Bestialita
Autres titres: Bestialité / Il segno sotto la pelle / Bestialidad / Dog lay afternoon / Bestiality / Beestigheden
Real: Peter Skerl
Année: 1976
Genre: Erotique / Drame
Origine: Italie
Durée: 84mn
Acteurs: Leonora Fani, Franca Stoppi, Juliette Mayniel, Ilona Staller, Philippe March, Enrico Maria Salerno, Maria Tedeschi, Lorenzo Fineschi, Ennio Balbo, Cinzia Romanazzi, Marisa Valenti, Rodolfo Lodi...
Résumé: Jeanine surprend sa mère entrain de forniquer avec le doberman familial. Son père arrive, les sépare violemment avant d'attacher le chien et de mettre le feu à la maison. Ils s'enfuient tous ensemble. Quelques années plus tard, un couple de bourgeois et leurs amis débarquent sur l'île où le drame s'est passé. Entre beuveries et partouzes, le couple fait la connaissance de Jeanine que le doberman accompagne toujours. Considérée comme maudite par les autochtones, Jeanine au début farouche va se laisser apprivoisée par ce couple qui finalement va l'adopter, loin d'imaginer l'incroyable secret de l'adolescente qui a hérité des déviances de sa mère...
Si elle reste aujourd'hui encore pour beaucoup une des déviances les plus choquante elle est également une de celle qui fut le moins portée à l'écran et pour cause. La bestialité ou zoophilie a cependant été au centre d'une poignée d'oeuvres souvent dérangeantes dont la plus connue reste à ce jour La bête de Walerian Borowczyk. En Italie si on excepte les quelques hardcore zoophiles que tourna Marina Frajese et les nombreux films d'exploitation où les animaux, chiens, serpents et chevaux plus particulièrement, donnaient au détour de quelques rapides scènes bien du plaisir à quelques polissonnes en chaleur, on compte en tout et pour tout trois films qui prirent la bestialité comme thème principal: La bella e la bestia de Luigi Russo, Libidine de Raniero de Giovanbattista et Bestialita de Peter Skerl, un des films les plus étranges et énigmatique mais également osé que le cinéma d'exploitation transalpin nous ait offert. Avant toute chose il est intéressant de lever le voile de mystère qui plane autour de cette petite bande longtemps demeurée rarissime fortement recherchée par de nombreux amateurs.
Suite au succès de La bête, le producteur Ugo Valenti décida de mettre à son tour en chantier un projet qui reprendrait comme sujet central cette si étonnante déviance sexuelle. Il demanda à Enrico De Seta, le dessinateur qui avait conçu l'affiche du film de Borowczyk, d'imaginer une nouvelle affiche. Il dessina cette fois un chien enlacé de manière indescriptible à une esquisse de femme, tout deux dans une pose tout aussi étrange. Emballé, Valenti demande alors à Luigi Montefiori qui possédait à cette époque un doberman d'écrire un scénario à partir de cette affiche surréaliste. C'est au réalisateur-scénariste-producteur-compositeur-auteur de pièces de théâtre suédois et grand ami de
Gianni Martucci Peter Skerl que reviendra la mise en scène du film secondée par Giuliana Gamba, première femme à avoir réalisé des films hardcore en Italie, qui aujourd'hui encore en parle en très mauvais termes tant elle renie le résultat. Plus étonnant et c'est ce qui créera bien souvent par la suite un vent de confusion, c'est Virgilio Mattei, le monteur et beau-frère de Skerl, qui en assumera par la suite la paternité. Peter Skerl quant à lui s'en retournera en Suède avant de s'expatrier en Amérique. Il disparaitra de la scène après un ultime film en 1979 joliment intitulé Mostruosita. On doit également à Skerl le scénario de Ragazza tutta nuda assassinata nel parco de Alfonso Brescia.
