Le giallo 1ère partie: Des origines à la fin des années 70
S'il est genre cinématographique propre au cinéma italien c'est bel et bien celui qu'on désigne ordinairement par le terme singulier de giallo. Que désigne exactement cette appellation qui depuis la fin des années 60 fait la joie non seulement des amoureux de cinéma de genre mais également des amateurs de polars horrifiques et comment est il né? C'est ce que nouveau dossier se propose d'étudier en revenant aux sources du mouvement qui aujourd'hui fait partie du patrimoine du cinéma italien. Genre bien spécifique aux codes soigneusement établis même s'il y eut quelques entorses, ce dossier vous en offre une étude approfondie, vous propose un historique et son évolution jusqu'à son son âge d'or ainsi que ses principaux dérivés dont le thriller horrifique. Nous terminerons cette imposante revue par un index le plus exhaustif possible des gialli existant des débuts du genre à nos jours. La tête sous un couvre-chef, tout de noir vêtu et ganté de cuir, le regard luisant face à votre écran, munissez vous d'une lame scintillante et acérée afin de tourner les pages de ce nouveau et vénéneux dossier!
DEFINITION ET ORIGINE DU GIALLO:
Avant toute chose, il serait judicieux de définir le terme giallo. Pour les non italophones, giallo dans la langue de Dante signifie jaune. Mais pourquoi appeler un genre cinématographique par un si singulier mot vous demandez vous? La raison en est toute simple. Il faut remonter pour cela aux années 40 où sévissait en Italie toute une vague de romans policiers populaires que l'on désignait par ce terme en raison de leur couverture de couleur jaune sur laquelle s'étalait le titre en noir. Très en vogue alors, c'est tout naturellement que le cinéma allait les adapter au grand écran en conservant cette appellation. Si le giallo dans sa forme définitive est apparu au cinéma au début des années 60, c'est dés les années 30 et surtout dés 1950 qu'il est véritablement né par le biais d'oeuvres policières, d'espionnage, des dramatiques ou même des comédies dites giallo rossa dont la peur et le suspens en étaient les principaux thèmes. On ne peut parler de véritables gialli puisqu'il leur manque encore l'essentiel: ces fameux codes qui feront du giallo un genre bien spécifique qu'on étudiera plus loin tels que par exemple l'archétype même de l'assassin "giallo" que Mario Bava et plus tard Dario Argento sublimeront.
C'est à partir de cet instant que le giallo tel que nous le connaissons et l'apprécions va naître et croître au fil du temps avant de devenir un des genres les plus prolifiques d'Italie dans les années 70 atteignant son âge d'or entre 70 et 75 avant de lentement décliner et pratiquement s'éteindre à l'aube des années 80.
PREMIERS BALBUTIEMENTS DU GIALLO:
C'est étrangement dans la comédie et du mini filon du giallo rossa que les premiers balbutiements du giallo vont se faire. Il s'agit souvent de petites dramatiques la plupart du temps fort gentillettes et tournées sous forme de comédies.
C'est en 1933 qu'apparait le premier film du genre. Il s'agit de Giallo de Mario Camerini suivi de Joe il rosso de Raffaello Matarazzo en 1936, de Stasera alla 11 et L'eredità in corsa de Oreste Biancoli en 1937, Incanto di Mezzanotte de Mario Baffico en 1940, C'è un fantasma nel castello de Giorgio Simonelli en 1942 et Quatre pagina de Nicola Manzaro en 1943.
Parallèlement, dés 1935 vont naître les premiers films qui reprennent les éléments typiques du giallo. Il s'agit d'histoires policières et de gangsters la majeure partie du temps. On est donc encore loin du vrai giallo puisqu'on demeure essentiellement dans un domaine policier.
Parmi les oeuvres les plus marquantes, on mentionnera La freccia d'oro de Corrado D'Errico et Piero Ballerini, L'albergo degli assenti et Fumeria d'oppio de Raffaello Matarazzo en 1940, Il segreto di villa Paradiso et La pantera nera de Domenico Gambino, Si chiude all'alba en 1944 de Nino Mancini, ll bandito de Alberto Lattuada en 1944, I falsari de Franco Rossi, Malavità de Rate Furlan en 1951, La città si difende de Pietro Germi, Il bivio en 1952 tourné par Fernando Cerchio, Acqua Mare de Sergio Corbucci en 1954, Ballata tragica de Luigi Capuano en 1955 et Terrore sulla città en 1957 de Anton Giulio Majano.
A coté de cela vont être crées dés 1930 d'authentiques gialli qui s'ils ne possèdent pas encore les codes spécifiques au genre n'en sont pas moins des gialli. L'action se déroule principalement dans des villas propices au développement d'intrigues et de délits divers mais également à bord de trains, dans des châteaux ou collèges de jeunes filles...
Un des premiers vrais gialli est Corte d'assise que réalisa Guido Brignone en 1930. L'intrigue de ce giallo judiciaire tourne autour d'un terrible crime plutôt complexe dans son déroulement.
Encore plus proche du thriller sera L'uomo dall'artiglio de Nunzio Malasomma en 1931 où un mystérieux tueur sévit das une ville, tuant ses victimes à l'aide d'un instrument en fer.
On trouve trace d'un giallo ferroviaire avec Il treno delle 21.15 mis en scène par Amleto Palermi en 1933 sorti en même temps que Giallo de Matarazzo. Ce dernier mettra en scène en 1935 l'intéressant Il serpente a sonagli qui se déroule dans un collège de jeunes filles, lieu qui sera reprend dans les années 70 dans quelques oeuvres dont ce film pourrait être l'ancêtre.
Camillo Mastrocinque réalisera quant à lui L'orologio a cucù qui se déroule au 18ème siècle où on suit l'enquête sur un énigmatique assassin. On mentionnera aussi Traversa nera en 1939 de Domenico Gambino, L'ospite di una notte de Giuseppe Guarino où on suit les investigations de la police afin de démasquer un tueur qui sévit en ville.
L'affara si complicata en 1941 de Pierluigi Feraldo nous plonge quant à lui au coeur d'une enquête qui tente de découvrir l'identité d'un étrange assassin dont les actes tournent autour d'un collier de perles.
Cette même année sortiront deux gialli-rosa réalisés par Giacomo Gentilomo: Brivido et Cortocircuito. Elles ont comme point commun un écrivain de giallo qui se retrouve au coeur d'une enquête policière.
Plus dramatique et psychologique sera Il nemico de Giulglielmo Giannini alors que Labbra serrate de Mario Mattoli se tourne plus vers le giallo d'espionnage.
Un des plus intéressant sera La statue vivente de Camillo Mastrocinque qu'il tourne en 1942 où un marin totalement obsédé finira par sombrer dans la folie en tuant une femme qui semble être le sosie de sa mère.
Cette même année toujours qui fut donc prolifique on trouve trace d'un giallo aux ambiances gothiques Malombra de Mario Soldati, sombre histoire de psychopathe qui hante une bien angoissante villa.
En 1944, Il capello del prete de Ferdinando Poggioli nous offre une descente dans la folie d'un psychopathe persécuté par le remord de ses précédentes exactions.
Un giallo vénitien nous est proposé par Glauco Pellegrini en 1951, Ombre sul canal, où on retrouve le fameux triangle diabolique: époux vieillissants, jeune épouse et amant.
Dans le domaine judiciaire, signalons Le due verità de Antonio Leonvolia en 1951 et en 1957 un giallo espagnol cette fois aux réminiscences gothiques L'accusa del passato, l'intrigue se passant ici dans un sinistre château.
Nous terminerons ce tour d'horizon des gialli réalisés entre 1930 et 1960 par les oeuvres de trois grands noms du cinéma italien Pietro Germi, Elio Petri et Bernardo Bertolucci. Germi qui avait déjà mis en scène Il testimone en 1945 nous offrit une adaptation du roman de Carlo Emilio Gadda Quer pasticciaccio brutto de via Merulana. Germi délivre ici un film passionnant tant sur le point de l'enquête difficile que sur le coté ambiant. Il émane en effet de ce film une atmosphère de mélancolie assez remarquable toute empreinte de tristesse humaine que traverse avec détermination l'inspecteur joué par Germi. Ses investigations le conduiront aux tréfonds d'une bien obscure histoire.
Elio Petri dirigera L'assassino en 1961, un giallo judiciaire tournant autour d'un homme accusé à tort d'homicide. Ces accusations vont se refléter sur sa vie privée et toute son existence désormais privée de cette honnêteté à laquelle il tenait tant.
En 1962, Bertolucci réalise La commare secca écrit par Pier Paolo Pasolini lui même. Le scénario puise son inspiration dans la marginalité et la délinquance romaine suite à l'assassinat d'une prostituée. Amoncellements de fausses pistes, décadence humaine, voyous, prostituées et maquereaux, voleurs.. le film nous ballade dans ce monde sordide cher à Pasolini jusqu'à la révélation de l'identité du tueur psychopathe.
C'est alors que l'année suivante Mario Bava va mettre en scène La ragazza che sapeva troppo.
MARIO BAVA:
S'il est difficile de dater le tout premier vrai giallo que l'Italie ait commis, celle ci en ayant toujours plus ou moins réalisé, les spécialistes du genre parlent de véritables gialli en mentionnant Ossessione de Luchino Visconti en 1942, Un maledetto imbroglio de Pietro Germi en 1959 ou Atto d'accuso de Giacomo Gentilomo en 1960. Mais c'est bel en bien en 1962 que le premier vrai giallo tel qu'il sera par la suite défini fit son apparition avec La fille qui en savait trop de Mario Bava, alors à ses débuts et qui allait devenir un des maîtres du genre et un des principaux créateurs des futurs codes du genre avec son film suivant Sei donne per l'assassino.
Mario Bava vit le jour en 1914 à San Remo dans une famille d’artiste. Son père, sculpteur réputé, travailla de nombreuses années dans le Cinéma. Les producteurs faisaient régulièrement appel à lui pour réaliser les décors et travailler sur les éclairages de certains films. C’est ainsi que la fonction de chef opérateur lui vint naturellement. Ce qui passionne avant tout Bava père, ce sont les trucages optiques et autres effets spéciaux. Il devient un véritable professionnel dans son domaine et transmet sa passion à son fils Mario, qui, tout en suivant des cours aux Beaux-Arts, passe la plus grande partie de son temps libre avec son père sur les plateaux de tournage. C’est en observant ce dernier que Mario Bava apprend les bases de son premier emploi au cinéma : Directeur de la photographie.
En 1946, Mario Bava se fait remarquer en réalisant son premier court-métrage intitulé L’Orecchio. Il attire l’attention de réalisateurs tels que Roberto Rossellini ou Riccardo Freda qui vont s’adjoindre ses services par la suite. Tout en collaborant à de modestes productions, Mario Bava acquiert une grande réputation dans son métier. Bien souvent, il travaille dans l’ombre des plus grands.
En 1956, Mario Bava termine le film de Riccardo Freda, Les Vampires, dont il signe également la photographie.
L’année 1959 marque une étape importante dans sa carrière : Une maison de production de série B lui offre l’opportunité de réaliser son premier long-métrage: Le Masque du Démon. Le film connu un grand succès au box-office et Bava impose son style et sa griffe avec cette œuvre réalisée dans le but avoué de concurrencer la fameuse firme britannique Hammer. Dès lors, sa carrière sera lancée.
En 1963, il va imposer un nouveau genre cinématographique, mélange de suspense et de film policier mettant l’accent sur le suspens allant crescendo et la mise en scène des meurtres, visuellement très élaborées et très stylisées : le Giallo. Bava met en place les bases de ce genre avec La fille qui en savait trop.
La fille qui en savait trop, tourné en pleine période hitchcokienne dans un très beau noir et blanc comme pour Le masque du démon, est une oeuvre très sympathique, truffée de références cinéphiliques que les amateurs sauront apprécier.
Mélange de film policier, de thriller et de fantastique, Bava offre un film qui est en soi un véritable jeu de piste, un hommage non dissimulé à la littérature policière qu'aime tant le réalisateur. La fille qui en savait trop pourrait se définir comme une invitation au voyage, un étrange périple aux multiples rebondissements à travers un roman policier. La scène d'ouverture dans l'avion illustre parfaitement cette impression. C'est d'ailleurs dans cet avion que tout va commencer lorsque l'héroïne se voit offrir un anodin paquet de cigarettes par un inconnu. Rien de plus normal jusqu'à ce que le généreux donateur se fasse arrêter à l'aéroport pour trafic de marijuana, la drogue étant cachée dans ses paquets.
L'héroïne tente alors de se débarrasser de l'encombrant cadeau mais n'y parvient pas. Le suspens peut donc commencer. Dés cet instant, on se sent pris au jeu et le destin de cette jeune femme nous tient en haleine jusqu'à ce que Bava décide de ne plus s'en occuper du tout et abandonne l'affaire qui ne refera surface que lors des ultimes minutes du film.
En fait, cette ouverture n'est là que pour mieux semer le trouble et le doute dans l'esprit du spectateur. Elle est composée de fausses pistes pour mieux noyer le sujet principal du film. La fille qui en savait trop est ainsi bâti, un imbroglio de séquences sans réel rapport entre elles sauf celui de nous égarer. Le décès de la tante accidentel ou non, l'éventuelle machination du docteur, la chute de la fille, le pull dont un bouton manque...
Chacun de ces éléments est comme une pièce d'un puzzle que Bava disperse avec soin. Ces indices une fois réunis aboutiront à la clé de l'énigme.
Les références aux films de Hitchcock sont nombreuses mais c'est surtout à Psychose auquel on pense le plus pour ce coté macabre si cher à Bava.
L'humour est constant comme chez le maître britannique mais contrairement à Hitchcock, c'est ici la femme qui est le personnage principal tout comme les autres protagonistes, les hommes s'ils ne sont pas des faire-valoir font office de main d'oeuvre.
L'excellent final atteint des sommets d'angoisse et fait basculer le film dans un univers de cauchemar, violent, dont l'apothéose sera la mort de Lara, tuée de deux balles qui traversent une porte, laissant entrer un rai de lumière qu'on peut voir comme le symbole de la vérité qui éclate enfin. On y retrouve également les lieux privilégiés des futurs gialli: ces grandes maisons, ces places imposantes prenant des allures inquiétantes, les ascenseurs, les couloirs déserts... mais également les appels téléphoniques de l'assassin et les magnétophones, objets quasi fétichistes qui deviendront incontournables au genre.
Il récidive en 1964 avec Six femmes pour l'assassin avec lequel il va déterminer ces fameux codes qui deviendront les signes de reconnaissance du genre, faisant du film un modèle du genre afin de mieux comprendre l'origine des délires sanglants et scénaristiques des futurs gialli.
Avec ce film, Bava va donner naissance à cette figure quasi iconographique qu'est l'assassin typique du giallo, l'assassin dans toute sa puissance et sa folie meurtrière. A partir de cet instant, c'est toute une longue série de tueurs psychopathes que l'Italie va voir déferler sur ses écrans, un tueur bien précis qui va devenir la représentation même de la folie et de la sauvagerie, un meurtrier qui répond à certains critères. Cet assassin est un être démoniaque, inlassablement vêtu de noir, ombre se glissant dans la nuit, traquant, espionnant ses victimes. Il est ganté et chapeauté et porte le plus souvent un masque d'où n'émergent que son regard cruel, la voix déformée par un vocaphone. Cette image est le premier code auquel tout vrai giallo va devoir répondre. Parfois les tueurs peuvent être deux renforçant l'idée d'entité démoniaque présente partout à la fois. Les meurtres sont aussi basés sur des codes précis. Ceux ci sont pratiqués à l'arme blanche, couteaux, poignards, ciseaux... de façons cruelles et sauvages, souvent méthodiques et paroxysmiques, représentatifs de la fureur et de la folie du psychopathe que le sang et la dévastation physique excitent.
LES OEUVRES PRECURSEURS:
Dés la fin des années 60 suite aux oeuvres de Bava, toute une série de gialli vont voir le jour.
Angelo Dorigo caché sous le pseudonyme de Ray Morrison réalise respectivement en 1966 et 1967 deux gialli A come assassino aux ambiances très anglo-saxonnes, interprété par Sergio Ciani et Mary Arden, puis Assassino senza volto. Egalement auteur et scénariste du film, Dorigo n'a malheureusement guère su avec ce deuxième thriller mettre en pratique les bases jetées par Bava et ses 6 femmes pour l'assassin. En résulte un film souvent ennuyeux, sans grand intérêt qui de surcroit a plutôt mal vieilli, un sentiment aggravé par un noir et blanc certes discret mais qui donne l'impression que le film sort d'un autre âge. Si l'intrigue est simple et répond aux critères de base du thriller à l'italienne, la propriétaire d'un château accusée de folie par son mari est au centre d'une série de meurtres perpétrés par une silhouette gantée tout de noir vêtue, Dorigo semble se disperser assez vite.
C'est plus vers l'épouvante gothique toujours très à la mode en cette fin d'années 60 que Assassino senza volto semble pourtant s'orienter. On y retrouve en effet outre le château où se déroule l'action, la traditionnelle galerie de personnages tous plus inquiétants les uns que les autres (la gouvernante austère, le valet muet...), la crypte glauque, les angoissantes ombres chinoises qui glissent le long des murs, la partition musicale essentiellement composée de violons et de tintements de cloche... Le mélange des deux aurait pu fonctionner et avait déjà donné d'intéressantes petites séries telles que La lama nel corpo mais la fadeur de la mise en scène, l'absence de suspens et d'une quelconque atmosphère font très rapidement s'effondrer les espoirs que la scène d'ouverture pouvait laisser entrevoir, la mort d'une malheureuse victime poursuivie dans le château par la silhouette noire armée d'un pistolet à silencieux lors d'une nuit d'orage.
Dorigo n'a cette fois guère su profiter du célèbre château de Balsorano où furent tournés maintes et maintes oeuvres. Le film s'enlise dans d'interminables dialogues qui frisent souvent le mélodrame à l'image même de l'interprétation, s'éternise sur des scènes aussi longues qu'inutiles notamment la préparation des festivités tournée dans la ville de Sienne et seul le final, soit les quinze dernières minutes de ce petit film puisqu'il ne dure que 75 minutes sont dignes d'intérêt et relèvent totalement du giallo. On assiste donc à la tragique confession du tueur dans une ambiance enfin inquiétante, seul véritable moment où Assassino senza volto prend un certain relief, bien agréable avouons le. Voilà cependant qui est bien peu et surtout fort regrettable.
Devenu aujourd'hui quasiment invisible si ce n'est sur des éditions vidéo souvent pirates issues de passages télévisés particulièrement médiocres, Assassino senza volto est certes une petite rareté pour collectionneurs, un exemple raté des premiers balbutiements d'un genre qui allait très vite prendre son envol. En cela il demeure donc une intéressante curiosité pour aficionados. Hormis cela, le film de Dorigo fait partie des gialli les plus faibles qui aient été réalisés, un thriller mélodramatique déjà vieux avant l'heure qui annonce bien mal l'arrivée des futurs gialli à la Argento.
Ernesto Gastaldi, scénariste pour de nombreux films de Mario
Bava, Antonio
Margheriti, Riccardo Freda mais également Sergio Martino et Umberto Lenzi met en scène aux cotés de Vittorio Salerno Libido en 1965, un giallo en noir et blanc avec Giancarlo Giannini, Mara Maryl et Luciano Pigozzi.
Malgré ses origines 100% italiennes, Libido se rapproche beaucoup des thrillers à l'anglaise que tournait alors la Hammer puisqu'on y retrouve ces ambiances si chères à un certain cinéma gothique repris par la suite par Mario Bava et Antonio Margheriti. Le film lui emprunte la plupart de ses éléments en les transposant de nos jours avec intelligence et beaucoup de maîtrise. Libido est en fait un huis-clos entre quatre personnages pris au piège dans une demeure inquiétante où semblent resurgir les terribles fantômes d'un tout aussi terrible passé. Reste à savoir si ces étranges événements sont effectivement réels ou le fruit d'une effroyable machination destinée à fragiliser l'état mental du personnage central afin de le dépouiller de son héritage.
Gastaldi utilise de manière subtile tous les artifices du cinéma gothique, les portes qui grincent, les nuits où l'orage gronde et souffle le vent qui fait violemment ouvrir les fenêtres tandis que la caméra parcourt les couloirs où apparaissent d'inquiétantes ombres encapuchonnées. C'est dans cette ambiance horrifique que le passé de Christian resurgit lentement, inexorablement au rythme du rocking-chair qui se balance seul alors que la poupée mécanique que possédait le jeune homme étant enfant semble prendre vie comme animée par une mystérieuse force au moment où une étrange silhouette gantée assassine un à un les différents protagonistes.
Si Gastaldi met tranquillement en place cette histoire qui trouvera son point culminant lors de sa dernière partie particulièrement excellente où s'abattent les cartes du ou des coupables jusqu'à l'implacable mais si ironique final cela ne signifie en rien que Libido souffre d'une certaine lenteur ou d'un manque d'un rythme, bien au contraire. Libido bénéficie d'un rythme soutenu, sans faille, ne laissant place à aucun temps mort. Gastaldi met également un point d'honneur non seulement à mélanger avec intelligence et savoir-faire plusieurs genres cinématographiques alors en vogue, l'épouvante, le thriller et même le fantastique, mais à donner surtout et avant tout à tous ses personnages une réelle dimension psychologique.
Plus que sur les effets sanglants dont il est quasiment dépourvu, Libido joue essentiellement sur cette ambiance inquiétante, oppressante et la psychologie de ces protagonistes multi facettes tous plus machiavéliques les uns que les autres avec lesquels Gastaldi aime jouer pour mieux perdre le malheureux Christian et par conséquent le spectateur en brouillant ainsi avec art les pistes qui déboucheront sur des portes aussi inattendues que surprenantes.
Tirant parfois vers Psychose et Sueurs froides, Libido peut être considéré comme une oeuvre freudienne tant le célèbre psychanalyste est ici présent. Le film repose d'ailleurs sur une de ses citations. En ce sens, le film de Gastaldi ouvre avec bonheur toute une lignée de gialli psychologiques dont Romolo Guerrieri et Umberto Lenzi entre autres réalisateurs se feront les spécialistes par la suite avec notamment Orgasmo et Paranoia.
Agrémenté d'un zeste d'érotisme qu'on doit principalement à la blonde et vaporeuse Mara Meryl, l'épouse du réalisateur, Libido rythmé par une très belle belle partition musicale signée Carlo Rustichelli, se conclura de manière bien cruelle puisque la folie n'épargnera personne ni le coupable voué à la plus horrible des agonies ni même le principal intéressé emporté par l'assaut des vagues sous l'ultime salut de cette hideuse poupée mécanique qui tirera sa révérence à la Mort.
Méconnu du grand public, resté totalement inédit puisque le film n'a malheureusement connu qu'une seule et unique sortie vidéo, Libido fait pourtant partie des bases fondamentales du giallo. Voilà une véritable petite perle de nacre réalisée avec tout le soin et la rigueur d'un grand réalisateur. Libido est une oeuvre fouillée, redoutablement efficace baignée de paranoïa, brillante, trouble, quasi parfaite et dangereusement intelligente puisque Gastaldi a réussi à faire d'une intrigue au demeurant assez simple une histoire complexe et totalement inattendue dans son déroulement et ses différents aboutissants.
Plus proche des futurs thrillers italiens de par leur ambiance justement très italienne seront Il mostro di Venezia de Dino Tavella où un tueur encapuchonné et masqué fait un carnage parmi les femmes de la célèbre ville mystère et Le notti di violenza de Roberto Mauri où cette fois un assassin défiguré par des radiations atomiques tue des prostituées dans les parcs de Rome.
En 1968, quelques gialli aux ambiances typiquement anglaises vont voir le jour avec notamment 24 ore di terrore de Gastone Grandi, des gangsters réfugiés dans un château vont se faire massacrer par un tueur isolé, ou encore plus classique, Piu tardi Claire piu tardi de Brunello Rondi, thriller à l'anglaise qui met en scène dans les années 1910 quelque part en Cornouailles un mari qui cherche à trouver l'assassin de sa femme en réunissant dans sa villa les personnes qu'il soupçonne. Il cherche en même temps une jeune fille qui serait le sosie de sa défunte épouse afin d'en garder le souvenir à jamais intact.
La lama nel corpo de Lionello Felice et Elio Scardamaglia se déroule dans un asile d'aliénés où un maniaque décime les jeunes patientes avec une rage étonnante. On y retrouve les thèmes de l'horreur d'alors, à savoir qu'au centre de l'intrigue se trouve une femme défigurée à qui son docteur veut rendre sa beauté passée. On est ici face au schéma classique de l'horreur gothique mais résolument recentré dans un contexte giallique où on retrouve William Berger et Françoise Prevost.
La morte non ha sesso / Le tueur frappe la nuit / Showdown de Massimo Dallamano qu'il réalise en 1968 s'enfonce très vite dans le poliziesco traditionnel. L'ouverture du film nous fait assister à un meurtre en pleine rue la nuit par une étrange silhouette gantée et cagoulée, ses yeux roulants et étincelants dans l'obscurité, seul élément giallique du film. On suit alors l'enquête du vieux commissaire Bulov marié à Lisa, une superbe jeune femme, ex-putain et trafiquante qu'il soupçonne d'infidélité. Innocente ou infidèle.. seule la réponse à cette question donne un intérêt au film tant la mise en scène de Dallamano est plate. La dernière partie du film apporte un peu de sang neuf au tout avec l'arrivée d'un bellâtre qui devient l'amant de Lisa, amant et bourreau car en fait il est chargé de tuer la jeune femme, étant à la solde de son vieux mari, inspecteur ripoux! Le vieil inspecteur n'avait pourtant pas prévu que son tueur à gages tombe amoureux. Le cercle vicieux est ouvert et dans ce jeu d'ombres et de lumières, personne n'en sortira vivant encore moins cette épouse qu'on pouvait soutenir dans cet adultère compréhensible, conséquence logique d'un mariage malheureux dénué d'amour mais Dallamano conclura le tout par un ultime twist final. Avec sa trame classique et mille fois vue, La morte non ha sesso est un petit film sans guère d'intérêt.
En 1969 Damiano Damiani signe Una ragazza piuttosto complicata avec Jean Sorel et Florinda Bolkan, un giallo qui prend ici la forme d'une étude de moeurs. Il rentre dans le contexte du film contestataire alors fort en vogue, une sorte de version intellectuelle des psycho-gialli mis à la mode par Umberto Lenzi.
Il dolce corpo di Deborah / Le doux corps de Deborah de Romolo Guerrieri eut en Italie un succès d'estime. Malgré son titre érotique il reste un film au suspens assez efficace notamment grâce à la présence d'une petite musique obsédante résonnant avant chaque meurtre. On est ici face à une histoire de complot dont l'argent est le moteur qui se déroule dans un contexte luxueux où tout ressemble y compris les meurtres à une sorte de jeu de société. On y retrouve Carroll Baker, future protagoniste des sexy-gialli de Umberto Lenzi. Guerrieri retouchera au genre avec La contrafigura en 1971 avec Jean Sorel, petit giallo psychologique à l'intrigue habituelle à savoir un cadavre à faire disparaitre dans un contexte érotique typique des années 70 où erre un assassin imprévisible et des protagonistes plus ambigus les uns que les autres.
Tinto Brass touchera au genre en 1967 avec Col cuore in gola tiré du roman de Sergio Donati Il sepolcro di carta. Voici un giallo psychologique avec Jean-Louis Trintignant et Ewa Aulin qui conte l'histoire d'un homme tombant dans les griffes d'une jeune meurtrière aussi belle que dangereuse.
Plus important est Nude si muore / Sette vergini per il diavolo de Antonio Margheriti avec Michael Rennie et Mark Damon qu'on peut voir comme un gentil précurseur des oeuvres mettant en scène des collèges de jeune filles comme le fera dés 1971 Dallamano avec Qu'avez vous fait à Solange. On est ici face à un film post-Bava mais qui par certains aspects inaugure le giallo argentesque. Nude si muore est une sorte de giallo ludique avec des réminiscences d'Agatha Christie, des filles apprenties détectives qui rappellent l'héroïne de La fille qui en savait trop avec comme autre point commun cette perception juvénile fantasmatique face à l'énigme à résoudre. On y trouvera également quelques réminiscences de 6 femmes pour l'assassin mais cette fois Margheriti opte pour une absence absolue de violence graphique. L'érotisme y est discret, l'intrigue assez conventionnelle et le final ne surprendra personne, surtout pas les habitués du genre. Le film est bercé par un très agréable thème musical signé Carlo Savina.
On retrouvera Jean-Louis Trintignant et Ewa Aulin aux cotés de Gina Lolobrigida dans le curieux La morte ha fatto l'uovo / La mort a pondu un oeuf de Giulio Questi. On est face à un film étrange qui reprend les bases du giallo sans en être un réellement. On est à la croisée du genre et de l'apologie politique façon Godart. Il s'agit d'un film transgressif, déconcertant et décalé à l'intrigue totalement délirante, limite surréaliste, mêlé d'une critique sociale acerbe. La mort a pondu a un oeuf est une oeuvre d'une ironie très noire qui s'avère beaucoup plus complexe qu'un film de genre pur et confirme le caractère subversif du cinéma italien des années 70. On est face à un film anarchiste et cynique où on a bien du mal à voir où Questi cherche à nous emmener. En fait, La morte a fatto l'uovo est une véritable dissection de caractères sociaux et métaphysiques, cette fabrique de poulets tenu par ce couple aux multiples vices cachés n'étant rien d'autre que la vision du monde qu'à le réalisateur. Sa mise en scène est constamment étonnante conduite par la musique de Bruno Maderna, stridente à souhait. Voilà un film étonnant, riche, acide où plusieurs visions s'imposeront pour pouvoir en discerner toute la profondeur et la symbolique.
DARIO ARGENTO OU L'AVENEMENT DU GIALLO:
Né à Rome le 7 septembre 1940, fils du producteur Salvatore Argento, Dario Argento attache une importance toute particulière à son enfance d'où il puisera par la suite beaucoup de ses idées notamment à travers les contes que lui racontait sa grand-mère et ses propres expériences. De par son père, il s'intéresse assez tôt au cinéma et commence à écrire dans des journaux spécialisés avant de rentrer comme pigiste dans un célèbre journal du soir, le Paese sera. Il devient ensuite scénariste et va travailler sur de nombreux films dont quelques fameux westerns comme Une corde, un colt et Il était une fois dans l'Ouest. C'est alors qu'il écrit son premier film en 1970 L'oiseau au plumage de cristal, un giallo qui insufflera au genre de nouveaux codes, créant ainsi le style dit argentesque.
L'oiseau au plumage de cristal / L'ucello dalle piume di cristallo hormis de définir les bases du giallo dit argentesque est également un savant mélange de gothique et d'influences issues du cinéma anglais basées sur les complots familiaux. La folie est ici le nerf de l'histoire où Argento projette ses propres peurs à travers un langage cinématographique qui lui sera désormais personnel et une attention toute particulière à la technique. On assiste à de longues séquences de terreur parsemées de meurtres qui n'atteignent pas encore la violence de ses oeuvres suivantes. Le meurtre est ici une sorte de rituel présenté sous forme suggestive, la caméra de Argento détaillant avec soin les armes du tueur ainsi que son accoutrement, chapeau, imperméable et gants, tous plus noirs les uns que les autres. Argento fait également naitre la terreur des lieux de l'action eux mêmes. Il nous dépeint une Rome sinistre et glaciale, sordide, appuyée par l'efficace musique de Ennio Morricone. La tension va aller crescendo jusqu'aux révélations finales où toute la folie du tueur éclate, une folie montrée comme un mal incurable. Hormis l'interprétation de Tony Musante et Suzy Kendall, on retiendra aussi de cet Oiseau au plumage de cristal son titre énigmatique qui dés lors deviendra un des facteurs récurrent du thriller argentesque. Chaque mot de ce type de titre trouvera désormais son sens dans les explications finales.
Suivra Le chat à neuf queues / Il gatto con nove code avec James Franciscus, Karl Marlden et l'ex-lolita du cinéma italien Catherine Spaak troublera Hitchcock lui même qui déclarera lors de la sortie américaine du film: "Cet italien me préoccupe", une phrase qui servira de support publicitaire au film qui une fois de plus associe le nom du célèbre réalisateur à celui de Argento. Cette fois, Argento accentue encore plus son style personnel et sa vision de la peur. Il innove ici un nouveau mode filmique qui sera repris maintes fois: la suggestion, les évenements vus à travers le regard du tueur auquel la caméra se substitue. Le spectateur se trouve donc propulsé dans l'univers délirant du psychopathe, l'obligeant à le suivre dans sa folie mais également à s'identifier à lui. Ici la ville, principalement Turin, nous est décrite comme un monde de violence inéluctable, une violence à laquelle personne n'échappe. Le tueur personnifie le Mal, véritable entité qui maintenant frappe partout et au vu de tous. La victime n'est plus isolée, le Mal peut la frapper en public comme lors de la fabuleuse scéne du quai de gare. Le chat à neuf queues marque donc une nouvelle étape dans le style argentesque et le giallo.
Le troisième film de la trilogie sera Quatre mouches de velours gris / Quattro mosche di velluto grigio et peut être son plus auto biographique dans sa façon de montrer et filmer la peur. Son héros interprété par un tout jeune Michael Brandon pourrait être Dario Argento lui même notamment lorsqu'on découvre que l'assassin n'est autre qu'un proche du héros. Argento vivait alors à cette époque une relation houleuse avec son ex-femme. Hormis cela, Quatre mouches de velours gris reste fidèle aux bases imposées par le réalisateur qui une fois encore reste fidèle au thème de l'assassin qui dort auprès de vous, cette personne qui partage votre lit, votre vie et se révèle être un véritable monstre homicide. Une fois de plus, le film est truffé de toutes les obsessions, les peurs, les traumatismes et les amours du réalisateur. Ici contrairement à l'héroïne de L'oiseau au plumage de cristal, Daria interprétée par la fréle et névrosée Mimsy Farmer ne peut retourner en arrière, elle ne peut échapper à sa folie qui se révéle pour elle un piège mortelle et inéluctable. La peur et l'horreur envahissent alors la maison qui devrait pourtant être un havre de paix tout comme ce parc et ces toilettes publiques. Ici la police est quasiment inexiatante, dans cette ville dépeinte froide et hostile. La seule échappatoire pourrait venir d'ailleurs, de ces marginaux vivant en dehors de cette société cruelle et cynique où même la mort est devenue un motif de spéculation commerciale. Plus que jamais, Argento a instauré une barrière infranchissable entre les victimes de l'assassin et le monde extérieur comme si bien symbolisé par le meurtre commis dans le parc, calqué sur L'homme léopard de Jacques Tourneur et repris dans Il strano vizio della signora Wardh. Donnant son titre au film, Argento utilise ce procédé qui par le biais d'un laser permet de voir les dernières images que la rétine a enregistré- ici donc ces fameuses quatre mouches de velours gris qui font référence à un bijou. Le meurtrier est ici plus que jamais une véritable entité du Mal cachée derrière un masque de pantin, tuant avec une effrayante lucidité ses victimes.
Avec ce film, Argento commencera à utiliser certains artifices techniques complexes afin d'augmenter la peur et marquer plus profondément l'esprit du spectateur, technique mise surtout en évidence lors de la scène finale lorsque l'assassin meurt lentement, 3000 images à la seconde ayant été tournées afin de créer un ralenti glacial et presque surréaliste.
LES NOUVEAUX MAITRES DU GENRE: MARTINO, LENZI, ERCOLI:
SERGIO MARTINO: Féru de fantastique, les thrillers de Sergio Martino vont souvent en être teintés et le résultat sera effectif. Ses gialli vont très vite devenir des succès aussi bien sur grand écran qu'en vidéo. Ils font encore aujourd'hui parties des classiques du genre.
Le premier giallo que Martino mit en scène fut Il strano vizio della signora Wardh / L'étrange vice de Madame Wardh en 1971, un film à la croisée des psycho-gialli à la Lenzi et du giallo argentesque. De Lenzi, Martino aidé au scénario par un des spécialistes du genre récupère la trame du complot, la fragilité psychologique de l'héroïne ainsi que l'aspect érotique tandis que de Argento il ne garde que l'assassin tout de noir vêtu, la violence et le sadisme des meurtres. Sergio Martino a en sa possession tous les éléments nécessaires ainsi qu'un scénario certes guère original mais parfaitement efficace, il maîtrise cependant mal son histoire à l'intrigue volontairement alambiquée qui bien souvent apparait un peu trop brouillon.
Si l'amateur y verra une sorte de prélude à son giallo suivant, Tutti i colori del buio / L'alliance invisible / Toutes les couleurs du vice, la rhétorique est cependant nettement moins bonne. Ainsi a t-on du mal à réellement cerner le personnage de Julie Wardh et par conséquent à ressentir sa détresse. Mal amené et desservi par une intrigue qui comporte de nombreux trous, il est tout aussi difficile d'analyser sa lente dégradation mentale que d'accepter et comprendre ses choix notamment amoureux. Au final, son personnage laisse le spectateur indifférent.
On ne retiendra donc que ses penchants pour le masochisme, l'étrange vice auquel fait référence le titre, thème majeur du film que Martino met en images de manière inoubliable lors notamment de deux superbes séquences à l'onirisme morbide. La première est celle du viol sous la pluie battante qui ouvre le film, la seconde celle où son ex-amant lui taillade un sein à l'aide d'un tesson tandis qu'une pluie cette fois de verre recouvre majestueusement son corps à demi dénudé qu'un filet de sang macule.
