The annunciation
Autres titres: Angyali üdvözlet
Real: Andras Jeles
Année: 1984
Origine: Hongrie
Genre: Fantastique
Durée: 100mn
Acteurs: Peter Bocsor, Julia Mëro, Eszter Gyalog, György Belme, Robert Borok, Attila Dobay, Evelin Feher, Reka Gevaï, Ferenc Foltanyi, Laszlo Jenei, Monika Ola, Attila Racz, Andra Papps Kalacs...
Résumé: Tentés par Lucifer, Adam et Eve ont croqué la pomme. Ils sont alors chassés du Paradis et sont condamnés à errer sur Terre. Adam rappelle à Lucifer qu'il lui avait promis en contre-partie d'avoir accès à la connaissance suprême. Rusé, Lucifer endort Adam qui va alors faire un long voyage à travers le temps. Il se retrouve Grèce antique puis à Byzance, à Prague avant de se retrouver en pleine révolution française puis finalement dans l'Angleterre victorienne. Guidé par Lucifer, il va être confronté à toutes les horreurs de l'humanité. Horrifié, il va vouloir se suicider afin de sauver le monde mais Eve intervient...
Si le cinéma scandinave comme le cinéma de l'Est sont encore aujourd'hui bien peu populaires chez nous, il faut pourtant leur reconnaitre leur audace tant pour les sujets abordés que pour la forme dont ils sont le plus souvent traités. Quasiment 15 ans après l'Amérique et le sulfureux Genesis children et seulement quelques années après l'Italie et l'impensable La maladolescenza, venait de Hongrie The annunciation dont il partage avec
ces deux films un unique point commun, la présence comme seuls protagonistes d'enfants jouant nus une partie du film. Cependant The annunciation est très loin d'être aussi scabreux que les oeuvres précédemment citées puisque le film de Andras Jeles n'est jamais qu'une revisitation de la Bible, une téméraire métaphore, une fable philosophique aussi hermétique que fascinante inspirée de l'oeuvre de Imre Madach, La tragédie de l'homme, qu'il écrivit en 1861.
Adam et Eve après que Lucifer les ait fait succomber à la tentation de croquer le fruit interdit sont chassés du Paradis. Ils errent alors sur Terre et vont être projetés à plusieurs époques de notre civilisation de la Grèce antique à Byzance, la partie la plus réussie, de la révolution française à l'Angleterre victorienne. A travers chacune d'elles, ils vont découvrir la misère et la cruauté de l'être humain.
Et c'est bel et bien une vision hautement philosophique de l'humanité et de notre civilisation que livre ici Jeles dans une oeuvre curieuse, quasi unique qui risque d'en déconcerter plus d'un. Divisée en plusieurs parties qui chacune renvoie à une époque précise de notre Histoire, The annunciation traite avant tout de l'intolérance, de la violence et de la perversité de l'Homme confronté à ces deux entités que sont Dieu et Lucifer, le Bien d'un coté, le Mal de l'autre auxquels il ne peut échapper. Si Dieu lui permet la tentation, par extension l'erreur, grâce à laquelle l'Homme avance et se voit contraint de faire ses choix, Lucifer quant à lui ne fait que le conforter dans ses fautes, ses égarements. Et c'est à travers la religion que Jeles choisit de montrer à l'Homme ses travers. Pourtant, un point commun relie tous les travers de l'Homme, l'amour, présent à toutes les époques, en toute circonstance, mais aussi fort soit il, rarement parvient il à sauver l'Homme de ses erreurs, rarement sort il vainqueur des situations que celui ci engendre, provoque suite à ses choix.
Budget réduit oblige, The annunciation est une oeuvre plutôt visuellement dépouillée ce qui ne signifie pas que Jeles n'ait ni soigné ses décors, tous naturels, ni la photographie en soi superbe. Le réalisateur se permet même quelques touches surréalistes et même oniriques lorsque par exemple la terre se met à saigner lorsqu'on y plante un poignard ou, autre superbe exemple, ces enfants qui lentement sortent du sable comme si la terre les avait engendré. On admirera également certaines scènes comme celles où Adam et Eve déambulent dans une prairie où toute une réunion d'anges perchés sur des arbres entonnent une douce mélodie sous l'oeil toujours très observateur de Lucifer.
Chaque époque est quant à elle représentée par un paysage précis toujours choisi avec attention et quelques masques et costumes portés de façon altière par les jeunes protagonistes. On pourrait presque ici parler de tableaux vivants, de fresques religieuses reconstituées tant l'ensemble ressemble souvent à une peinture, un vitrail, un instant figé d'un verset des Evangiles ou d'un moment fort précis de l'Histoire de l'Humanité. On songe parfois au détour de quelques séquences à une pièce de théâtre intemporelle, atmosphérique qui pourrait renvoyer à une tragédie grecque.
La musique, même peu présente, planante, solennelle, presque irréelle par moment, accentue la beauté de ses saynètes déiques par ses douces et angéliques envolées lyriques. Le film de Jeles est en somme un long poème, un chant sacré qui pleurerait la Destinée de l'Humanité à travers l'épopée que vit Adam en voyageant dans le temps.
Difficile et avant tout risqué, Jeles a choisi comme seuls protagonistes des enfants. Pas un seul adulte cette fois, que des enfants tous non professionnels âgés de 8 à 13 ans qui jouent les différents personnages avec une aisance surprenante. Tous plus convaincants les uns que les autres leur jeu est hallucinant de justesse tant et si bien qu'on en oublie parfois que ce ne sont justement que des enfants qui de surcroit jouent entièrement nus durant toute la partie qui se déroule au Paradis, avec en tête Peter Bocsor, Julia Mëro et Eszter Gyalog, respectivement Adam, Eve et Lucifer. Ce choix fort osé et surtout dangereux est cependant une décision personnelle de Jeles afin de renforcer sa vision des choses. Symbole de l'innocence, l'enfance est ici le puissant symbole d'un monde voué au martyr, à la misère et les enfants sont justement les premières victimes des fautes de l'Homme.
The annunciation est une sorte d'OVNI dans le paysage cinématographique, une oeuvre amère, difficile dont les dialogues souvent murmurés sont d'une importance capitale. On notera la répétition de certaines phrases qui reviennent comme un entêtant leitmotiv notamment "We exist yet we don't exist / Nous existons mais pourtant nous n'existons pas". La lenteur du propos, son coté rude et hermétique pourra en rebuter plus d'un mais au delà de la forme, The annunciation est un véritable petit bijou, une étrangeté à l'esthétisme frappante qui n'est jamais qu'une profonde critique de notre civilisation, de notre Humanité depuis l'aube des Temps. Peut être pourrons nous reprocher à Jeles d'avoir été un peu trop didactique dans sa narration mais l'aspect aussi bien étrange que envoûtant de l'ensemble,
la fascination qui en émane et la beauté des images feront bien vite oublier ce qui en soi n'est pas forcément un défaut. The annunciation est une véritable expérience cinématographique qu'on ne saurait trop recommander aux amateurs de cinéma autre et de curiosités pelliculaires.
Signalons que si le film est fort heureusement sous titré en anglais, il s'agit par contre d'un anglais archaïque tel qu'on le parlait jadis dans sa forme religieuse. Les anglophones de base auront peut être parfois un peu de mal à déchiffrer le texte ce qui ici est un peu dommage. Mais pouvait on imaginer un tel film dans un anglais autre que biblique?