La mort de Big John aussi inattendue que cynique ne fera donc que renforcer la dualité des sentiments qu'on pouvait éprouver pour cet homme mi-ange mi-démon même si l'injustice qui devrait cette fois prédominer.
Pour son premier long métrage, Michael Cuesta qui s'était fait connaitre pour son travail à la télévision a signé un portrait d'adolescents à la dérive particulièrement subtil et tendre, pleine d'espoir, un parcours initiatique dont l'objectif est non seulement la prise de conscience de sa sexualité à un âge encore difficile mais également une entrée réussie dans la vie après tant d'épreuves aussi dures furent elles. Certains regretteront le choix de Cuesta de n'avoir donné à aucun moment dans le putassier, le subversif et le voyeurisme trash. Là réside la différence entre L.I.E et les oeuvres du Maître Larry Clark que beaucoup lui préféreront. On peut donc aisément se laisser aller à imaginer ce que Clark avec un tel scénario et de si charmants acteurs aurait pu faire.
Joliment mis en scène, accompagné d'une agréable partition musicale L.I.E doit également beaucoup à l'interprétation et la beauté de ses jeunes acteurs, en tête Paul Dano et surtout le séduisant Billy Kay dans le rôle de Gary, le petit voyou à la gueule d'ange qui devrait en étourdir plus d'un. Tous deux venus de la télévision, ils délivrent une composition étonnante de naturel et forment un couple quasi parfait et totalement fantasmatique qu'on aurait aimé voir concrétiser son amour inavoué.
Le vétéran Brian Cox est quant à lui magistral dans la peau de Big John, un rôle que beaucoup lui avait pourtant conseillé de refuser de peur qu'il ne nuise à son image. Il est à signaler que l'actrice qui joue la mère de Howie lors des flashes-back n'est autre que la propre mère de Paul Dano, Gladys Dano.
Michael Cuesta tournera un second drame adolescent tout aussi fort quatre ans plus tard, 12 and holding avant de se tourner à nouveau vers la télévision.