Martino compense le déséquilibre de son scénario par un érotisme exacerbé et un sadisme tout à fait jouissif au détour de quelques meurtres le plus souvent prodigués à l'aide d'un rasoir. Tourné entre Vienne et l'Espagne, soutenu par un très beau thème musical signé Nina Orlandi, Lo strano vizio della signora Wardh doit également beaucoup à son interprète principale, Edwige Fenech, dont Martino filme le corps nu aussi souvent qu'il le peut. A quelques années des sexy comédies qui feront sa renommée, Edwige, belle et fragile même si elle n'a pas le coté candide de Carroll Baker, porte ce thriller sur ses robustes épaules aux cotés de George Hilton avec qui elle formera à l'écran le temps de quatre autres films le couple idéal. On notera également au générique la présence de Ivan Rassimov dont le charisme et le regard de glace n'auront jamais aussi bien été utilisés au cinéma.
Certes moins carré que Tutti i colori del buio bien que lui étant supérieur au niveau ambiant, Lo strano vizio della signora Wardh et son final à tiroirs un peu grossier que l'amateur aura assez facilement décelé n'en reste pas moins un bon et honnête giallo, attachant et fort bien rythmé.
Il met ensuite en scène La coda dello scorpione / La queue du scorpion, une des valeurs références du giallo des années 70 dont le titre animalier fait référence aux films de Argento. La queue du scorpion présente au premier abord un schéma narratif proche de Psychose de Hitchcock, analogie qu'on retrouvera assez souvent dans le genre. Ici, c'est une femme mariée qui complote quelque chose d'illégal afin de se débarrasser de son époux et qui se fera par la suite assassiner. Autre analogie: chez Hitchcock, la femme avait une relation avec un homme marié, ici la protagoniste a un amant qui la fera chanter, trame récurrente au giallo italien.
A cela, Martino y ajoute la touche Argentesque désormais indispensable avec son tueur masqué et habillé de noir tuant avec sadisme ses victimes. C'est l'illégalité ou le mal devant être chatié par le mal lui même. Martino agence donc un film quasi parfait même s'il n'est jamais trés incisif comparé à d'autres oeuvres d'alors mais il sait avec habileté fausser les pistes et tisser tout un étau autour de ses personnages tous plus troubles le uns que les autres.
La queue du scorpion qu'il transpose du sol italien à Athènes ménage un excellent suspens et quelques surprises ainsi que certaines scènes de meurtres trés réussies, pas trés sanglants si on excepte celui de Lara assez sadique, un fort beau ralenti faisant aller crescendo la tension de cette dramatique séquence. Bénéficiant d'une mise en scène alerte, La coda dello scorpione se terminera bien sûr avec la révélation de l'identité du tueur non pas cette fois un dangereux maniaque qu'un lointain traumatisme aurait rendu fou mais simplement un homme d'un machiavelisme diabolique prêt à tout pour de l'argent. Là encore, on est plus proche des dénouements hitchcokien que des fins argentesques mais les scènes finales sur le yacht et la falaise sont de toutes beauté. On reverra ce genre de final dans un autre giallo: 10 ore: calma piatta de Philip Noyce pour les lieux et Una ragazza tutta nuda assassinata nel parco / Le manoir aux filles de Alfonso Brescia en 1972 pour la personnalité du tueur.
Suit en 1972 Il tuo vizio è una stanza chiusa e solo io ne ho la chiave qui fait partie des nombreuses adaptations du Chat noir de Poe. Sergio Martino en fait un giallo dans lequel on retrouve les ingrédients propre aux films de Dario Argento où se mêlent les éléments typiques des oeuvres du romancier. Le mélange est ici parfait. Dés l'ouverture du film se crée une atmosphère à la fois étrange et pesante, un sentiment de peur diffuse, une ambiguïté qui baigne dans un climat maladif de folie tout aussi diffuse que cultivent les deux personnages principaux, le comte Oliviero, un écrivain déchu et alcoolique qui vit dans l'obsédant souvenir de sa mère décédée et son épouse, Irene, terrorisée et battue par son mari. C'est dans ce contexte dramatique qu'un mystérieux tueur assassine une des amantes du comte et la servante du couple. L'écrivain est le premier suspect. Tout le désigne en effet comme coupable. Seul témoin des crimes, le chat noir d'Oliviero, Satanas, dont Irene a une peur bleue. Elle maudit ce chat qui la terrorise. Débarque alors la plantureuse Florina, la nièce du comte, en qui Irene trouve non seulement une confidente mais aussi une amante. Mais à quel jeu perfide joue exactement Florina en se servant ainsi de ses charmes? Si le tueur présumé est enfin arrêté par la police, le comte semble sombrer dans une irréversible folie qui le transforme en monstre. A bout de nerfs, Irene projette de l'emmurer dans la cave. Après avoir pris soin de se débarrasser du chat qui pourtant semble toujours en vie, hantant les couloirs, déchirant le silence de la nuit de ses miaulements vengeurs, Irene exécute son plan diabolique. Dans cet imbroglio d'êtres machiavéliques et torturés, le fou n'est pourtant pas toujours celui qu'on croit. C'est le chat qui lors d'un final époustouflant d'une infinie cruauté dévoilera l'identité du véritable coupable.
Il tuo vizio è una stanza chiusa... est une parfaite illustration des dangereux jeux de la perversion et de la folie qui finissent toujours par absorber les véritables personnalités, ici celle du comte qui perd toute sa lucidité en s'adonnant à ces jeux d'ombres et de lumières où personne n'est ce qu'il semble être. Chaque détail de cette perfide comédie est mathématiquement calculé. C'est sur un véritable échiquier que se déroule ce terrible complot que déjouera lors des ultimes minutes ce chat aux yeux luisants. Il est le petit grain de sable qui fera éclater au grand jour tout le diabolisme des différents protagonistes.
Prenant pour cadre un magnifique manoir situé à Montagnana en Vénitie, froid et décadent, dont le décor rappelle aux personnages leur glorieux passé, Il tuo vizio è una stanza chiusa... dont on appréciera les divers rebondissements bénéficie d'une réalisation efficace, sans faille, alerte et incisive ponctuée par une magnifique partition musicale composée par Bruno Nicolaï. Aux éléments de l'horreur gothique italienne (orage s'abattant sur le manoir, ombres inquiétantes et portes qui claquent, héroïne apeurée, noir félin) se greffe la violence des meurtres (égorgements au rasoir, lacération des chairs, l'acharnement avec lequel Irene crève les yeux du chat avec un ciseau) et un érotisme léger teinté d'une touche de saphisme qui par instant rappelle les sexy gialli de Lenzi.
L'interprétation est ici excellente et contribue beaucoup à la bonne marche du film. Luigi Pistilli qui endosse la peau de cet écrivain fou et dépravé rappelle par moment Jack Nicholson dans Shining notamment lors de l'angoissante scène de la machine à écrire. On soulignera le jeu stupéfiant de la toujours altière Anita Strindberg, épouse maltraitée et effrayée, véritable martyr et pseudo-victime qui symbolise à la perfection terreur et désespoir jusqu'au retournement de situation final. On n'oubliera pas la somptueuse Edwige Fenech à la fois trouble et vénéneuse malgré une coupe de cheveux improbable simplement réduite ici à un rôle de second plan qui apporte au film son indispensable dose d'érotisme. Ivan Rassimov, orné d'une surprenante perruque blanche, est égal à lui même, toujours aussi inquiétant. Le véritable héros du film reste cependant ce chat noir sinistre qui symbolise la peur, le remord et la conscience de chacun.
Il tuo vizio è una stanza chiusa... malgré ses improbabilités et son aspect prévisible fait cependant partie des meilleurs gialli qu'ait tourné Sergio Martino, un intéressant mélange de genres à la croisée du film gothique à l'italienne, du giallo à la Argento et du sexy giallo à la Lenzi dont le motus operandi morbide est ici la jalousie et la haine conjugale.
Martino réalisera ensuite Tutti i colori del buio / L'alliance invisible qui met cette fois l'accent beaucoup plus sur l'aspect fantastique. De la trilogie giallique de Sergio Martino, L'alliance invisible est sans nul doute le film le moins convaincant. Mâtiné d'une touche de film à la Polanski, Tutti i colori del buio est un thriller mêlant plus ou moins habilement giallo et satanisme. C'est justement ce mélange qui nuit à l'ensemble du film et notamment à sa qualité.
Martino tente de perdre le spectateur au même titre que son héroïne entre rêve et réalité, tourmentée par ses propres démons, un peu comme dans Le Venin de la peur de Lucio Fulci mais sans réelle conviction ni imagination.
Ici, on abandonne plus souvent la trame du giallo au profit d'un aspect plus surréaliste. A la vision de ce film, on pense obligatoirement au film de Polanski Rosemary's baby auquelles les hallucinations constantes de l'héroïne font référence au même titre que cet étrange complot, ces manigances qui semblent se tramer autour de la jeune femme. C'est dans un univers étouffant, suffocant qu'elle evolue alors, prisonnière d'une cage invisible dans laquelle on veut l'enfermer, cette cage où se termine son terrible destin.
Tutti i colori del buio est une sorte de fable moderne construite comme un thriller, alternant l'onirisme, le surréalisme et les peurs véritables.
On y retrouvera avec plaisir Edwige Fenech en héroïne tourmentée et un Ivan Rassimov toujours aussi impressionnant et glacial.
Giallo mineur, L'alliance invisible s'il n'est pas le meilleur film du genre de son auteur ne laisse pas pour autant indifférent et se regarde avec un certain plaisir ne serait ce que pour certaines séquences plutôt saisissantes comme celle des poupées en plastique sanguinolentes.
Le dernier vrai giallo que Martino tournera sera en 1973 le célèbre I corpi presentano tracce di violenza carnale / Torso. S'il fut présenté à l'époque comme un giallo mineur, son énorme succès en Italie en fit vite un des classiques du genre et l'un des plus réputés.
Sur un scénario de Ernesto Gastaldi, Torso ravira autant les fans de giallo que de thriller horrifique par les nombeuses scènes gore qui le parsèment. Le film suit une trame simple, celle de deux jeunes filles qui sont assassinées sauvagement, obligeant trois de leurs amies à s'éloigner de la ville et à se réfugier dans une villa perdue au sommet d'une falaise. Malheureusement l'assassin les a suivi et le carnage continue.
Dès les premiers instants, Martino distille un climat de folie homicide dominée par le sexe. Celui ci est omni-présent dès l'ouverture du film, avec ses séances de photos de nu dérivant sur des jeux sexuels, clé de la paranoia du tueur, terrifié et paralysé d'angoisse par le sexe. Torso comporte également bon nombre de scènes saphiques et de séances de débauche durant lesquelles la caméra aime s'infiltrer sous les jupes et mini-shorts. Le film baigne sans cesse dans ce climat de débauche sexuelle y compris lors des terribles meurtres. Des amants du début du film tués dans leur voiture à l'assassinat sous un ciel lunaire, moment intense quasi surréaliste comme s'il s'agissait d'un rêve effrayant surgi de l'esprit drogué de la victime. L'assassin est obsédé par ce qui lui est interdit, conséquence d'un terrible traumatisme d'enfance qu'il ne cesse de revivre à travers cette poupée dont il crève les yeux à chacun des meurtres qu'il commet.
Torso est un voyage dans les méandres de l'esprit torturé d'un homme malade dont la fascination morbide pour la mort le pousse à caresser et admirer les corps nus et mutilés de ses victimes.
Particulièrement efficace, desservi par une belle photographie et une excellente partition musicale, Torso contient tous les éléments du giallo à la Argento: persécution télephonique, lieu clos d'où tout peut surgir à n'importe quel moment, caméra suggestive et assassin cagoulé.
La deuxième partie restera une montée dans l'horreur particulièrement impressionante et grand-guignolesque aprés que l'une des quatre filles ait découvert ses amies massacrées dans le salon. Elle se retrouve seule dans la villa, la cheville foulée, assistant impuissante au découpage à la scie de ses amies dont les morceaux sont mis dans des sacs poubelle. Dés lors, elle va devoir se battre contre ce fou sanguinaire, lutter pour sa survie et faire en sorte que sa présence ne soit pas découverte. Martino n'hésite pas au recours du gore déja présent au début du film quand l'homme ouvre une poitrine. Torso a toutes les qualités d'un véritable film d'horreur particulièrement prenant jusqu'aux dernières minutes, empreintes d'un suspens haletant.
On regrettera simplement le final beaucoup trop abrupt et surtout trop facile dans son dénouement, petit bémol à la perfection de l'oeuvre de Martino. La découverte de l'assassin au foulard rouge et les terribles images de son enfance, source d'une folie mêlant impuissance et fétichisme, clonclueront ce giallo interprété par Luc Merenda, Tina Aumont et Suzy Kendall.
On terminera par Morte sospetta di una minorenne. Cet ultime giallo tourné par le réalisateur est en fait un hybride entre le polar à l'italienne et le giallo dont il ne fait que légèrement emprunter la violence et la cruauté des meurtres perpétrés à l'arme blanche, référence aux oeuvres de Dario Argento.
En fait Morte sospetta di una minorenne est un cas unique dans les annales du giallo puisqu'on est ici face à un polar mené tambour battant par un Martino d'humeur ludique qui mélange polizesco, giallo et comédie. S'il s'inspire de films tels que Qu'avez vous fait à Solange, La polizia chiede aiuto, Enigma rosso et A tutte le auto della polizia dont la base de l'intrigue est la prostitution adolescente, Morte sospetta di una minorenne souffre justement de cet amalgame de genres puisqu'il semble ne jamais réellement savoir quelle direction prendre. Plus qu'un polar, plus qu'un giallo, c'est semble t-il la comédie policière que Martino privilégie tout en accumulant les poursuites de voitures et crissements de freins, les cascades et les crépitements d'armes à feu tout en situant son scénario dans les réseaux de prostitution adolescente et les hautes sphères de la finance milanaises.
Le film est certes efficace au niveau de l'action et d'une certaine façon il inaugure ceux qu'allait par la suite tourner Maurizio Merli mais malheureusement toute sa force se trouve énormément désamorcée par un incessant humour pas forcément bienvenu ici et la présence de personnages fantasques comme ceux interprétés par Gianfranco Barra et Lia Tanzi tandis que l'inspecteur et son adjoint font par instant penser à une version milanaise comique du tandem de justiciers Batman et Robin. Maladroit, étourdi, cabotin, l'inspecteur ne cesse notamment de casser ses lunettes. Ce qui au départ devait être un gag amusant devient assez vite lassant car beaucoup trop répétitif. Certains souriront face à l'hommage que se rend lui même Martino en projetant un de ses films, Il tuo vizio è una stanza chiusa e io solo ne ho la chiave, dans une salle de cinéma.
Si l'enquête qui doit mener à la découverte de l'identité de l'assassin est reléguée au second plan au détriment de nombreuses scènes de poursuites en voiture et d'humour Morte sospetta di una minorenne se rattrape par contre sur la violence et la cruauté des meurtres tous perpétrés avec un étonnant sadisme. Gorges tranchées, visage ébouillanté, corps sauvagement poignardés se succèdent donc pour le plus grand plaisir des amateurs d'effets sanguinolents qui devraient se réjouir de la mort de la tenancière de l'hôtel particulièrement brutale, point d'orgue de toute une série de crimes atroces.
La partition musicale absolument superbe et surtout très efficace signée Luciano Marchetti plagie sans vergogne les thèmes de Profondo rosso.
Premier giallo/polar qu'on pourrait qualifier de ludique. Morte sospetta di una minorenne est un film singulier qui risque d'en désorienter plus d'un peu habitués par cet étrange mélange de genres noyé dans l'humour pas forcément raté, jamais ennuyant non plus mais trop disparate. C'est peut être la raison pour laquelle il est l'un des gialli, un des films tout simplement les moins connus ou les plus oubliés de Martino.
UMBERTO LENZI: Umberto Lenzi est né à Massa maritima en Italie en 1931. Umberto a toujours été passionné de cinéma. S'il fait du droit, cela ne l'empêche pas de faire partie de nombreux fans clubs. Il débute comme journaliste pour différents magazines et journaux. Il abandonnera définitivement le droit pour une école de cinéma. Il devient scénariste et critique avant de devenir assistant réalisateur. C'est en 1961 qu'il réalise son premier film, Adventure with Mary Read. Umberto s'intéresse surtout aux films d'aventures comme Sandokan ou L'éléphant du temple blanc avant de devenir à la fin des années 60 l'auteur le plus représentatif du sexy giallo psychologique dont l'héroïne sera le plus souvent l'ex-baby doll du cinéma américain Carroll Baker. Il met donc en scène en 1968 Orgasmo / Une folle envie d'aimer avec Caroll et Lou Castel.
Orgasmo prend comme point de départ notre quotidien composé de petits faits et de détails anodins, étranges ou sinistres, qui un jour viennent frapper à votre porte. C'est dans ce quotidien que Lenzi puise son intrigue avec un certain savoir-faire. Avec habileté, il part de cette banalité pour doucement faire basculer ses personnages dans la folie et le crime. Il consacre la première partie à la lente mise en place des protagonistes tout en multipliant tous ces petits faits et gestes anodins. Ce qui pourrait être vite ennuyant devient ici presque fascinant tant il parvient à rendre passionnant ce quotidien. Kathryn, jeune et fortunée veuve, commet l'erreur d'accueillir sous son toit Peter, un homme tombé en panne de voiture. Attirée par l'inconnu elle en tombe amoureuse et c'est tout naturellement qu'elle accepte que la soeur de l'homme, Eva, les rejoigne. Les trois principaux protagonistes ont ainsi fait leur entrée de manière plus ou moins convaincante. Ne reste plus qu'à refermer le piège autour de la malheureuse veuvedés la seconde partie qui mènera au final certes peu original car déjà vu mais particulièrement noir soudainement assagi par un ultime rebondissement fort moraliste cette fois qui pourra déplaire à certains. C'est peut être un des défauts majeurs de Orgasmo.
Si Lenzi arrive à rendre intéressante la pseudo fougue amoureuse de Peter et Kathryn il parvient surtout à intégrer le spectateur dans cette relation aussi torride qu'hypocrite. Ainsi le titre original prend toute sa signification. Peter enivre la malheureuse dans tous les sens du terme, la fait basculer insidieusement dans un monde de sexe et d'alcool. Passionnante cette vertigineuse entrée en la matière est malheureusement gâchée par l'arrivée de Eva. Si jusqu'alors Lenzi jouait la carte de la subtilité et du suspens, il dévoile sans finesse les rouages de cette diabolique machination pas toujours très cohérente qui perd ainsi une partie de son intérêt en devenant trop prévisible. L'intensité dramatique s'en trouve alors amoindrie. Si Kathryn réalise le piège dans lequel elle est tombée, le spectateur quant à lui se rend compte que Orgasmo n'est jamais qu'une revisitation des Diaboliques auquel Lenzi fait de nombreux clins d'oeil. Quant au final aussi dramatique et cruel soit il, on regrettera cet ultime rebondissement plutôt inutile et surtout trop moraliste qui dénote avec la noirceur de l'ensemble. Comme il le fera dans ses deux gialli suivants, Lenzi tente de démontrer que le crime ne paie jamais. Dans le plus parfait des complots, il existe toujours ce fameux petit grain de sable inattendu et sournois qui finit par trahir les coupables.
L'objectif principal de Lenzi est de distraire et Orgasmo y parvient haut la main. Voilà un très bon thriller pimenté de quelques scènes de violence et de touches macabres bienvenues (l'apparition des squelettes dans la chambre). Captivant d'un bout à l'autre, Orgasmo n'est pas parfait mais c'est un de ses meilleurs thrillers malgré son manque de suspens.
Le film bénéficie de beaux décors, d'une mise en scène souple et efficace, l'ensemble rythmé par une fort jolie partition musicale jazzy. C'est sans nul doute le meilleur film de cette trilogie érotique même si ici l'érotisme se fait discret, plus suggéré que montré. Lenzi nous offre seulement quelques plans rapides de nu de Carroll Baker, trouble et sensuelle. Orgasmo fut rebaptisé à l'occasion de sa sortie américaine Paranoia, à ne pas confondre avec le troisième giallo de cette trilogie lui aussi intitulé Paranoia
Il tourne ensuite Cosi dolce cosi perversa avec toujours Caroll aux cotés cette fois de Erika Blanc et Jean-Louis Trintignant alors en pleine période italienne. On y retrouve ce milieu bourgeois corrompu et décadent, cette aristocratie où régne l'ennui, le crime et l'adultère si chère au cinéma italien d'alors, ses heroïnes délaissées, perdues au milieu de leurs richesses et leurs vices entre deux parties mondaines et toutes les perversions qui en découlent.
Giallo au rythme assez lent voire très lent même, Lenzi fait reposer son histoire sur cette ambiance de corruption et de perversion, les relations vénèneuses entre les protaganistes essentiellement entre Erica Blanc et Carroll Baker. C'est au sexe que s'attache surtout Lenzi, le sexe dans toute sa perversité, ce sexe faussement liberateur. Le lesbianisme et la bisexualité si bien interprété par les deux comédiennes est ici vu d'un point de vue purement masculin mais époque oblige, ces relations demeurent trés soft et plutôt suggérées si on excepte quelques plans de nudité furtifs.
Gros succès en Italie à sa sortie, ce remake inavoué des Diaboliques au parfum de souffre demeure surprenant. Hormis ce couple de lesbiennes jalouses, méfiantes, possessives et violentes, c'est l'amoralité du film qui en fait toute sa force jusqu'à la fin assez étonante annoncée par quelques rebondissements excellents.
Trés estampillé années 60, Cosi dolce cosi perversa distille un érotisme mi-feutré mi torride par le biais des déshabillés de Carroll Baker, femme charnelle tour à tour sado et maso, manipulatrice, avide d'argent et de pouvoir et les tenues transaparentes d'Erica Blanc laissant transparaitre une mini culotte noire et des seins laiteux!
On n'oubliera pas de mentionner la prestation de Jean Louis Trintignant qui était alors dans sa période italienne. Sans être une oeuvre indispensable, Si douce si perverse est surtout un film témoignage d'une certaine époque à voir pour son coté érotique sulfureux.
Il clôt sa trilogie en 1970 avec Paranoia dans lequel Lenzi reprend une fois de plus le fameux triangle amoureux qui sera à l'origine d'un meurtre puis de toute une machination bien huilée afin de le dissimuler jusqu'à ce qu'un évènement inattendu puis un second viennent troubler les plans de ou des assassins. Helen, une coureuse automobile, est victime d'un accident. A sa sortie de l'hôpital elle reçoit un télégramme de son ex-mari, Maurice, qui l'invite à Palma de Majorque dans sa superbe villa. Elle y fait la connaissance de sa nouvelle femme, Constance qui est en fait à l'origine du télégramme. Constance est éperdument amoureuse de Maurice, non seulement pour son coté play-boy mais aussi pour la fascination qu'il exerce sur les femmes en général, le vice qui transpire de son être. Consciente qu'un jour elle le perdra, elle prévoit de l'assassiner et de faire d'Helen sa complice après avoir appris qu'autrefois celle ci a tenté de le tuer par désespoir. Helen accepte pour se venger du mal qu'il lui a fait. Malheureusement les choses ne se passent pas comme prévu. Constance meurt, tuée involontairement par Maurice sous les yeux d'Helen. Ils jettent le cadavre à la mer. Ils peuvent alors reprendre leur relation amoureuse en oubliant le passé. C'est alors que la fille de Constance, Susan, revient à la villa. Elle soupçonne vite le couple d'avoir assassiné sa mère. Lentement Helen craque d'autant plus qu'un de leurs amis aurait filmé la scène du meurtre. La jeune femme découvre alors que Maurice entretient depuis longtemps déjà une relation interdite avec la fille de Constance. Ecoeurée, elle décide de le quitter. Machiavélique, Susan va se servir de cette révélation pour démasquer son beau-père et compromettre Helen qu'elle a toujours détesté mais peut être pas pour les raisons qu'on pourrait croire puisque les véritables coupables ne sont peut être pas ceux auxquels on pense.
Le scénario n'est pas très original cette fois, même plutôt classique, trop classique peut être. Lenzi a délaissé les intrigues complexes et tordues au profit d'une histoire toute simple dont on connaitra très vite les tenants et les aboutissants pour le peu qu'on soit habitué au genre. Il dévoile en effet dés la seconde moitié du film le noeud de l'histoire dont on aura entrevu discrètement certaines révélations lors du générique d'ouverture filmé de façon très originale en négatif. Malgré la simplicité d'un scénario prévisible, Paranoia est cependant un film qui tient en haleine d'un bout à l'autre du métrage. On pourrait même dire que le film est captivant tant Lenzi maitrise sa mise en scène et sait entretenir un certain suspens malgré quelques incohérences et surtout des effets souvent grossiers. Ainsi les regards coupables, inquiets ou accusateurs que n'arrêtent pas de se lancer Maurice et Helen, leur comportement souvent suspect, leurs alibis peu crédibles auraient eu vite fait de mettre la puce à l'oreille des moins futés mais jamais de leur entourage. Cette facilité exagérée pourra en faire sourciller certains mais grâce au talent du cinéaste, on parvient aisément à passer outre pour se prendre à cette histoire de meurtre parfait qui très vite prend l'eau de toutes parts faute à l'acharnement du sort jusqu'à l'ultime rebondissement, joyeusement pervers dans le fond, typique d'un certain cinéma commercial italien alors en vogue, proche du final de Plein soleil dans sa forme.
La grande force de Paranoia réside outre dans cette série de déveines dans ses dialogues souvent subtils et à double sens, parfois cyniques, dans la beauté, la majestuosité des décors tant naturels de Majorque qu'intérieurs mis en valeur de façon sublime par une photographie somptueuse et l'utilisation étonnante du scope. En ce sens, Paranoia est très surement le film de Lenzi le plus visuellement travaillé. On nage en pleine magie visuelle faite de couleurs chatoyantes aux réminiscences par instant gothiques tant et si bien que certains plans en deviennent vertigineux, étourdissants, tandis que les jeux de miroirs, de reflets, abondants, parviendraient presque à donner à l'ensemble un coté surréaliste, fantastique, savant procédé destiné à mettre en avant la double personnalité des protagonistes qui unissent l'amour à la mort. Si l'ensemble est fortement estampillé années 70, ces dernières ont rarement été autant sublimées. Quant à l'interprétation, elle est ici très professionnelle et parvient à donner à une intrigue somme toute traditionnelle une certaine épaisseur. Jean Sorel, le regard bleu acier, en play-boy vicieux, arrogant et déterminé est plus convaincant que jamais, Anna Proclemer est parfaite en épouse assassine, Marina Coffa est une délicieuse jeune intrigante, Carroll Baker est quant à elle égale à elle même, sublime, à la fois forte et fragile, à la fois coupable et victime, piégée malgré elle dans une histoire qui la dépasse. Epoque oblige Carroll malgré ses 38 ans se déshabille toujours aussi volontiers à l'instar de Jean Sorel qui de son coté restera digne contrairement à sa prestation dans L'adorable corps de Deborah où il affichait un nu dorsal mémorable. Si Lenzi comme la plupart des metteurs en scène d'alors une fois de plus associe la bourgeoisie au stupre, au vice, à la dépravation, aux apparences, il y ajoute cela va de soi une dose de lesbianisme indissociable au milieu mais également indispensable au genre via le personnage de Constance que la beauté et les atouts physiques de Carroll ne laisse pas indifférente. Il est à noter que le sexe est un peu moins présent cette fois que dans la majorité des autres thrillers érotiques d'alors, Lenzi préférant plus suggérer que réellement montrer. Cela ne l'empêche cependant pas de filmer les petites culottes de danseuses lors d'une éblouissante contre-plongée sur un jerk frénétique.
Accompagné d'une fort agréable partition musicale lounge signée, Paranoia est parfois considéré comme le thriller érotique le plus faible de son auteur. Si du point de vue scénaristique cela peut se vérifier, Paranoia n'en demeure pas moins un film tout à fait réussi, divertissant, fascinant par bien des aspects et visuellement d'une splendeur rarement atteinte dans ce style de cinéma. Rien que pour cela et la qualité de la distribution Paranoia mérite toute l'attention tant de l'amateur que du novice.
Après ce tryptique, Umberto Lenzi va poursuivre dans cette voie mais en se rapprochant des oeuvres de Dario Argento. L'important pour Lenzi sera pour ses oeuvres d'approndir au maximum le coté psychologique de ses tueurs, d'aller au fond de leur esprit torturé et malade pour mettre en jour toute leur horreur mentale. Cette horreur mentale nait le plus souvent d'une explosion inattendue de la folie paranoiaque qui someille en chacun de nous et qu'un acte, un fait, un jour libère déclenchant une sorte de réaction en chaine. C'est ici la grande différence entre le psychopathe argentesque et le psychopathe vu par Lenzi. Si chez Argento, on le présente comme un monstre déshumanisé, chez Lenzi il est froid et calculateur, mortellement intelligent et lucide. Le plus effrayant c'est que le tueur chez Lenzi pourrait n'importe qui d'entre nous, notre voisin, un proche.
Le premier giallo de Umberto après cette période sexy sera en 1971 une oeuvrette ensoleillée mais trés intéressante Un posto ideale per uccidere / Meurtres par interim avec une toute jeune Ornella Muti, Ray Lovelock et Irene Papas. Un posto ideale per uccidere n'est ni un giallo ni un polar, il s'inscrit plutôt dans la veine du thriller all'italiana, l'intrigue tourne autour d'un piège machiavélique dans lequel tombent les deux héros. Comme il en avait l'habitude, Lenzi part de petits riens, de faits anodins, d'une réalité quotidienne qui petit à petit bascule dans le drame. Ici, ce sont deux jeunes hippies danois, Dick et Ingrid, qui pour payer leurs vacances en Italie s'amusent à vendre des photos érotiques. Recherchés par la police afin de les extrader, ils se trouvent refuge dans une villa d'une riche américaine qui les heberge mais dont le comportement est particulièrement ambigu, à la fois faussement gentille, ou tour à tour nerveuse ou terrorisée. Ils découvrent vite qu'elle vient d'assassiner son mari et qu'elle tente de les faire accuser.
Le film se décompose en deux parties. La première plutôt légère se contente de décrire la vie des deux hippies, volant d'aventures ludiques en mésaventures. Au coté psychédelique des oeuvres des années 60 succède ici la Flower Power génération tant visuellement que musicalement. Lenzi cède à la mode d'alors en faisant de cette première partie un film de jeunes. Le résultat est frais, gentillet, plein d'allégresse et de soleil ou brillent petites fleurs et cheveux longs sur fond de paysages méditerranéens.
La deuxième partie est beaucoup plus intéressante et le film bascule alors dans le thriller traditionnel dont la force en revient ici au personnage d'Irene Papas, riche meurtrière diaboliquement perverse et ambigue. Son personnage donne tout l'intérêt au film et son interprétation y est tout simplement excellente. Quant Ingrid et Dick comprendront le piège dans lequel ils sont tombés, ils vont tenter de retourner la situation à leur profit. Lenzi réussit à distiller un gentil petit suspens et certaines scènes fonctionnent même s'il ne fait qu'utiliser les grosses ficelles du genre sans y apporter aucun sang neuf si on excepte le final et les ultimes images plutôt inattendues et cyniquement cruels. Lenzi donne cette fois dans un no happy end qui attristera surement le spectateur.
On retiendra également de "Ce lieu idéal pour tuer" ses trois interprètes. Hormis Irène Papas, magistrale, et Ray Lovelock, on aura le plaisir de revoir une toute jeune Ornella Muti, encore inconnue, qui nous offre quelques scènes érotiques légères. Au final, Un posto ideale per uccidere est un agréable petit thriller beatnick.
Le tueur à l'orchidée est le premier giallo horrifique de Lenzi. Il rate ici son objectif faute à un scénario quelconque et un rythme bancal peu aidé par l'absurdité de certaines séquences. L'intrigue tourne autour d'une série de meurtres dont sont victimes sept femmes dont le point commun est d'avoir séjourné le même jour dans l'hôtel que gérait Giulia, l'héroïne principale. Sur chacune des victimes l'assassin, la traditionnelle ombre noire portant gants et chapeau, laisse un étrange fétiche en forme de demi lune. Après avoir échappé au meurtrier, Giulia avec l'aide de son époux va mener l'enquête.
L'ouverture du film pouvait laisser augurer du meilleur puisque Lenzi enchaine pas moins de trois meurtres sadiques en l'espace de quinze minutes. Mais l'espoir d'un puissant giallo horrifique s'évanouit assez vite puisque après ce départ fulgurant, le rythme va vite ralentir tandis que le scénario s'égare dans une improbable enquête tachetée d'incohérences et d'énormités qui conduira à un final bâclé et bien décevant. L'histoire s'essouffle assez vite et Lenzi tente désespérément de lui redonner un semblant de tonus mais de façon si maladroite et peu imaginative qu'elle ne parvient pas à être vraiment crédible. Il se contente d'user des principales composantes du genre, d'appliquer la recette en espérant que la sauce prenne en vain, Le tueur à l'orchidée reste un exercice de style clinquant mais bien creux dés qu'on gratte un peu le joli vernis. On ne retrouvera plus cette ambiance inquiétante du premier quart d'heure même si Lenzi nous réserve encore ça et là quelques meurtres rondement menés voire sadiques qui dynamisent un peu le coté ronflant du film.
Si le motus operandi est ici bien fade, il est à l'image de la conclusion, navrant. La découverte de l'identité du tueur décevra d'autant plus que le personnage ne bénéficie d'aucune étude psychologique. Sa figure ne surprendra pas et laissera parfaitement indifférent si toutefois elle ne fait pas sourire. On regrettera également une interprétation plutôt insipide notamment de la part de Antonio Sabato.
Le tueur à l'orchidée n'est pas un mauvais film. Il parvient à distraire et retenir l'attention notamment grâce à cette atmosphère horrifique qu'il distille par moment, ses meurtres très graphiques, quelques scènes étranges et psychédéliques et son agréable mélange d'érotisme et de violence plutôt réussi. Malgré cela Le tueur à l'orchidée ne convainc pas et décevra les férus du genre.
Vient ensuite Il coltello di ghiaccio qui n'est ni plus ni moins qu'un remake du film de Robert Siodmak La scala a chiocciola. La peur est un couteau de glace qui vous déchire au plus profond de votre conscience. C'est avec cette phrase d'Edgar Allan Poe que s'ouvre ce thriller plutôt intéressant et quelque peu différent des gialli d'alors. Différent car ce coûteau de glace délaisse l'hyper réalisme des meurtres sanglants et la violence pour mieux se concentrer sur la montée du suspens et surtout créer une atmosphère étrange, presque envoûtante et mystérieuse. Nuits de tempêtes, brouillard, sites brumeux, Lenzi construit une ambiance fort sinistre qui peut rapeller parfois les contes de Poe. Cette atmosphère est un des principaux atouts de ce giallo dont la trame est malheureusement des plus classique.
Afin d'oublier de faire oublier une intrigue un peu faible, Lenzi s'amuse avec le spectateur pour mieux le fourvoyer jusqu'à l'inattendu et violent final où il dévoilera toute la folie de son tueur lors d'un étonnant twist qui laissera perplexe. Le film se cloturera par l'assassin déclamant comme une sinistre et ambigue prophécie un passage de Alice aux pays des merveilles: J'ai décidé de ton sort, condamné à mort tu seras.
Jamais ennuyeux malgré son coté trés classqiue et sans surprise, ce giallo atmosphèrique parvient à tenir en haleine tout au long de ses 90 minutes et saura satisfaire aussi bien les amateurs de thriller all'italiana que les amateurs de contes fantastiques "so british". Lenzi fait de nouveau appel à Carroll Baker pour le rôle principal, émouvante et fragile Caroll, muette et sans défense, perdue au milieu de ces crimes. On retrouvera à ses cotés Evelyn Stewart et Sergio Ciani. On notera la présence de Mario Pardo dont le regard en fera frissonner plus d'un dans le rôle du jeune hippy sataniste.
Il met ensuite en scène le curieux Spasmo, film morbide qui se différencie assez des précédents psycho-gialli de Lenzi et des oeuvres de Argento. Spasmo est une étrangeté, un film quasi unique dans son atmosphère, un film à l'ambiance sourde et malsaine, une atmosphère vénéneuse quasi palpable qui s'inspire pas mal de Psychose dans sa façon de faire poindre la peur par le biais d'une folie parfois fort bien dissimulée parfois terrible et particulièrement dangereuse lorsqu'elle explose.
Dés la scène d'ouverture où deux adolescents découvrent une poupée gonflable pendue à un arbre, Lenzi ne va cesser de faire monter la tension et le suspens, créant un véritable climat d'angoisse. Une angoisse décuplée par ces images récurrentes de poupées gonflables, livides, aux yeux mutilés par une mystèrieuse main. Lenzi retrouve une fois encore ce milieu bourgeois, cette jet-set qui cache tant de vices, et cette idée de folie homicide contagieuse et héréditaire qui peut exploser à tout instant lorsqu'un élément déclencheur se produit, libérant les pires pulsions jusqu'à ce final baigné de paranoia homicide où se noient ces innombrables poupées d'amour en plastique.
Spasmo est un des rares gialli italiens a n'avoir quasiment aucun personnage positif et qui réussit à faire naitre l'horreur sans jamais avoir recours à des déluges de scènes sanglantes, celles ci étant quasiment absentes, tout reposant sur l'incroyable folie de ces deux frères. Spasmo, magnifiée par la musique de Morricone, est une sorte de peinture presque surréaliste, de sublimation de la démence mentale et un des films les plus abouti sinon un des meilleurs films du réalisateur.
Lenzi tourne ensuite Gatti rossi in un labirinto di vetro dont on sort à noiveau assez mitigé tant on se demande ce qu'il a réellement voulu faire cette fois. Certes le film a souffert de son budget étriqué et d'une production qui connut de graves problèmes en Espagne mais cela excuse t-il le ridicule du scénario? Si Sette orchidee macchiate di rosso malgré une ouverture prometteuse et de réels bons moments au final s'avérait plutôt décevant, Gatti rossi in un labirinto di vetro quant à lui n'est pas seulement ridicule mais il devient vite laborieux.