Ainsi donc naquit Bestialita qui raconte l'étrange relation qui existe entre un chien et une adolescente, Jeanine, qui traumatisée depuis qu'elle surprit sa mère entrain de copuler avec l'animal, est devenue zoophile. Elle vit désormais seule avec l'animal, recluse quelque part sur une île sauvage, maudite par les villageois qui, terrifiés, ont préféré oublier cette terrible histoire après que ses parents aient fui les lieux et brulé leur demeure. Lorsqu'un couple de bourgeois en pleine crise existentielle débarque avec quelques amis sur l'île, la malédiction va resurgir. Malgré les mises en garde des autochtones, le couple se prend d'affection pour Jeanine qu'ils recueillent et adoptent en ignorant tout de la relation qui unit la perverse jeune fille et le chien. Ils vont dés lors faire ménage à trois jusqu'au jour où ils surprennent Jeanine entrain de se faire prendre par le doberman. Cette effarante découverte aura d'effroyables conséquences tant pour le couple que pour Jeanine, incapable de vivre sans son compagnon canin, tout deux unis à la vie à la mort.
Ainsi couché le scénario est des plus alléchant. Le résultat à l'écran est quant à lui beaucoup moins captivant et surtout jouissif. Ceux qui pensaient voir un film outrancier et particulièrement choquant où se succéderait toute une série d'accouplements contre-nature seront bien déçus. Si on excepte l'hallucinante scène d'ouverture durant laquelle on assiste à travers les yeux de l'adolescente aux ébats frénétiques particulièrement explicites entre la mère de Jeanine et le chien juste avant que le père ne les surprenne, attache l'animal et brule la maison, les séquences croustillantes se font plutôt rares.
Bestialita est avant tout un film érotique sulfureux, un véritable sexploitation qui joue davantage sur l'atmosphère, les somptueux décors naturels sauvages et inquiétants que sur la bestialité elle même, reléguée le plus souvent au second plan, suggérée par l'omniprésence du chien aux cotés de la jeune fille. Une seule et unique séquence, et non des moindres, montrera leur amour, celle où le couple surprendra Jeanine, en pleine extase, en position du missionnaire entrain de se faire prendre par le chien. De quoi donner une attaque à ceux qui déjà trouvaient amorale l'omniprésence non justifiée du chien bien placide dans les jeux érotico-pervers des trois adolescents pré-pubères du sublimissime La maladolescenza.
Plutôt lente et ennuyeuse la première partie particulièrement assommante et bavarde se focalise essentiellement et sans aucune originalité sur les apéritifs mondains et fêtes orgiaques auxquelles participe ce couple en pleine crise à bord d'un yacht ou dans leur splendide villa. On parle beaucoup et on philosophe sur le sens de la vie lors d'interminables dialogues à la Polselli, on danse, on s'enivre au champagne, on se dévête, on assiste à de longs strip-teases sous alcool, les minutes s'égrènent et le temps semble soudain bien long. C'est quelque peu angoissé que le spectateur commence à se demander si Skerl n'a pas oublié le sujet principal de son film. Fort heureusement dés la seconde partie Bestialita trouve enfin sa vitesse de croisière et le film semble enfin démarrer avec l'arrivée dans la vie du couple de Jeanine la jeune sauvageonne et de son chien.
On retrouve dés lors les thèmes si appréciés dans le cinéma italien de cette époque, à savoir non seulement les crises existentielles que traverse cette bourgeoise qui s'ennuie et s'enlise dans une vie monotone dénuée de sens mais également le mal de vivre, la maladolescence et la recherche de plaisir sexuel, cet hédonisme qui pousse parfois vers des actes souvent surprenants, ici la zoophilie. Yvette est une épouse frustrée qui voit en Jeanine non seulement une amante mais également cette fille qu'elle n'a jamais eu tandis que pour son mari elle représente cette jeunesse dont il a besoin. Commence alors un ménage à trois, trouble et pervers, où Jeanine est à la fois la fille et l'amante qu'ils se partagent ou partagent ensemble lors de relations trioliques qui feront redécouvrir au couple l'explosion de leurs sens les plus pervers. Skerl intègrent également ça et là quelques références auteuriales comme les impressionnantes crises d'épilepsie de Jeanine lorsqu'elle fait l'amour avec le couple pendant que le chien hurle à la mort qui renvoient directement à 1900 de Bertolucci. Les clins d'oeil s'arrêteront malheureusement là.
