Is-slottet
Autres titres: Ice palace
Réal: Per Blom
Année: 1987
Origine: Norvège
Genre: Drame
Durée: 78mn
Acteurs: Line Storesund, Hilde Nyeggen Martinsen, Jan Hoel, Sigrid Hunn, Urda Battrurd Larsen, Charlotte Lundestad, Merete Moen, Knut Orvig, Vidar Sandem, Gunnar Svensrud...
Résumé: Unn et Siss vivent dans un petit village de Norvège dans les années 40. Elles ont 11 ans et sont amies. Siss est amoureuse de Unn mais elle ne sait comment lui dire. Leur attirance semble pourtant mutuelle amis aucune n'ose se l'avouer. La souffrance les envahit jusqu'au jour où, desespérée, Siss s'enfuit et tombe dans une caverne de glace...
C'est de Norvège que nous vient Is-slottet / Ice palace dont le scénario traite de la relation amoureuse entre deux fillettes de douze ans quelque part dans un village de montagne au coeur de la Norvège des années 40.
Si La maladolescenza de Pier G. Mulargia traitait de l'éveil des sens et de la sexualité adolescente, Is-slottet s'attache cette fois à une relation homosexuelle entre deux fillettes, l'une irrésistiblement attirée par l'autre.
Si jadis Mulargia caressait, impudique la nudité, de ses jeunes adolescents, notamment les jeunes Eva Ionesco et Lara Wendel, Per Blom préfère quant à lui la pudeur et la sensibilité.
Si on excepte l'ouverture du film où Siss et Unn, les deux protagonistes, se déshabillent et contemplent avec timidité leur corps nu, se rapprochant craintivement l'une de l'autre, Is-slottet s'attache plus à définir les questions qu'on se pose à cet âge quant à la recherche de son identité sexuelle, la peur de ces sentiments coupables qu'on ressent sans se l'avouer encore moins l'avouer. Blom y puise alors la force de l'émotion. Ce qui pouvait être choquant se transforme alors en quelque chose de beau.
Is-Slottet est un film sur l'enfance et l'innocence ébranlées par l'éveil des sens qui fourmille d'allégories et de symboles, de questions existentielles dictées par la religion et l'éducation. Les portes du Paradis s'ouvriront elles à Siss malgré ses désirs coupables et interdits? Le film prend vite des allures de conte enchanteur, d'une fascinante féerie polaire presque irréelle au pays du Père Noël.
Les étendues champêtres et verdoyantes de La maladolescenza laissent ici place aux étendues enneigées et glaciales du Pôle, ses forêts et cavernes de glace, ses petits chalets perdus au milieu de ces déserts blancs où virevoltent les flocons de neige quand le soleil ne se reflète pas en milles étoiles de cristal sur ces landes immaculées.
A la férocité sexuelle des jeunes protagonistes de Mulargia répond ici l'introversion des sentiments et de la sexualité. Siss et Unn ont peur et cette peur les fait souffrir. Les larmes roulent en secret, seules le soir au fond leur lit. Ces larmes sont telles des rivières qui se creusent sous la glace à la veille du printemps tout proche. Elles sont comme celle qui se forme autour des coeurs prête à fondre pour laisser jaillir l'amour.
Le drame est pourtant tout proche. Incapable de surmonter cette peur et de briser la glace malgré la chaleur de leurs sentiments réciproques, Siss s'enfuit et s'égare dans ces infinies plaines blanches avant de tomber au fond d'une caverne de glace.
Is-slottet devient une sorte de rêve aussi magnifique que terrifiant. La fillette erre dans ces labyrinthes de cristal étincelant de bleu et de blanc tel un palais de verre donnant ainsi au film son titre dont chaque nouvelle ouverture semble déboucher sur un autre monde où tel un ange invisible semble se matérialiser Unn.
Magnifiquement mises en scène, il émane de ces séquences quelque chose d'intense, une puissante émotion quasi hypnotique à travers laquelle Siss nous transmet ses peurs et ses délires. Le film frise alors le fantastique, franchit les limites de l'onirisme, devient aussi magique qu'une aurore boréale. Siss n'aurait t'elle justement pas trouvé ce Paradis qu'elle pensait lui être interdit?
Le froid intense, la douleur d'un coeur qui saigne l'épuisement auront raison de Siss qui s'effondrera dans une flaque d'eau la transformant lentement en poupée de verre, le sourire figée comme heureuse dans cet Eden de glace.
Les recherches resteront vaines et ne restera que la douleur de Unn hantée par le souvenir de son amie et le remord d'avoir refusé de lui donner son amour.
C'est alors pour elle le début de la pire des souffrances, celle causée par le remord et la perte de cet amour perdu qui n'aura pas pu éclore, le remord d'avoir gardé le silence afin qu'on ne retrouve pas le corps pour échapper à ses sentiments interdits . C'est en effet Unn qui retrouvera sans peine le cadavre de Siss figé dans la glace, petit visage fixant l'Eternité derrière son cercueil de cristal.
Il n'y a que très peu de dialogues dans le film. Tout passe par les regards, les silences et le jeu parfait et si naturel des deux jeunes actrices, véritables petits lutins polaires au nez rougi par le froid errant dans la féerie des paysages norvégiens à l'image de ces petites cartes de Noël. La musique bucolique de La maladolescenza est ici remplacée par des violons.
Is-slottet, qui après un départ qui laissait présager une oeuvre sulfureuse, est une réussite dans un genre cinématographique difficile et difficilement accessible. Voilà un incontestable chef d'oeuvre du cinéma norvégien qui, passé outre l'indécence et l'audace du propos, parvient à épouser les limites du merveilleux.
Per Blom a su éviter les écueils de la facilité et de l'obscène et nous offre une oeuvre allégorique pleine de pudeur d'une intensité émotionnelle étonnante.
Voilà ce qui différencie Blom de ses confrères italiens.