Situé à Barcelone, le film nous entraine dans le giron d'un mystérieux assassin drapé d'un imperméable rouge qui décime un groupe de touristes américains venu séjourner dans la capitale. Après les avoir tué, il extrait de la pointe de son couteau le globe oculaire gauche de ses victimes féminines. Chacun des membres du groupe est un suspect potentiel puisque tous possède ce fameux ciré rouge mais très vite les soupçons se portent sur l'épouse d'un d'entre eux qui jadis fut au centre d'un drame similaire.
Si le scénario ne brille guère par son originalité, son traitement aurait pu néanmoins le rendre particulièrement intéressant. Ce n'est malheureusement pas le cas puisque Lenzi, paresseux ou pas très en forme, préfère s'attarder sur les effets sanglants des meurtres qui ponctuent de façon régulière le film. C'est bel et bien un des rares intérêt de Gatti rossi in un labirinto di vetro qui resplendit surtout par les incohérences dont il est truffé, la bêtise de certains dialogues et le comportement totalement incompréhensible des protagonistes tous plus aussi inexistants les uns que les autres que bien peu convaincus par leur personnage à l'exception peut être du prêtre pas assez fouillé ou mal utilisé. Auraient ils vu leur séjour à Barcelone comme d'agréables vacances aux frais de la production? Ils semblent en effet tous si peu concernés par les effroyables évènements qui se déroulent autour d'eux et bien terrifiés à l'idée d'être la prochaine cible du maniaque sanguinaire, plus préoccupés dirait-on par leur petites histoires personnelles quotidiennes dont on a que faire. D'une certaine manière, Gatti rossi in un labirinto di vetro fait songer à ces slashers dans lesquels les comédiens ne sont là que pour servir de victimes au tueur et de suspect tout désigné pour le spectateur. Il en va de même des inspecteurs de police qui préfèrent s'échanger une série de jouxtes verbales et autres piques bien molles au lieu d'enquêter sérieusement sur ce cas dont bizarrement pas même la presse ne fait état.
Rien ne fonctionne vraiment malgré les efforts louables de Lenzi à vouloir semer le trouble dans l'esprit du spectateur et brouiller les pistes. Certes il le fait avec habileté. On pourra donc se laisser prendre au jeu même si pour le féru de giallo l'identité du coupable lui paraitra évidente. Reste alors à découvrir ses motivations et c'est peut être là le plus décevant. Comment ne pas s'effondrer face aux révélations finales, comment ne pas être pris d'hilarité devant les explications fournies et le découverte de l'assassin entrain de placer l'oeil de sa dernière victime dans son orbite vide? Comment peut on croire une seule seconde à une telle conclusion qui fait irrémédiablement sombrer le film dans le ridicule? Que la souffrance physique l'ait poussé à la folie meurtrière n'est pas un fait nouveau, régulièrement utilisé dans le thriller, mais imaginer que durant tant d'années il ait pu vivre en toute quiétude avec un oeil gauche pris régulièrement sur des cadavres est d'une telle absurdité! Ce final résume peut être à lui seul le film et cette tendance à ne jamais trop savoir vers quelle direction Lenzi veut le diriger. Entre comédie, parodie ou sérieux, il se tâte, hésite sans parvenir à trouver sa réelle voie. Voilà sans nul doute le défaut majeur de Gatti rossi in un labirinto di vetro dont le titre animalier n'a ici aucune réelle signification si ce n'est de copier Argento. Tout au plus le rouge fait référence à la couleur de l'imperméable sous lequel le tueur se dissimule. On pourra également regretter que l'utilisation de l'oeil, élément sous exploité ici déjà au centre d'autres gialli dont entre autres Los ojos azules de la muñeca rota n'ait pas réussi à donner au film un coté beaucoup plus macabre, donner lieu à un rituel aussi malsain que sordide.
Gatti rossi in un labirinto di vetro n'est cependant pas un mauvais giallo. Malgré ses défauts, il reste un gentil divertissement horrifique qui regroupe non seulement tous les éléments indispensables au genre mais également une jolie brochettes d'acteurs et d'actrices qu'il est bon de revoir, Ines Pellegrini en tête. Si elle nous offre un véritable défilé de perruques en tout genre, elle est aussi l'incontournable touche lesbienne du film aux cotés de Mirta Miller. On appréciera également la présence de Silvia Solar , Georges Rigaud et John Richardson. Quant à Martine Brochard, son choix est peut être discutable tant elle est mal à l'aise dans la peau de son personnage et surtout peu crédible. Outre la violence de meurtres et la réussite des effets sanglants, on appréciera également le look du tueur, original, de tout rouge vêtu. Certains songeront à La dame rouge tua sept fois. Certaines séquences sont assez impressionnantes notamment celle où le meurtrier après l'avoir énucléée jette le corps de la jeune fille en pâture aux cochons. Beaucoup à l'aise dans le thriller érotique et la représentation de la folie humaine dans le sens le plus pathologique du terme (Spasmo), Lenzi s'est ici quelque peu fourvoyé. Rythmé par une partition musicale tout juste sympathique signée Bruno Nicolai qu'on a connu plus inspiré, Gatti rossi... demeure cependant un giallo agréable totalement improbable, tout simplement divertissant. Ni plus ni moins. Ce sera l'ultime incursion du réalisateur dans ce genre bien spécifique. Il se tournera par la suite vers le polizescho dont il signera quelques titres aujourd'hui cultes.
Ce sera l'ultime giallo de Lenzi qui s'attaquera par la suite au polizesco et au film d'horreur.
LUCIANO ERCOLI: Débutant dans les années 60 en tant que scénariste et producteur, Luciano Ercoli réalisa dans les années 70 quelques films dont trois gialli avant de tourner un polizesco original La police a les mains liées.
Luciano va tourner son premier giallo en 1970 sur un scénario d'Ernesto Gastaldi alors que Dario Argento est au faît de sa gloire. Il s'agit d'un giallo joliment intitulé Le foto proibite di una signora per bene / Photos interdites d'une bourgeoise qui se rapproche beaucoup plus du psycho giallo à la Lenzi que du giallo horrifique façon Argento. On y retrouve en effet cette atmosphère de machinations diaboliques et de folie latente sur fond d'érotisme discret dans laquelle se retrouve plongée une jeune femme fragile,
victime d'un complot machiavélique dont l'argent est la motivation
première.
Les fameuses photos du titre sont en fait toute une série de clichés pornographiques qu'un photographe a fait de Dominique, la meilleure amie de l'héroïne, Minou. Sur une des photos de Dominique, Minou reconnait l'homme qui une nuit a tenté de la violer avant de lui avouer que son mari est un assassin. Dés cet instant, la vie de la fragile Minou qui a trop abusé d'alcool et de tranquillisants va se transformer en un véritable cauchemar. Si la fameuse photo va bien entendu disparaitre et que ses ébats amoureux vont à son tour être immortalisés sur papier glacé, tout semble confirmer que la santé mentale de la malheureuse se détériore au fil des jours. Est elle en train de sombrer dans la folie ou est elle tout simplement victime d'un terrible complot?
Malheureusement n'est pas Lenzi qui veut et l'intrigue prend vite l'eau et s'avère rapidement ennuyeuse d'autant plus que la résolution finale est claire comme de l'eau de roche et ne surprendra personne. Ercoli balayant tout suspens et évitant soigneusement tout rebondissement et autres retournements de situation, on aura vite compris les tenants et les aboutissants de l'histoire d'une simplicité étonnante et très peu crédible.
Certes les questions habituelles s'amoncellent au fil du métrage quant à la santé psychologique de la pauvre Minou forcée à se donner corps et âme à ce maitre-chanteur violeur, sur son entourage et plus précisément la véritable personnalité de son mari si compréhensif et sa si dévouée amie Dominique, une bourgeoise débauchée. Mais tout est si limpide que les réponses sont aussi évidentes que le nez au milieu du visage. On espère s'être trompé, on prie pour que déboule au moment le plus inattendu un quelconque twist qui orienterait le film dans un tout autre sens. En vain. Quant à l'érotisme promis par un titre fort bien inspiré, il reste malheureusement très discret, Ercoli hésitant même à déshabiller ses héroïnes dont il ne dévoile que subrepticement un demi sein, un soutien-gorge ou leur petite culotte, une initiative surprenante puisque quelque peu en contradiction avec le sujet du film.
Le novice se laissera donc berné mais les fervents inconditionnels du genre n'auront plus qu'à admirer les sublimes décors parfaitement bien mis en valeur par une tout aussi sublime photographie. C'est là que réside en fait tout l'intérêt de ce sexy thriller qui déploie tout une esthétique visuelle qui séduira les amoureux des années 70. Entre Glamour et design Ercoli soigne ses élégants décors comme il soigne les splendides tenues de ses deux actrices principales, la douce Dagmar Lassander et l'altière Nieves Navarro, épouse du réalisateur, dont les robes et manteaux en cuir et vinyle noir sont à l'image de ses frasques sexuelles privées.
On appréciera également l'adresse du réalisateur à jouer avec les couleurs aux tonalités chaudes, à jongler avec les ombres et les lumières afin de donner au film une teinte parfois fantastique des plus plaisantes, utilise le mobilier et les ornements tels les miroirs, masques, rideaux de théâtre et autres puissants symboles, base de ses futures oeuvres puisqu'on les retrouvera dans ses gialli suivants.
Souligné par la lancinante partition musicale d'un Ennio Morricone, Photos interdites d'une bourgeoise fera donc illusion. Elles finissent par se laisser visionner sans trop d'ennui pour le peu qu'on ne soit guère exigeant d'autant plus que le duo Lassander-Navarro fonctionne parfaitement malgré une Dagmar bien peu futée qui était alors au sommet de sa beauté mais malheureusement pas encore à l'apogée de son talent. On appréciera également beaucoup les apparitions de Simon Andreu, tout à fait inquiétantes, la lame de son couteau luisant dans la nuit à chacune de ses agressions contre Minou. On n'en dira pas autant de Pier Paolo Capponi qu'on a connu un peu plus investi.
Malgré ses défauts, sa simplicité et la lenteur de sa mise en scène, Photos interdites d'une bourgeoise n'est pas un mauvais thriller, il est tout simplement divertissant, un sympathique passe-temps à l'esthétique certaine qui ne risque pas de donner la migraine faute à une intrigue tortueuse. A réserver à un public pas trop exigeant et autres collectionneurs afin de pouvoir l'apprécier à sa juste valeur.
Il enchaîne en 1972 avec La morte cammina con i tacchi alti / Nuit d'amour et de sang. Malgré un ton résolument italien, La morte camina con i tacchi alti se teinte d'un univers légérement british à la Agatha Christie d'autant plus que la seconde partie du film se situe en Angleterre. Son assassin par contre relève de la tradition argentesque, le visage caché sous un d'un passe-montagne et ganté de noir, tuant au rasoir, deux grands yeux bleus impressionnants, la voix déguisée par un lingotophone..
Contrairement à Argento, Ercoli montre dans le détail son tueur ce qui permet au spectateur de mener lui aussi l'enquête et découvrir son identité grâce aux détails physiques laissés pourtant tous erronés comme entre autres exemples sa voix ou le bleu de ses yeux qui s'avèrent vite être en fait des lentilles que la plupart des protagonistes portent. Ercoli séme le trouble et le jeu est à chaque fois redistribué.
Sans être indispensable ni être un must du genre, cette Mort sur talons hauts reste un giallo sympathique, bénéficiant d'une bonne interprétation notamment de Nieves Navarro dont la mort restera un des points forts du film, défigurée au rasoir, la gorge tranchée, après que le tueur ait caressé du bout de son arme le sexe de la malheureuse.
Son dernier essai dans le genre sera La morte accarezza a mezzanotte dans lequel on retouve une distribution quasi semblable à son précédent film mais également une intrigue tout à fait similaire où l'assassin tue par interet économique et non pas sur le coup de la folie. Une jeune femme sous l'emprise d'une nouvelle drogue assiste à un meurtre dans la maison voisine. C'est alors qu'elle apprend qu'un meurtre commis de la même façon s'y est produit quelque temps auparavant. Les choses vont basculer pour elle lorsqu'elle découvre que ce nouvel assassinat a bel et bien été commis, qu'il s'agit en fait d'un meurtre déguisé en suicide. Nieves Navarro en est ici la protagoniste principale. Si son personnage est tout aussi comique qu'ironique La morte accarezza a mezzanotte s'avère pourtant moins efficace que La morte cammina con i tacchi alti. On pourra reprocher au film son coté un peu trop complexe dans ses tentatives d'analyses et le nombre peut être trop important des différents personnages, un film rapellons le auquel participa Sergio Corbucci puisqu'il collabora au scénario.
On y retrouve tout de même les caractéristiques du thriller argentesque avec son assassin typique que Ercoli mélange ici au polizesco au niveau de l'action et des personnages récurrent au genre même si cette fois on tire beaucoup vers le giallo horrifique. On notera une trés belle référence hitchcokienne lors de la magnifique ouverture du film où l'héroine assiste de sa fenêtre à un meurtre particulièrement sauvage. Moins réussi et maitrisé que La morte cammina con i tacchi alti, La morte acarrezza a mezzanotte n'en est pas moins un giallo intéressant saupoudré de quelques meurtres assez violents.
Par la suite, Ercoli abandonnera le genre et tournera un polar méconnu La police a les mains liées / La polizia ha le mani ligate.
LE SEXY GIALLO:
Crée comme on l'a vu sous l'égide de Umberto Lenzi, le sexy giallo allait donner naissance à quelques oeuvres pas toujours de grande qualité dont le principal attrait sera l'érotisme, un érotisme principalement saphique, et la nudité féminine qu'ils étalent sur une bonne partie du métrage. L'intrigue repose, quant à elle, principalement sur la sexualité de ses héroines évoluant dans un milieu le plus souvent bourgeois, un univers artistique comme celui de la mode ou dans un simple contexte de villégiature.
Le sexy giallo va apparaitre dés la fin des années 60 avec le tryptique de Umberto Lenzi entamé par Orgasmo, Si douce si perverse et Paranoia. Il perdurera jusqu'en 1975 puis commencera à s'essouffler pour ne plus donner que de rares oeuvrettes à la fin des années 70 notamment signées par Mario Landi, Giallo a Venezia, Enzo Milioni avec La sorella di Ursula ou plus tardivement Fuga dalla morte en 1989, ultime sursaut d'un genre alors moribond.
Nous ne reviendrons pas sur les sexy gialli de Umberto Lenzi traités dans le chapitre précédent pour mieux nous arrêter sur les principales oeuvres, pas très nombreuses au demeurant, qui ont fait le charme du genre.
Parmi quelques oeuvres précurseurs on citera le sympathique Femina ridens / Gioco d'amore, gioco di morte / Duo pour une mort de Piero Schivazappa qu'il dirigea en 1969. Voilà un petit sexy giallo aux légers relents sadomasochistes avec une déjà étourdissante Dagmar Lassander qui se fait ligoter et délicieusement violenter par Philippe Leroy. Duo pour une mort forme un jeu d'ombres et de lumières où personne n'est vraiment ce qu'on croit. le film distille un léger parfum de souffre derrière son érotisme qui demeure sage, le plus souvent suggéré.
On signalera également une petit giallo érotique mis en scène en 1968 par Ottavio Alessi Top sensations avec la future star de la sexy comédie Edwige Fenech et la plantureuse Rosalba Neri.
On mentionnera toujours en 1968 l'incartade faite par Salvatore Samperi, spécialiste d'un certain érotisme morbide, avec Uccidete il vitello grasso e arrostitelo, histoire d'un jeune garçon transférant son amour invétéré pour sa mère dont il est séparée sur sa soeur ainée avec laquelle il va entretenir une relation incestueuse. Il soupçonne son fiancé d'avoir assassiner leur père et mettra tout en oeuvre pour le prouver alors que dans l'ombre, on complote pour tuer l'adolescent. Plus à l'aise dans le drame érotique que dans le giallo, Samperi signe là un film inégal qui vaut surtout pour son atmosphère morbide et son illustration de la folie ceci au détriment de l'intrigue elle même et du suspens.
Mario Imperoli de son coté réalise en 1970 le maritime Mia moglie un corpo per l'amore avec Silvano Tranquilli. Voilà un scénario sans surprise où une jeune femme en vacances à la mer avec son mari retrouve son ex-fiancé avec qui elle va renouer et débuter avec l'accord de son mari une torride relation qui lentement va tourner à la tragédie.
Dans la même lignée, Imperoli tournera également Istantanea per un delitto, un petit sexy giallo qui se situe dans une station balnéaire où Luca, jeune play boy, va devoir trouver l'origine du chantage dont il est victime. Après que Mirna, sa petite amie, l'ait rejeté sans véritable raison, Luca va se consoler dans les bras de deux modèles dans une magnifique station balnéaire méditerranéenne. Après qu'il ait amené l'une d'elles, Claudia, sur une île tout en prenant des clichés de leurs ébats sauvages, celle ci disparait mystérieusement aprés qu'il l'ait laissé bien involontairement pour morte. Dés lors, il va sans cesse recevoir les négatifs des clichés pris tandis que la meilleure amie de Claudia tente de découvrir la vérité.
L'intrigue est classique, plutôt minimaliste et il ne faudra guère de temps au spectateur pour découvrir le fin ce mot de cette histoire maintes fois vues tant cela semble évident. Imperoli tente bien maladroitement de brouiller les pistes avec notamment le personnage du photographe, coupable tout désigné mais trop évident de ce chantage à l'amour, mais la vérité est bien entendu ailleurs. A se demander pourquoi Luca met si longtemps à éclaircir ce mystère alors que la solution est plutôt évidente.
On sent bien évidemment dans cette histoire de chantage et de drogues l'influence des sexy gialli de Lenzi, l'imagination en moins même si Imperoli essaie lors de la révélation finale de la rendre détonante, fait récurrent dans le cinéma italien d'alors.
L'intérêt du film ne se situe donc pas dans son intrigue mais dans la beauté de ses paysages. Tourné dans les grottes de Castellana et sur les côtes d'Ostini dans les Pouilles, on pourra se laisser séduire par le bleu de la mer et le soleil radieux sous lequel les deux modèles évoluent en tenues légères. L'érotisme reste discret pourtant. A peine la brune Monica Strebel dévoile t-elle un sein vite recouvert de son drap de bain. La blonde et pulpeuse Lorenza Guerrieri même si moins avare de ses charmes n'en reste pas moins décente y compris lors de ses ébats frénétiques avec Luca tandis que Erna Schürer éblouit toute l'ouverture du film par sa rayonnante présence.
On soulignera la trés belle partition musicale psychédélique qui accompagne tout le film, donnant cette indispensable touche très 70s quasi indossociable à ce type d'oeuvre.
Certes anodin, Istantanea per un delitto se laisse voir avec un certain plaisir pour son charme essentiellement maritime et la beauté de ses actrices, ces petits plaisirs coupables un rien sulfureux qui fleurent bon l'été.
Sergio Bergonzelli signe en 1970 l'étonnant Dans les replis de la chair, un giallo érotico-horrifique qui au fil du temps est peu à peu devenu une oeuvre culte. Pur produit d'exploitation qui ouvrait généreusement l'ère de l'euro-trash, le film est bien difficile à résumer tant le réalisateur va de rebondissements en rebondissements. Le scénario particulièrement tortueux se transforme rapidement en une véritable histoire à tiroirs qui certes tient en haleine mais fera également bien sourire puisque bien improbable à force d'accumuler révélations et retournements de situations énormes.
A force de vouloir jouer sur tous les tableaux, giallo, érotisme, horreur, exploitation pure et dure, Bergonzelli accouche d'un film bâtard bien compliqué et totalement farfelu mais qui pourtant retient l'attention tant on s'amuse devant ce spectacle à tenter d'imaginer ce que le réalisateur va bien pouvoir imaginer.
Monté comme une pièce de théâtre en plusieurs actes, Dans les replis de la chair qui du giallo ne possède que quelques rares éléments dont les armes blanches et le traumatisme d'une des protagonistes principales s'ouvre sur une jolie citation de Freud qui donne au film son titre. On suit conte en gros les aventures de Pascal un criminel qui durant sa fuite est témoin d'un fait étrange: une femme enterre un cadavre dans le jardin d'une villa médiévale côtière. Treize années plus tard, nous voilà au coeur de la famille de cette femme composée de Lucille, Colin, le fils de Lucille, et Falesse qui a hérité de la propriété après que son père, André, ait mystérieusement disparu. Les relations entre les membres de cette famille à la limite de l'inceste sont particulièrement floues et énigmatiques. Falesse, persécutée par un traumatisme lié à l'enfance, n'aurait elle justement pas tué André treize ans auparavant ? Débarque alors le cousin d'André venu enquêter sur sa disparition mais Falesse le tue et la famille dont chacun des membres a une passion bien morbide fait disparaitre le corps. Arrive alors Alex, un maître-chanteur, qui sera à son tour assassiner puis le retour de Pascal, d'un autre membre de la famille, une jeune fille malade mentale et enfin, coup de théâtre, de André, bien vivant mais transformé grâce à une opération chirurgicale miracle. Cet ultime rassemblement débouchera sur l'épilogue riche en révélations échevelées et totalement invraisemblable.
Ce petit aperçu est loin de refléter l'univers déjanté et délirant du film. En totale roue libre, Bergonzelli s'amuse à accumuler un maximum d'éléments qui plus le film avance lui font perdre toute crédibilité. Mais c'est bizarrement cette overdose entre autre qui donne au Replis de la chair son intérêt et font jubiler le spectateur qui finit par être fasciné par le fait de savoir comment Bergonzelli qui brouille consciencieusement les pistes pour encore plus nous perdre va bien pouvoir rebondir quand l'histoire semble devenir totalement inextricable. Et le miracle se produit à chaque fois. Il va encore plus loin, toujours plus loin jusqu'à perdre toute notion de réalité ou de logique. Finalement le principal défaut du film devient vite son atout majeur. Il ne faut simplement pas être distrait ne serait ce que quelques instants sous peine de se retrouver totalement égaré dans les méandres de ce scénario abracadabrant.
Encore plus fascinant et surtout audacieux surtout pour l'époque sont les thèmes et perversions qu'abordent Bergonzelli plus ou moins explicitement. Si le viol, l'inceste, la pédophilie sont ainsi intégrés à cette histoire au plus grand bonheur du spectateur, Bergonzelli ouvre avec délectation l'ère du nazisploitation qui six ans plus tard fera la joie des amateurs d'exploitation par le biais d'une longue séquence de flash-back filmée en noir et blanc. Sadique, elle nous plonge au coeur d'un camp de concentration où sont torturées des femmes entièrement nues avant que l'une d'elles qu'on devine être une des héroïnes du film ne soit témoin de l'atroce agonie d'un groupe de détenues emprisonnées dans une chambre à gaz. On ne peut songer face à cette séquence qu'au futur KZ9 camp d'extermination de Bruno Mattei.
Outre ces réjouissantes perversions, Dans les replis de la chair n'est pas avare de plans gore et se complait notamment dans les décapitations et les visions de squelettes. Le bain d'acide ne pourra quant à lui que rappeler à l'amateur le futur Blue holocaust de Joe D'Amato auquel le film emprunte également le personnage de la sinistre et inquiétante gouvernante. On ajoutera à cet étal de déviances diverses, les différentes passions de de cette famille diabolique puisque entre exemple Colin, le jeune fils de Lucille, élève des rapaces qu'il nourrit de viande fraîche... à moins qu'il s'agisse de restes de cadavres!L'ambiguïté et le non-dit font partie intégrante du film renforçant ainsi le malaise qu'il génère.
Bénéficiant d'une ambiance fortement estampillé années 60, d'une fort jolie photographie, d'une interprétation aussi énergique que théâtrale, Dans les replis de la chair et ses excès en tout genre demeure malgré ce scénario alambiqué et parfaitement ridicule un petit film absolument jouissif dont l'attrait est aujourd'hui toujours aussi fort. Si on passe outre l'aspect bien foutraque de l'ensemble, Dans les replis de la chair est un petit joyau pour tout amateur de cinéma Bis transalpin et de perversions diverses.
La rossa dalla pelle che scotta / La peau qui brûle réalisé en 1972 par Renzo Russo avec Erika Blanc et Farley Granger est un film plutôt étrange. On est face ici à une oeuvre qui mêle cette fois les bases du giallo au fantastique. On suit les aventures d'un peintre alcoolique psychologiquement instable qui un jour tombe amoureux d'un mannequin qui va prendre vie sous les traits de Erika Blanc. Mais elle va également apparaitre à d'autres personnes bel et bien vivante cette fois. Entre folie, fantastique et complot, La peau qui brûle, bien que mineure, est une oeuvre intéressante et par moment attachante dont il existe une version avec insert X, distribuée notamment en France.
Dans ce cas, nous avons aussi Casa d'apputamento de Ferdinando Merighi réalisé en 1972. L'originalité du film est d'avoir dans sa distribution le sosie de Humphrey Bogart, Robert Sacchi. Suite au succès remporté par cet acteur dans le film Il detettivo con la faccia di Bogart, Casa d'apputamento fut réedité sous le titre L'ultima inchiesta dell'ispettore con la faccia di Bogart. On suit donc l'enquête d'un inspecteur quant au meurtre d'une prostituée parisienne retrouvée morte dans une maison close. Un de ses amants est accusé et guillotiné mais il jure de revenir se venger. Ceux qui l'ont dénoncé meurent donc chacun leur tour.
Un an avant L'oiseau au plumage de cristal de Dario Argento, une des principales références du giallo italien, Lucio Fulci réalise son premier thriller érotique qui se veut une sorte d'hommage à Hitchcock puisque Una sull'altra connu chez nous sous différents titres dont La machination et Perversion story reprend à sa façon Sueurs froides en y incorporant les éléments qui caractériseront tout un pan du giallo transalpin.
Cette première tentative il faut le reconnaitre est un véritable coup de maître tant le film s'avère être captivant à plusieurs titres. Loin de ses futurs penchants macabres, Fulci se concentre plus ici à créer une atmosphère vénéneuse et malsaine dans un contexte érotique souvent torride et surtout assez osé pour l'époque.
La première partie du film nous présente les différents protagonistes tous plus troubles les uns que les autres. Sur le devant de la scène se trouvent le docteur Dummurier éperdument amoureux de Suzan, sa jeune épouse malade qui vit recluse chez eux, sa maîtresse, une étrange et malheureuse photographe, et enfin la dévouée et froide servante. A la mort de Susan qui laisse derrière elle une importante police d'assurance, tous basculent dans un univers glauque tandis que Fulci va semer le doute dans l'esprit de chacun et par conséquent celui du spectateur. Qui aurait pu tuer Suzan et qui est donc Monica, cette étrange strip-teaseuse sosie de la défunte autour de laquelle semble graviter nombre de réponses?
Fulci accumule donc les fausses pistes, ballade son spectateur au gré des retournements de situations qu'il s'amuse à inventer de façon parfois maladroite. Il n'est donc pas très difficile de deviner qui est en réalité Monica et la révélation finale n'étonnera guère par conséquent.
Ces maladresses et imperfections scénaristiques sont fort heureusement gommées par les motivations profondes de chacun, odieuses et diaboliques, qu'on découvrira lors du frénétique final que Fulci transforme en une véritable course contre la montre afin d'éviter au héros la chaise électrique.
L'autre principal atout du film est son érotisme brûlant présent tout au long du métrage le plus souvent sous forme d'intenses scènes à connotations saphiques qui culmineront lors de la relation aussi envoûtante que équivoque entre l'étrange photographe et Monica qui parallèlement donne bien du plaisir au docteur lors de douceurs orales suggérées.
Réalisé trois ans avant Le venin de la peur, Una sull'altra pourrait en être l'ébauche, le brouillon. On y retrouve l'essence même de ce second giallo, l'érotisme incandescent, la perversion des personnages et l'atmosphère empoisonnée que distille l'histoire. Les deux films ont en communs certains points notamment au niveau des protagonistes. Ainsi, la relation entre Monica et la photographe trouve écho dans la relation ambigüe qui existe entre Florinda Bolkan et sa voisine, Anita Strindberg, dans Le venin de la peur.
Rythmé par une jolie partition jazzy signée Riz Ortolani, Una sull'altra malgré ses défauts et maladresses est une brillante réussite du Maître qui parvient sans mal à tenir en haleine son public par le biais de cette histoire à tiroirs dénuée de tout meurtre où chaque détail a son importance. Il faudra donc au spectateur une bonne dose de mémoire pour les retenir tous autant qu'ils sont afin de les remettre à leur place lors du final haletant. Si on appréciera la fluidité de la caméra, si on restera sous le charme de certains plans vertigineux et quelques split-screen étonnants, on saluera également la manière dont Fulci met en scène San Francisco qu'il sublime.
On savourera la présence de Marisa Mell qui dans un double rôle éclaire de toute son énigmatique beauté et sa plastique de rêve cette machination aux cotés de l'androgyne Elsa Martinelli, fascinante, entre lesquelles se trouve coincé Jean Sorel beaucoup trop mono expressif malheureusement.
Tout conventionnel soit il, Una sull'altra s'il n'a pas la puissance, la beauté onirique et la violence du Venin de la peur fait partie de ces films trop méconnus de la filmographie du Maestro qui méritent amplement d'être redécouverts et réestimés. Ce premier thriller érotique a sa place parmi les meilleurs gialli ou plutôt sexy gialli de l'époque.
Spécialiste du western spaghetti, Demofilo Fidani délaisse le genre pour tenter une incursion dans le sexy giallo avec A.A.A massaggiatrice bella presenza offresi dont disons le de suite le titre est certainement ce que le film compte de mieux.
A.A.A massaggiatrice... est plus un petit film érotique qu'un véritable giallo puisque du genre ne subsiste que de rares éléments. Fidani s'intéresse en fait beaucoup plus à l'aspect érotique du scénario qu'à son intrigue policière et horrifique. En parfait déséquilibre, le film perd vite tout intérêt d'autant plus que la réalisation plutôt monotone de Fidani n'aide guère à donner à l'ensemble ce coup de nerf dont il aurait bien besoin.
L'histoire ne s'embarrasse guère de détails. Assez mal écrite, d'une décevante simplicité, on est ici face à un navrant "whodunit", d'autant plus navrant que le moins futé d'entre nous aura très vite deviné qui est l'assassin et les raisons qui le poussent à commettre ces crimes... avant même qu'il ne commette son premier meurtre. C'est pour dire que Fidani fait fi de tout suspens, de tout mystère pour ne s'intéresser qu'au corps de son héroïne principale, Paola Senatore ici à l'aube de sa carrière. Paola ne cesse de se déshabiller et s'exhiber nue au gré des envies de Fidani ce qui a pour avantage avouons le de garder le spectateur éveillé. Fidani a tout simplement gardé de la dénomination sexy giallo le mot sexy!
On sourira devant un scénario jamais crédible. Imaginer que Paola est supposée avoir 17 ans est déjà un tour de force mais sa décision de se prostituer à domicile afin de se rebeller contre l'autorité parentale est tout bonnement sidérante. Fidani tente fort maladroitement d'utiliser les sujets alors fort à la mode, la crise familiale, la révolte adolescente contre l'ordre établi, la liberté sexuelle mais ainsi jetés dans un scénario sans saveur et parfaitement risible la tentative tombe complètement à l'eau d'autant plus que les dialogues sont d'une médiocrité affligeante.
La partie giallo n'est pas mieux lotie. On se contentera de quelques meurtres au rasoir tout à fait anodin commis par l'indispensable silhouette portant chapeau, gants et pardessus noir dont on découvrira sans surprise aucune l'identité lors des dernières minutes totalement farfelues.
Exceptée la présence de Paola Senatore, on retiendra celle de Howard Ross et Giancarlo Prete, culturiste uniquement vêtu d'un mini short, dont l'unique raison d'être ici est d'exhiber ses muscles saillants lors d'une séquence qui donne soudainement au film des faux airs de sexy comédie. Hilarant mais hors propos.
Aussi décevant dans sa partie giallo que dans sa partie sexy, A.A.A massaggiatrice bella presenza offresi est un des plus faibles films qu'ait tourné Fidani, une sorte de roman-photo rythmé par une partition cette fois anodine de Lallo Gori dont on se rappellera uniquement pour Paola et son coté très estampillé années 70 toujours agréable. Voilà qui est bien peu! Signalons qu'il existe une version hardcore du film dans lesquels ont été rajouté des inserts X que Paola Senatore n'a bien évidemment pas tourné.
Etrange croisement entre le giallo et le film gothique accentué d'une bonne dose d'érotisme, La bestia uccide a sangue freddo fut le seul giallo que réalisa Fernando Di Leo où on retrouve son côté pour l'extrême et le provocant. Véritable chef d'oeuvre d'absurdité construit sur un scénario des plus improbable La bestia uccide a sangue freddo possède néanmoins un charme indéniable qui provient essentiellement du lieu où se situe l'action. Ce lieu, une immense clinique psychiatrique qui tient beaucoup du château médiéval avec ses immenses pièces décorées d'armures et d'armes moyennâgeuses qui serviront au tueur pour perpétrer ses crimes, donne au film ses éléments gothiques.
L'élément giallique quant à lui puise son inspiration chez Argento avec ses éclairages rougeâtres, son tueur tout de noir vêtu, inquiètante silhouette qui se glisse la nuit dans les couloirs de la clinique et dont les victimes rêvent avant qu'elle ne les tue.%%%
Le gros féfaut de La bestia uccide a sangue freddo est son improbabilité, le ridicule qui s'en échappe et l'ennui qu'il génère. Guère intéressé par le genre, Di Leo fit avec un certain ludisme ce que les producteurs exigèrent de lui et cela se ressent malheureusement tout au long du film.
Si le film fonctionne c'est essentiellement grâce à la présence et à la beauté de ses deux actrices principales, Margaret Lee et Rosalba Neri, charnelles et désirables à souhait, peu avares de leurs charmes. L'érotisme tient donc ici une grande place et Rosalba Neri nous gratifie même d'une longue séance de masturbation frontale assez stupéfiante pour l'époque. Particulièrement choquante fut la relation saphique qu'entetiennent Monica Stroebel et Jane Garrett. Jamais en effet le saphisme n'avait été montré de façon aussi explicite à l'écran d'autant plus entre une femme blanche et une femme de couleur. Le film connut donc bien des déboires avec la censure puisqu'il en existe pas moins de quatre versions, plus ou moins coupées selon les pays et la censure alors en place. Au milieu de ce déchainement charnel erre un Klaus Kinski hagard, bien peu convaincant et souvent ridicule malgré cette ombre d'ambiguité qu'il est censé apporter. Bien peu futé serait celui qui se laisserait duper par ce piège éhonté trouvé par un scénariste peu inspiré, celui d'utiliser un sosie de Kinski afin de mieux brouiller les pistes.
Hormis le carnage final, la violence et les effets sanglants se font cette fois plutôt rares et risquent ainsi cde décevoir ceux qui se seraient laisser prendre par un titre évocateur.
La seule version complète du film à ce jour est celle sortie en Italie en 2001 avec son titre d'origine La Bête tue de sang froid.
Silvio Amadio touchera deux fois au sexy giallo avec tout d'abord Alla ricerca del piacere / Amuck en 1971 et Il sorriso della iena en 1972.
Alla ricerca del piacere, interprété par Barbara Bouchet et Rosalba Neri, est à vrai dire plus un film érotique qu'un thriller. Une jeune fille cherche l'assassin de son amie dans une sinistre villa prés de la lagune vénetienne entre deux ébats érotiques. Mettant en valeur la beauté et l'ambiguité de Barbara et Rosalba tant physiquement que lors de leurs ébats, Alla ricerca del piacere est une gentille oeuvrette érotique dont seul le final effleure le thriller, l'héroïne se préparant à subir ce que subit sa meilleure amie.
Il sorriso della iena a pour point commun avec Alla ricerca del piacere la bisexualité d'héroïnes tourmentées et sournoises ourdissant de bien sombres complots. Amadio semble ici essentiellement s'intéresser à la nudité de sa principale héroïne puisque la principale base de l'intrigue est une relation lesbienne entre elle et sa plantureuse belle-mère. Cette relation interdite est comme souvent dans ce genre de films bien spécifique non seulement une source de jalousie et de séduction mortifère mais elle cache surtout un terrible chantage qu'on découvrira lors des ultimes minutes. %%%
Le film est plutôt lent à démarrer. Ainsi toute la première partie du film est consacrée aux longues et fastidieuses séances photos de l'héroïne jusqu'aux premiers rebondissements qui ouvrent enfin la deuxième partie du film, plus vivante, apportant à l'ensemble un peu de cette force qui lui faisait jusqu'alors cruellement défaut. Amadio dévoile quelque peu les motivations de ses protagonistes et fait la lumière sur le premier meurtre particulièrement sanglant, le cadavre de l'épouse retrouvé la gorge tranchée dans une chambre fermée à clé de l'intérieur. On sourira quelque peu face à l'improbabilité des explications souvent délirantes fournies qui déboucheront sur un final tout aussi improbable. Amadio ne fait guère dans l'originalité puisqu'il s'inspire ouvertement de Si douce si perverse entre autres. Il se contente de reprendre le thème déjà vu de façon plus convaincante de l'usurpation d'identité avant de lever le voile sur l'ignoble chantage qui pesait sur la malheureuse héroïne.
Il sorriso della iena / Le sourire de la hyène, titre animalier qui rappelle les gialli de Dario Argento, fait ici référence à l'animal qui se nourrit de cadavres. Il trouvera sa justification lors d'une superbe réplique: ''Un cadavre, c'est comme des invités. Ils puent après trois jours''. On pourra également y voir un double sens, un jeu de mot sur le prénom de l'explosive et sournoise belle-mère, sorte de prédatrice prénommée Gianna / Jena.
En tête de distribution on reconnaitra une toute jeune Jenny Tamburi, lolita peu avare de ses charmes qui se glisse dans la peau de cette frêle héroïne, la plantureuse et volcanique Rosalba Neri qui incarne cette belle-mère sans scrupule. Silvano Tranquilli complète ce trio diabolique aux cotés de la beauté trouble de Hiram Keller en énigmatique dandy.