Bestialita reste cependant une oeuvre unique mais surtout courageuse qui oscille sans cesse entre pure poésie et érotisme déviant, sordide, sur fond maritime et sauvage. Les décors sont tout bonnement magnifiques. Le coté exotique contribue énormément à l'ambiance générale, oppressante, angoissante renforcée par une musique qui mélange mélodies enchanteresses et sons métalliques, synthétiques totalement hypnotiques signée Coroliano Gori. Si comme dans les vieilles légendes campagnardes une aura de mort plane constamment en ces lieux, il se dégage du film une étrange impression de malaise, de peur indicible à l'image même du climat de terreur dans lequel est plongé le petit village côtier depuis les innommables évènements qui l'ont frappé il y a bien des années. C'est une
terreur quasi divine qui s'empare des autochtones dés qu'on cite Jeanine et son chien, créature infernale flanquée de son gardien au pelage noir, aux crocs acérés qui satisfait ses besoins les plus repoussants. Plus que jamais Eros se marie ici à Thanatos, une union funeste, nauséabonde qui devra être brisée afin de retrouver un équilibre normal et surtout moral. Ainsi la fin du film aussi noire et pessimiste soit elle verra le retour d'une certaine moralité mais surtout le retour à l'ordre naturel des choses. Signalons qu'il existe une fin alternative pour tout ceux qui refuseraient de voir comme nous au Maniaco le triomphe des valeurs morales. Certains pourront rapprocher le film de Skerl de Zelda de Cavallone qui traitait déjà mais avec un peu plus de force de ce mariage pestilentiel.
La force et surtout la réussite de Bestialita proviennent en grande partie de cette ambiance si spéciale que Skerl a si bien su générer ici. Aussi choquant et dérangeant puisse t-il paraitre aux yeux de certains, le cinéaste montre pourtant quelques ambitions artistiques et surtout esthétiques. Le résultat totalement inattendu est aussi improbable qu'inoubliable. En ce sens, Bestialita diffère de bon nombre de films d'exploitation. Voilà une oeuvre aussi folle que géniale, aujourd'hui totalement impensable, parfait témoignage d'une Italie qui jadis ne se donnait aucune limite mais au contraire tentait de les repousser toujours un peu plus loin. Le style est bien évident imparfait, la mise en scène parfois approximative mais l'audace dont fait preuve Skerl, la beauté de la photographie et de certaines séquences quasi oniriques, l'ambiance morbide, cette sidérante illustration d'un érotisme et d'une sexualité aussi déviante font de Bestialita un film à découvrir de toute urgence pour tout ceux qui ont un penchant pour les actes contre-nature, les amoureux de pure exploitation et les curieux toujours en quête de ces petites gemmes de l'euro-trash qui savaient si bien mettre en avant les pires vices de l'Homme. Et le film de Skerl en est définitivement une. De quoi aboyer de plaisir!
C'est une des lolita du cinéma de genre italien, Leonora Fani, qui se glisse, impudique et insolente, dans la peau de Jeanine. Ensorcelante, Leonora, les courbes parfaites, n'a jamais été aussi radieuse, divinement belle et aguicheuse, un des gros atouts du film. Plus étonnant sera le reste de la distribution puisqu'on retrouve les français Juliette Mayniel dans le rôle de Yvette et Philippe March, son époux. Reste à savoir comment les producteurs ont réussi à convaincre d'aussi prestigieux acteurs tels que Enrico Maria Salerno, ici quasiment muet, et Paul Muller d'accepter de jouer dans un tel film. On reconnaitra également Ilona Staller époque pré-Cicciolina dans le type de rôle qu'elle affectionnait alors. Elle nous gratifie ici d'un strip-tease bien fade à comparer de celui que nous fait Maria Tedeschi. Quant à la mère de Jeanine, elle est trop furtivement interprétée par l'inoubliable Franca Stoppi, incroyable sous les assauts fiévreux du chien. A la sortie du film en Italie en novembre 76, Franca eut la désagréable surprise d'être condamnée pour acte immoral par un juge romain bien peu ouvert d'esprit, outré d'une pareille scène. Pour l'anecdote, c'est le propre doberman de Luigi Montefiori, Satana, qui fut utilisé dans le film. Un Bestialité 2 qui voyait le retour de Franca Stoppi aurait dû voir le jour mais le tournage dut être interrompu et abandonné suite à des problèmes économiques. C'est l'actrice érotique d'origine suisse Karine Verlier qui y reprenait le rôle de Leonora Fani.