Le sexe des anges
Autres titres:
Real: Lionel Soukaz
Année: 1977
Origine: France
Genre: Documentaire
Durée: 44mn
Acteurs: Alain, Michel Cyprien, Olivier Desbordes, Pierre Benz, Didou, Dominique, François Duprat, François Fries, Patrice Gouron, Jean-Louis, David Jackson, Tom Myers, Kamel Tounssi...
Résumé: Dans le Paris des années 70 Lionel Soukaz promène sa caméra au gré des rencontres au coeur même de la jeunesse homosexuelle qui n'aspire qu'à une seule chose: aimer et être aimée dans une société régie par la bonne morale où l'homosexualité est encore un tabou, un interdit dont on ne parle pas. Si la sexualité adolescente est censée ne pas exister, encore moins l'homosexualité adolescente, les anges ont pourtant un sexe et sont bel et bien décidés à le prouver...
Lionel Soukaz a débuté sa carrière en 1973 en mettant en scène sous forme de "petits carnets intimes" des films la plupart du temps underground traitant d'homosexualité à une époque où celle ci était encore un tabou dont on ne parle pas dans un pays où être gay était encore un délit passible de prison. Cinéaste marginal, il sera même arrêté pour avoir organisé un festival gay en 1978 un an après la sortie du Sexe des anges, un de ses films avec Ixe et Race d'Ep les plus marquants.
Tourné en 16mm comme la plupart de ses films, Le sexe des anges fera l'effet d'une petite bombe à une époque où la libération sexuelle bat son plein. Et de libération sexuelle il en est fortement question dans Le sexe des anges puisque la principale ligne narratrice du film en est la liberté de vivre son homosexualité au grand jour mais également la mise en avant de la sexualité adolescente, les fameux anges du titre.
Le propos est clair, Le sexe des anges est un pied de nez aux idées convenues d'alors, sur la sexualité, la morale établie qui tente de nous enfermer dès l'enfance dans un moule social qui nous formate. L'homme doit être viril, fort et protecteur, la femme gentille, douce, docile et destinée à faire des enfants fort mignons qui eux mêmes seront à cette image. L'homme comme la femme doit se marier et fonder une famille à qui ils inculqueront ces valeurs.
Si la sexualité n'est pas censée exister hors du couple parler de sexualité adolescente devient donc à fortiori une hérésie. Les enfants sont des anges et les anges n'ont pas de sexe c'est très connu. Tout ce qui hors norme est interdit et fait peur. L'homosexuel vit donc dans la nuit, dans le noir en opposition à l'hétérosexuel qui représente pour sa part la lumière. Il se cache également dans les pissotières car contrairement à ce qu'on inculque aux enfants, le pénis ne sert pas uniquement à uriner ou se reproduire.
Soukaz tente ici de faire exploser les tabous, faire sortir l'homosexuel des ténèbres dans lesquelles il est contraint de vivre, faire éclater les absurdes carcans sociaux qui dès notre plus tendre enfance nous emprisonnent dans ce moule qui nous empêche de vivre ce que nous sommes réellement au fond de nous. Dans cette société formatée, parler de sexe adolescent est une aberration, penser que deux jeunes garçons puissent être attirés l'un par l'autre et s'aimer, se désirer une effarante absurdité encore moins que la beauté gracile des corps de jeunes éphèbes puissent attirer les adultes.
Le sexe des anges est un superbe journal d'images filmées avec soin d'où il se dégage une force émotive surprenante, un homo-érotisme foudroyant. Soukaz filme ses jeunes interprètes avec tact, les transforme en tableau vivants qu'il met en scène à travers de courtes saynètes qu'accompagnent les chansons de Sylvie Vartan, Johnny Halliday, Charles Trenet, Edith Piaf et autres chanteurs tant populaires que réalistes. Il fait d'une partie de strip-échec un plaisir sodomite, d'une leçon privée une fessée docilement érotique, la rencontre avec un marin quadragénaire une véritable ivresse qui se terminera en une fort drôle chorégraphie sur le Trocadéro.
Narcissisme, onanisme, Le sexe des anges est une ode à la jeunesse homosexuelle, un hymne à la sexualité masculine, où on pose, lascif, langoureux, offert. Les sexes en érection se dressent fièrement, se libèrent en laissant jaillir leur semence lors de jouissances démultipliées. Le sexe des anges est film lumineux dans lequel cette jeunesse ne demande qu'à aimer et s'aimer. Soukaz a souvent fait référence à Pasolini. On sent ici l'ombre du Maitre. Le film s'apparente en effet beaucoup à la joie de vivre des 1001 nuits tandis que Ixe, version acide et négative du Sexe des anges, s'apparenterait quant à lui à Salo. L'influence pasolinienne se retrouve également dans le choix des jeunes interprètes, tous amateurs, qui possèdent la beauté sauvage de leur âge que l'oeil de Soukaz capte pour notre plus grand bonheur à travers toute une série de gros plans alors que la caméra caresse leurs courbes, leur torse, leur fessiers, leur sexe.
Le sexe des anges est enfin une vision du Paris des années 70, ses rues, ses monuments, ses places, ses urinoirs, qu'on regardera avec une pointe de nostalgie.
Si jadis le film créa le scandale comme la plupart des oeuvres du réalisateur, il reste aujourd'hui un vrai témoignage d'une époque pas si lointaine où on considérait l'homosexuel comme un monstre dans une société régie par la bonne morale et ses institutions aux traditions éculées. Peinture solaire truffée de symboles, Le sexe des anges est un cri à liberté d'être, une ode aux amours masculines et à la beauté de la jeunesse, une ode à l'amour tout simplement.