Si Il sorriso della iena rythmé par une agréable partition musicale pop lounge fait par instant songer aux Diaboliques de Georges Clouzot dont il n'est jamais qu'une relecture il est loin d'en avoir l'aura. Le film de Silvio Amadio malgré ses qualités et son coté ludique et délirant demeure simplement anecdotique mais se laisse regarder avec un certain plaisir.
La tua presenza nuda de Andrea Bianchi est une coproduction espagnole réalisée en 1972 et qui constitue à ce jour la meilleure oeuvre de Bianchi, réalisateur spécialisé dans l'érotisme. Lorgnant vers le fameux Turn of the screw, La tua presenza nuda / Diabolicà malicià met en scène un jeune garçon que sa belle-mère soupçonne d'avoir tué sa mère, ce à quoi personne ne veut croire. C'est à un jeu cruel et sournois que vont alors se livrer la jeune femme, interprétée par Britt Ekland, et l'adolescent. Bianchi joue tout au long du film sur la paranoia montante de la femme et sa folie naissante tout en laissant planer l'ombre du doute sur la culpabilité de l'enfant jusqu'au final, cruel, cynique.
En 1975, Bianchi réalisera le fameux Nude per l'assassino / Nu pour l'assassin avec Femi Benussi et Edwige Fenech entre autres sexy stars. Andrea Bianchi, grand spécialiste du porno soft et de l'horreur bon marché, s'attaque ici à un autre genre, le giallo, mais il oscille sans cesse entre le thriller italien et film érotique, deux genres trés en vogue alors. Bianchi en fait ici le l'amalgame de façon plutôt convaincante même si le film fut souvent assez décrié et s'avère malheureusement un peu mollasson.
Au crédit du film, de longues scènes érotiques plutôt sympathiques et chaudes mais trop souvent gratuites où on retrouve les indispensables séquences saphiques dans un milieu bourgeois où crépitent les flashes des photographes. Nude per l'assassino bénéficie également de quelques meurtres violents dont une belle castration perpetrés par un tueur haletant assez angoissant habillé en tenue de motard dont le casque masque le visage. Ici, ce sont les robinets de cuisine et de salle de bains laissés ouverts qui seront la marque du tueur, le bruit de l'eau coulante étant le point de départ de sa folie et l'explication à cette déferlante de meurtres.
Sans être vraiment passionnant Nude per l'assassino demeure un petit giallo intéressant, à la trés belle photographie donnant parfois un ton un peu glacé au film. Dommage qu'il manque de rythme, les scènes érotiques venant casser parfois le trop peu d'élan que semble prendre par instant le film.
Nude per l'assassino s'inscrit par contre en droite ligne dans ce qui se faisait alors, c'est à dire une certaine complaisance dans la violence graphique et l'étalage gratuit de chair. On notera la belle séquence d'ouverture, assez angoissante et malsaine où on assiste à un avortement pratiqué par un médecin qui se terminera par la mort de la pauvre femme transportée dans une baignoire afin de simuler une mort naturelle.
Sauro Scavolini toujours la même année réalise Amore e morte negli giardino degli dei avec Erika Blanc et Peter Lee Lawrence. On y suit la confrontation d'un professeur qui vit reclus dans une villa à une série de meurtres orchestrés par un frère incestueux vivant toujours en ce lieu abandonné.
En 1975, le scénariste monteur Francesco Degli Espinosa met en scène Giochi erotici di una famiglia per bene. Ces Jeux érotiques d'une famille bourgeoise, titre O combien prometteur, risque par contre de quelque peu décevoir. Imaginé par Renato Polselli dont on reconnait malheureusement le style, Giochi erotici di una famiglia per bene souffre avant toute chose du peu d'originalité de son intrigue, vue et revue, dont on aura compris les tenants et les aboutissants dés les dix premières minutes. Dénué de tout suspens, sans aucun mystère, le scénario qui porte toutes les stigmates du cinéma polsellien, n'offre guère d'intérêt puisqu'il use et abuse de toutes les plus grosses ficelles du genre sans la moindre imagination ou touche personnelle.
Le professeur Rossi découvre l'infidélité de sa femme et décide de l'assassiner. Après l'avoir endormie, il met son corps dans un sac qu'il jette dans un lac. Très vite, il est persécuté par ce qui semble être le spectre de la défunte alors qu'il vit une relation passionnée avec sa nièce et une prostituée. On se doute bien que l'épouse volage n'est pas morte tant Francesco Degli Esposina a du mal à faire croire le contraire et qu'un complot se trame autour du mari. Malgré les sous intrigues et les rebondissements que le metteur en scène met en place, l'histoire ne prend pas tant elle est claire dés le départ. Quant aux stratagèmes qu'il tente de mettre en place pour brouiller les pistes, ils sont souvent ridicules tant ils sont grossiers (le mystérieux homme qui suit le professeur dont on devine au premier coup d'oeil l'identité sous son déguisement).
On regrettera également le manque de soin dans la continuité de certaines séquences notamment lors de l'ouverture du film. Ainsi lorsque le professeur quitte son ami, il fait nuit mais il fait de nouveau jour lorsqu'il erre le long de l'avenue quelques minutes plus tard. Il fait un grand soleil lorsqu'il rentre chez lui mais il fait nuit noire lorsque, à peine rentré, il surprend sa femme avec son amant.
Le dénouement ne surprendra personne tant on l'avait deviné dés le départ. Polselli s'est contenté d'une chute des plus conventionnelles bien peu crédible dans ce contexte spécifique. Les habitués du cinéma de Polselli songeront au final de La verita seconda Satana qu'il a simplement agrémenté d'une forte relation lesbienne qui avec l'héritage du professeur était le coeur de ce complot pseudo machiavélique. L'ultime rebondissement, certes cruel, ne rehausse guère l'intérêt de l'intrigue et ne fait que confirmer le célèbre proverbe: argent bien mal acquis ne profite jamais.
On regrettera également le choix de Donald O'Brien dans le rôle principal, celui du professeur bafoué. Figure récurrente du western spaghetti, l'acteur irlandais n'a jamais réellement brillé par ses talents de comédien. Plutôt gauche, il ne parvient jamais à donner une quelconque épaisseur à son personnage, bien peu crédible, se contentant de froncer du sourcil du bout à l'autre du métrage.
Pourtant, malgré la simplicité du scénario et ses nombreux défauts, Giochi erotici di una famiglia per bene se laisse visionner sans peine. Distrayant, fonctionnel pour le peu qu'on ne soit pas trop difficile, il reste un giallo sans prétention aucune dont le principal atout est son fabuleux trio d'actrices. L'amateur se réjouira en effet de revoir Erika Blanc, Malisa Longo et Maria D'Incoronato rivalisant de beauté et de sex appeal. Toutes plus magnifiques et envoûtantes les unes que les autres, elles illuminent la pellicule de leurs charmes qu'elles dévoilent, plus affriolantes que jamais. On retiendra également certaines séquences érotiques assez étonnantes notamment celle, plutôt osée, où O'Brien, exposant sa nudité de façon inattendue, fait l'amour à Erika Blanc tandis que Maria D'Incoronato les observe en se touchant, alanguie sur un sofa, et celle où O'Brien tente d'infiltrer sa main entre les jambes de Maria D'incoronato lors de jeux érotiques de plein air. Contrairement à ce qu'aurait pu laisser supposer le titre, l'érotisme se limite à ces quelques scènes de même que le réalisateur se contente simplement d'effleurer les thèmes de l'inceste et du lesbianisme, alors très à la mode, à travers quelques trop rapides séquences plus suggérées que réellement montrées.
Même si le film de Degli Espinosa est appréciable, il est cependant regrettable qu'un tel scénario où saphisme, inceste et argent étaient à la base d'une machiavélique histoire de complot ait été traité de manière si superficielle. Si on passe un moment plutôt agréable, on songe à ce que le film aurait pu être différemment mis en scène!
Réalisé par le bien prolifique Mario Sabatini, Delitto d'autore fait partie de ses obscurs gialli aujourd'hui quasiment oubliés et difficilement visibles. Est ce un bien ou un mal, le spectateur jugera par lui même mais la probabilité que le film le retourne est ici bien faible.
Delitto d'autore prend pour thème principal le détournement d'un important héritage familial, celui des Volpi Girosi. La jeune et belle héritière, Milena, a épousé Marco, un important industriel, dont l'usine de chaussures est entrain de péricliter. La tante de Milena qui n'a jamais approuvé cette union reçoit un jour un mystérieux appel téléphonique lui apprenant que sa petite fille a été kidnappée. Elle ne la reverra vivante que si elle accepte de l'échanger contre un magnifique tableau signé du peintre Rubens. L'échange effectué, la tante est malheureusement retrouvée morte alors que Milena demeure introuvable. Les meurtres continuent...
Intégralement tourné dans la très belle petite bourgade de Fermo et ses alentours, Delitto d'autore est un misérable petit giallo dont on cherche vainement l'intérêt. Vu et revu le scénario n'est en rien original, totalement prévisible et surtout dénué de tout suspens. Il se contente de reprendre les bases du giallo à la Argento à savoir les appels téléphoniques, la voix menaçante déformée et la silhouette du tueur, ganté de noir et revêtu d'un long imperméable, mais sans aucune once d'imagination. Sabatini agrémente bien entendu l'ensemble d'une touche d'érotisme et de saphisme si léger qu'il en frustrera plus d'un ainsi que d'un zeste de psychédélisme de bon aloi mais plutôt inutile ici.
Souffrant qui plus est d'une mise en scène quasi inexistante et particulièrement lente, dépourvu de toute tension ou atmosphère, Delitto d'autore prend l'eau de toutes parts. Souvent confus, accumulant les incohérences et les négligences notamment lors de l'interminable final, le film de Sabatini s'avère vite assez insupportable d'autant plus qu'il ne se passe rien. Assommé par d'insipides dialogues, on attend vainement un peu d'action, une ombre de suspens, un malheureux frisson d'angoisse, quelque chose auquel se raccrocher. Malheureusement notre voeu ne sera jamais exaucé et ce sont les paupières à demi closes qu'on assistera au dénouement bien peu surprenant. Si l'identité de l'assassin et ses motivations ne surprendront personne, on restera coi face à aux nombreux illogismes que Sabatini semble avoir accumulé lors de ce final. Delitto d'autore en devient alors encore plus décevant. Est ce pour combler un scénario un peu trop vide et dénué de rebondissement que Sabatini a cru bon de le pimenter ainsi? Si tel est le cas, l'idée est mauvaise d'autant plus qu'avant ces révélations bien creuses on aura eu droit à une interminable poursuite en voitures, une des moins excitantes et spectaculaire que le genre nous ait offert mais également une des plus inutiles. On a la triste impression que le réalisateur, à cours d'idée, l'a étiré en longueur afin d'arriver aux 90 minutes syndicales.
Restent à l'actif du film ses superbes décors naturels, ceux de Fermo, petite ville maritime ensoleillée typiquement italienne toute en vieilles pierres que Sabatini filme comme un joli guide touristique. On admirera en effet les thermes, le théâtre antique, les piscines romanes, le centre historique, les bords de plage... avec d'autant plus de plaisir que ces superbes endroits sont illuminés par la présence de toujours aussi charnelle Silva Koscina. A ses cotés, on reconnaitra Pier Paolo Capponi avec qui elle a une belle scène d'amour, Krista Nell et Luigi Pistilli dans le rôle du prêtre.
Prostituzione / Dossier rose de la prostitution de Rino Di Silvestro avec Maria Fiore et Krista Nell n'apporte guère d'eau au moulin. Di Silvestro se contente de raconter l'histoire assez plate du meurtre d'une jeune prostituée et l'enquête d'un inspecteur cherchant à isoler le coupable. Di Silvestro reste fidèle à un certain cinéma qui se réclame d'un certain euro-trash alors fort en vogue auquel il nous avait habitué. Prostituzione contient donc son lot de scènes pimentées et même pornographiques dans le contexte sordide de la prostitution adolescente. Lent, visuellement laid, dénué de suspens et d'effets sanglants voilà une tentative de giallo, de porn-giallo plus exactement, ratée qui au départ se voulait une sorte de documentaire-réalité sur le milieu.
Coproduction hispano-italienne, La volpe dalla coda di velluto de José Maria Forqué s'inscrit quant à lui dans le prolifique filon des sexy gialli à la Lenzi.
Si le scénario n'est pas très original puisqu'il se contente de reprendre tous les éléments récurrents au genre La volpe dalla coda di velluto n'en est pas pour autant un giallo totalement inintéressant. Bien au contraire. S'il est plutôt lent à démarrer, il ne se passe quasiment rien durant les trente premières minutes qui se contentent d'asseoir la relation amoureuse passionnée entre Ruth, Analia Gadé, et son bel amant, le toujours sexy Jean Sorel, une façon de faire une fois plus la peinture acide d'une haute bourgeoisie qui trompe son ennui à travers ses fantasmes extra-conjugaux, les pièces de l'intrigue se mettent doucement en place dés la seconde moitié du film. Dés lors Forqué accumule de façon toujours cohérente les divers rebondissements. C'est une succession de coups de théâtre à laquelle on assiste dés lors qui mettent en lumière la terrible machination dont Ruth est victime. Si le complot fort classique en lui même ne surprendra guère les habitués du genre, plus étonnant est le chantage sexuel qu'exerce la maitresse de Paul sur la pauvre Ruth apportant ainsi à l'histoire ce soupçon de perversion si agréable. Elle l'oblige donc à coucher avec son amant offrant ainsi au spectateur de merveilleux ébats trioliques aussi sensuels que cruels qui se termineront par une succulente scène de fétichisme rarement vue dans ce type de film. Elle se met à lécher le pied de sa rivale puis remonte vers ses cuisses.
La volpe dalla coda di velluto se transforme en jeu du chat et de la souris, à savoir qui se jouera de l'autre et avalera sa proie, brillamment mis en scène par un Forqué imaginatif qui joue de son objectif pour mieux faire tomber les masques derrière lesquels se cachent les protagonistes ce qui nous vaut par instant de surprenants jeux de caméra. Les quatre protagonistes sont tels des fauves qui se cherchent, se défient, toujours prêts à bondir pour mieux détruire son ennemi mais au fil des nombreux retournements de situations chaque félin peut se transformer en proie potentielle. C'est encore un des atouts de ce giallo qui verra sa principale victime triompher de ses bourreaux lors d'un final aussi cruel que cynique ou tel est pris qui croyait prendre. Tourné sur la côte d'azur, le film de Forqué, élégamment mis en scène, bénéficie de superbes décors maritimes le long desquels flâne, s'aime et se déchire chacun des personnages au son d'une très belle partition musicale de Piero Piccioni. Il bénéficie également de décors intérieurs de rêve particulièrement luxueux magnifiquement mis en valeur par une photographie solaire. Plus curieux est la sagesse dont fait preuve le cinéaste quant à l'érotisme qu'on pourrait qualifier de prude si on excepte la fameuse séquence de fétichisme. Forqué masque inlassablement la poitrine dénudée de ses actrices. Si le procédé est amusant il devient assez rapidement frustrant particulièrement dans ce style de film où l'érotisme est un des éléments pilier. On savourera tout de même certains très beaux moments dont la longue séquence du baiser entre Ruth et son amant, suspendu par les pieds à une branche d'arbre. Aussi sages soient elles, on reconnaitra tout de même le talent de Forqué pour avoir su insuffler un tel degré de sensualité dans ses scènes d'amour.
La volpe dalla coda di velluto réalisé en 1971, est un très sympathique sexy giallo aussi solaire que vénéneux qui se laisse voir avec grand plaisir. Peut être moins tortueux que les oeuvres de Lenzi, il n'a rien à leur envier.
Juan Lopez Garcia réalisa en 1972 un érotico-giallo avec la plantureuse Rosalba Neri Due maschi per Alexa tandis que Roberto Montero Bianchi se met aux commandes de Rivelazioni di un maniaco sessuale al capo della squadra mobile / La peur au ventre. Malgré son titre fort alléchant, La peur au ventre demeure étrangement soft au niveau de la violence graphique à laquelle il préfère un érotisme bien peu langoureux.
Montero laisse ici surtout éclater ses talents de metteur en scène fripon de seconde zone plus que ceux de réalisateur à suspens ce qui manque cruellement à ce giallo plutôt banal. Il se contente d'en reprendre sans grand génie les bases. Un tueur ganté assassine à l'arme blanche des épouses infidèles de la haute bourgeoisie et éparpille sur leur corps les morceaux de photos déchirées de leurs ébats adultères.
Montero filme son intrigue sans grande imagination et accumule de longues scènes érotiques tout en tentant de fausser les pistes en focalisant l'attention du spectateur sur un inquiètant employé de morgue aux tendances nécrophiles. Si le personnage fonctionne en lui même, on est guère dupe et il ne reste qu'à attendre nonchalamment que Montero abatte ses cartes. Reste deux idées intéressantes, celle de l'inspecteur profitant de l'occasion pour offrir son épouse infidèle au tueur et un final non empreint d'une certaine noirceur, seule originalité de ce petit giallo. La seule véritable scéne sanglante du film est la longue agonie de Femi Benussi poursuivie sur la plage par le tueur avant qu'il ne la rattrape et la poignarde sauvagement lors d'un efficace ralenti, une séquence non dépourvue d'une certaine cruauté onirique. Hormis cette douloureuse scène, le film est d'une gentillesse exemplaire.
Seule et unique incursion de Alfredo Rizzo dans le monde du giallo, La sanguisuga conduce la danza fait définitivement partie des thrillers érotiques plus proches de la sexploitation que du giallo lui même, sortis alors en France avec de nombreux inserts hardcore ici à la limite du ridicule.
Connu sous toute une pléiade de titres plus farfelus les uns que les autres dont L'insatiable Samantha, ce giallo est un croisement hypothétique entre l'érotisme softcore, le cinéma gothique et d'épouvante des années 60 assaisonné d'un soupçon de mystère à l'italienne et de drame psychologique. Voilà un mélange assez étrange qui aurait pu au final donner quelque chose d'intéressant. Malheureusement, l'indigence du scénario et la pauvreté des moyens brisent en quelques instants le peu d'intérêt que pouvait susciter le film.
Filmée entre quatre décors d'une sobriété déconcertante et trois murs blancs, l'intrigue, mal écrite, mal ficelée, semble ne pas savoir réellement où aller. Rizzo brasse les genres, le scénario traine en longueur, l'ennui s'installe très vite tandis que le spectateur sombre lentement dans une douce torpeur achevé par des dialogues assommants récités sans aucune conviction.
S'il faut attendre cinquante minutes, montre en main, pour que se produise le premier meurtre, les amateur d'effets horrifiques seront fortement déçus. Si L'insatiable Samantha compte à son actif trois décapitations, au demeurant fort réussies, celles ci sont par contre filmées hors champ. De quoi faire enrager le spectateur qui comptait sur l'aspect sanglant pour le maintenir quelque peu en éveil.
Il ne reste donc que les interminables scènes de sexe et de saphisme, le viol de Femi Benussi pour tenter de récupérer le quidam déconfit. D'une incontestable laideur, gâchées par des inserts pornographiques totalement inadéquats, c'est cette fois la libido du public qui risque de s'enfuir.
A cours d'idée, Rizzo précipite alors son film lors des dix dernières minutes. Surgi de nulle part, un inspecteur de police débarque au château censé être isolé sur une île loin du continent par une terrible nuit de tempête autrement dit quelques stock-shots en noir et blanc d'ouragans et de vagues déchainées qui tranchent avec la couleur du film. En cinq minutes tapantes, il résout l'énigme et le mot Fin peut enfin apparaitre après un retournement de situation absolument raté et bien peu crédible tant il donne dans le drame humain à l'encontre même du reste du film.
Rythmé par une partition musicale complètement décalée souvent insupportable signée par un Marcello Giombini au plus mal de sa forme, La sanguisuga conduce la danza ne vaut finalement que pour les décors gothiques flamboyants du fameux château de Balsorano que Rizzi n'a pas su utiliser et sa distribution plutôt alléchante puisqu'on y retrouve quelques unes des sexy starlettes de l'érotisme d'alors, la sulfureuse Patrizia Webley, la regrettée Krista Nell, l'incontournable Femi Benussi au meilleur de sa forme, la ténébreuse Marzia Damon et l'actrice de couleur Lidia Olizzi, toutes plus désinhibées les unes que les autres. A leurs cotés, on retrouvera l'infatigable Luciano Pigozzi et Giacomo Rossi-Stuart perdus dans cette polissonnerie pseudo-horrifique.
Précisons si cela est encore nécessaire qu'il n'y a ici ni sangsue, ni danse, ni de Samantha insatiable ou non, encore moins de malédiction et de vampire au même titre que Satan qui n'a pas daigné se déranger. Avec sa sangsue, ce thriller érotico-gothique tentait simplement de se raccrocher au filon des gialli animaliers à la Argento.
1975 sera l'année où le genre va décliner petit à petit au même titre que le giallo lui même. Certains réalisateurs vont tout de même le faire perdurer. Vont encore voir le jour quelques oeuvres certes sans grand intérêt mais qui ont leurs défenseurs.
C'est ainsi que Mario Landi tourne en 1977 Giallo a Venezia dont l'intrigue est ici réduite à son minimum laissant la part belle aux scènes érotiques assez malsaines. Le film est plus un soft porn qu'un véritable giallo dans le sens où il privilégie les scènes de sexe et érotiques au détriment de l'intrigue même si le sexe est la clé de cette énigme. Particulièrement bavard, quasiment exempt de toute tension, Giallo a Venezia accumule les séquences sexuelles souvent aux limites du hard à travers ce couple débridé, l'architecte Fabio et sa jeune épouse Flavia.
Mario Landi s'en donne alors à coeur joie sans jamais pourtant rendre ses scènes un tant soit peu belles ou esthétiques. A l'instar de son film et son tueur, le sexe est sale, violent, bestial. Fabio, mari infâme, ne peut prendre du plaisir qu'en humiliant sa femme soumise. Exhibitionniste, échangiste, Flavia est le jouet d'un homme pervers et frustré. Contrainte à faire l'amour en public, à se donner à un jeune livreur, elle doit aussi subir les accès de violence de Fabio: flagellation, sodomie, sadomasochisme et même le viol, détonateur de sa haine meurtrière.
Particulièrement osé pour cette époque, Giallo a Venezia est surtout intéressant à un autre niveau: sa férocité et sa cruauté dans les rares scènes d'horreur qu'il comporte. Landi a ici recours à une représentation extrême du sadisme qui frise le splatter movie, insistant de façon morbide et détaillée sur les atrocités.
On a droit en tout et pour tout à trois assassinats qui vont crescendo dans l'horreur. Le premier est celui d'une prostituée dont le tueur enfonce un ciseau dans le vagin à plusieurs reprises. Landi insiste sur la lame pénétrant le sexe de la jeune fille qui perd son sang par flots, abomination d'une cruauté inouie qui illustre tout le paradoxe d'une Italie qui ne se permet pas de montrer une pénétration mais s'autorise une telle métaphore.
Le deuxième meurtre sera celui d'un pauvre homme qui sera transforné en torche humaine aprés avoir été immobilisé. Landi insiste cette fois sur ses hurlements de souffrance et son visage carbonisé d'où jaillit un oeil encore en vie.
L'ultime massacre restera le plus épouvantable, celui de l'amie de Flavia, ligotée nue sur une table de cuisine et découpée vivante à la scie avec moultes détails sanguinolents.
Pour le reste, Giallo a Venezia est d'une effarante banalité, prévisible d'un bout à l'autre et plutôt ennuyeux. Venise y est pour une fois montrée sans aucun esthétisme, sale et laide.
Venu de la télévison où il adapta de nombreux Inspecteur Maigret, Landi n'arrive pas à sortir d'une réalisation téléfilm poussive et ses personnages sont d'une platitude extrême, fades et sans relief.
Fétide, sordide, pervers sont autant d'adjectifs qui font oublier l'incroyable apathie et le ridicule de l'ensemble mais transforment soudainement Giallo a Venezia en un petit bijou de l'euro-trash transalpin d'alors.
En 1977 toujours Enzo Milloni met en scène La sorella di Ursula avec Barbara Magnolfi et Marc Porel. Tourné dans de magnifiques décors extérieurs et intérieurs, bénéficiant d'une somptueuse photographie qui rend certaines séquences esthétiquement grandioses (le meurtre des deux amants dans la grotte), La sorella di Ursula souffre malheureusement de son manque de rythme, une lenteur ponctuée par d'interminables dialogues dont le spectateur n'a que faire.
Malgré ses défauts, Milioni arrive tout de même à rendre le personnage d'Ursula intéressante. Il nous plonge dans les méandres psychologiques particulièrement torturées de la jeune fille. Chose plutôt rare pour ce genre de film surtout tourné si tard, le réalisateur a donné aux scènes de sexe un coté hardcore assez étonnant et non désagréable. Mais l'intéret porté au film viendra essentiellement de son mystérieux tueur dont on peut avec un peu clairvoyance soupçonner l'identité malgré le soin parfois maladroit que le réalisateur apporte à brouiller les pistes. La caméra nous fait voir au travers des trous de sa cagoule, il guette ses proies avant de surgir pour les massacrer en les transperçant d'un phallus géant.
Inlassablement, Milioni filme les meutres en ombre chinoise sur les murs, le sadique brandissant de son imperméable un sexe démesuré devant les pauvres filles épouvantées. Véritable étalon ou simple godemiché, les dernières minutes nous réveleront le fin mot de l'histoire et nous dévoileront l'identité du tueur. Marc Porel est un inspecteur fadasse et héroïnomane et la sublime Barbara Magnolfi se glisse dans la peau de la troublante Ursula.
S'il fait penser quelque peu aux films de Jess Franco tournés au début des années 70 sans en avoir heureusement l'aspect soporifique, La sorella di Ursula jouit également d'une belle musique composée par Mimmi Uva et d'un théme principal particulièrement enivrant chantée par Yvonne Harlow.
Milioni récidivera en 1988 avec Luna di sangue / Fuga dalla morte, un giallo bavard platement mis en scène et sans grand intérêt hormis celui de revoir quelques ex-gloires du Bis italien telles que Zora Kerowa, les sexy starlettes Jessica Moore et Pamela Prati ainsi que Annie Belle.
Luna di sangue qui au départ est un des huit téléfilms tournés pour la fameuse série Lucio Fulci presenta repose sur les bases classiques du giallo en tentant d'y méler celle du slasher et du gore. Rien de trés original dans cette histoire de machination diabolique maintes fois vue mais qui aurait pu avoir un minimum d'efficacité si Milioni ne s'était attardé comme dans La sorella di Ursula sur d'interminables scènes de dialogue qui au bout d'un moment finissent par non seulement faire décrocher le spectateur mais font basculer le film dans l'ennui le plus total. Le problème est qu'il ne se passe rien dans cette Lune de sang- titre que rien ne justifie tout comme son titre original d'ailleurs.
On se parle, on échange d'interminables propos, Milioni tente vainement de créer un semblant de suspens par le biais de regards coupables ou accusateurs entre les protagonistes vivant tous dans la même luxueuse villa. Passé cette première partie assomante arrive la deuxième où Milioni se souvient qu'il est aux commandes d'un giallo horrifique. Apparait donc enfin la silhouette gantée de noir à travers une ou deux scènes et avec elle quelques scènes gore dont une assez sulfureuse afin qu'on n'oublie pas que l'Italie fut jadis la reine du trash. Entre deux têtes explosant sous l'impact de balles, un visage défoncé dans une vitre, une décapitation à la faux, on a ainsi droit à une explosion de pénis par revolver alors que la victime se faisait sucer par sa propre fille, muette et attardée mentale. Milioni massacrera tout son petit monde jusqu'au final qui verra la révélation de l'identité du tueur qui ne surprendra personne tant cela semble évident.
En 1979, Mario Gariazzo met en scène Play motel. Gariazzo nous concocte un salmigondi de scènes érotico-hard matinées de meurtres prenant place dans un motel équivoque où un jeune photographe maître-chanteur passe son temps à prendre des clichés de jeunes modèles nues qu'il tente parfois de violer et, le soir venu, des ébats sexuels des clients. Gariazzo en profite pour étaler toute sorte de vices: de l'homme se travestissant en evêque pour arriver à ses fins à la prostituée habillée en soeur se faisant caresser par un chapelet, irremplaçable Marina Frajese, en passant par le vieux lubrique feignant d'uriner sur une fille de joie à l'aide d'un tuyau d'arrosage.
Ambiance ludique sur fond lubrique, Play Motel n'oublie pas d'ajouter un soupçon de giallo avec ce tueur ganté et sadique qui sévit dans le motel, tueur dont on ne verra qu'un oeil roulant dans tous les sens à chacune de ses apparitions quelque peu inquiètante.
Pour le reste, le film de Mario Gariazzo s'amuse à suivre l'enquête poussive d'un détective faitigué joué par Anthony Steffen fatigué et peu concerné, enquête où le toujours séduisant Ray Lovelock traine sa carcasse de play boy accompagné de la blonde Anna-Maria Rizzoli, habituée aux sexy comédies all'italiana, qui içi nous gratifie d'un étonnant et charmant strip-tease.
Peu importe la fin et ses révélations, Gariazzo s'en moque un peu comme le spectateur d'ailleurs dont la seule motivation tout au long de ce film est de prendre plaisir à ses délices érotiques auquels participent Patrizia Webley et Patricia Behn.
Toujours au crédit du film, le générique et quelques unes des chansons de la bande originale chantées par Ray Lovelock lui même, chansons aux mélodies entrainantes et tout à fait plaisantes qui vous trotteront longtemps dans la tête. Play Motel est une oeuvre tout à fait acceptable et agréable à découvrir, sans prétention, étonnant patchwork ludiquement trash.
En 1982, Cesare Canevari réalise un des pires rejetons du genre, Delitto carnale avec Marc Porel, une Moana Pozzi alors inconnue et Dirce Funari. Le film sera d'ailleurs réedité plus tard sous le titre La pantera Bionda dans une version hardore avec des scénes additionelles tournées par Moana profitant ainsi de sa notoriété de nouvelle star du X. Que penser à la vision de cet érotico-giallo? Les mots viennent difficilement tant un sentiment de consternation nous envahit. La première question qui vient à l'esprit est comment des acteurs ont pu se commettre dans ce marasme sexuel? La deuxième est pourquoi Canevari a t'il tourné cet édifice d'ennui et de n'importe quoi?
On cherche en vain un sens au film, à cette histoire sans queue ni tête dont le seul but est semble t'il d'étaler 85 minutes de corps nus faisant l'amour. A la mort de son oncle et enfin de partager l'héritage, une femme recoit tout un groupe de personnes dans sa villa qui vont inlassablement s'aimer ou se faire violer alors qu'un assassin rôde. Pourquoi, comment, cela ne semble jamais interpeller Canevari. Rarement le genre aura connu une telle insipidité mais également une telle laideur. Caméra vissée au sol, Canevari filme sans aucune imagination ni mise en scéne cette histoire soporifique dans des décors d'une repoussante agressivité visuelle. Les jaunes, rouges, oranges, bleus et verts se mélangent jusqu'à l'ecoeurement dans cette villa psychédélico-moderne où on passe son temps à forniquer. Le sexe est quant à lui tout sauf beau et excitant. Sous la caméra statique du réalisateur, il est vulgaire et plat, qu'il soit saphique ou heterosexuel.
Et les meurtres? C'est vainement qu'on les attend. On en dénombrera un seul, absolumment ridicule, aprés une bonne heure d'attente. On oubliera aussi la disparition d'une protagoniste en cours de route, la pauvre Dirce Funari s'évaporant sans raison en fin de bande.
Reconnaissons à Delitto carnale l'avantage de nous offrir un peu de piment lors des trois viols brutaux dont elle est victime. Quant au final, merci Shakespeare de nous dévoiler l'identité du tueur, une des fins les plus absurdes et décevante que le genre ait connu. Canevari se débarrasse de sa pseudo-intrigue en deux minutes tapantes, d'autant plus abrupte qu'il n'y a pas de générique. Hormis Dirce Funari et la future star du X Moana Pozzi, on retiendra de Delitto carnale la présence de Marc Porel qui vit là son dernier rôle, une overdose l'emportant quelques mois tard. Toute l'horreur du film vient peut être de là. Marc, plus amaigri que jamais, y apparait fatigué et absent, véritable ombre de lui même, forniquant à tout va. Un bien triste chant du cygne pour ce grand acteur, seule véritable raison de découvrir Delitto carnale.
LES PIECES MAITRESSES DU GIALLO ARGENTESQUE:
Suite aux succès des trois gialli de Dario Argento, L'oiseau au plumage de cristal, Quatre mouches de velours gris et Le chat à neuf queues, les années 70 vont voir toute une série de gialli sortir sur les écrans, se déclinant tous sur ce modèle dit argentesque. Mais ce succès n'est pas le fruit du hasard. Il tient beaucoup de la situation économique et sociale de l'Italie d'alors. Ce cinéma refletait surtout les peurs et les angoisses du citoyen dans un pays alors en plein boom économique, arrosé par les scandales politiques et la flagrante fourberie du gouvernement alors en place. Ces années 70 furent aussi celles du terrorisme qui plongea le citoyen dans la peur, un citoyen totalement perdu sans plus aucun point de repère alors que l'aliènation semblait devenir le maître mot du pays.
Ce giallo horrifique fut comme un exutoire, sorte de vasque d'expansion dans laquelle l'Italie pouvait deverser ses peurs et traumatismes. Les protagonistes du giallo ne sont finalement que de simples hommes et femmes isolés dans un lieu commun dans lequel un assassin les traque, un assassin impitoyable, personification du Mal et de la folie contre laquelle la police n'est même plus une garantie de sécurité, souvent impuissante.
Ces bases gialliques vont être celles du giallo dit argentesque, celles créees par Dario Argento dans L'oiseau au plumage de cristal où Tony Musante doit fuir, comme seul au monde, malgré la foule alors que le meurtrier a tué l'agent qui devait le protéger. A cette scène répond celle où il cherche la maison de l'assassin dans une Rome cette fois étrangement déserte et fermée, gigantesque métropole qui soudain se transforme en bourgade où tout le monde sait mais personne ne parle. Argento va donc mettre en avant ce personnage esseulé au milieu de la foule, fourmi parmi les fourmis, effroyablement seul au milieu d'intrigues peuplées de maisons vides. Argento a su capter l'essence même de la peur diffuse du citoyen lambda. Cette peur il va alors la représenter par des symboles-clé qui deviendront les symboles d'un genre auquel beaucoup de réalisateurs vont alors s'engouffrer.
Una farfalla con le ali insanguinate / Cran d'arrêt de Duccio Tessari, 1971, nonobstant son titre animalier argentesque est un giallo judiciaire mêlé de drame passionnel se déroulant dans la haute bourgeoisie lombarde. Tessari dont c'était ici le second thriller s'attarde beaucoup plus sur l'aspect psychologique de chacun de ses personnages, chacun ayant un inavouable secret à cacher. Outre l'interprétation un peu trop mécanique d'un Helmut Berger tout jeune et de Carole André, on retiendra surtout de ce giallo judiciaire la séquence d'ouverture plutôt sinistre où d'anodins jeux d'enfants mèneront à la découverte du cadavre d'une jeune femme. Toute l'horreur de la mort s'étale sur ce corps maculé de sang, les habits en lambeaux, baignant dans la boue.
La tarantola dal ventro nero / La tarentule au ventre noire de Paolo Cavara s'est au fil du temps forgé une solide réputation jusqu'à devenir un classique du giallo. Si son titre s'inspire du triptyque animalier de Dario Argento, La tarentule au ventre noire est pourtant loin d'en avoir la maestria. Certes Cavara reprend les bases du giallo selon ce dernier autrement dit les techniques d'assassinat d'un tueur cruel vêtu de noir portant gants et chapeau, la présence d'un aveugle, des silhouettes angoissantes qui glissent dans l'obscurité et bien entendu l'indispensable enquête d'un commissaire ici en proie à ses doutes mais l'histoire somme toute peu originale s'enlise rapidement. D'une part Cavara tente vainement de brouiller les pistes en alourdissant son scénario de façon plutôt vaine puisque le spectateur un brin futé aura très vite deviné qui était l'assassin. D'autre part il se perd dans des méandres psychanalytiques plutôt pompeux afin de donner au scénario un semblant de crédibilité tout en lui apportant un coté scientifique bien factice. Une fois le vernis gratté ne subsiste que bien peu de choses malheureusement si ce n'est un giallo d'un classicisme quelque peu décevant et souvent improbable notamment dans sa conclusion.
S'il fallait trouver des qualités à La tarentule au ventre noir c'est ailleurs qu'il faut les chercher notamment au niveau de sa réalisation, efficace, alerte, menée tambour battant par un Cavara qui démontre une fois de plus son professionnalisme. Mais le point fort du film c'est avant tout ses effets horrifiques, ses meurtres particulièrement violents et sanglants qui d'une part ont donné au film sa solide réputation et qui d'autre part devraient ravir les amateurs d'horreur sanguinolente. On retiendra notamment la mort de Barbara Bouchet, brutalement éventrée lors de la séquence d'ouverture qui avec le final reste sans nul doute le meilleur moment du film.
Plutôt singulier est le moyen qu'utilise le tueur pour éliminer ses victimes puisqu'il injecte le terrible venin paralysant d'une tarentule, animal de cauchemar par excellence dont Cavara se plait à nous offrir quelques plans qui devraient en faire frissonner plus d'un. Si les motivations de l'assassin sont loin d'être nouvelles, cet être malade et impuissant voue une haine féroce aux femmes depuis que son épouse l'a quitté pour un autre homme, sa cruauté et sa détermination à s'acharner sur ses victimes, droguée, nymphomane, lesbienne, sont par contre assez étonnantes. On remarquera qu'une fois de plus comme il était alors récurrent dans le cinéma transalpin la bourgeoisie est la cible du tueur, porteuse de tous les maux et de tous les vices.
Hormis sa violence, l'autre point fort du film est son érotisme puisque Cavara n'hésite jamais à déshabiller ses actrices toutes plus belles les unes que les autres puisque la distribution féminine outre Barbara Bouchet compte quelques des stars et starlettes d'alors dont Annabella Incontrera, Barbara Bach, Claudine Auger et Stefania Sandrelli.
Si Cavara confère à ses personnages tout stéréotypés soient ils une certaine dimension psychologique, il faut reconnaitre que celui du commissaire est particulièrement fouillé et constitue certainement l'atout majeur du film. Giancarlo Gianini nous offre là une de ses plus belles compositions dans la peau de cet homme trop humain rongé par ses doutes et ses angoisses qui lentement vont finir par le détruire et l'emporter au fil d'une enquête où chacune de ses facettes seront mises en avant.
Cavara se permet également quelques petites références notamment à Six femmes pour l'assassin de Bava lors du meurtre parmi les mannequins et Nude si muore de Margheriti lorsque le maniaque coupe au couteau les tendons de sa victime.
Bénéficiant d'une belle photographie et d'une agréable mais un peu trop répétitive partition musicale signée Ennio Morricone, La tarentule au ventre noire s'il n'est pas une réelle réussite surtout venant de la part de Cavara, le film se laisse cependant voir sans déplaisir. Un voilà un honnête giallo horrifique qu'on aurait simplement aimé un peu (beaucoup?) plus élaboré et moins conventionnel.
Giornata nera per l'ariete / Journée noire pour le bélier / Jour maléfique de Luigi Bazzoni en 1971 doit son intrigue à une phrase écrite dans le carnet de l'assassin qui enregistre sur un magnétophone les raisons de ses actes: Par delà l'exaltation, il y a quelque chose de divin dans le pouvoir de transformer en un instant la souffrance d'un être en quelque chose d'inanimé pour l'éternité. Ce petit giallo risque de décevoir les amateurs sanglants du genre. Giornata nera per l'ariete s'éloigne en effet des rouages habituels du genre pour une ambiance plus feutrée et un rythme lent mais surtout met l'accent sur une étude psychologique des personnages assez poussée au détriment de l'intrigue qui passe alors au second plan.
A ce niveau, le film de Bazzoni est assez réussi. Les meurtres ne sont guère graphiques, certains sont même suggérées mais Bazzoni parvient à conserver un certain suspens quant à l'identité du tueur assez convaincant dans sa démarche et la folie homicide qui le pousse à tuer. Il ne s'intéresse en fait qu'aux personnes ne souffrant que de graves handicaps quelqu'ils soient, personnes jugées "anormales" et prédestinées à mourir.
Intéressant aussi est le fait d'utiliser certaines superstitions comme l'horoscope- le tueur ne tue que le mardi- et l'astrologie- ici le signe du bélier, signe zodiacal dont le jour faste est de surcroît le mardi.
Bazzoni teinte son film d'un zeste d'homosexualité, source de tout vice, chose assez récurrente dans le cinéma transalpin d'alors.
Le final est certainement un des grands moments voire LE grand moment du film. L'assassin pourchasse dans l'obscurité l'enfant seul chez lui au son d'une boite à musique, infâme jouet si souvent utilisé dans le cinéma d'horreur. Cette séquence très joliment réalisée regroupe en seulement quelques minutes toutes les peurs enfantines: celle du noir, de la silhouette dans la nuit, du jouet qui s'anime.
La partition musicale de Ennio Morricone est tout à fait excellente et joue un grand rôle dans le plaisir qu'on peut trouver au visionnage de ce passionnant petit giallo. Franco Nero en alcoolique désillusionné traine sa moustache et sa carcasse tout au long du film dans lequel on retrouve aussi Silvia Monti et Agostina Belli.
Lucio Fulci nous livre en 1971 son premier vrai giallo Una lucertola con la pelle di donna / Le venin de la peur / Carole / Les salopes vont en enfer. Le film plonge le spectateur dès les premières minutes dans un univers morbide et claustrophobe, une sorte de cauchemar glauque où dés lors la frontière entre le rêve et la réalité sera particulièrement dure à situer. La première scène est en cela un véritable tour de force, un instant quasi onirique. Carole, l'héroïne, se voit bloquée dans un train dont les compartiments refusent de s'ouvrir. Elle est agressée par une horde de gens nus avant qu'elle ne plante un couteau dans le ventre d'une femme, sa jeune voisine, par qui elle est sexuellement attirée. Carole se réveille, tout ceci n'était qu'un rêve enfin du moins c'est ce qu'elle pense sur le moment. Fulci crée immédiatement un climat étouffant où claustrophobie est synonyme de mort. Si on retrouvera cette atmosphère à la fois vénéneuse et onirique tout au long du métrage, la structure du Venin de la peur est toutefois policière jusqu'à l'étonnant final, bien rationnel lui, où le titre original du film, cette "femme à la peau de lézard", prendra tout son sens.
Tout rationnel que soit l'épilogue, le fantastique est cependant présent à travers les rêves de Carole, délirants et terrifiants. A cette occasion, le maestro déploie la panoplie la plus imaginative qu'il ait jamais utilisé alors comme cette réunion de cadavres aux yeux crevés ou l'attaque de l'oie géante. A ce fantastique s'ajoute une réalité tout aussi effrayante telle cette horde de chauve-souris sanguinaires ou ces chiens de laboratoire au ventre ouvert qui continuent de gémir. Fulci fait en outre preuve d'une technique remarquable et s'offre des effets de virtuose lorsqu'il nous fait apparaitre l'homme de loi dans l'iris dilaté de Carole ou nous entraine dans le tourbillon étourdissant des rêves de la jeune femme. Cette maîtrise surprenante se retrouve également dans la manière dont Fulci représente la folie par l'intermédiaire de toute une panoplie d'angles distordus souvent inattendus, de zooms vertigineux, de gros plans effroyables mais également de toute une palette de jeux de lumières incroyables.
Film froid, glacé, Le venin de la peur est sans nul doute le chef d'oeuvre de Fulci période pré-zombis si on excepte son magnifique Beatrice Cenci / Liens d'amour et de sang. Il n'émane aucune sympathie de tous ces personnages, tous plus vils les uns que les autres, des personnages sinistres aux motivations toute plus empoisonnées les unes que les autres. Le venin de la peur est un venin qui lentement détruit les êtres. Il n'y a rien de bon chez l'homme pour Fulci et cette antipathie, il la renforce par un montage diabolique et sec souligné par la très efficace partition musicale signée Ennio Morricone, des dialogues tranchants comme des lames de rasoir, d'une rigueur absolue.
Le sexe est omniprésent et l'érotisme que dégage parfois le film est saisissant et parfaitement osé pour l'époque notamment la relation saphique entre Carole et sa voisine. Ambiance psychédélique, le film dont les effets spéciaux sont signés Carlo Rambaldi est une véritable réussite technique et artistique, un grand thriller qui demande toute l'attention du spectateur, un thriller où chaque scène a son importance, où chaque minute apporte son élément nouveau.
Florinda Bolkan dont le jeu est parfait est resplendissante dans le rôle de Carole aux cotés de Jean Sorel, Anita Strindberg et Stanley Baker. Le venin de la peur est un film sinistre, aux charmes cruels et pervers mais diaboliquement beau... La beauté du diable.
Un omicidio perfetto a termine di legge réalisé en 1971 par Tonino Ricci est inspiré quant à lui des Diaboliques de Clouzot. On retiendra de ce giallo alambiqué au scénario plutôt complexe dont Philippe Leroy est le principal protagoniste une de ses scènes de meurtre qui offre une certaine ressemblance avec un de ceux de Ténèbres, celle de la jeune victime qui, frappée à mort, macule de son sang sa chemise blanche.
La notte che Evelyn usci dalla tomba / L'appel de la chair ajoute quelques éléments surnaturels aux codes argentesques même si l'explication finale est des plus rationnelles. Cet élément fantastique inauguré donc par Emiglio Miraglia va donner naissance à un petit sous filon giallique, le giallo surnaturel, qui se clôture inéluctablement dans la plus simple des logiques.
La notte che Evelyn usci dalla tomba également connu sous le titre La crypte du fou est un singulier giallo argentesque qui se déroule dans une ambiance horrifico-gothique qui rappelle les films de Poe. Miraglia nous offre son lot de meurtres brutaux commis par une étrange silhouette le tout dans un climat d'amoralité plutot agréable typique du cinéma d'horreur des années 70 puisque Miraglia saupoudre son film d'un bon zeste de sadomasochisme. L'intrigue plutôt complexe ne manque pas d'originalité et aida le film à se tailler au fil du temps une sympathique réputation aidé en cela par la présence d'Erika Blanc qui n'hésite pas à se dénuder pour se faire fouetter et maltraiter par un Anthony Steffen sadique et pervers à souhait.
Coproduction allemande, La dame rouge tua 7 fois est le second giallo que tournera Miraglia. Il s'inspire cette fois d'une légende ou plus exactement d'une malédiction, celle qui touche les Wildenbrück. Cette dernière voudrait que la revancharde Dame rouge revienne tous les cent ans posséder un membre de la famille qui ainsi assassinerait six personnes avant d'occire la Dame noire, la propre soeur de la possédée. Cette légende serait née d'un tableau qui orne un des murs du salon du château qui lorsqu'elles étaient enfant terrifiaient Kathy et sa soeur, Evelyn. Leur grand-père aurait été tué une nuit par la Dame rouge. C'est un peu plus tard que Kathy aurait malencontreusement enlevé la vie à sa soeur. Avec l'aide de Francisca, elle a caché le corps dans les combles du château afin que le crime ne soit jamais découvert. Devenue photographe de mode, Kathy voit sa vie bouleversée lorsqu'une série de meurtres touche son entourage proche. Tous auraient été tué par l'ombre spectrale de la Dame rouge. Lentement la jeune femme, à la tête d'un bel héritage suite au décès du grand-père, sombre dans la folie pensant que Evelyn est revenue d'entre les morts assouvir sa vengeance.
De Argento, ce second giallo dont l'action se situe en Bavière pille le fameux trauma infantile d'une jeune femme fragile sur lequel repose en majeure partie l'intrigue, l'univers bourgeois décadent dont les principaux protagonistes sont issus, les meurtres sadiques (gorge empalée sur une grille, main perforée, tête fracassée, victime tirée par une voiture, corps massacré...) la plupart perpétrés à l'arme blanche, un poignard, par une énigmatique silhouette non pas drapée de noir ici mais de rouge, les multiples coupables potentiels et la comptine musicale qui sert de leitmotiv au film. Pour continuer dans les références, le monde du mannequinat et des photos de mode feront quant à eux inévitablement penser à Mario Bava.
Pour le reste, Miraglia apporte à l'ensemble sa touche personnelle puisqu'il insuffle au récit une profonde aura gothique en y ajoutant justement grand nombre d'éléments du cinéma d'épouvante gothique. Des petites filles lors de la magnifique séquence d'ouverture qui sont comme hypnotisées face à la peinture qui illustre la malédiction de la Dame rouge et de la Dame noire à l'angoissant final dans la crypte du château en passant par les apparitions spectrales de la fameuse Dame rouge, la présence des rats, les diverses touches fantastiques et cet incessant chassé-croisé entre la réalité et le surnaturel, le film de Miraglia se veut original et parfois même onirique tout en se réclamant de la grande tradition du cinéma d'épouvante à l'ancienne. Le mélange des deux genres est subtil, très agréable d'autant plus que Miraglia parvient à créer une atmosphère étrange, à la fois mélancolique et angoissante, où le passé ne cesse d'interférer avec le présent dans un va-et-vient continuel. Cette note fantastique donne au film son principal attrait puisqu'il faut reconnaitre que La dame rouge tua 7 fois n'est pas aussi fin dans son scénario somme toute assez classique et non exempt de défauts.
Si on pourra passer sur certaines improbabilités et autres incohérences scénaristiques, on retrouve assez rapidement tous les ingrédients propres au giallo traditionnel soit un sombre héritage familial et un soupçon de jalousie qui se trouvent être la source de cette machiavélique machination autour de laquelle gravitent tout un tas de coupables potentiels décimés un à un par l'inévitable assassin masqué dont il ne reste plus qu'à deviner l'identité.
Voilà peut être le gros défaut du film de Miraglia, un défaut qu'on retrouvait déjà dans La notte che Evelyn usci dalla tomba. Si Miraglia brouille les pistes comme il peut, l'élément surnaturel n'est pas assez crédible pour faire naitre dans l'esprit du spectateur un quelconque doute. Les apparitions de la Dame rouge, aussi fantomatiques et fascinantes soient elles parfois, ne font guère illusion. On voit très vite qu'il s'agit d'une supercherie, un mystérieux meurtrier tout simplement déguisé en femme, dont le mobile est l'argent. L'irrationnel étant ainsi détruit il ne nous reste plus qu'à mener notre enquête et tenter de découvrir qui en veut tellement à la pauvre Kathy. L'amateur n'aura guère de mal à se faire une idée et le final un brin tiré par les cheveux ne l'étonnera donc pas réellement si ce n'est par sa facilité et son invraisemblance.
Malgré cela, La Dame rouge tua 7 fois est un agréable divertissement, un thriller efficace qu'on aurait aimé un peu plus inquiétant à l'image même de l'horrible tableau sur lequel repose cette malédiction ancestrale. On se laissera aller face aux très beaux décors du château, à cette superbe séquence d'ouverture qui se range sans peine auprès des meilleurs moments de films mettant en scène des enfants maléfiques. On appréciera certaines des apparitions de la Dame rouge par instant surréalistes (lorsqu'elle court vers la caméra, brandissant son poignard, toute cape au vent dans le long couloir désert), la magnifique partition musicale signée Bruno Nicolai qui mélange air de comptine, clavecin, orgue et rock psychédélique avec art et subtilité et la présence au générique de Barbara Bouchet, toujours aussi belle, parfaite dans le rôle de Kathy, même si ses admirateurs regretteront que Miraglia ne la dévêtisse pas plus. Il faut signaler que cette fois l'érotisme n'est pas réellement au rendez-vous et se fait plus que discret. A ses cotés, on retrouvera le visage anguleux de Marina Malfatti, la déjà très pulmonée mais encore inconnue Sybil Danning et Pia Giancaro, une habituée de la décamérotique. Ugo Pagliai, alors charmeur de ses dames et sex symbol des programmes télévisés en Italie, est ici l'atout masculin du film.
La crypte du fou et La dame rouge engendreront quelques autres gialli surnaturels comme Quando Marta urlo dalla tomba de l'espagnol F. Lara Polop avec Ida Galli et Una tomba aperta, una bara vuota / Il cadavere di Helen non mi dava pace de Alfonso Balcazar Granda.
Quando Marta urlo della tomba / La mansion de la niebla est un thriller gothique où le surnaturel semble le plus souvent l'emporter sur le rationnel jusqu'au rebondissement final où chacun des terribles évènements que les différents protagonistes auront vécu dans ce manoir perdu au milieu de nulle part trouvera une explication bien naturelle comme en réclame tout bon giallo.
Suite à divers incidents dus à un épais brouillard, un groupe de personnes venues de différents horizons se sont égarées en pleine nuit dans la campagne. Elles se retrouvent toutes dans un inquiétant manoir situé près d'un cimetière. Toutes ont un point commun: celui de s'être déjà rencontrées auparavant pour diverses raisons mais également d'avoir des vies dissolues. Sont ainsi regroupés Elsa, une belle névrotique hantée par le souvenir de son père, la petite amie de Fred, un jeune motard rebelle qui se dispute une jolie auto-stoppeuse avec un vieux bourgeois coureur de jupons, un avocat et son épouse... La propriétaire des lieux, Marta, les accueille. Sa vieille tante est décédée trente ans auparavant dans un accident de voiture qui causa aussi la mort de son amant et du chauffeur. Son fantôme hanterait désormais les lieux. Le village le plus proche est aujourd'hui abandonné suite à une série de mystérieux meurtres qui ont suivi la tragédie. Les villageois sont en effet persuadés que ces crimes sont l'oeuvre du spectre de la vieille femme dont Marta est le parfait sosie. Durant cette longue nuit, le fantôme de la tante et du chauffeur apparaitront aux invités qui seront tour à tour assassinés.
Ce qu'on retiendra avant tout de Quando Marta urlo dalla tomba ce n'est certes pas son scénario somme toute classique mais bel et bien l'atmosphère que Polop tente de créer à travers un décor des plus lugubres où on retrouve quasiment tous les éléments du cinéma d'épouvante gothique: un manoir perdu au milieu d'une campagne envahie par un épais brouillard, un vieux cimetière abandonné, les apparitions fantomatiques de la vieille femme et de son chauffeur, les ombres dans le brouillard qui ici devient presque un personnage à part entière du film, le portrait austère de la tante et les horribles tableaux diaboliques qui ornent les murs et semblent menacer les invités, les cryptes humides, des décors lugubres tout spécialement soignés admirablement bien photographiés. Polop se permet même de reprendre une certaine imagerie propre aux légendes populaires au détour de quelques séquences notamment celle où deux des protagonistes croisent sur la route une silhouette noire encapuchonnée portant une faux, funeste symbole de la mort qui les attend, qui se révèlera n'être qu'un simple paysan avançant dans cette incroyable purée de pois. En alternant les tons bleus (les extérieurs et les vêtements que portent Marta et Elsa) et orangés (l'intérieur du manoir), le cinéaste crée un contraste visuel saisissant qui d'une certaine manière délimitent le réel du surnaturel tout comme il aime faire glisser de façon habile le présent vers le passé lors de jolis flashes-back. On est parfois proche d'un certain onirisme, un fantastique que Polop veut subtil. Les procédés sont simples, particulièrement esthétiques mais sont ils efficaces?
Efficacité ne rime pas forcément avec beauté et cela se confirme malheureusement ici. Malgré des efforts louables, Polop use et abuse des grosses ficelles du genre sans jamais arriver à rendre effrayante cette histoire, à créer une atmosphère réellement angoissante, prenante ou même fascinante. La musique de Marcello Giombini faite d'orgues et de violons auxquels se mélangent des cris, des rires et d'étranges bruits rappelle bien entendu les meilleurs moments des films d'horreur d'antan mais elle ne parvient pas non plus vraiment à rendre inquiétant les lieux. A quoi peut être du cet échec? A un rythme quasi inexistant, une narration trop en déséquilibre qui fait la part belle à l'action et aux effets sanglants uniquement lors des vingt dernières minutes, une mise en scène beaucoup trop plate mais surtout à la grossièreté des moyens employés. A aucun moment le scénario ne parvient à être vraiment crédible tant la supercherie semble énorme. Les apparitions de la tante et du chauffeur zombifié dés la seconde partie du film prêtent plus à sourire qu'elles n'effraient tant elles sont artificielles, peu aidées par des maquillages peu convaincants. L'effet surnaturel ainsi balayé ne reste plus au spectateur qu'à découvrir, l'oeil rieur, l'identité du ou des coupables et leurs motivations. Mais là encore, la déception est au rendez-vous. C'est un peu surpris qu'on assistera aux jetés de masques et autres révélations lors d'un final un brin précipité assez invraisemblable.
L'interprétation trop transparente d'une distribution d'où aucun comédien n'émerge réellement n'aide guère à rehausser l'ensemble. Peu attachants les protagonistes font simplement ce qu'ils ont à faire, peu convaincants et convaincus, multipliant les actes incohérents dans leur démarche héroïque. Voilà peut être où se cache le véritable coté surnaturel du film de Polop! Seule Analia Gadé dans le rôle de la fragile Elsa parvient à donner à son personnage une certaine épaisseur, une certaine émotion qu'on aurait aimé retrouver chez ses partenaires. On sera tout de même heureux de retrouver parmi les invités Eduardo Fajardo, les yeux revolver du regretté Andres Resino. Ida Galli alors en pleine période giallo endosse quant à elle la peau de la troublante Marta.
Malgré ses défauts et l'invraisemblance du scénario, Quando Marta urlo dalla tomba n'est cependant pas un mauvais film. On se laissera séduire par son esthétisme, sa beauté visuelle, certains parmi les plus émotifs seront sensibles à certains effets qui leur procureront quelques doux frissons. Ce premier essai de Polop en tant que metteur en scène est un petit thriller gothique dans le plus pur style espagnol d'alors, un simple divertissement d'épouvante qui à défaut d'être crédible fera passer un agréable moment aux amateurs pour le peu qu'ils ne soient pas trop difficiles. Reconnaissons tout de même qu'on a vu bien pire du coté de nos amis transalpins.
Una tomba aperta, una bara vuota dont on doit le scénario à José Ramon Larraz se situe quant à lui dans en Angleterre de pacotille. Balcazar Granda tente de recréer une ambiance typiquement britannique digne des grands thrillers tendance gothique dont Rebecca tout en lorgnant furieusement vers les oeuvres de Miraglia, plus précisément La notte che Evelyn usci dalla tomba. La jeune épouse de Oliver est morte dans des circonstances restées énigmatiques. Trop ivre pour se souvenir de ce qui s'est réellement passé cette nuit là, il doit se contenter des affirmations de sa belle-mère. Il aurait poussé involontairement Helen du haut des escaliers après qu'il ait découvert qu'elle entretenait une relation saphique avec la domestique. Rongé par la culpabilité, il épouse en seconde noces la jeune Ruth et l'amène vivre au vaste manoir familial. Elle va devoir affronter Sara, la belle-mère frustrée éperdument amoureuse de son beau-fils, sa soeur Jenny, passionnée d'entomologie, froide et distante et l'énigmatique domestique Clara. Tout au manoir rappelle la présence de la défunte. Ruth doit vivre avec cette présence jusqu'au jour où l'entourage de Oliver est décimé par un tueur ganté de noir.
L'intrigue maintes fois vue n'est guère originale mais le plus déroutant ici est la platitude de la mise en scène. Si les principaux éléments du thriller gothique sont bel et bien réunis Balcazar est incapable bien malheureusement de créer la moindre atmosphère tant et si bien que son film tourne dans le vide. Aurait il crée le giallo catatonique? Le doute s'insinue très vite dans l'esprit du spectateur qui vainement attend qu'il se passe quelque chose. Durant les 60 première minutes Balcazar accumule de longues scènes où les personnages se dévisagent, se toisent, s'évitent, se lancent des regards accusateurs remplis de haine ou de frustration lorsque la belle-mère n'épie pas les ébats du jeune couple par un système installé sur le mur de sa chambre tout en se donnant du plaisir. Morbide certes mais on ne crée pas une ambiance par cet unique procédé à moins d'en avoir les réelles capacités ce qui n'est pas réellement le cas de Balcazar. Ses tentatives tombent vite à plat et engendrent plus l'indifférence qu'un sentiment de malaise d'autant plus que le dernier des idiots aura dés les premières minutes deviné le pourquoi du comment et par conséquent l'identité de l'assassin et la reconstitution de la mort de Helen.
C'est lors dés 15 dernières minutes que le réalisateur se souvient soudainement qu'il est censé tourner un giallo horrifique. Il tue alors à la chaine tous les protagonistes dont il se débarrasse en cinq minutes tapantes d'une manière particulièrement stupide. On appréciera les meurtres plutôt sanglants tous perpétrés au couteau mais une telle précipitation faisant fi de tout bon sens finit de saborder un projet déjà bien mal mené. Les ultimes minutes et les confessions du meurtrier ne surprendront personne, elles ne feront que confirmer d'une part l'indigence de l'intrigue d'autre part ce qu'on avait tous soupçonné. Dépourvu de toute tension narrative, Una tomba aperta una bara vuota n'a guère de raison d'exister si ce n'est pour la relative beauté des décors du manoir, inquiétant, son joli thème musical, son soupçon d'érotisme et ses quelques effets sanglants mais cela ne suffit pas à élever le niveau d'un film rongé par l'ennui. L'interprétation est à l'avenant. Jose Antonio Amor hormis lancer des regards apeurés vers son passé semble réciter sous sédatif, Nuria Toray est une odieuse belle-mère voyeur et frustrée rongée par un amour impossible dont la principale fonction est de dévisager avec envie ou violence le pauvre Oliver tandis que la candide Daniela Giordano, mal employée ici, est la fragile épouse, plus belle que bonne actrice car mal dirigée.
Soulignons que la version espagnole, régime franquiste oblige, fut autrefois expurgée des plans de nudité et des effets sanglants soit quelques dizaines de minutes. La version italienne est quant à elle intégrale.
Il diavolo nel cervello, unique giallo de Sergio Sollima, interprété par Stefania Sandrelli, Keir Dullea et Tino Buazzelli s'est taillé une solide réputation dans le genre. Sollima signe un film plus proche du thriller psychologique que du giallo dit argentesque, rassemblant la plupart des éléments essentiels des gialli de Lenzi. Dénué de toute séquence de sexe et de violence, Il diavolo nel cervello , petit chef d'oeuvre du giallo psychologique bercé par la musique de Ennio Morricone, se caractérise avant tout par sa lenteur et l'atmosphère qu'il tente de mettre en place. Bien déçus seront donc ceux qui espéraient là un film sanglant hanté par un aussi mystérieux que sadique assassin.
L'intrigue tourne autour d'une jeune fille, Sandra, psychologiquement malade depuis un tragique accident. Protégée par sa mère, elle vit plus ou moins recluse dans l'immense propriété qu'elle partage avec son nouveau mari et leur jeune fils. Surgit alors son premier amour revenu des Etas-Unis où il était parti quelques années pour affaires. Si elle ne se souvient pas de lui, son retour coïncide avec une série d'évènements étranges qui vont faire lentement basculer la jeune fille dans la folie. Son mari est tué, un cadavre est retrouvé dans le jardin et tout tenterait à prouver que le tueur n'est autre que leur petit garçon, Ricky, un enfant étrange et renfermé.
Première originalité du film est le fait que Sollima confie l'enquête non pas un inspecteur et encore moins à la police, totalement absente cette fois, mais à l'ex-fiancé de Sandra et un docteur plutôt enveloppé et surtout fort soupçonneux, bien décidé à élucider les raisons profondes du traumatisme de la jeune fille. Ensemble ils vont tenter de mettre à jour le complot qui semble se tramer autour de Sandra.
Deuxième originalité, l'absence totale de meurtre et de sang versé si on excepte la mort de l'époux de Sandra, retrouvé allongé sur le sol du salon, l'enfant à ses cotés. Allant à contre-courant des tendances d'alors, Sollima parvient à créer une véritable atmosphère sans la moindre effusion d'hémoglobine.
Troisième et dernière originalité, l'absence de suspens au profit d'une construction d'atmosphère familiale étouffante qu'on devine cacher de nombreux secrets inavouables ou interdits et d'une analyse de chaque personnage par le biais du docteur.
Si on pourra reprocher au film sa lenteur et une certaine mollesse dans la mise en scène tout spécialement durant la première partie, on ne pourra pas reprocher à Sollima la méticulosité avec laquelle il met en place son histoire et le soin apporté aux dialogues.
Ce giallo cérébral et surtout atypique bénéficie en outre d'un joli final assez bien trouvé et plutôt inattendu même si une fois encore certains pourront le trouver un brin tiré par les cheveux.
L'interprétation est remarquable en particulier le jeu fort convaincant d'une toute jeune Stefania Sandrelli dans le rôle de la malheureuse Sandra.
Sergio Pastore nous offre de son coté Sette scialli di seta gialla avec Silvia Koscina et Anthony Steffen, un intéressant giallo puisant ses origines dans plusieurs oeuvres. Sette scialli di seta gialla s'inspire ouvertement de nombreuses oeuvres y compris dans son scénario. La première influence est celle de Dario Argento dont le film reprend quelques bases du Chat à neuf queues pour le protagoniste aveugle qui enquête et de Quatre mouches de velours gris pour le mari protégeant son épouse de sa folie homicide.
Sette scialli di seta gialla s'inspire surtout d'un vieux thriller de Henry Hathaway réalisé en 1954 23 paces to Baker street dont il repend le point de départ.
Un tel amalgame était risqué mais le résultat final est plutôt satisfaisant et surtout convaincant. Mais les influences ne s'arrêtent pas là. Pastore s'est souvenu du Venin de la peur de Fulci pour la séquence où le héros sonorise une scène d'un thriller et de 6 femmes pour l'assassin pour l'atelier de mode et ses jeunes modèles. Il ne pouvait pas ne pas rendre hommage à Psycho en incluant dans son film l'indispensable scène de douche. La mort du tueur sera reprise dans Sotto il vestito niente / Où est passée Jessica de Carlo Vanzina en 1983.
Dans ce kaleidoscope agréablement agencé demeurent fort heureusement quelques originalités dont celle du châle de soie jaune meurtrier que reçoit chacune des victimes. Petite anicroche aux codes du giallo, si le traditionnel tueur chapotté tout de noir vêtu est bel et bien présent, c'est à un chat noir qu'il délègue ses fonctions macabres. Le félin excité par l'odeur dont le châle est imprégné attaque la victime, les griffes recouvertes de curare. Encore plus original, il se sert d'une malheureuse jeune femme en détresse qu'il tient sous son joug en lui fournissant la drogue dont elle a besoin pour tuer à sa place. Ce personnage est non seulement interessant pour sa detresse mais surtout pour son énigmatique présence, silhouette hésitante engoncée dans son manteau blanc à capuche, le regard éteint et le teint blême vivant seule dans sa petite animalerie, hantée par un passé aussi glorieux que révolu.
Sette scialli di seta gialli n'est donc pas un giallo très sanglant et ceux qui en attendraient des flots d'hémoglobine et des meurtres sauvages seront déçus. Pastore se concentre davantage sur l'enquête qu'il parsème de quelques rares attaques félines. Qu'on se rassure tout de même, il nous gratifie de deux meurtres particulièrement violents dont celui de Margot, lacérée au rasoir sous sa douche, d'une brutalité stupéfiante montrant toute la folie et la haine homicide du tueur, véritable carnage se concluant par un sein tranché.
Sette scialli di seta gialla dont le motus operandi est cette fois la haine de la beauté qui conduit au meurtre un esprit ravagé par le traumatisme engendré par un corps à jamais mutilé fait partie des pièces maîtresse du giallo même s'il n'est pas le plus original ni le plus interessant malgré les nombreuses références et citations dont il est truffé.
Pour sa seule et unique unique incursion dans l'univers du giallo, Giuliano Carnimeo s'est entouré d'une solide équipe puisqu'on retrouve notamment au scénario le talent de Ernesto Gastaldi et Stelvio Massi à la photographie tandis qu'il fait de Edwige Fenech, une des reines du genre, sa principale héroïne. Malgré cela Perche quelle strane gocce di sangue sul corpo di Jennifer devenu étrangement Les rendez-vous de Satan en France ne dépasse jamais les limites d'un honnête thriller qui ne brille guère par son originalité.
Si chez Sergio Martino l'argent et autres enjeux financiers était souvent le moteur de l'intrigue, si le dédoublement de personnalité et les coups de théâtre répétitifs caractérisaient ceux de Umberto Lenzi, Carnimeo s'intéresse plus quant à lui à l'aspect horrifique des meurtres même s'il demeure en fait assez sage tandis que Edwige reprend tout bonnement le rôle qu'elle avait déjà dans les gialli de Martino notamment L'alliance invisible de par le fait que jadis son personnage a appartenu à une sorte de secte dont le gourou était son ex-mari. On en saura guère plus, quelques images lors d'un flash-back nous la montrera simplement, Carnimeo reste assez superficiel à l'image même du film. Et c'est peut être là le défaut majeur des Rendez-vous de Satan.
En fait, Carnimeo use de toutes les règles de base du genre de façon pas forcément astucieuse. Il en résulte un film qui par instant va à l'encontre de la logique ou du bon sens et accumule les fausses pistes souvent grossières. En fait toute l'intrigue est basée sur ce jeu de fausses pistes mal agencées qui ne tromperont finalement que le novice. Les personnages sont trop caricaturaux, trop téléphonés, tous trop coupables ( la vieille et étrange voisine, le fils monstrueux, l'architecte que tout accuse ou le mari jaloux et obsédé sexuel) pour qu'on tombe dans le piège. Il n'en reste au final qu'un seul, le véritable assassin dont l'identité ne surprendra guère l'amateur.
On regrettera également cet humour dont Carnimeo a cru bon d'agrémenter son film. L'enquête plutôt bavarde au départ est alourdie d'une part par les incessantes pitreries du jeune adjoint de l'inspecteur et d'autre part les réflexions jamais très drôles de ce dernier. D'une étonnante pudeur pour ce genre qui nous avait habitué à bien plus de débordements, l'érotisme et par conséquent la perversion sont ici d'une sagesse extrême, simplement distillés ça et là au travers de quelques rapides séquences dont celle, très belle, où Edwige, nue, est recouverte d'iris. Inutile de dire que les admirateurs de Edwige seront cette fois bien déçus. Si l'érotisme fait cruellement défaut, le saphisme, époque oblige, est en constante filigrane. Jamais réellement montré, il est cependant omniprésent par simples allusions et sous entendus et se trouve être le motus operandi de l'assassin, une tare qui a perverti et souillé un ou une de ses proches.
Les meurtres ne sont guère spectaculaires, tous perpétrés à l'aide d'un petit couteau par la traditionnelle ombre masquée toute de noir vêtue, gants et chapeau, les mains recouvertes de gants de caoutchouc couleur chair luisant dans la nuit. On retiendra surtout le crime perpétré dans l'ascenseur lors de l'ouverture du film.
Perche quelle strane gocce di sangue sul corpo di jennifer, rythmé par une jolie composition musicale signée Bruno Nicolai, bénéficie d'une solide interprétation avec en tête, outre Edwige Fenech, George Hilton et Annabella Incontrera.
Alberto Di Martino, un des réalisateurs italiens les plus américains à qui on doit nombre d'intéressants thrillers et polizeschi mais quelques films fantastiques ou d'horreur tels que Holocaust 2000 ou L'Antéchrist réalisa en 1972 L'assassino è al telefono / Dernier appel avec Telly Savalas et Anne Heywood après avoir déjà caressé le genre avec Perversion en 1968.
Le film repose sur une intrigue plutôt intéressante. Une actrice de théâtre est frappée d'amnésie suite au décès de son compagnon dans un accident de voiture. Assailie par de terribles visions, traquée par un mystérieux homme armé d'un canif, la jeune femme vit constamment entre la réalité et ses cauchemars. En retournant au chalet où se déroula le drame, elle va enfin retrouver la mémoire. Si couchée sur le papier l'histoire semble être captivante, il en va assez différemment à la vision du film faute en incombe à une réalisation beaucoup trop monotone. Pourtant spécialiste de l'action, De Martino ne parvient à aucun moment à instaurer une quelconque atmosphère encore moins à créer une once de suspens. C'est bien passif qu'on suit l'héroïne dans ses démarches pour découvrir les secret de son passé qui resurgissent par bribes, un voile se soulève pour en soulever un autre, les pièces du puzzle se mettent en place lentement sans grande surprise. Son accident avait été prémédité, la mort de son petit ami est en fait un meurtre. Peu énergique, le film ronronne et ce n'est pas le fait de découvrir que la comédienne était une putain qui réveillera le spectateur un brin léthargique ni même les apparitions régulières de cet énigmatique homme qui suit l'héroïne, un canif à la main, campé par Telly Savalas. Dissimulé derrière ses lunettes de soleil, privé de tout dialogue, s'il devait insuffler au film une certaine angoisse, son personnage tombe malheureusement à l'eau et ne fonctionne à aucun moment.
Routinier, Dernier appel n'a d'intéressant que son final hitchcockien, hommage évident à Le grand alibi, situé dans un théâtre durant lequel les ultimes pièces de l'énigme se mettront en place faisant ainsi toute la lumière sur le passé de l'héroïne.
Dernier appel prêche donc par son indolence. On a heureusement connu De Martino beaucoup plus vigoureux et c'est justement la vigueur que fait cruellement défaut à ce giallo qui sans être raté ne passionne guère. Dernier appel ne laissera que peu de souvenirs après que le mot Fin soit tombé.
Beaucoup plus tortueux est Un bianco vestito per Marialé / Exorcisme tragique / Les monstres se mettent à table de Romano Scavolini avec Ewelyn Stewart, Ivan Rassimov, Gianni Dei et Luigi Pistilli. Il se distingue des autres films du genre par son ambiance qui mèle habilement le gothique et le surnaturel donnant au spectateur l'impression d'assister à une histoire de réincarnation.
L'aspect gothique du film provient surtout de son décor. Scavolini situe son film dans un château perdu au milieu d'un immense parc isolé de tout, fermé par une grille et férocement gardé par une meute de chiens. On retrouve là les bases d'un certain cinéma gothique avec ces souterrains, ces cryptes, un inquiètant majordome et de violentes tempêtes d'où surgissent d'horribles visions. Tout semble intemporel, par instant surréaliste et donne le sentiment au spectateur d'échapper à la réalité.
C'est dans cet univers que vit Marialé, jeune femme fragile totalement sous l'influence de son mari qui pour mieux la garder sous son contrôle pour de mystérieuses raisons lui fait prendre de force des sédatifs. Lorsqu'arrivent des amis de Marialé qu'elle a invité en secret pour se distraire un peu de son quotidien, tout cet univers va lentement basculer dans une sorte de cauchemar éveillé. Scavolini plus que jamais tente mélanger rêve et réalité dans une ambiance de décadence onirique. La fête se transforme bien vite en une orgie carnavalesque quasi felliniennes où, maquillés et costumés, les invités se livrent à tous les excès. Un bianco vestito per Marialé se transforme en une sorte de voyage hallucinogène au coeur de fantasmes débridés où le saphisme a bien entendu sa place même si cette fois il n'est présent que lors d'une brève séquence entre Pilar Velasquez et la jeune fille noire.
Scavolini va enchaîner toute une série de meurtres plutôt soignés, assez violents, la plupart à l'arme blanche (rasoir, couteau) même si l'assassin a également recours au bâton, à la noyade ou à des chiens féroces. Le film anticipe quelque peu l'ère du splatter movie avec outre la brutalité des morts le long et cruel meurtre dans la piscine. Les assassinats s'accélereront tout particlièrement vers la fin où on découvre toute la folie de Marialé et surtout la tragique destinée qui l'y a mené lors d'un final particulièrement tendu. La jeune femme va désespéremment tenter de revivre son terrible passé, cherchant à prouver qu'il existe en chaque être deux personnages opposés. En cela, la pièce de théatre morbide qu'elle met en scène ayant pour personnages ses amis en est une cruelle et terrible démonstration.
Exorcisme tragique- ce titre alternatif prend alors toute sa signification- n'est jamais que la représentation morbide d'une situation rituelle qui s'est déjà déroulée dans le passé et ne fait jamais que recommencer menant inéluctablement vers une mort prédestinée depuis le départ, une longue attente prenant finalement fin pour les trois derniers protagonistes attachés à tout jamais à leur coupable passé.
Plutôt efficace, Un bianco vestito per Marialé qui sortit jadis en salles sous le titre plutôt absurde Les monstres se mettent à table auquel on préfère et de loin sa dénomination vidéo Exorcisme tragique est un macabre voyage au coeur de la folie, un giallo étrange et dérangeant aux limites parfois du surréalisme se teintant de rouge sang.
Le film de Scavolini bénéficie de plus d'une belle photographie et d'une solide interprétation.
Cinque donne per l'assassino, titre en hommage au film de Bava, fut réalisé par Stelvio Massi en collaboration avec Fernando Di Leo et Umberto Lenzi . Voilà un mélange de polar traditionnel et de giallo à la Argento, ce deuxième aspect étant ici le plus intéressant. Massi prépare avec soin les meurtres s'attachant au détail qui sera la clé des révélations finales qui lorgnent vers celles de L'oiseau au plumage de cristal avec la découverte du tueur dans un état second. Pour le reste, les ingrédients du giallo traditionnel sont là, fausses pistes, suspects et bien sûr l'indispensable enquête.
On n'omettra pas bien sûr de parler de Profondo rosso / Les frissons de l'angoisse qui marquera en 1975 le retour de Dario Argento au genre. Le film est considéré par beaucoup comme une des pièces maîtresse du giallo puisqu'il renferme toutes les différents aspects de la peur et des terreurs les plus secrètes. Profondo rosso est un peu comme la réunion de toutes les pièces de ce qui fait le giallo argentesque, un condensé trés précis de la trilogie du réalisateur. Il sublimine et pousse ici à l'extrême toute sa thématique aussi bien narrative que technique mais cette fois il apporte à l'ensemble une touche innovatrice, celle de l'irrationnel et du fantastique. On part ici d'une prémonition, une vision mediumnique qui conduit à un enquête giallique traditionnelle mais qui cette fois n'est plus qu'un prétexte narratif. Il bouleverse les structures gialliques, se laissant aller à l'horreur qui vient contaminer la structure. Plus que jamais, le mode narratif de Argento se trouve ici toute sa force, certaines des images du film restant encore aujoud'hui des images impressionantes. On se trouve ici face à une fable noire, un film sourd et étouffant, une obsession homicide qui prend ses racines dans un passé dramatique, dans une dimension de folie horrifique, le tout baignant dans une atmosphère de constante angoisse. On y retrouve les éléments fétiche du genre, la contine, les habits noirs du tueur, les poupées, les coûteaux, les jeux, les passés douloureux, tous ces élèments étant dans Les frissons de l'angoisse au maximum de leur symbolisme. Le mal est incarné par ce tueur pervers, omniprésent et son visage, le visage de la Peur, sera révélé par le biais d'un jeu de miroir, sorte de composition quasi surréaliste.
Si le tueur semble omni-présent, la peur semble l'être aussi, symbolisée par ces chiens qui aboient, cette petite fille cruelle qui tue les papillons, la maison-sanctuaire mais elle est également présente par le biais de la para-psychologie et la violence des meurtres.
Cette peur est parfois mise en images avec brio comme la séquence de la mort de Giordani Glanco-Mauri avec cette horrible poupée mécanique ou la scène à l'école avec le faux coupable faisant le mort. La partition musicale, la trés belle photographie et le scénario parfait contribuent à faire de Profondo rosso l'aboutissement de l'oeuvre giallique de Argento. Plus que jamais, Argento est parvenu à mettre un visage sur la folie, de construire une véritable tragédie et ce tueur est peut être le plus épouvantable de la filmographie argentesque, aussi épouvantable que la révélation de son identité sera choquante. Si on lui trouve des points communs dans sa folie homicide qu'il cherche à libérer avec celle des psychopathes de Quatre mouches de velours gris et L'oiseau au plumage de cristal, Les frissons de l'angoisse ouvre également en quelque sorte l'ère des Trois Mères.
A ces gialli fondamentaux s'ajoutent toute une liste d'autres gialli que nous allons égréner sans plus tarder.
LES AUTRES GIALLI:
On passera assez vite sur La mort sonne deux fois / La morte bussa due volte, coproduction italo-germanique réalisée en 1969 par Harald Phillipp et Omicidio per vocazione / Homicide par vocation connu aussi sous le titre de L'assassino ha le mani pullite.
Harald Philipp signait en 1969 La mort sonne toujours deux fois, une petite série policière coproduite par l'Allemagne de l'Ouest qui du giallo n'en reprend seulement que quelques lointains éléments narratifs. En fait le film de Philipp s'apparente plus au polar et plus précisément au krimi, agrémenté d'un zeste d'érotisme. L'intrigue s'articule autour d'un meurtre commis sur une plage, celui d'une jeune femme dont le collier a été dérobé par l'assassin après qu'il l'ait tué. Son richissime époux va engager un détective privé afin qu'il retrouve le collier. Il se trouve qu'un homme a été témoin du meurtre. L'assassin n'est autre qu'un peintre excentrique et psychopathe qui a la fâcheuse tendance d'étrangler ses conquêtes féminines après leur avoir fait l'amour. Des gangsters vont alors avoir l'idée de lui faire endosser le meurtre qu'ils préparent. Va s'ensuivre toute une série de divers rebondissements. Co-écrit par Sergio Garrone à qui on doit quelques fleurons de l'euro-trash, La morte bussa due volte souffre avant tout d'une mise en scène sans grande originalité et d'un profond manque de rythme qui risque d'avoir vite raison du spectateur le moins endurci. Sorte de jeu du chat et de la souris dont l'enjeu est le fameux bijou volé, le film délaisse cette fois les effets sanglants puisqu'il est exempt de tout meurtre si on excepte la jeune femme étranglée au début du film au détriment d'une étude plus approfondie de la psychologie des différents personnages, fort nombreux soit dit en passant. A ce semblant d'analyse poussée s'ajoutent de nombreuses fausses pistes qui s'enchevêtrent de manière plutôt confuse jusqu'au final inattendu qui clôturera le film après toute une série de rebondissements plus ou moins alambiqués uniquement faits pour embrouiller le pauvre spectateur qui aurait décidé de mener l'enquête. Malheureusement la réalisation mollassonne et peu inspirée de Philipp gâche ces quelques efforts et rien ne vient vraiment sauver le film de sa ronflante routine. On a parfois l'impression de suivre un épisode d'une banale série télévisée sur lequel planerait l'ombre de Derrick ou plus exactement Simon Templar auquel le détective emprunte d'ailleurs l'impeccable brushing et le flegme. Et ce n'est ni l'érotisme particulièrement discret encore moins les rares écueils d'une violence très contenue qui changeront la donne encore moins ce soupçon d'homosexualité latente plutôt inutile ici entre le peintre névrosé et le détective.
On est donc loin des gialli de Lenzi dont on sent une vague inspiration, ces psycho-gialli axés autour d'une machination diabolique dont le principal suspect sûrement névropathe mais pas forcément assassin est la malheureuse victime.
On retiendra essentiellement du film sa très jolie photographie et l'utilisation judicieuse et surtout réussie des splendides décors maritimes notamment la villa de l'artiste peintre qui surplombe la mer ainsi que la belle partition musicale signée Piero Umiliani.
L'affiche qui reflète la double nationalité du film est quant à elle plutôt alléchante puisqu'on retrouve dans le rôle du peintre Fabio Testi qu'on a connu beaucoup plus inspiré et surtout plus pudique puisqu'il n'arrête pas ici d'exhiber ses pectoraux bronzés, torse nu, une chemise ouverte nouée sur le ventre, en mini short moulant ou en petit slip blanc, plus sexy que jamais, pour le grand plaisir de ses admirateurs, Dan Reed, le bellâtre du western spaghetti version années 60, est un élégant et raffiné détective et Adolfo Celi. Autour d'eux gravitent malheureusement trop rapidement Femi Benussi dont Philipp se débarrasse trop vite et la plantureuse fellinienne Anita Ekberg.
La mort sonne toujours deux fois est un petit thriller traditionnel estampillé fin années 60 certes intéressant, un brin confus, qui manque sincèrement d'énergie pour le rendre réellement captivant. Si la mort sonne deux fois, le film risque quant à lui de totalement sonner les moins aguerris.
Homicide par vocation de Vittorio Sindoni dans lequel on retrouve Femi Benussi s'attache à une famille devant hériter suite à la mort d'un de leurs membres. Tout tourne autour d'un meurtre mystérieux commis par un tout aussi énigmatique personnage. Sindoni aime brouiller les pistes de cette histoire familliale qui s'avère plutôt agréable à suivre. Mais son principal intérêt est son étonnant coup de théâtre final, totalement imprévisible qui renversera toutes les données.
Luigi Cozzi réalise en 1975 L'assassino è costretto ad uccidere ancora qui reste à ce jour son meilleur travail. Seule incursion du réalisateur dans le genre L'assassino è costretto ad uccidere ancora est souvent et à tort présenté comme un pur giallo alors qu'on est ici plus face à un thriller hitchcockien de bonne facture que d'un véritable giallo à la Argento d'autant plus que l'identité du tueur est révélée dés les premières images.
Coproduction italo-française même si le film est resté inédit chez sous nos cieux, L'assassino è costretto ad uccidere ancora peut être vu comme un hommage au maitre anglais. Le film lorgne en effet assez souvent vers L'inconnu du Nord-Express et s'inspire beaucoup de la trame narrative de Psychose. Du thriller à la Argento ne subsistent que de très rares séquences ou allusions plus ou moins directes comme par exemple les initiales D.A inscrites sur le briquet du tueur et l'image du meurtrier avançant un couteau luisant à la main.
Si Cozzi fait monter crescendo le suspens, le plus intéressant est certainement le ton qu'il emploie, plutôt inhabituel, basé principalement sur un montage habile tout en parallèle. Beaucoup de séquences semblent ainsi se compléter ou s'opposer ce qui donne à l'ensemble cette atmosphère étrange parfois dérangeante par la noirceur qui en découle.
Ainsi, lorsque le meurtrier assassine une jeune femme, on assiste parallèlement à la fête à laquelle s'est rendu son mari. Plus sordide par contre est la symétrie que Cozzi fait entre le viol de Laura et les ébats de son copain à l'arrière d'une banquette de voiture avec une inconnue. Les râles de plaisir se mêlent aux râles de douleur, les rires aux pleurs, le plaisir à l'horreur. Bien ironiquement, Laura venait quelques minutes auparavant de refuser sa virginité à son petit ami. Autre symétrie, celle de la maison ultra moderne aux couleurs jaune de l'architecte et la bâtisse délabrée au bord de la plage comparée au château de Dracula par la jeune fille, un endroit sinistre par conséquent particulièrement bien adapté aux morts violentes.
Mais le plus saisissant ce sont surtout les personnages eux mêmes. L'architecte est un homme austère, calculateur et cynique qui fait l'amour à sa femme en préparant sa mort. Luca est un play boy à double visage apparemment amoureux de Laura mais qui se révèle terriblement sexiste, n'attendant d'elle que sa virginité, poussant le cynisme jusqu'à lui présenter l'inconnue avec qui il l'a trompé. Le personnage clé du film restera cependant son tueur sans nom au visage sec, anguleux, aux traits durs, effrayants. On est ici loin du traditionnel assassin ganté et tout de noir vêtu, ce stéréotype que Cozzi n'appréciait guère. Nous sommes face à un être sans âme sorti de nulle part, une machine à tuer qui pourtant après le viol de Laura montrera un brin d'humanité comme s'il réalisait avec horreur sa véritable nature.
Tout aussi intéressant que soit L'assassino è costretto ad uccidere ancora on regrettera cependant deux choses. Cozzi semble parfois un peu perdu dans son histoire et se disperse un peu. Il abandonne notamment la relation qui unit le tueur à l'architecte pour se focaliser sur le rapt de l'épouse qui ne fait qu'illustrer une fois ce plus ces grandes peurs que vivait alors l'Italie, un point sociologique particulièrement important omniprésent dans le cinéma italien des années 70. Cozzi semble malheureusement parfois à court d'idée. Pour combler son scénario, il crée alors un personnage inutile, celui de l'inconnue blonde tombée en panne de voiture au bord d'une route de campagne même si on peut justifier sa présence comme un élément certes inutile mais qui conduira à la perte du tueur ainsi qu'une jolie occasion d'étaler un meurtre graphique particulièrement violent. Le plus décevant reste pourtant le final d'un illogisme sidérant, beaucoup trop bâclé et d'une totale improbabilité qui vient soudain gâcher l'histoire. Si la seconde partie du film était sur le déclin, ces ultimes moments sont à oublier
Peu graphique encore moins spectaculaire au niveau de ses effets sanglants et de la violence, mais c'était là le désir de Cozzi,on retiendra avant tout le viol de Laura et la mort de l'inconnue poignardée avec un incroyable sadisme, seul véritable moment sanguinolent du film. On appréciera une distribution fort alléchante et plutôt convaincante notamment George Hilton dans la peau d'un mari calculateur, le séduisant Alessio Orano dans le rôle de l'amant aussi sexiste que détestable mais dont les yeux bleus sont sans cesse mis en valeur par Cozzi comme pour mieux renforcer sa perfidie de son personnage, la frêle Cristina Galbo est d'une infinie tendresse notamment lors de son viol et Femi Benussi en blonde vaporeuse étale sa nudité sans complexe, apportant au film l'indispensable touche d'érotisme mais également la seule scène sanglante du film. Le tueur est quant à lui incarné par Antoine St John, véritable star de ce giallo pimenté par un humour noir fort agréable, dont on n'est pas prêt d'oublier l'effroyable visage.
Si L'assassino è costretto ad uccidere ancora reste une de ses oeuvres les plus intéressantes si ce n'est l'oeuvre la plus intéressante de Cozzi, malgré son scénario aux multiples références et clins d'oeil hitchockiens, malgré ses qualités et quelques excellents moments, le film n'arrive pas à totalement convaincre. C'est mitigé qu'on ressort de la vision de ce giallo avec l'étrange impression que Cozzi s'est un peu fourvoyé dans un histoire qu'il ne maitrise pas entièrement avant de s'y perdre. Voilà qui est dommage car en l'état L'assassino è costretto ad uccidere ancora est un divertissant thriller que l'amateur regardera tout de même avec un certain plaisir.
La polizia brancola nel buio de Helio Colombo est un giallo argentesque au sens strict du terme même s'il apparait bien peu intéressant et surtout très ennuyant tant il est farfelu et dénué de tout suspens. On suit simplement ici les exactions d'un maniaque qui s'évertue à tuer des modèles dans la propriété d'un photographe paraplègique qui a mis au point un système pour photographier les pensées. Son système permettra de découvrir l'identité du tueur.
Il vizio ha le calze nere de Tano Cimarosa, réalisé en 1975, ne tient pas les promesses que son titre alléchant nous laissait espérer. Le vice qui frappe comme d'accoutumée la classe haute bourgeoise est ici le lesbianisme, raisonprincipale de la folie meurtrière de son assassin, tout de noir vêtu comme le veut la tradition, décimant ses victimes à l'arme blanche, l'habituel rasoir, si on excepte un meurtre commis par strangulation à l'aide du fameux bas noir cité dans le titre. En effet, dans une tranquille petite bourgade, des femmes sont assassinées par une mystérieuse silhouette sans qu'il existe de lien apparent entre elles. La découverte d'une photo où elles sont toutes regroupées va alors orienter les recherches de l'inspecteur vers une riche famille de notables dont le mari pourrait être le coupable, se vengeant ainsi de l'homosexualité de son épouse.
On l'avait depuis longtemps remarqué l'homosexualité dans le cinéma italien a souvent été considérée comme une tare, une maladie source de bien de turpitudes. En faire le coeur même des motivations du tueur était une idée en soi plutôt intéressante. Malheureusement rien ne fonctionne réellement faute à un scénario trop basique et une mise en scène paresseuse presque ennuyeuse. Malgré quelques tentatives maladroites pour brouiller les pistes afin d'égarer le spectateur, l'amateur un tant soit peu habitué aux rouages du genre aura vite fait de démasquer l'assassin. Si les présumés coupables ne sont pas ici très nombreux, ce qui facilite encore plus la démarche du spectateur, il est également assez facile de s'apercevoir que malgré les bas noirs et les chaussures féminines, le tueur n'est autre qu'un homme déguisé en femme, ce qui élimine facilement quelques suspects. Ne reste plus donc qu'à attendre une conclusion bien peu percutante pour que nos soupçons soient confirmés. Peu convaincantes les explications finales sonnent creuses, récitées de manière monocorde et monotone par une Dagmar Lassander qu'on a connu bien plus en forme.
Si Cimarosa applique les règles de base du giallo il le fait avec une telle nonchalance que l'ensemble devient très vite trop mollasson pour captiver l'attention. Exempt quasiment de tout suspens et surtout de tension dramatique, Il vizio ha le calze nere est d'une stupéfiante linéarité. Même les meurtres, trop sages et bien mal amenés, ne parviennent pas à rehausser la platitude de l'ensemble. L'introduction d'une bonne dose d'humour via le personnage qu'interprète Cimarosa, trop habitué à la comédie, ne fonctionne pas du tout et n'aide en rien à rendre crédible une intrigue qui ne l'est guère dés le départ.
Peu passionnant Il vizio ha le calze nere se suit de façon distraite. Si quelques séquences retiennent l'attention (le fils de la comtesse s'acharnant sur une des conquêtes féminines de sa mère) c'est avant tout la distribution qui est ici assez intéressante même si elle ne fait que le minimum requis puisqu'on y retrouve outre Dagmar Lassander trop peu mise en valeur malheureusement quelques unes des sexy starlettes d'alors, Daniela Giordano et Magda Konopka. Il est assez surprenant mais très agréable de découvrir le pasolinien Ninetto Davoli au générique dans la peau d'un petit gigolo aux cotés de John Richardson alors sur le déclin qui interprète le commissaire et Giacomo Rossi Stuart.
Rythmé par une honnête et discrète partition musicale signée Carlo Savina, Il vizio ha le calze nere est un giallo de petite envergure à qui un peu plus de noir et beaucoup plus de vices auraient été salutaires. Totalement dispensable il trouvera essentiellement sa place chez le collectionneur assidu.
A mi-chemin entre le giallo et le polar se situe le film de Vincenzo Rigo Gli assassini sono i nostri ospiti qu'il tourne en 1974 avec Anthony Steffen et Margaret Lee. Rigo revisite pour la énieme fois The desparate hours de William Wyler mais en y mettant l'accent cette fois sur l'aspect érotico-morbide. On retiendra de ce petit giallo ses nombreux coups de théâtre, une poignée de bonnes scènes et surtout son final qui le différencie des autres gialli qui reposent sur une trame similaire. Quoiqu'il en soit, Gli assassini sono i nostri ospiti est un film mineur dans la filmographie de Rigo bien plus à l'aise dans la sexy comédie.
Ciak si muore, écrit par Roberto Mauri un des spécialistes du film de vampire italien et réalisé par Mario Moroni repose sur une intrigue assez courante dans le cinéma d'horreur, le film dans le film. Ici, l'action se situe sur le tournage d'un film d'horreur justement durant lequel un tueur décime l'équipe. La fiction interfère donc continuellement avec la réalité mais le manque de conviction tant des interprétes dont George Ardisson et Annabella Incontrera que celle de la réalisation font de Ciak si muore un film plutôt ennuyeux et peu intéressant qu'un humour assez mal venu finit de tuer.
Tout aussi peu intéressant est Il baco di seta de Mario Sequi avec George Hilton où une actrice se fait dépouiller par un jeune gigolo qui est retrouvé assassiné. On frise ici le téléfilm et les révélations finales ne surprendront personne puisque le fin mot de l'histoire est une simple question d'assurance.
Giuseppe Bennati réalise en 1974 un intéressant giallo qui tentait de sortir des sentiers battus en y mêlant une dose de surnaturel qui par bien des moments oriente le film vers l'épouvante gothique traditionnel. Voilà bien l'originalité de ce thriller qui reprend la trame des fameux Dix petits nègres d'Agatha Christie qu'il transpose dans un somptueux théâtre où vont se retrouver enfermées toute une nuit durant neuf personnes qui entretiennent entre elles de coupables relations. Afin de célébrer son anniversaire, un vieil aristocrate du nom de Patrick Davenant invite son ex-femme Vivian, sa fiancée Kim, sa fille Lynn et son petit ami Duncan, sa belle-sœur Rebecca et son amante Doris ainsi que le médecin de famille dans un magnifique manoir abandonné pourvue d’une salle de théâtre dans laquelle selon la
légende, un siècle auparavant, une pièce y fut donnée. Durant la représentation, les neuf comédiens furent assassinés. Ils sont accueillis par le maitre des lieux qui très vite disparait. Un tueur masqué particulièrement sadique fait alors son apparition, décimant un à un les amis de l'aristocrate en suivant semble t-il la trame de la légende. Prisonniers du manoir dont ils ne peuvent plus sortir, ils se mettent à se soupçonner les uns les autres, chacun ayant de très bonnes raison d'être le tueur. Mais il semblerait qu'un fantôme hante également les lieux. La folie gagne lentement les rescapés. La nuit va être longue, très longue pour eux.
Enfermer un groupe de personnes dans un lieu clos où se cache un mystérieux assassin n'est pas nouveau, voilà le schéma type de bien des thrillers que suit ici scrupuleusement Bennati. L'assassino ha riservato nove poltrone pourrait donc vite s'enliser dans une certaine routine si ce n'était la facilité avec laquelle il joue sans cesse avec l'élément fantastique. Si on pense à Bloody bird ce sont surtout à d'autres classiques que le spectateur songera avec un plaisir non dissimulé tant les références sont ici agréables. Outre Les Dix petits nègres de la célèbre écrivain britannique, Bennati s'inspire également de L'ange exterminateur de Bunuel, du Fantôme de l'opéra dont le tueur fait irrésistiblement penser mais aussi à un petit chef d'oeuvre méconnu du cinéma d'horreur américain, L'ange du mal de Constantine Gochis à qui le metteur en scène semble avoir volé non seulement une partie de l'intrigue et un des masques de son meurtrier vengeur mais aussi sa cruauté lors de meurtres particulièrement violents qui punissent dirait-on les péchés de chacun. Autant dire que tous ces clins d'oeil donnent une saveur toute particulière au film et en font un de ses principaux atouts d'autant plus qu'ils s'insèrent parfaitement bien à cette histoire étrange où le surnaturel prend sans cesse le pas sur le naturel d'où ce agréable sentiment de ne jamais réellement savoir sur quel pied danser jusqu'au dénouement qui lui encore jouera sur les tableaux. S'il y a bien une explication des plus rationnelle à cette nuit de massacre, les ultimes scènes dans la crypte du manoir effaceront toute trace de logique au profit d'un dénouement purement fantastique, effroyable, qui renvoie ici aux meilleurs films d'épouvante gothiques jusqu'à l'ultime et superbe scène où le manoir réouvrira comme par enchantement ses portes aux lueurs de l'aube, offrant ainsi la liberté à l'ultime survivant ou le triomphe de l'innocence.
Un des autres atouts de cet inhabituel giallo gothique totalement inédit sont ses somptueux décors dignes là encore des plus grands films gothiques magnifiquement bien photographiés. Filmé dans un véritable théâtre, L'assassino ha riservato nove poltrone doit beaucoup à ces lieux à la fois magnifiques et inquiétants dont les éclairages qui privilégient les tons rouges, jaunes et orangés rappellent par bien des points Mario Bava. Bennati a très bien su jouer avec son décor, le mettre en valeur et l'utiliser du mieux possible. Aidé par une jolie partition musicale de Carlo Savina, il parvient à instaurer une véritable atmosphère à la fois terrifiante et mystérieuse parfois même aux limites de l'onirisme comme en témoigne la magnifique scène de la pièce fantôme. Alors que sur l'immense scène du théâtre, vide, jouent face aux neuf protagonistes des comédiens invisibles, une légère brise fait doucement voler rideaux et tentures, des formes ectoplasmiques semblant onduler au creux des plis au son des voix d'outre tombe qui récitent leur texte. L'érudit notera d'ailleurs ça et là quelques citations shakespeariennes issues du Roi Lear et de Roméo et juliette. Les amateurs d'effets sanglants applaudiront du fond de leur siège les quelques meurtres tous plus sauvages les uns que les autres, plus particulièrement ceux des deux amantes, Rebecca et Doris. Si Doris se fera écraser le torse par une porte coulissante, la caméra filmant sa lente agonie, la mort de Rebecca restera quant à elle dans les annales du cinéma de genre. Déshabillée puis violemment plaquée contre une table, elle succombera aux multiples coups de poignard que l'assassin lui assénera à l'intérieur du vagin, un meurtre phallique d'une sauvagerie inouïe, avant de finir une main clouée sur une poutre.%%%
Il est dommage qu'à de tels moments de pure violence succèdent malheureusement de longs passages parfois ennuyeux qui viennent casser un rythme au départ déjà trop inégal tandis que le coté claustrophobe de l'histoire n'est quant à lui pas assez appuyé. On regrettera également certaines incohérences qui font perdre au récit de sa force et surtout de sa crédibilité. On a parfois un peu de mal à comprendre l'attitude de certains personnages qui malgré la mort de leurs compagnons d'infortune ne semblent ni inquiets ni même terrorisés et continuent d'agir comme si ce de rien n'était. Voilà qui est d'autant plus incroyable qu'ils ne pensent qu'à copuler au beau milieu de cette demeure maléfique où se cache un dangereux maniaque. Voilà qui donne l'impression que Bennati se soumet aux exigences d'un certain cinéma d'exploitation où le sexe se doit d'être omniprésent... pour le plus grand plaisir d'un certain public... même si cette fois il semble arriver comme un cheveu sur la soupe. Cela est surtout et avant tout valable pour Lynn incarnée par Paola Senatore, un personnage clé de l'intrigue pourtant mais interprété sans grande conviction par l'actrice qui semble anesthésiée. Bennati la déshabille le plus souvent qu'il le peut et nous offre même un grand moment de cinéma lorsque, sous stupéfiants, elle se met à danser frénétiquement nue devant un miroir, une scène qui n'est pas sans rappeler celle qu'elle exécutait dans l'excellent et tortueux Madeleine anatomia di un incubo.
Si le lesbianisme est ici ouvertement montré et se vit au grand jour, beaucoup noteront cependant la remarque de Kim qui, courtisée par Doris, lui fait remarquer vertement que l'homosexualité est une déviance tout en soulignons qu'en aimant les hommes, elle est quant à elle normale, une habitude récurrente du cinéma transalpin des années 70 fermement marquée cette fois.
L'assassino ha riservato nove poltrone réserve au spectateur et fan de cinéma Bis une affiche des plus alléchantes qui rassemble sous le même toit hormis Paola Senatore, Janet Agren trop vite assassinée, l'androgyne Eva Czemerys, la filiforme Lucretia Love et la brune Rossana Schiaffino. Le grec Chris Avram, Howard Ross, et Gaetano Russo complètent cette distribution lumineuse.
Gianfranco Piccioli nous offre quant à lui en 1973 ce qui fut son seul film, le méconnu Il fiore dai petali d'acciaio avec Paola Senatore, Gianni Garko et Caroll Baker. L'intrigue ici tortueuse et assez improbable est un des points forts du film. On cherche, on s'interroge même si avec un peu d'astuce et en connaissant un tant soit peu les ficelles du genre on peut facilement entrevoir le pourquoi du comment.
Hormis son titre, on retrouve dans cette fleur aux pétales d'acier les bases du giallo Argentesque avec ces fameux échanges de personnalités mais le plus interessant ici est l'aspect désuet et bizarre qu'offre le film.
Il fiore dai petali d'acciaio c'est avant tout un style, un style psychédélico-flashy plutôt étourdissant et visuellement charmant si on est un tant soit peu sensible au genre. Les murs oranges se marient aux meubles en verre noir, le fluo côtoie le classique, le métal épouse les plastiques, on porte choucroute et frou-frou. Le film est le témoignage visuel de tout une époque qui aujourd'hui peut paraitre aux yeux de certains totalement kitsch voire hideuse.
Hormis cela, la mise en scène est des plus classique, sans réelle invention mais Piccioli fait la part belle aux comédiens qui s'en donnent à coeur joie semble t-il, tous fort rodés au genre. Epoque oblige, on y retrouve les indispensables scènes saphiques, ici entre les deux soeurs jouées par Caroll Baker et Paola Senatore qui nous offrent quelques plans de nudité asez soft. Hormis Caroll Baker qui signa là une de ses dernières participations au genre et Paola Senatore, on retrouve Gianno Garko, son épouse à la ville, Pilar Velasquez, et l'étonnant Ivano Staccioli. Un giallo plaisant et tout à fait regardable qui bénéficie d'une belle photographie notamment lors des séquences sous marines superbes.
En 1970, Michele Lupo réalise l'excellent Concerto per pistola solista, un insolite giallo-rosa avec Ida Galli et Gaston Moschin qui se déroule dans un manoir où un mystérieux assassin mû par la folie d'un amour impossible tue les héritiers du châtelain. Voilà un thriller cinglant typiquement britannique digne des meilleurs romans d'Agathie Christie aussi noir que drôle.
Duccio Tessari juste avant Una farfalla con le ali insaguinate dirigea La morte ha risale a ieri sera inspiré du roman de Giorgio Scerbanenco I milanesi ammazzano al sabato dans lequel un père désespéré se venge des assassins de sa petite fille . Tessari va mettre au point sa formule qu'il ne manquera pas de réutiliser par la suite, un meurtre unique autour duquel toute l'histoire tourne pour mieux s'intéresser à la psychologie des personnages qui baignent dans un milieu où régnent rancoeur, haine et morbidité au coeur d'une Italie provinciale. La morte ha risale a ieri sera est un des meilleurs films de Tessari.
Dirai ho ucciso per leggitima difensa de Angelino Fons rentre dans la catégorie des gialli familiaux où on se retrouve face à une intrigue des plus classiques, celle d'un homme mettant tout en oeuvre pour tuer son épouse afin de s'accaparer ses biens. Rien de bien original ici, le film de Fons est d'un classicisme à toute épreuve. Il a pour principal protagoniste le pasolinien Franco Citti.
Enzo Castellari officia une seule et unique fois dans le genre en 1971 avec Gli occhi freddi della paura, une oeuvre quelque peu marginale dans le giallo argentesque. Voilà une sorte de remake de The desparate hours de William Wyler où on assiste cette fois à la prise d'otage par deux criminels du fils d'un juge et d'une prostituée. Thriller à l'incessant suspens, aidé par l'obsédante partition de Ennio Morricone, Gli occhi freddi della paura ne comporte qu'un seul élément de giallo argentesque. Il se situe lors de l'ouverture du film où une jeune fille est menacée d'un couteau par un mystérieux assassin qui la dévêt avec l'arme avant qu'il ne fasse l'amour avec elle et ne la tue. Cette scène est en fait un film dans un film auquel assiste un public dans un cinéma.
Alberto De Martino va de son coté faire un insolite compromis entre le thriller agentesque et le polar d'action avec L'homme aux yeux de glace / L'uomo con gli occhi di ghiaccia dont les principaux protagonistes sont Antonio Sabato et Barbara Bouchet. Partant sur la condamnation à mort d'un jeune mexicain ayant tenté d'assassiner un ambassadeur, L'uomo con gli occhi di ghiaccia va lentement dériver vers le thriller avec ce personnage de tueur mystérieux au regard de glace, véritable coupable de cette intéressante intrigue rondement menée sur le modèle typique des thrillers américains, une sorte de course à la montre qui rappelle Una sull'altra de Lucio Fulci. Le film resortira quelques années plus tard sous le titre I racket dei violenti.
Le diable aux sept visages de Osvaldo Civirani avec Caroll Baker, Luciano Pigozzi, Ivano Staccioli et George Hilton ne s'apparente quant à lui au genre que par son titre. En fait, nous sommes ici face à un giallo d'action qui repose sur l'échange d'identité de deux soeurs jumelles sur fond de complot afin de s'emparer d'un fabuleux diamant, le fameux diable à sept faces qui donne au film son titre. Caroll Baker tient ici le double rôle des jumelles et apporte une touche à la Lenzi de par sa présence. Plutôt lent et platement mené, Le diable aux sept visages n'a d'ailleurs guère d'autre interêt que celui de revoir la blonde Caroll qui semble quelque peu s'ennuyer dans ce giallo d'action archi-convenu et au suspens émoussé mené pourtant par une partition musicale entrainante signée Stelvio Cipriani.
Civrani nous offrira la même année également une parodie du Chat à neuf queues avec I due gatti a nove code e mezza avec Franchi et Ingressia, le célèbre duo de comiques italiens.
Réalisé par l'énigmatique Piero Sciumé dont ce fut le seul et unique film, Senza via d'uscita fait aujourd'hui partie de ces films oubliés qui resurgissent de temps à autres, véritable petite curiosité pour l'amateur de pellicules obscures.
Senza via d'uscita est un petit giallo psychologique morbide dont le prinicipal attrait est d'avoir été entierement tourné à Stockholm. L'intrigue tourne autour du rapt d'un bébé, le fils d'un employé de banque à qui une forte rançon est demandée. Il va devoir voler cette somme à sa banque s'il veut revoir son enfant.
Plus que du rapt c'est autour de la folie d'une femme traumatisée par la mort de son enfant que s'articule l'intrigue du film. Et c'est sur cette folie que repose la diabolique machination orchestrée par les protagonistes tous plus haïssables les uns que les autres à savoir le mari, sa maîtresse et l'amant de l'épouse, un photographe. Tout serait simple si les relations qui existent entre eux n'étaient pas si complexes. La maîtresse du mari est également l'amant du photographe lui même amant de la malheureuse épouse, une relation dont le mari connait et accepte par dépit l'existence.
Tous tirent donc les ficelles de ce complot chacun de leur coté tandis qu'une rançon de quelques millions de dollars en est l'enjeu. On l'aura compris le rapt de l'enfant n'est qu'un terrible subterfuge afin de profiter d'une mère qui n'a jamais accepté la mort de celui ci trois ans plus tôt. Elle a lentement sombré dans la folie et remplacé son fils par une poupée qu'elle chérit, une situation destructrice qu'a du accepter plus ou moins contraint et forcé son mari.
Sciumé signe un film très lent où il ne se passe rien ou si peu de choses mais d'où suinte une étrange aura de mystère, une atmosphère curieuse à travers de laquelle on a du mal à entrevoir les tenants et les aboutissants de cette histoire. Quelques séquences tout aussi étranges parfois fascinantes entretiennent ce climat d'étrangeté notamment les longs flashes-back où Michèle se revoit avec son enfant jouant sur la plage avant qu'il ne disparaisse comme avalé par le néant, la marche des mannequins qui prennent vie ou les photos de Michèle qui défilent tant sous nos yeux que dans l'esprit de son mari avant qu'elles aussi ne prennent vie, illustration d'une folie dont cet homme accablé est aussi atteint à sa façon. On n'oubliera pas la fabuleuse et assez inattendue séquence de la mort de Michèle, violente et brutale.
Plus qu'autour de l'aliénation d'une femme Senza via d'uscita repose tout simplement sur l'aliènation d'un couple, une relation devenue impossible entre deux êtres à jamais perturbé par cette mort. Le titre qu'on peut traduire par sans aucune voie d'issue prendra tout son sens lors des ultimes images où même si le complot à fonctionné, la vie de cet homme ne sera plus qu'un long cauchemar dont il ne sortira jamais.
Au crédit du film, les jolies compositions de Philippe Leroy et Marisa Mell, souvent bouleversantes. Leroy est un mari éteint, zombifié, à bout de nerfs, à la fois déterminé, terrifié et pathétique. Marisa en plus d'être une épouse traumatisée est avant tout d'une beauté éblouissante, une beauté dont profite Sciumé qui nous offre un véritable défilé de photographies qui mettent en valeur son regard exceptionnel mais également son corps.
A leurs cotés, nous serons étonnés de retrouver un Roger Hanin tout jeune dans le rôle du photographe, impitoyable, cruel, dont la mort brutale en réjouira plus.
Correctement mis en scène malgré sa lenteur extrême qui risque d'en dérouter certains, on pourra reprocher à Senza via d'uscita son coté alambiqué qui débouche sur un final peu crédible. En voulant être trop complexe Sciumé égratigne quelque peu la logique de l'ensemble. On aura un peu de mal à croire à ce complot machiavélique engendré par une situation de départ trop tirée par les cheveux.
L'uomo più velenoso del cobra fut la seule incursion dans le genre de Bitto Albertini qui mèle cette fois le giallo d'atmosphère au pur film d'aventures. Un ex-gangster enquête sur la mort de son frère qui était alors associé à un homme des plus ambigus. Certain de sa culpabilité il va le tuer à son tour alors qu'en fait le véritable coupable est celui qu'on soupçonnait le moins. Filmé au Kenya et malgré ses trés beaux décors naturels, cet Homme plus dangereux que le venin du cobra dont le principal interprète est un George Ardisson plutôt fade cette fois n'apporte rien de bien neuf au genre et ce giallo ressemble plus à un safari qu'à un vrai thriller. Albertini sous une musique recyclée de Cipriani reprend la plupart des meurtres du Chat à neuf queues, meurtres au rasoir ou par strangulation.
On retrouve George Ardisson dans le premier des deux gialli que tourna Alfonso Brescia Il tuo dolce corpo da uccidere / Un si joli corps à tuer. Plutôt que de parler de véritable giallo, on préferera parler pour ce film de giallo ironique dans lequel Brescia tente de donner dans l'humour noir proche parfois d'un certain humour acide anglais. Cela fait d'ailleurs tout le charme du film. On suit donc un homme qui a été obligé de tuer une femme infidèle qu'il va ensuite découper en morceau et mettre dans une valise avant de devoir se séparer de l'embêtant bagage. Une bien macabre besogne pour découvrir au bout du compte que la femme est bel et bien vivante.
Alfonso Brescia revient au giallo l'année suivante avec Ragazza tutta nuda assassinata nel parco / Le manoir aux filles avec Robert Hoffman. Un homme d'affaires est retrouvé mort dans un luna park le jour où il venait de souscrire une importante assurance-vie. Son épouse va demander à un detective qu'elle invite au manoir famillial d'enquêter. Ils vont être alors persécutés par le fantôme de la victime.
Brescia réunit ici de trés légers élèments de giallo argentesque- la femme persécutée au téléphone par une voix étrange avant d'être attaquée par un inconnu alors qu'elle est seule chez elle- sans pour autant convaincre, ceci dû en partie à la complexité de l'histoire qui devient vite confuse. Brescia abandonne assez vite le thriller pour s'attarder sur l'aspect gothique mêlé d'érotisme sur fond d'enquête "giallique" pour finalement une simple histoire de vengeance qui ne méritait peut être pas une si grande complexité au niveau scénaristique.
Brunello Rondi met de son coté en scène un inquiètant et trouble Le tue mani sul mio corpo, un giallo psychologique méconnu, étrange et malsain, avec Lino capolicchio. Rondi nous offre ici une oeuvre morbide qui met en scène un adolescent traumatisé par la mort prématurée de sa mère. Peu à peu, il s'est enfermé dans un monde qu'il s'est fabriqué, un univers de rêves et de jeux macabres d'où toute réalité est exclue y compris l'amour. Lorsqu'un jour une jeune fille tombe amoureuse de lui, il se voit obligé de la tuer afin de rester sans sa folie. Rondi explore avec un certain talent la folie macabre dans laquelle s'est volontairement plongé un jeune homme afin de se couper de la réalité, n'acceptant pas la mort de sa mère.
Toujours dans le domaine du giallo psychologique, La controfigura de Romolo Guerrieri avec Jean Sorel reprend le thème du cadavre qu'on doit absolument faire disparaitre. Guerrieri ajoute à l'intrigue une dose bienvenue d'érotisme, le tout baignant dans une atmosphère étrange et ambigüe typique d'un certain cinéma des années 70.
Romolo Guerrieri s'était déjà fait remarquer dans le genre en 1968 avec son Il dolce corpo di Deborah / Le doux corps de Deborah, premier giallo que tourna alors la future héroine des gialli de Lenzi, Caroll Baker, aux cotés ici de Jean Sorel. Le doux corps de Deborah s'il possédait déjà les composants essentiels du giallo comportait également pas mal de rémiscences gothiques empreintes d'un coté surnaturel propres aux cinéma d'horreur et notamment à des oeuvres telles que L'horrible secret du Dr Hitchcock de Riccardo Freda. Deborah et son époux Marcel partent en voyage de noces lorsque Marcel apprend le suicide de son ex-petite amie Susan. Il ne cessera d'être obsédé par le fantôme de Susan et persécuté par des appels téléphoniques donnés par une étrange voix métallique. Petit à petit Deborah va sombrer dans la peur et la folie mais parviendra à déjouer l'affreux complot, résumant le tout par cette phrase: On n'est jamais assez riche!
Renato Polselli abonné aux films d'horreur sexy des années 70 réalisa un Delirio caldo avec l'interprète principal du Bourreau écarlate de Massimo Pupillo Mickey Hargitay. Un médecin impuissant tue et massacre des jeunes filles à l'aide d'un rasoir. L'originalité de ce film qui parfois tend vers 6 femmes pour l'assassin est dans le personnage de l'épouse qui une fois son impuissant de mari arrêté continuera le massacre afin qu'il soit relaché. Le film se terminera alors dans un bain de sang.
Assisté d'un jeune réalisateur Gian Paolo Lomi qui tourna uniquement certaines scènes de folklore local et de vaudou, Edoardo Mulargia livre ici une oeuvre à la croisée du giallo et du film érotico-exotique alors très en vogue. Le tropique du cancer est un thriller particulier en ce sens qu'il mélange les bases du giallo traditionnel au film de vaudou. Entièrement tourné en effet à Haïti, c'est dans une ambiance assez spéciale, celle des rites vaudou, que se déroule l'intrigue. S'il s'éloigne donc des gialli à la Argento, on y retrouve tout de même le mystérieux et implacable tueur ganté et vêtu de noir qui progressivement élimine l'entourage d'un scientifique ayant découvert la formule d'un aphrodisiaque puissant dont il aimerait découvrir le secret.
Tout conventionnel soit il, Le tropique du cancer se démarque avant tout par son atmosphère très spéciale, cette ambiance moite, pesante presque oppressante dans laquelle le film baigne, son décor exotique, celui de Port-au-Prince, une ville qui vit aux rythmes des tam-tam sur lesquels les autochtones en transe ne cessent de danser. Au crédit du film également l'aspect hallucinatoire de certaines séquences totalement hypnotiques qui n'est pas sans rappeler le prologue du Venin de la peur. Sous l'effet d'un puissant hallucinogène, une jeune femme est en proie à un délire fantasmatique érotique absolument surprenant qui devrait en laisser plus d'un pantois d'admiration. On sera également sous l'emprise des cérémonies et danses vaudou qui scandent une bonne partie du film, plus particulièrement le long final, la traque haletante du tueur lors d'une cérémonie de mariage indigène.
Plutôt intéressant est ici le parallèle fait entre la violence des traditions vaudou que perpétuent les autochtones noirs et la guerre impitoyable que se livrent les blancs pour trouver la fameuse drogue.
L'érotisme est omniprésent, un érotisme exacerbé, en totale harmonie avec ce contexte tropical propice à enflammer les sens. On pourra aisément rapprocher Le tropique du cancer des oeuvres de Vivarelli notamment Il dio serpente mais également de certains mondos puisque par instant le film se transforme en une sorte de semi-documentaire.
C'est peut être là un de ses défauts car par moment Mulargia semble oublier qu'il tournait au départ un giallo, ces longues séquences toute envoûtantes soient elles pour certains peuvent à juste titre en ennuyer plus d'un d'autant plus qu'elles cassent quelque peu un rythme déjà mollasson au départ. C'est là un des autres défauts du film, une mise en scène peu fluide, par instant ennuyante, peu aidé par un scénario souvent incohérent et décousu surtout lors de sa première partie. Mulargia donne parfois l'impression de ne pas savoir quelle orientation donner au film en tentant mélanger trop de genres à la fois d'où un déséquilibre général un rien gênant.
S'il n'est pas très sanglant, Le tropique du cancer comporte néanmoins quelques jolies scènes sanguinolentes dont le meurtre de Stelio Candelli jeté dans un puits, le visage brûlé, les mains écrasées.
Original ce giallo méconnu l'est certainement de par le lieu de l'action et son intrigue un brin particulière mais également son étonnante distribution parmi laquelle on appréciera la toujours aussi altière Anita Strindberg, Gabriele Tinti et Antonio De Teffé.
Malgré ses défauts, Le tropique du cancer est un très honnête divertissement, un sympathique giallo que l'amateur aura plaisir à découvrir
Testa in giù, gambe in aria se situe quant à lui à mi-chemin entre le film contestataire et le véritable giallo. Réalisé en 1972 par Ugo Novello et interprété par Corrado Pani et Marina Malfatti, le film nous entraine dans l'univers d'un jeune contestataire qui se retrouve au centre d'une série de meurtres dont sont victimes des professeurs. Du giallo il ne reste pratiquement rien ici pas même de meurtres puisque ceux ci sont présents uniquement par le biais des coupures de presse. Reste une oeuvre psychédélique plutôt soporifique dont l'intrigue repose sur une position du yoga qui donne au film son titre et offre au jeune héros un moyen de régler ses problèmes existentiels sur lesquels Novello s'appesantit.
"Un labyrinthe est construit pour confondre les âmes des hommes. Son architecture rigoureuse répond à cette fonction." C'est avec cette citation que s'ouvre L'occhio nel labirinto / L'oeil dans le labyrinthe de Mario Caiano. Cette citation donne d'emblée le ton du film. Loin des gialli sanglants à la Argento, L'occhio nel labirinto s'apparente beaucoup plus aux gialli psychologiques, les thrillers cérébraux dont Umberto Lenzi s'était fait un des spécialistes. On est ici en effet à la croisée des oeuvres du réalisateur de Orgasmo et autres Paranoïa et celles du maître Hitchcock. L'oeil dans le labyrinthe est construit comme une sorte de tortueuse partie d'échec où les coups portés par les différentes parties en entraînent de nouveaux tandis qu'un étrange tableau représentant un meurtre, seul élément emprunté à Argento, sert d'unique indice menant au meurtrier... si meurtrier il y a car toute l'intrigue tourne autour de ce mystère.
Le point de départ de l'histoire est le rêve qu'une jeune femme, Julie, a fait dans lequel elle voyait Luca, son amant et accessoirement psychiatre, être violemment assassiné dans une sorte de vaste demeure labyrinthique et inachevée. Elle va justement constaté que le jeune homme a disparu et part aussitôt à sa recherche. Les quelques indices qu'elle possède la conduisent à un petit village au bord de la mer où après avoir échappé à une tentative d'assassinat elle fait la connaissance d'un étrange quinquagénaire. Il la mène à une luxueuse villa appartenant à une femme aigrie, Gerda, dans laquelle elle reçoit de jeunes couples oisifs. Si personne ne semble connaître le jeune homme, tous pourtant vont petit à petit prouver qu'ils mentent et qu'ils vouaient au psychiatre une haine certaine.
Reste donc à découvrir le fin mot de l'histoire afin d'élucider les raisons de la disparition de Luca et mettre en lumière le diabolique complot qui se trame autour de Julie. En ce sens, L'oeil dans le labyrinthe entretient un agréable suspens qui tiendra jusqu'aux ultimes minutes et son étonnant rebondissement même sien soi il n'a rien de trés original. Si on pourra rapprocher le film de Caiano de Spasmo c'est surtout Il coltello di ghiaccio de Lenzi qu'il s'apparente le plus puisqu'il lui est en de nombreux points similaire. Nous sommes en présence ici d'un giallo solaire, entièrement tourné sur l'île d'Elbe, au climat plus qu'étrange. Le rêve brutal de julie, la disparition de Luca, l'arrivée dans ce petit village maritime, cette luxueuse villa et ses mystérieux résidents, une poignée d'artistes extravagants, qui ont tous eu à faire avec Luca et sa sinistre propriétaire qui semble avoir bien des secrets à cacher, tous ces éléments parfaitement gérer par Caiano parviennent à créer une atmosphère insolite que renforcent ces paysages maritimes aussi magnifiques qu'ils peuvent être inquiétants. Julie, aidé par ce quinquagénaire qui semble être tombé amoureux d'elle va alors tenter de reconstruire les derniers jours de Luca un peu à la manière d'Agatha Christie.
L'enquête s'avoue complexe, on songe par instant à L'oiseau au plumage de cristal, et Caiano dans nous entraîne lentement au coeur de ce labyrinthe, cette construction bizarre au coeur de laquelle il nous plonge lors de la vertigineuse ouverture, tandis que l'oeil du titre, celui de Julie, tente de comprendre ce qui s'est réellement passé.
L'occhio nel labirinto est un giallo teinté d'un zeste de psychédélisme typique de cette époque où mode oblige on situait les lieux de l'action au bord de la mer. Fort bien réalisé, méthodique, efficace, le film utilise à très bon escient les thèmes récurrents du genre qu'étaient d'une part la folie et le subconscient et d'autre part la manipulation machiavélique d'une malheureuse proie. Il n'évite pas pourtant une certaine banalité dans le propos. L'oeil dans le labyrinthe ne surprendra malheureusement guère les amateurs. Son rythme lent risque même d'avoir raison de certains spectateurs qui somnoleront sous le soleil méditerranéen. On regrettera surtout un certain manque de conviction dans le jeu des acteurs, notamment celui de la pakistanaise Rosemary Dexter aussi jolie qu'elle est peu incisive pour ce rôle qui méritait plus de force.
Véritable thriller argentesque malgré ses influences, Terza ipotesi su un caso di perfetta strategia criminale de Giuseppe Vari s'inspire pourtant du Blow up d'Antonioni. Lou Castel y interprète un photographe de cinéma porno qui par hasard se retrouve être le photographe du meurtre d'un magistrat. Le tueur va devoir alors de nouveau tuer afin de cacher les preuves qui pourraient le faire découvrir.
I due volte della paura de Tullio Di Micheli avec Luciana Pallazzi, Fernando Rey et George Hilton est un habile croisement entre le thriller argentesque et les romans d'Agathie Christie. Tout part d'un seul crime d'où va naitre une longue enquête. L'amateur d'effets sanguinolants sera déçu car le film ne contient aucune scène choc si ce n'est l'insertion d'une séquence documentaire montrant une opération cardiaque. On suit donc les investigations d'un inspecteur particulièrement nerveux suite à sa décision d'arrêter de fumer sur le meurtre d'un docteur qui venait de démissionner de sa clinique romaine. Tout un lot de suspects sont mis à jour dont sa fiancée, la directrice de la clinique et surtout son mari. Le film s'inspire vaguement d'un roman d'Agathie Christie et se laisse voir gentillement par ceux qui aiment mener l'enquête en même temps que les protoganistes.
Thriller à tendance fantastique La morte scende leggera de Leopoldo Savona. tourne quant à lui autour d'une machination dont semble être victime un petit malfrat à la solde de politiciens véreux. Plutôt raté dans sa tentative de créer une ambiance fantastique, ce petit giallo oubliable souffre d'une mise en scène incertaine et d'un final abracadabrant peu crédible malgré de bonnes idées de départ.
Maurice Pradeaux réalise quant à lui un bien plus intéressant Passi di danza su una lama di rasoio / Chassé-croisé sur une lame de rasoir avec en tête de générique Robert Hoffman et Susan Scott. Une jeune femme est témoin du meurtre d'une ballerine. Elle en parle au commissaire Menuggi dont cette mort lui rapelle celle dune autre ballerine. Il soupçonne alors l'amant de la jeune femme mais une journaliste, amie de la jeune femme, va le mettre sur la piste. Elle pense que son mari, artiste hanté par l'insuccès, serait responsable des meurtres.
Passi di danza su una lama di rasoio est un typique thriller argentesque avec le traditionnel meurtre qui ouvre le film, la jeune femme bien involontairement témoin de la scéne alors qu'elle observait le paysage à travers une longue-vue dans un lieu publique.
A la vision du film on pense également au film de Hitchcock Fenêtre sur cour mais c'est bel et bien de Argento que ce giallo se réclame. On y retrouve tous les élèments dont ce tueur ganté et habillé de noir, manipulant l'arme blanche dont une malette en rassemblant toute une gamme, ceci renvoyant à une scène de L'oiseau au plumage de cristal. La tension et le suspens vont aller crescendo, baignés de caméra suggestive jusqu'à la découverte de l'assassin, être instable et psychologiquement dérangé. Le film est bien plus que simple hommage à Argento car il comporte d'étonnantes séquences particulièrement réussies comme le meurtre d'une vieille femme à la lueur vacillante d'une bougie renvoyant mille ombres inquiètantes dans la pièce ou toute la partie finale dans l'école de danse plongée dans l'angoissante obscurité où se tapit le tueur.
Meurtre au rasoir / Giorni d'amore sul filo di una lama fait référence au film de Pradeaux mais le film de Giuseppe Pelligrini, futur réalisateur de films X, est plus un giallo sentimental interprété par Erika Blanc et Peter Lee Laurence. Voici l'histoire classique d'un jeune homme dont la fiancée meurt dans un accident jusqu'au jour où elle lui réapparait bien vivante, le tout étant lié à une affaire de traffic de drogue.
L'arma, l'ora, il movente réalisé en 1973 par Francesco Mazzei est un curieux petit giallo provincial où un commissaire joué par un étonnant Renzo Montagnani dont se fut l'unique prestation dans l'univers du thriller tombe amoureux d'une jeune femme suspectée de meurtre. Voici un sympathique giallo peu connu où les meurtres aux allures lynchiennes viennent troubler la tranquillité d'une petite bourgade de province. Mazzei y ajoute une petite dose de sadomasochisme lors du meurtre de la première victime, un play boy aux tendances perverses interprété par Maurizio Bonuglia, un acteur régulièrement présent dans le monde du giallo.
Duccio Tessari réalisera également en 1972 le méconnu L'uomo senza memoria / L'homme sans mémoire où un homme joué par Luc Merenda atteint d'amnésie se souvient d'un meurtre au rasoir dont il ne peut identifier la victime. Plutôt anodin, ce giallo vaut surtout pour sa terrible séquence où un homme se saisit d'une scie électrique afin de comettre un crime, scène qui n'est pas sans rapeller les futures slashers des années 80.
On citera également des oeuvres plus classiques souvent tirées de romans ou nouvelles italiennes comme La donna della domenica de Luigi Comencini en 1975 avec Jacqueline Bisset, Jean-Louis Trintignant et Marcello Mastroianni, Al piacere di riverderla de Marco Leto avec Francoise Fabian, Miou-Miou et Ugo Tognazzi, Doppio delitto en 1977 de Steno avec Ursula Andress, Agostina Belli et Marcello Mastroianni.
LES COPRODUCTIONS ITALO-HISPANIQUES:
L'Espagne ne restera pas indifférente à cette vague de gialli. En ce début d'années 70, toute une série de gialli réalisés en coproduction avec l'Italie vont également apparaitre sur les écrans, tous copiant le modèle italien.
Nous ne reviendrons pas sur La volpe dalla coda di velluto dont nous avons déjà parlé mais nous nous arrêterons sur Dopo di che uccide il maschio e la divora de José Antono Nieves avec Marisa Mell qui reprend le double rôle qu'elle jouait dans Una sull'altra, celui d'une jeune femme blonde et brune pour une histoire plus inspirée par Hitchcock que par le giallo italien puisque le film puise ses inspirations dans Psychose et Rebecca même si le titre fait référence à la mante religieuse. On suit les aventures d'un jeune homme abandonné par sa femme dont la mère est morte. Il rencontre un jour le sosie de la défunte non plus blonde mais brune qui s'accuse du meurtre et vient chercher de l'aide auprés de lui. Elle est en fait la soeur jumelle de l'épouse qui tente de découvrir comment elle est morte. C'est alors à un jeu d'échange d'identité entre épouse et mère auquel on assiste qui lorgne fortement du coté de Psychose.
L'argentin Tulio Demicheli réalise en 1972 I due volti della paura / Les deux visages de la peur qui s'il rappelle le film de Mario Bava n'entretient cependant aucun lien avec lui puisqu'il s'agit surtout d'un clin d'oeil au célèbre metteur en scène. I due volti della paura malgré quelques références aux thrillers d'Argento ressemble en fait beaucoup plus à un krimi (le thriller à l'allemande) sur fond mélodramatique auquel on aurait ajouté quelques éléments du giallo traditionnel. Autant dire qu'on s'intéresse beaucoup plus ici aux différentes histoires d'amours et autres problèmes de coeurs des divers protagonistes qu'à l'intrigue elle même, d'une étonnante simplicité. Si simple qu'on envisage un retournement de situation final qui bien entendu n'arrivera pas.
L'action se situe dans une clinique privée, celle d'Elena, l'épouse du professeur Carli. Elena est éprise de Michele, un des assistants de son mari, lui même fiancé à Paola, elle aussi employée à la clinique. Si les deux femmes font bonne figure, elles se jalousent. Lorsque Elena apprend que Michele veut quitter la clinique pour se marier et s'installer à Rome, elle fait tout pour le retenir jusqu'à lui proposer de devenir son associé. C'est alors que Michele est assassiné. Les soupçons se portent de suite sur l'époux de Elena puis sur Paola qui s'apprête à toucher une importante assurance-vie. Seul témoin du meurtre est un perroquet que l'assistant du commissaire tente en vain de faire parler.
Au vu du nombre restreint de suspects et de l'absence de tout véritable suspens, il est assez facile, voire enfantin, de découvrir l'identité du tueur qui ne sera donc en rien une surprise.
L'amateur un brin exigeant en la matière ne se rattrapera pas non plus sur les meurtres, très peu nombreux puisqu'on en dénombre seulement deux, bien peu grandiloquents et sanglants mais plutôt classieux (le corps de l'homme chutant au ralenti sur une table de verre couverte de fleurs rouges) encore moins sur la complexité de l'intrigue. Malgré sa simplicité Les deux visages de la peur, jamais réellement ennuyeux, retient cependant l'attention d'une part grâce à une interprétation tout à fait convaincante d'une jolie brochette d'acteurs tout aussi convaincants qui parviennent à rendre intéressant voire par instant captivant un film qui pourtant manquait dés le départ de piquant. On appréciera donc les prestations fort honorables de George Hilton, Luciana Paluzzi et Anita Strindberg aux cotés de Eduardo Fajardo et Fernando Rey.
Demicheli par quelques astuces scénaristiques apporte d'autre part quelques originalités à une histoire qui en est un peu trop dépourvue. Assez amusantes sont ainsi les tentatives de l'inspecteur pour tenter d'arrêter de fumer comme est plutôt originale l'introduction d'un perroquet comme seul témoin de l'assassinat avec lequel l'assistant de l'inspecteur essaie d'entrer en communication. Peut être est ce là un clin d'oeil aux gialli animaliers italiens et plus particulièrement à Argento. Il est dommage que cet élément n'ait pas été plus approfondi. Bénéficiant d'une jolie photographie et surtout d'une magnifique partition musicale signée Franco Micalizzi, un des atouts majeurs de ce petit krimi-giallo, I due volti della paura demeure aujourd'hui particulièrement fameux pour sa très longue opération chirurgicale à coeur ouvert (une dizaine de minutes en tout) qui fut réalisée sans aucun trucage dans une véritable clinique à Madrid. Très proche du documentaire, du mondo pourrait-on dire, c'est là le clou du film qui devrait tout spécialement plaire aux inconditionnels
de séquences choc extrêmes et autres amateurs de plans chirurgicaux détaillés mais donner des hauts le cœur à tous les autres. Demicheli filma en fait l'opération de sa propre femme qui souffrait de problèmes cardiaques et l'intégra au film. Il y inséra les plans fort réalistes des comédiens censés opérer insistant sur les incessants jeux de regard entre Anita Strindberg, George Hilton et Fernando Rey, créant ainsi non seulement une véritable tension dramatique trop absente jusqu'alors mais également un réel climat d'angoisse, la jeune femme étant persuadée qu'on l'assassinera lors de son opération. Voilà tout simplement un petit tour de force comme seule l'Italie savait alors en faire afin de donner du piquant à une œuvre un peu fade à qui il manque de relief. On reconnaitra également à Demicheli un certain sens de la mise en scène, fluide et sans temps mort, tout spécialement maitrisé lors de deux séquences, celle de la traversée de la ville en voiture non dépourvue d'humour de surcroit et celle, nerveuse, de la longue et inquiétante filature de Elena.
I due volte della paura malgré son coté téléfilm dramatique et sa simplicité scénaristique est un honnête petit krimi-giallo, sobre mais jamais totalement inintéressant. S'il risque de décevoir ceux qui du genre attendent des flots d'hémoglobine engendrés par une vague de folie humaine, un suspens à trancher au couteau bien aiguisé, cette unique incursion de Demicheli dans ce domaine cinématographique bien spécifique reste un sympathique divertissement.
Toujours à thématique hitchockienne, le très lent Meurtre dans la piscine / In fondo alla piscina de Eugenio Martin a une ambiance typiquement anglo-saxonne et s'oriente vers Suspicion de Hitchcock. Un lord anglais plusieurs fois veuf se marie à la soeur de l'une de ses ex-femmes qui le soupçonne d'être un nouveau Barbe-bleue. L'un des rares élèments qui raccroche ce film aux gialli italiens est la présence de Carroll Baker.
Plus proche du giallo italien est Sette cadavere per Scotland Yard de José Luis Madrid qui se rapproche de Jack l'éventreur puisque justement on suit à Londres un Jack des temps modernes tuant et découpant ses victimes avant d'emporter leurs membres. Un trapéziste boiteux joué par le vétéran Paul Naschy est accusé des meurtres mais il prouvera son innocence en découvrant la véritable identité du tueur, frappé d'impuissance sexuelle, motivation de ses odieux crimes. Malgré son ambiance trés londonienne, on y retrouve les influences argentesques avec l'ombre inquiètante du maniaque et les gros plans de la lame luisante transperçant les malheureuses victimes.
En 1973, on trouve Qualcuno ha visto uccidere de Rafael Romero Marchent dont le protagoniste principal est Ray Milland en directeur de collège qui supprime l'homme qu'ill avait engagé pour tuer sa femme. Mais un enfant est témoin du meurtre, enfant qui va devenir la cible du tueur. Si le suspens est ici assez léger et ne tourne pas sur la recherche de l'assassin, il provient surtout de la raison pour laquelle l'homme s'est vu obligé de tuer l'assassin qu'il avait engagé.
Jorge Grau nous propose un giallo psychologique, Vita privata di un pubblico accusatore, avec Marisa Mell et Fernando Rey où un juge en vacances avec sa femme se retrouve au centre d'une série de meurtres qui copient ceux des assassins qu'il a jadis fait inculper. Grau reprend pour ce giallo plutôt agréable le thème de la schyzophrénie si cher au genre.
Carlos Aured reprend quant à lui le thème de l'assassin obsédé par les yeux et tourne un intéressant Gli occhi azzuri della bambola di rotta avec Paul Naschy. On y suit les aventures dramatiques d'un homme hanté par des rêves où il se voit étrangler des jeunes femmes. Après qu'il ait trouvé une place de surveillant dans un immeuble tenu par trois étranges soeurs, un mystérieux tueur se met à assassiner des femmes aux yeux bleus avant d'extraire leurs globes occulaires. Jadis considéré comme un giallo sadique et sanglant, il apparait aujourd'hui bien sage et surtout bien peu sanglant, le film valant surtout pour quelques scènes assez jolies dont le final mais l'ensemble, tourné sans originalité semble t'il dans les Pyrénées, prêche surtout par sa pauvreté.
Leon Klimovsky s'attèle à un sanglant Red Killer / Una libelula para cada muerto. Red killer reprend tous les ingrédients du giallo à l'italienne, le tueur vêtu d'un pantalon rouge et d'un manteau noir laissant cette fois sur ses victimes une libelule, symbole de rédemption dans la culture caldéenne. Plutôt agréable à regarder et joliment interprété par un nonchalant Paul Naschy et la toujours séduisante Erika Blanc, Red killer surprendra par sa violence graphique. Klimovsky n'est en effet guère avare de scènes gore nous et nous gratifie de quelques meurtres sanglants perpetrés le plus souvent à la hache ou à l'aide d'un parapluie muni d'une lame.
Juan Bosch tourne de son coté en 1975 un divertissant Le calde labbra del carnefice avec Orchidea De Santis, Silvia Solar et Gillian Hills. Une jeune fille a fort à faire avec l'étrange disparition de son boy-friend apparemment mort. Elle est en effet la cible d'un mystèrieux assassin. Bosch mettra en scène un autre giallo à la Argento mâtiné cette fois de polizesco I mille occhi dell'assassino avec Britt Nichols, Raf Baldassare, Eduardo Fajardo et Antonio De Teffé. Cette fois, un policier enquête sur le meurtre d'un de ses collègues à Lisbonne qui était sur la trace d'un mystérieux tueur ganté de noir tentant de s'approprier une cargaison de drogue.
GIALLI A TOUT VA:
Après cette vague argentesque en ce début d'années 70, le giallo va prendre son essor et toute une vague de films va fleurir. Beaucoup de réalisateurs vont s'atteler au genre même si celui ci n'était pas leur terrain de prédilection. Qu'ils se réclament ou non de la veine de Argento, ces thrillers vont tous à leur manière marquer le genre, certains apparaissant même en outsiders.
Mario Bava qui fut un des précurseurs du genre retournera au giallo en 1969 Cinque bambole per la luna d'agosto / L'île de l'épouvante qui reprend ici le thème des Dix petits nègres d'Agathie Christie. Ce film, peu apprécié de Bava lui même, est surtout intéressant dans la façon qu'il met en scène un groupe de personnes devant cohabiter ensemble dans une villa située sur une île malgré l'insécurité et la peur qui les envahit. On reprochera surtout à Ces cinq poupées un scénario qui se veut trop complexe et une fin peu convaincante, quelque peu plate mais on retiendra outre la présence d'une toute jeune Edwige Fenech, celle de Howard Ross et William Berger.
Son grand retour au genre sera en 1971 avec La baie sanglante / Reazione a catena. Bava nous offre ici une oeuvre épurée, loin des bases gialliques habituelles et surtout d'une violence assez inouie pour l'époque surtout sur l'aspect graphique des meurtres trés proches des slashers qui allèrent débouler sur les écrans à l'aube des années 80. Si La baie sanglante fut un énorme échec en Italie, le film allait trés vite pourtant devenir une pièce culte chez les amateurs ne serait ce que par sa violence mais également pour son génie. S'il n'y a guère de véritable histoire, il faut reconnaître que La baie sanglante relève du génie dans la façon que Bava a d'introduire ses meurtres dont on soulignera l'originalité. C'est l'enchainement de ces meurtres qui fait l'histoire, un histoire somme toute fort difficile à raconter. Elle se regarde mais ne se raconte pas. C'est son déroulement qui fait le scénario et définit ses bases comme le souligne le titre original Réaction en chaine. Tout se joue sur l'image et les dialogues et surtout la mise en scène elle même. Rien n'est anodin, chaque détail forme un morceau du scénario qui s'étale sur de magnifiques images à la superbe photographie, cette nature vengeresse que Bava sublime, accompagnée par la BO tout aussi superbe de Stelvio Cipriani.
Claudine Auger, Luigi Pistilli, Laura Betti et Claudio Volonte comptent parmi ces héritiers qui veulent transformer cette baie en mare de béton, une baie qui lentement va se retourner contre eux et faire de Reazione a catena un parfait compromis entre le slasher et le giallo.
Profitant de la réputation du film, les éditeurs vidéos crurent bon de sortir un autre giallo de Bava Il rosso sangue della folia / Un'accetta per la luna di miele sous le titre éhonté de La baie sanglante 2 connu plus justement sous son autre titre qui et en fait la traduction du titre original Une hache pour la lune de miel. Toujours inspiré, Bava situe son intrigue de nouveau dans un atelier de mode où cette fois les ombres du passé perturbe un tueur qui assassine ses victimes de manières sanglantes mais surtout affublé d'une robe de mariée. A la manière du héros de Psychose, le meurtrier est assailli par des souvenirs et des images d'un terrible passé qui le perdent dans sa folie et déclenche cette fureur assassine. On y retrouve une fois de plus le style de Bava qui mélange ici le thriller classique aux histoires de fantômes qui lui sont chères, mélange réussi, enrobant le film d'un climat étrange.
Ce qui ici diffère des thrillers habituels c'est que Bava choisit de dévoiler dés le début de l'intrigue l'identité du tueur et les raisons qui le poussent à tuer. Point de suspens à ce niveau donc. Il nous reste plus qu'à suivre son parcours de folie homicide se mélant aux fantômes qui le harcèlent. C'est de là que nait l'un des intérêts du film qui nous menera vers cette fin lorgant vers le fantastique. On y reconnaitra Dagmar Lassander, Femi Benussi et Laura Betti aux cotés de Steve Forsyth.
En 1971 Maurizio Lucidi nous offrit à son tour un magnifique film La vittima designata / Victime désignée avec deux acteurs hors pair formant un inquiètant duo, tout empreint d'ambiguité, Tomas Milian et Pierre Clementi. S'il fallait trouver deux adjectifs pour qualifier ce film ou tout simplement mettre en image deux mots de la langue française, ce serait beauté et ambiguité. Ils résument à eux deux ce magnifique film, remake de l'oeuvre de Alfred Hitchcock, L'inconnu de l'Orient Express. Maurizio Lucidi n'en a que changé le décor et les lieux, transposant son histoire non plus dans un train mais à Venise, ville mystère par excellence, dont la magnificience n'est plus à démontrer.
Ce petit chef d'oeuvre qui dépasse et de loin son modèle n'a pas seulement à son actif la magie de la divine ville mystère, il repose aussi sur les rapports qu'entretiennent les deux personnages principaux, laissant souvent l'imagination du spectateur vagabonder.
Lucidi laisse planer une trés agréable aura de mystère, une ombre quasi-fantastique tout au long du film. Victime Désignée semble sans cesser entraîner le spectateur entre rêve et réalité. L'intrigue se noue essentiellement autour des deux principaux protagonistes, Stefano et Matteo.
La première partie du film s'intéresse aux rapports qu'entretiennent les deux hommes et à l'étrange relation qui les lie. Stefano est partagé entre son épouse qui ne l'aime plus et sa maîtresse dont il est secrétement amoureux. Quitter sa femme même aprés que celle ci est découvert qu'il détournait de l'argent de sa société, reviendrait à perdre toute sa fortune, ce qu'il n'est pas prêt à faire. C'est alors qu'il rencontre de façon fortuite du moins en apparence Matteo, jeune comte décadent aux allures raffinées. Fortuite, le saura t'on jamais, le jeune homme semble sortir de nulle part comme à quasiment chacune de ses apparitions. Cela donne au comte une certaine aura fantastique comme lors de cette magnifique scène où il émerge du brouillard, le long d'un vieux canal, tel un fantôme venant à la rencontre de Stefano.
A la fois ange et démon Matteo a cet étrange pouvoir de fascination sur Stefano. Dévoué, il lui propose son aide, son soutien et met le jeune play-boy en totale confiance... peut être pour mieux le soudoyer et l'affaiblir, tirant ainsi profit de sa vulnérabilité. Véritable gémeau, Matteo est un poison, un serpent dont le venin va condamner Stefano à son propre insu. Si Matteo est pour Stefano une bouée de sauvetage dans la crise qu'il traverse il y a peut être quelque chose de plus subtil, plus ambigu, plus malsain dans leur rapport. On est en droit ici de soupçonner une amitié virile teintée d'homosexualité. Un regard, un geste, une attitude, Lucidi préfère rester flou et énigmatique.
Quand l'épouse de Stefano est assassinée leur relation va changer du tout au tout. C'est lors de leur face à face dans les caves du château que la haine va prendre le dessus. Démoniaque chantage, Stefano comprend dans quel piège inextricable il est tombé. Et c'est dans la haine que désormais ils vont s'affronter.
La deuxième partie du film traitée d'une façon plus rapide s'oriente alors sur l'enquête et les efforts du jeune homme pour prouver son innocence alors que lentement l'étau se referme sur lui. On se rend compte du machiavélisme et de la perversité de Matteo, les éléments s'imbriquent les uns aux autres comme un puzzle qui doucement prend forme même s'il manque encore la pièce finale. Chacun des détails accumulés au cours de la première partie revèle son importance.
Lors de sa dernière confrontation avec le comte, Stefano se rendra compte de la folie de Matteo et l'impasse dans laquelle il est désormais.
C'est sur un rythme effréné qu'on assiste alors à la sublime séquence finale. Stefano prépare l'éxecution du frère de Matteo alors que sa maîtresse court à perdre haleine dans les rues de Venise pour éviter le crime que son amant se prépare à commettre. Rythmé par les carillons que sonnent les anges du Palais, une nuée de pigeons prenant leur envol, le coup fatal résonne. Magnificience des images, ces derniers plans d'une magistrale beauté viennent clotûrer ce final haletant.
L'ultime image montrera le triomphe du comte dans sa quête de la mort, bouclant ainsi la boucle d'un plan diabolique.
Hormis Venise elle même, Maurizio Lucidi a apporté un soin tout particulier aux décors de son film ainsi qu'aux costumes, véritable défilé de mode, représentation de ce que les années 70 connurent de plus beau en la matière.
Tomas Millian, excellent, surprend dans ce rôle de victime destabilisée et troublée face à un Pierre Clementi élangantissime, proprement altier, terriblement ambigü et tragiquement théatral. Rarement un comédien n'avait aussi bien endossé la peau de son personnage.
Victime Désignée fait partie de ces chef d'oeuvres qui font aimer le cinéma et qu'on revoit sans jamais se lasser, chaque vision ravivant le plaisir intense de la précédente fois.
L'iguana dalla lingua di fuoco / L'iguane à la langue de feu de Riccardo Freda est loin des oeuvres dont Freda nous habitua naguère tant et si bien que le réalisateur désavoua plus ou moins son film, mécontent du résultat. En bon admirateur de Bava et Argento, Freda y incorpore tous les ingrédients inhérents au genre, si chers à ses maîtres mais en les poussant à l'extrême. Ainsi la cruauté et la férocité des meurtres atteignent leur paroxysme, le vitriol jeté au visage d'une pauvre jeune fille en étant un des plus bel exemple, visage qui se décompose sous nos yeux dans des hurlements de douleur.
Violent et plutôt sanglant, le film l'est, défiguration, gorge tranchée à grands renforts de sang sont au programme, mais il dégage aussi un certain érotisme assez osé pour l'époque même si beaucoup de scènes furent coupées lors de sa sortie en salles, des coupes qui rendent le film parfois bancal. Mais au delà de ses rares qualités, L'iguana dalla lingua di fuoco est loin d'être le chef d'oeuvre qu'il aurait pu être d'autant plus qu'on était en droit d'attendre beaucoup plus de la part de Freda, le maître du suspens, qui fut à l'origine de tant de chef d'oeuvres. A aucun moment on ne reconnait vraiment sa griffe. la mise en scène est plutôt quelconque, l'énigme se traine en longueur et se perd en bavardages fastidieux. Le film à l'exception de son final ne se distingue pas des autres gialli de cette époque. Seules quelques scènes émergent vraiment comme celle où l'assassin travesti en femme s'introduit chez l'inspecteur et y tue sa vieille mère dans une explosion de violence impressionnante ou la trés belle séquence quasi onirique où Dagmar Lassander court sur une écluse avant de sauter dans le fleuve pour échapper à son meurtrier. La découverte de l'identité de l'assassin pourra suspendre, Freda ayant recours à une forme de mimétisme intéressant.
Si L'iguana dalla lingua di fuoco est un giallo décevant et peu convaincant, on était en droit d'espérer mieux du grand Freda qui refusa de reconnaitre la paternité du film tant il est différent de ce que le réalisateur avait prévu au départ.
Après avoir réalisé son premier vrai giallo en 1971, le sulfureux Le venin de la peur dont Una sull'altra / Perversion en était le trés bon brouillon, Lucio Fulci en mit en scène un deuxième, Non si sevizia un paperino étrangement sorti sous le titre mensonger La longue nuit de l'exorcisme en France afin de profiter de la vague de succès du film de Friedkin avec lequel pourtant il n'entretient aucun rapport.
Véritable coup de poing, Non si sevizia un paperino bénéficie d'une part de la beauté des décors naturels dans lequel cette tragique histoire se déroule, le sud profond de l'Italie, un petit village sicilien où le blanc du paysage va être obscurci par l'ombre du Mal et de la folie. Si c'était en soi une première dans le genre que de situer le drame dans un tel lieu c'est un réel plaisir tant Fulci va réussir à le mettre en valeur et l'utiliser à merveille.
D'autre part, dès l'ouverture, le spectateur est saisi par cette ambiance malsaine qui émane des images, véritable contraste entre la magnificience des décors et la noirceur des faits relatés. Fulci dépeint un univers qui va à l'encontre même de la culture et des moeurs de cette Italie profonde. Ici, les enfants agissent en adultes, fument, parlent ouvertement de sexe, épient les grands dans leur plus stricte intimité mais pourtant, ils continuent d'aller régulièrement à l'église et prier Dieu. Audacieux, Fulci va même jusqu'à transgresser certains interdits parmi les plus tabou en laissant un enfant être tenté par une jeune femme nue qui lui propose ouvertement de faire l'amour avec elle. Cette ombre surnoise de pédophilie est un des thèmes sous-jacents du film, elle en est même un des principaux moteurs, coeur de cette douloureuse histoire toujours autant d'actualité bien malheureusement.
Non si sevizia un paperino est avant tout une symbolique. Ce village typique dissimule derrière ses façades le refoulement, l'ignorance, la superstition et la rigidité des traditions. Fulci écorche la religion comme il l'avait déjà fait auparavant avec notamment Beatrice Cenci qu'il montre coupable de bien des maux. Elle renforce cette ignorance, favorise l'inculture et la perpétration des superstitions derrière lesquelles se cachent les pires frustrations et excès. On condamne la différence et contribue à une forme de racisme envers tout ce qui est autre, tout ce qui est différent. Cette différence est symbolisée par Patrizia, jeune femme venue de Milan, forcément rejetée et coupable. La sauvageonne, jeune femme marginale, est elle aussi obligatoirement coupable, considérée comme une sorcière qu'on hésitera pas à punir de la plus primitive et atroce façon, la lapidation. Ces actes abominables et anti-chrétiens n'empêchent pas qu'on continue à se justifier bien hypocritement en invoquant Dieu.
Le malaise palpable qui suinte de cette tragique histoire d'assassinats d'enfants aux relans pédophiles est rnforcé par un érotisme glauque, parfois osé, notamment lors de la séquence entre Patrizia et l'enfant fasciné par le corps nu de cette étrangère qui l'attire vers elle.
Non si sevizia un paperino ose aller à l'encontre des institutions et de la morale. Fulci, accusateur, balaie tous les tabous à travers une galerie de personnages tous plus ambigus les uns que les autres. Pourtant, l'assassin est tout autre, symbole de pureté et d'innocence mais une fois encore d'une férocité étonnante dans toute sa terrible signification. La mort entretient la pureté. En cela, l'idée du prêtre pédophile assassin est une des plus belles et intelligentes trouvailles dans ce genre de cinéma qu'est le thriller à l'italienne.
Fulci a réalisé l'un de ses plus beaux et intelligents métrages, une de ses plus belles réussites, totalement fascinante.
L'horreur toujours aussi graphique chez le Maestro atteint ici des sommets de réalisme lors de l'inoubliable séquence de la mort de la sauvageonne, ses chairs se déchirant sous les coups de chaînes jusqu'à sa terrible agonie qu'accompagne bien cyniquement une magnifique ritournelle italienne. Le meurtre de l'enfant sous la pluie torrentielle, symbole de purification, reste lui aussi un des grands moments du film.
Bercé par une partition musicale envoûtante, bénéficiant d'une mise en scène efficace, de décors naturels superbes et d'une interprétation fort juste de la part d'une magistrale brochette d'acteurs, Tomas Milian, Barbara Bouchet, Marc Porel et Irene Papas en tête, Non si sevizia un paperino dont le titre anglais Don't torture a duckling renvoit à une scène clé du film, celle de la petite fille attardée mentale avec son petit canard, n'a aujourd'hui rien perdu de sa douloureuse force.
Voilà un chef d'oeuvre incontesté et incontestable, un giallo noir à la fois beau, cruel, malsain et parfaitement hérétique. On regrettera simplement une chose, le final trop appuyé où Fulci s'attarde sur la mort de Marc Porel qui chute sans fin dans le vide, son corps rebondissant sur les rochers.
En 1977, Fulci réalise Sette note in nero / L'emmurée vivante avec Jennifer O'Neil, Gianni Garko et Marc Porel, giallo qui s'inspire de Poe, mélant phénomènes paranormaux et machination diabolique. Fulci a ici pour la première fois recours au fantastique et Sette nero in nero est pour le réalisateur une nouvelle orientation cinématographique, préface si on peut dire à sa future trilogie des Zombis et sa période horreur. Si le film est un des moins sanglants qu'il ait tourné- la seule véritable séquence choc est le suicide qui ouvre le film, une femme chutant d'une falaise, scène reprise du final de Non si sevizia un paperino- il frappe par son atmosphère de tristesse permanente aidé en cela par les paysages gris et ternes, presque mortuaires de la région de Sienne. Fulci s'attache beaucoup plus cette fois à la construction de l'histoire, du scénario et au suspens qu'aux effets chocs. Il mèle le tout à une ambiance assez british qui rapelle Poe dont il reprend Le chat noir. Le film prend des allures assez métaphysiques, entrainant ses protagonistes dans un univers terrifiant, une sorte de spirale sans retour. Sette notte est peut être beaucoup plus lent, moins passionnant mais plus glacial que les autres films de Fulci mais ceci est un choix personnel, un choix de style et ce choix est ici fort judicieux car il colle parfaitement au film et à son ambiance. Fulci retrouve un peu l'ambiance des films de Bava et de Riccardo Freda et plus que jamais comme dans les oeuvres de jadis tout trouvera une explication des plus logique en fin de film, y compris les détails les plus insignifiants, pièces aussi infimes soient elles s'emboitant méticuleusement lors de la terrible révelation finale.
Armando Crispino de son coté réalisa deux gialli, L'etrusco uccide ancora et le réputé et surtout macabre Macchie solari / Frissons d'horreur.
L'etrusco uccide ancora/ Overtime, thriller au titre prometteur qui rappelle ceux de Dario Argento à l'instar même de la résolution de son intrigue, n'est pas réellement à la hauteur de son scénario qui mélange de façon plutôt habile le surnaturel et la parapsychologie aux bases du pur giallo. Reste donc au spectateur à découvrir si l'assassin est bel et bien réel ou s'il est la réincarnation d'une divinité étrusque. C'est bien entendu la première hypothèse qui s'avèrera la bonne puisque c'est à un nouveau cas de profond traumatisme infantile que le tueur doit sa folie meurtrière.
Malheureusement l'ensemble est trop inégal pour vraiment captiver même si les intentions de Crispino sont tout à fait louables. Le film souffre en fait d'un évident manque de rythme et d'une mise en scène qui privilégie de longs passages aussi bavards qu'inutiles au détriment de l'action et du suspens. Ainsi n'a t-on que faire des relations amoureuses entre l'archéologue et son ex-fiancée Myra encore moins des scènes qui tournent autour des personnages secondaires qui donnent une regrettable sensation de remplissage peut être destiné à dissimuler le manque de logique et de cohérence d'une intrigue certes intéressante mais qui malheureusement prend l'eau. Plus qu'à un giallo, L'etrusco uccide ancora ressemble à un mélodrame bourgeois sur fond de surnaturel et de légendes étrusques jusqu'au final explosif et inattendu et ses très belles et ultimes images tournées au ralenti durant lequel on découvrira le visage de l'assassin et ses motivations qui ne sont pas sans rappeler Ténèbres de pour cette obsession de la chaussure féminine, l'origine du trauma qui l'emmena à haïr les femmes.
C'est d'autant plus regrettable que L'etrusco uccide ancora est loin d'être un mauvais film, il regorge même de qualités. La première est d'avoir su choisir comme lieu d'action un endroit plutôt insolite et jusqu'alors inédit, un site archéologique, propice à instaurer une véritable atmosphère à la fois étrange et inquiétante que Crispino maîtrise parfaitement. Cette ambiance assez particulière donne au film une grande partie de sa force, de son intérêt. Le cinéaste a réussi à marier parapsychologie et archéologie tout en sachant très bien faire ressurgir tout le coté extraordinaire de cette science des vestiges qui bien souvent enflamme l'imagination et des lieux de fouille propices aux meurtres (ou sacrifices) les plus sanglants.
Excellente est également l'idée d'avoir intégré ça et là des images effrayantes, presque subliminales, telles les apparitions régulières du visage effroyable du dieu aztèque Tuchulcha (la superbe et envoutante séquence du dessin qui s'enflamme et s'envole dans la nuit) qui viennent renforcer l'aspect surnaturel par instant macabre de l'ensemble, comme le fait d'avoir utilisé avant chaque meurtre cette fois non pas une comptine mais un Dies Irae de Verdi. On pourra cependant regretter que ceux ci soient si peu nombreux et bien peu sanglants si on excepte quelques furtifs plans sanguinolents, de quoi décevoir les amateurs d'effusions d'hémoglobine.
Les personnages sont loin d'être inintéressants notamment celui du chef d'orchestre paranoïaque et colérique, du metteur en scène gay et maniéré au caractère en acier trempé et de l'archéologue alcoolique violent souffrant d'amnésie. Si les dialogues souvent assez acerbes tentent de mettre en avant certains thèmes (l'alcoolisme, la déification des chefs d'orchestre...) sans jamais cependant oublier l'objectif central du film, les fouilles étrusques, on regrettera cependant la faiblesse de l'interprétation d'une part, d'autre part l'humour parfois involontaire de certaines scènes qui en deviennent ridicules (le chorégraphe gay qui tente de fuir en dansant). Le jeu d'acteur d'Alex Cord, le protagoniste principal, est d'une platitude assez stupéfiante, réduisant un peu trop les efforts de Crispino. Jamais très crédible ni même poignant, son personnage, trop fade, ne convainc guère contrairement à John Marley, fabuleux dans l'excès dans le rôle du chef d'orchestre, Horst Frank, excellent en chorégraphe homosexuel, Carlo De Mejo est égal à lui même et Nadja Tiller, sublime en épouse déterminée et joliment défigurée malgré un temps d'écran réduit au minimum. Samantha Eggar quant à elle toujours aussi belle mais ne semble pas être au top de sa forme, peut être trop effacée.
Accompagné d'une très honorable partition musicale signée Riz Ortolani, L'etrusco uccide ancora, s'il n'atteint pas le niveau de Frissons d'horreur n'en est pas moins un intéressant et divertissant giallo qui vaut essentiellement pour sa curieuse atmosphère, ce savant mélange de surnaturel et d'archéologie, sa superbe photographie, le jeu de quelques comédiens avertis ainsi que son final tout empreint de folie pure
Initialement intitulé La victime, le titre français ne reflète en rien le sujet du film dont le titre est Macchie solari (Tâches solaires) beaucoup plus explicite. L'histoire s'inspire en effet d'une rumeur qui accuserait les tâches solaires et les radiations de l'astre du jour d'une vague de suicides inexpliqués.
Armando Crispino tente avec Macchie solari de suivre les traces de ses maîtres dans sa trame et son coté visuel. En bon élève, il signe un film morbide et beau à la fois, la complexité des agissements et du caractère des protagonistes parachevant la finalité de l'oeuvre. L'ouverture du film donne le ton. On assiste à une série de plans sur l'astre solaire suivi d'une vague de suicides avant de faire la connaissance avec Simona à la morgue où elle travaille. Occasion rêvée pour Crispino d'installer cette atmosphère macabre qui caracterisera dès lors son film. La caméra s'attarde sur les cadavres décomposés, étalage de chair morte, plans de viscères auxquelles succédent des photos réelles de visages et autres corps putrides. A ces visions complaisantes viennent se greffer les propres hallucinations de Simona qui voit ces cadavres prendre vie, corps obèses de vieillards ricanants s'avançant vers elle.
En quelques scènes, le réalisateur arrive à entraîner le spectateur dans son univers malsain aux confins de la folie et de la névrose à l'image de Simona. Cette folie sera présente tout au long du film, faisant de Simona un des élèments les plus intéressants du film et des plus complexes également. Est elle coupable de ces meurtres, poussée par une folie schyzophrène ou simple victime d'une horrrible machination?
En quoi Simona pourrait elle détenir la clé de effroyable secret? Fragile et dépressive mais aussi étrangement fascinée par la mort, rien ne facilite la vie de la jeune femme encore moins sa frigidité qui détruit sa relation avec son amant. Ce problème complique aussi son attirance pour Paul, un prêtre, homme tourmenté par un lourd passé qu'il essaie de cacher. Sa condition d'homme d'église leur interdit toute relation sexuelle, refrénant ainsi leur fascination mutuelle. Crispino joue avec les relations qu'il noue entre ses différents protagonistes- protagonistes au demeurant fort bien dépeints, tant sur le plan physique que psychologique- et son film n'en devient que plus intéressant.
Si le film souffre d'un certain manque de rythme, Crispino a su se placer assez habilement entre ses deux maîtres, Dario Argento et Mario Bava, et s'en tire somme toute haut la main, signant un film à la fois beau et morbide, appuyé par la partition musicale de Riz Ortolani et Ennio Morricone.
La frêle et blonde Mimsy Farmer interprête une Simona plus que crédible, sachant rendre son personnage fort attachant. Son visage de petite fille effarouchée convient parfaitement à ce rôle de jeune femme perdue et nevrosée. C'est à Barry Primus et Ray Lovelock que revient l'honneur de partager les deux principaux rôles masculins.
Tonino Valerii, auteur de quelques fleurons du western spaghetti, nous offre en 1972 Mio caro assassino / Folie meurtrière. Le film se distingue par son atmosphère plutôt morbide, son angoisse diffuse qui va crescendo alors que l'enquête de l'inspecteur avance et cerne de plus en plus les motivations du tueur, ici la jalousie et une haine quasi maladive née d'un fait divers durant lequel enfant a trouvé la mort. Mio caro assassino rejoint ainsi d'autres gialli tels que Chi l'ha vista morire et Non si sevizia un paperino qui utilisaient également ce thème sensible qu'est l'enfant comme clé du mystère ou comme cible du tueur.
Thriller à la Argento dont on retrouve les bases principales, le film de Valerii se caractérise essentiellement par cette normalité, ce quotidien routinier dans lequel il baigne constamment et c'est de cette banalité que surgissent la peur et l'angoisse. Valerii tente de montrer que d'une réalité somme toute ordinaire peut émerger l'angoisse ou comment un simple fait divers, ici une annonce dans la chronique nécrologique sur la mort d'une fillette, peut devenir une obsession sans fin. %%%
Une fois de plus ce sont les secrets et les perversions d'une famille que cherche à fuir le tueur qui sont au centre de l'intrigue. Mio caro assassino est une sorte de jeu de miroir qui reflète toute la folie de cet assassin et ce sont ces mêmes miroirs qui révéleront son identité puisque la fillette dans un ultime sursaut avant sa mort sera parvenue à dissimuler le dessin qui permettra son identification.
Complexe l'histoire l'est par son accumulation de détails et d'indices qui transforme vite le film en un macabre puzzle dont le spectateur tentera d'assembler les pièces plus ou moins facilement. Hormis son rythme plutôt lent qui pourra en faire sourciller certains, c'est peut être là un des défauts du film. Valerii semble s'égarer dans un scénario alambiqué à force de vouloir cumuler les évènements jusqu'à devenir par instant incohérent. La logique de l'intrigue en pâtit forcément tandis que certains éléments demeurent quelque peu nébuleux alors que d'autres disparaissent en cours de route. Ceci est d'autant plus regrettable que Valerii donne l'impression que ce cumul n'est qu'un prétexte à aligner coupables et victimes, impression renforcée lors du final puisque la résolution de l'énigme ne repose en rien sur ces indices mais sur une preuve accablante.
Cependant ceci ne nuit en rien à l'efficacité de ce giallo qui suit les traces des thrillers à la Dario Argento. Bénéficiant d'une mise en scène soutenue, d'une très belle partition musicale signée Ennio Morricone, il offre en outre quelques crimes digne des futurs splatter movies dont l'étonnante décapitation à la pelle mécanique qui ouvre le film, le meurtre sauvage à la scie circulaire de la maîtresse ou l'angoissante mort de la fillette dans le bunker. Valerii brise ici avec bonheur les traditionnelles règles du giallo en utilisant d'autres armes que le rasoir ou le couteau.
Un des autres atouts du film est son audace qui jadis lui valut les foudres de la censure italienne. Valerii pimente l'intrigue de connotations pédophiles à travers la confession d'un personnage qui avoue avoir été arrêté dans un bordel en compagnie d'une fillette et la présence d'un artiste-pop un peu trop attentionné envers ses jeunes modèles.
Certes peu crédible dans son explication finale à la Agathie Christie ou Hercule Poirot pour son coté reconstitution, Folie meurtrière n'en est pas moins un très bon giallo qui regroupe tous les éléments des thrillers "argentesques". Malgré ses défauts, Valerii signe là peut être pas un chef d'oeuvre mais un excellent film angoissant, morbide et pervers qui se conclura par une superbe phrase murmurée par l'inspecteur: "Il était une fois une petite fille... chaque enfant qui meurt c'est comme si mourrait la dernière fleur au monde".
Massimo Dallamano va de son coté réaliser en 1972 l'incontournable Mais qu'avez vous fait à Solange / Cosa avete fatto a Solange qui en son temps fit couler beaucoup d'encre de par le sujet qu'il abordait, l'avortement chez les mineures. Avec ce giallo Dallamano renoue avec le style à la Argento, le tueur ganté de noir armé d'un couteau luisant, mais en renonçant à ces ambiances typiquement italiennes pour situer son film à Londres. On est ici face à un croisement entre Edgar Wallace et Agathie Christie qui cependant conserve le style filmique italien. Solange est un véritable giallo au mécanisme parfait, d'une logique implacable et à l'ambiance particulièrement morbide et malsaine tant par les thèmes qu'il soulève que l'atmosphère souvent curieuse que parvient à créer le cinéaste. C'est au coeur d'un collège de jeunes filles que Dallamano situe cette histoire interdite, un univers qui en surface semble être clair et limpide, pur, mais qui pourtant cache de bien lourds secrets où vices et perversions se tapissent sournoisement derrière les images pieuses et les confessions. Derrière le secret du confessionnal ces jeunes filles de bonne famille se livrent à des orgies et se laissent aller aux drogues lors de parties organisées. C'est dans cette atmosphère malsaine qu'une adolescente va non seulement trouver la mort, un couteau planté dans le vagin, mais qu'un jeune professeur pourtant marié entretient une relation amoureuse avec une de ses élèves.
Entre voyeurisme et perversité, Dallamano instaure progressivement un réel climat de malaise presque étouffant que ce mur de silence derrière lequel toutes ces jeunes filles se terrent alourdit encore plus. Le réalisateur avec art et adresse tente de sonder, de dresser un portrait bien peu reluisant de ces adolescentes toute plus angéliques les unes que les autres mais toutes aussi perverses et dépravées en osant un discours sur la décadence morale de cette jeunesse catholique anglaise irréprochable en apparence seulement.%%%
De par son sujet, l'avortement chez l'adolescente et ses lourdes conséquences traumatiques, ici la folie, les thèmes soulevés( la dépravation sexuelle chez d'innocentes collégiennes, les amours interdites, le pensum religieux, l'univers oppressant dans lequel évolue les protagonistes, le faux prêtre tueur puritain refoulé...) __++Mais qu'avez vous fait à Solange++__ est une oeuvre dérangeante, qui devrait en mettre plus d'un mal à l'aise. Racoleur et voyeur (les plans sur les jeunes filles prenant leur douche en commun, libertines et coquines), le film de Dallamano tout ambigu soit il est cependant empreint d'une étonnante sensiblerie. Il évite certains des écueils propre à ce style de cinéma et n'en devient que plus émouvant. L'efficacité du film est également due aux personnages, tous spécialement bien décrits et tout à fait crédibles. Ils contribuent à renforcer ce malaise sourd et le climat morbide du collège.
Dallamano évite cette fois les débordements sanglants pour se concentrer sur l'hyper-réalisme de l'histoire. La violence et la cruauté proviennent cette fois des motifs des meurtres qui en son temps provoquèrent bien des hauts-le coeur. Le réalisateur osait pour la premier fois évoquer des sujets alors tabou, le suicide et surtout l'avortement chez l'adolescente. Les rares séquences sanglantes n'en sont pas moins marquantes malgré leur extrême rapidité et le spectateur n'est pas prêt d'oublier les images sordides des jeunes victimes, un couteau planté dans leur intimité, ni même l'insoutenable séquence de l'avortement de Solange montré lors d'un flash-back tourné dans un noir et blanc glacial. Dallamano entretient avec brio suspens et mystère qui vont ici crescendo jusqu'à la découverte de l'identité du meurtrier, tout à fait crédible mais particulièrement dur à identifier tant le réalisateur sait jouer avec ses cartes jusqu'au choc final qui conclura cette dramatique histoire sur une note malheureusement un peu trop moraliste et conservatrice pour un film qui écorchait de façon morbide et cinglante les institutions.
Brillant giallo mené par la très belle et mélancolique musique de Ennio Morricone, bénéficiant d'une splendide photographie signée Aristide Massacessi, Mais qu'avez vous fait à Solange fait encore partie aujourd'hui des classiques du genre, appuyé par une interprétation internationale tout aussi brillante, Fabio Testi en tête dont c'était là un des premiers grands rôles au cinéma et la présence inoubliable de Camille Keaton dans la peau de la malheureuse Solange.
Oeuvre trouble et troublante teintée de cet érotisme souvent morbide dont seul le cinéma italien en avait alors le secret, Solange est un film cru, difficile, magnifiquement conduit par un cinéaste au mieux de sa forme.
Après le succès remporté par Mais qu'avez vous fait à Solange Massimo Dallamano réalise La polizia chiede aiuto / La lame infernale (parfois titré stupidement L'âme infernale). Plus proche du polar à l'italienne mâtiné de thriller politique que du véritable giallo à la Argento dont il ne reprend que les meurtres violents perpétrés par un mystérieux assassin usant d'un hachoir, La polizia chiede aiuto nous plonge de nouveau dans les milieux décadents et pervertis de la haute bourgeoisie italienne, un des thèmes fondamentaux du cinéma transalpin d'alors.
Déstabilisée, coincée entre le terrorisme et l'instabilité politique, l'Italie trouve alors son exécutoire dans le cinéma. La polizia chiede aiuto n'est jamais qu'une nouvelle illustration des grandes peurs que l'Italie connaissait alors, révélatrices du climat d'insécurité et de désagrégation dans lequel était alors plongé le pays. C'est dans ce milieu de corruption et de perversion où aristocrates et haut placés, indignes de confiance, ne respectent plus les valeurs essentielles et se complaisent dans le scandale que Dallamano situe cette histoire de ballets roses et de prostitution adolescente commandités par de hauts dignitaires et bourgeois notables tout en proposant de révéler les ramifications de ces organismes, reflet du pourrissement de toute une société.
Une série d'apparents suicides de jeunes filles va conduire l'inspecteur Silvestri, un homme nerveux et décidé, et la jeune procureur de la république sur la piste d'un réseau de prostitution de mineures qui profite de l'innocence des adolescentes recrutées dans un collège pour en faire des objets sexuels destinés à d'importants dignitaires qui organisent des ballets roses.
Sur une trame habituelle, Dallamano construit un film certes sans grande originalité mais qui réussit à tenir en haleine jusqu'au dénouement final même s'il accumule malheureusement les invraisemblances et les incohérences tout en éludant parfois les explications nécessaires quant au déroulement de l'enquête. Dallamano s'intéresse en fait beaucoup plus aux scandales et à l'aspect sordide de l'intrigue en insistant sur cet érotisme morbide propre au filon. Si le film n'est pas très démonstratif, il use par contre de dialogues souvent crus et explicites, particulièrement dérangeants. Si Dallamano choisit de ne pas montrer le viol d'une jeune victime, il l'image tout aussi bien à travers les mots qu'il emploie en expliquant comment elle a été déflorée à l'aide d'une bouteille. Il met mal à l'aise le spectateur en filmant le viol d'une jeune fille après que des notables dépravés l'aient droguée de façon sadique lors d'un douloureux flash-back chargé en émotion.
Dans cet univers de vice et dépravation auquel le réalisateur par le biais d'une profession de foi récitée en voix-off apporte une touche de cinéma-vérité, les effets sanglants ne sont pas de reste. Dallamano appuie la noirceur du récit par la violence des attaques du tueur au casque de moto qui manipule avec dextérité son hachoir. Particulièrement angoissantes les scènes de peur notamment celle de l'hôpital et celle de l'ascenseur, très bien amenées, se rapprochent beaucoup des gialli à la Argento et devraient réjouir les amateurs de plans sanguinolents (la main tranchée du policier).
Même si on appréciera l'immoralité de la conclusion, on regrettera malheureusement un final quelque peu bâclé et beaucoup trop rapide qui conduit à l'arrestation de l'assassin, un coté facile qui nuit un peu trop à l'impact du récit dont la partie la plus faible et la moins crédible demeure celle où apparait l'assassin tout de cuir noir vêtu. On applaudira surtout cette vision misanthrope de notre société que Dallamano nous offre à travers les ultimes images, celle d'une société nauséeuse, cynique et désespérée où pouvoir et argent triomphent sans mal, nous obligeant à vivre résignés, en se cachant les yeux sur ce qu'on sait mais devons taire.
S'il est inférieur à Mais qu'avez vous fait à Solange dont il ne possède pas l'impact et l'infinie tristesse, La polizia chiede aiuto reste cependant un très intéressant mélange entre le giallo, le polizesco et le thriller politique, une nouvelle plongée corrosive aussi réaliste que désespérée dans les méandres du vice et de la prostitution des mineures dans le cadre d'une Italie décadente et corrompue, le parfait reflet de cette époque sombre que traversait alors le pays.
Rythmée par une excellente partition musicale signée Stelvio Cipriani, La polizia chiede aiuto bénéficie en outre d'une solide et convaincante interprétation notamment de Claudio Cassinelli certes un peu caricatural mais déterminé et nerveux secondé par une vigoureuse Giovanna Ralli dans le rôle du substitut du procureur.
Aldo Lado est l'auteur du fameux Chi l'ha vista morire avec l'ex-James Bond George Lazenby, Anita Strindberg et la jeune Nicoletta Elmi. Mené par la musique extraordinaire de Ennio Morricone qui mélange ici habilement musique religieuse et comptine d'enfants, Chi l'ha vista morire nous dépeint une Venise étrange, inquiétante et décadente où l'obsession de l'Enfant est sans cesse présente. D'autant plus présente que le film tourne autour des meurtres de petites filles perpétrés par un maniaque sanguinaire. C'est dans ce climat obsédant que le héros, le père d'une des fillettes, se lance dans cette enquête typiquement argentesque parsemée de faux indices et de personnages plus suspects les uns que les autres. Si le fil de cette enquête est des plus habituels, Lado sait par contre créer de véritables instants de terreur. Outre la séquence d'ouverture et le meurtre de la petite fille dans la neige, on citera la mort de l'avocat sous le soleil rayonnant de sa terrasse au milieu de ses cages à oiseaux ou les images qui suggèrent la mort des deux fillettes rousses. Le motus orandi du tueur qui agit déguisé en vieille femme est ici l'innocence de l'enfance. En enlevant la vie aux fillettes, il tue cette innocence et cette pureté qu'il rend ainsi éternelle. Si ce déguisement fait penser à Psychose, le meurtrier se rapproche du Norman Bates de Hitchcock, cette mascarade n'étant que la transposition du souvenir d'une mère coupable, sa schizophrénie et les raisons qui le poussent à tuer étant liées à cette période de sa vie. L'identité de celui ci est alors plus que logique, sa triple nature de par ses occupations étant la source de sa folie.
On pourrait en cela rapprocher Chi l'ha vista morire du Non si sevizia un paperino de Fulci dont l'intrigue lui ressemble en de nombreux points. Aldo Lado y ajoute à l'instar de Fulci une petite dose de perversion et de sadomasochisme notamment lors des scènes de rites d'orgie secrètes mais on pourra reprocher au film de Lado son rythme parfois inégal qui par moment fait retomber le suspens et l'angoisse.
La morte ha sorriso all'assassino est le seul giallo que Joe D'Amato ait tourné dans sa carrière même si le film est plus un film d'horreur gothique matinée de distorsion temporelle, le tout baignant dans un climat onirico-macabre d'où n'est pas exclu la nécrophilie. Cette magnifique oeuvre à la limite de la peinture surréaliste, d'une beauté visuelle parfaite, annonce les futurs débordements du réalisateur et inaugure avec quelques années d'avance l'ère du slasher movie avec ses scènes gore particulièrement violentes et sadiques. L'érotisme n'est pas absent, D'Amato se concentrant la plupart du temps sur la beauté quasi irréelle de l'ex-lolita Ewa Aulin qu'il met en avant à chaque scène. Le seul hommage aux thrillers argentesques est ici un meurtre au rasoir particulièrement douleureux.
Giallo atmosphérique et vénéneux réalisé en 1975 par Pupi Avati, La casa dalle finestre che ridono fait quelque peu partie des outsiders dans le paysage du giallo italien. Devenu au fil du temps un film culte auprès d'un certain public, La maison aux fenêtres qui rient, titre qui jadis en a fait rêver plus d'un, est en effet un des gialli horrifiques les plus extraordinaires que l'Italie ait alors commis, un film qu'on pourrait aisément qualifier d'unique tant il se révèle original.
Se déroulant en Romagne, La maison aux fenêtres qui rient, dénomination qui provient des fenêtres autour desquelles sont peintes des bouches au large sourire, fait appel à ces fables, ces histoires populaires qu'on aime raconter le soir aux enfants au coin de l'âtre, ces contes aussi étranges qu'effrayants qui les terrorisent avant qu'ils aillent se coucher. Pupi Avati, grand spécialiste des ambiances étranges et pesantes, maître du bizarre, est parvenu à recréer cette atmosphère de terreur et d'angoisse propre à ces histoires qui font ressurgir du plus profond de nos âmes nos peurs les plus enfouies. Si on pense parfois à Mario Bava à la vision du film, Avati a réussi à transplanter ces peurs au coeur d'un paysage typiquement italien et ensoleillé qui tranche fortement avec le coté sinistre et la noirceur du récit. Cette luminosité, la splendeur des terres d'Emilie-Romagne contrastent avec le coté pervers et malsain de cette histoire des plus insolites, des actes commis, cette horreur, terrible, qui s'y dissimule, particulièrement bien tapie.
Ici l'horreur n'est jamais graphique, elle est la plupart du temps suggérée, présente sous forme de simples allusions. Elle est souvent ambigüe et de cette ambiguïté nait un climat sourd, oppressant. L'innommable est là, jamais visible mais on le sent, on le devine, toujours palpable mais il n'apparait pas.
L'horreur quant à elle fait son apparition que très brièvement au détour d'images elles aussi allusives mais cela suffit à créer un climat lourd, aidé par la lenteur de la mise en scène. Il ne se passe rien mais ce rien devient vite étouffant jusqu'à la révélation finale, source d'une incroyable perversion et d'une étonnante folie. L'innommable prend enfin forme sous les traits d'un visage totalement inattendu et surtout blasphématoire, contre-nature, délirant dans le sens le plus pathologique du terme, ces deux créatures ignominieuses dont une, à notre plus grande surprise, hermaphrodite qui n'ont plus d'humain que l'apparence.
Cette fin géniale particulièrement hérétique qui jadis fit frémir la censure lors de la sortie en salles du film, inspirée soi disant d'un fait réel, n'est qu'une variation de la folie de Ligabue, une parfaite visualisation de la mort et de son agonie si effroyablement contés dans ces récits sanglants qui forment les contes et légendes des campagnes. La maison aux fenêtres qui rient fait irrémédiablement partie de ces fables campagnardes qui vous donnent la chair de poule.
Avati a donné vie à un livre d'images qui rappelle les ouvrages remplis de sorcières et de démons qui autrefois faisaient frissonner dans les chaumières et continuent aujourd'hui encore d'alimenter notre imaginaire afin de nous terrifier jusqu'au plus profond de notre âme.
Si quelques esprits chagrins pourront reprocher au film sa lenteur qui peut être aura raison de certains, plus habitués à des flots d'hémoglobine dont le film est dépourvu malgré la violence de quelques meurtres, elle donne pourtant au film non seulement toute sa force macabre mais également sa force narrative. D'elle et de la suggestivité dont fait preuve Avati nait ce climat d'angoisse indicible, exceptionnel, inquiétant qui va crescendo jusqu'aux ultimes et inoubliables minutes à proprement vous glacer le sang.
La maison aux fenêtres qui rient est une oeuvre glaciale, sinistre, inattendue et originale, fascinante, religieusement effroyable. Cette hallucinante fresque portée par les musiques oppressantes de Amedeo Tommasi est très certainement le chef d'oeuvre de son réalisateur. Pupi Avati a su avec une rare intelligence et beaucoup de savoir-faire marier folie et perversion dans ce conte morbide qui n'est rien d'autre que la représentation de l'horreur cérébrale absolue à l'état pur! Cette fable maladive sur la souffrance, le martyr est sans nul doute une des pièces maîtresse de l'âge d'or du cinéma de genre italien.
Paolo Cavara nous proposa en 1976 E tanta paura avec John Steiner, Corinne Clery, Elly Wallach et Michele Placido. E tanta paura est un insolite thriller se déroulant à Milan qui soudainement semble abriter tous les pires secrets du monde. Si le film commence comme un giallo, il prend d'autres directions assez vite, s'orientant vers le thriller donnant ainsi vie à un ingénieux mécanisme de tension narrative.
On est ici en présence d'un assassin qui tue à multiples reprises, un assassin qui s'il ne correspond pas aux critères argentesques n'en est pas moins un dangereux psychopathe qui dépose aux pieds de ses victimes une étrange figurine rapellant une terrible fable de Pierino Porcospino, auteur connu pour la cruauté de ses contes. Chaque meurtre est construit sur un même modèle même s'ils sont tous différents. Les victimes sont étranglées, brûlées vives..., véritable escalade homicide hyper violente.
Là où Cavara change les bases de données du giallo traditionnel c'est qu'il n'y a pas un mais plusieurs assassins tuant tous de la même manière, les rendant ainsi insoupçonnables. Les raisons en sont politiques et la vérité se trouve cachée dans l'esprit tourmentée et vindicatif d'un ancien commissaire qui choisit ses cibles parmi les marginaux de la société: prostituées, toxicomanes, maniaques.. Il met ainsi doucement en place sa vengeance. Mais cette révélation ne sera qu'une pièce de ce puzzle complexe. Dès lors, Cavara va asséner coups de théatre sur coups de théatre, suite de découvertes d'une imparable logique, s'imbriquant les unes dans les autres comme un affreux puzzle. Le film se concluera par deux moments clé. Le premier est la séquence se déroulant dans le zoo de la fameuse villa, lieu de toutes les aberrations et perversités, lieu où la mosaïque de tous ces crimes semble se recomposer. Les personnages y sont réunis et Cavara donne à cette scène une aura quasi surréaliste, la villa baignant dans le brouillard, aura inquiètante et malsaine au même titre que la scène où le trés ambigu Pietro Riccio dont le nom rapelle celui du fabuliste.
Le deuxième moment clé est celui où Pietro donne au commissaire sa théorie selon laquelle on peut tuer deliberemment ou faire tuer tout aussi délibérement.
S'inscrivant dans un sous filon du giallo, le giallo politique, E tanta paura est un intéressant thriller où plane l'ombre d'une Italie aux institutions corrompues. Cavara donne à son film une aura sombre et inquiètante au relans de paranoïa ponctué de meurtres violents mais sans que jamais l'ironie ne fasse défaut.
Maurice Pradeaux tourne en 1976 Passi di morte perduto nel buio qui s'attarde sur un meurtre commis dans un train alors que celui ci traversait un tunnel. Le coupe papier avec lequel il a été commis appartient à un journaliste, passager du train et principal suspect. Malheureusement, cette fois, Pradeaux rate quelque peu le coche. Situant son intrigue sur une corniche grecque, Pradeaux ne parvient guère à entretenir un climat de tension et de suspens malgré le soin apporté aux meurtres au rasoir. Il s'attarde beaucoup plus sur le coté érotique dont une torride séquence d'amour saphique.
Plutôt mollasson, Passi di morte perduti nel buio souffre également d'un humour assez mal venu.