Antonio Margheriti
Le 4 novembre 2003 s'est éteint l'un des pionniers du cinéma italien, un réalisateur qui mit du temps à sortir de l'anonymat mais qui au fil des années fut réhabilité et donna certaines de ses lettres de noblesse au genre. Nous lui devions bien cet ultime hommage en revenant sur sa prodigieuse carrière. Le nom d'Antonio Margheriti alias Anthony Dawson pour son pseudonyme américain a souvent été associé à ceux de certains réalisateurs dits marginaux. Même s'il tourna une bonne cinquantaine de films en 30 ans de carrière, il fut bien souvent ignoré du grand public comme le furent également Bava ou Freda. Ce n'est qu'au cours des années 80 que ses oeuvres furent découvertes ou pour certaines redécouvertes par le biais de programmations aléatoires dans quelques festivals avant qu'il ne soit reconnu comme l'un des grands maîtres du cinéma transalpin. Passant d'une extrême facilité d'un genre à un autre, la filmographie de Margheriti rayonne de mille feux tant dans le domaine de la SF, de l'horreur, du western que de l'épouvante ou le film de guerre. Productif réalisateur et véritable artisan du 7ème art, Margheriti fut sûrement le plus américain des cinéastes italiens. Adepte du cinémascope, ses films pour la plupart destinés à l'exportation, étaient tous un cocktail explosif d'effets spéciaux exubérants et d'action proche de l'univers des comics.
Né à Rome en 1930, Antonio Margheriti après avoir travaillé en collaboration avec Mario Bava, signa en 1960, Space men / Le vainqueur de l'espace, non seulement son premier film mais surtout le premier film de science-fiction italien un genre qui a toujours fasciné le cinéaste et dans lequel il avait une aisance toute particulière. Il réitère avec Il pianeta degli uomini spenti avant de signer ses premiers péplums. C'est entre 1963 et 1964 qu'il va créer sa célèbre trilogie de l'épouvante Danse macabre, La vierge de Nuremberg et La sorcière sanglante, qui reste encore de nos jours les titres références de sa filmographie de première heure.
Devenus des classiques de l'épouvante, ces films dégagent toujours cette aura sulfureuse et envoûtante, que la présence de la magnifique Barbara Steele, alors reine des grands écrans fantastiques, vient renforcer. Après un hommage à Goldfinger, Opération Goldman il retourne à la science-fiction et signe pour les Etats-Unis la tétralogie nommée Gamma 1 du nom
de la base spatiale où se déroule les quatre films, à savoir l'excellent I criminali
della galassia / The wild wild planet, I diafonoids vengono da Marte, Pianeta errante et La mort vient de la planète Aytkin. En 1968, Kubrick, étonné et amoureux du travail de Margheriti dans le domaine de la science-fiction, fait appel à lui comme conseiller sur les effets spéciaux les plus élaborés de son 2001 l'odyssée de l'espace.
En 1970, il tourne Et le vent apporta la violence avec Klaus Kinski, un original et très beau western aux limites du fantastique avant de donner sa version du Décameron alors fort à la mode en revisitant de façon bien coquine les fameux contes des 1001 nuits avec le chatoyant Les 1001 nuits érotiques dont Barbara Bouchet et Femi Benussi seront entre autres les principales héroïnes. Ce sera d'ailleurs sa seule et unique incursion dans le domaine de l'érotisme.
Il va ensuite se mettre au travail sur un remake couleur de commande de Danse macabre intitulé Nella stretta morsa del ragno / Les fantômes de hurlevent. Cette nouvelle mouture plutôt fade n'apportait rien de bien neuf à son illustre modèle si ce n'est la présence de la belle Michelle Mercier et d'un Klaus Kinski cabotinant à souhait dans le rôle de Poe.
Il va ensuite mettre en scène Les diablesses / Korringa, un étrange thriller fantastique réunissant Jane Birkin et Serge Gainsbourg aux cotés de Hiram Keller. C'est ici l'histoire d'un chat, unique témoin d'une série de meurtres qui se produisent depuis le retour de la jeune Korringa au château familial. Etrange et envoûtant, rappelant par nombre d'aspects les premiers films de Argento, Les diablesses était avec Danse macabre le film favori de Margheriti.
C'est ensuite que le cinéaste apporta sa contribution à ces deux classiques de l'horreur devenus cultes que sont Chair pour Frankenstein et Du sang pour Dracula, les deux films du duo Warhol/ Morrissey. Antonio y travailla en tant que superviseur de la mise en scène et de l'aspect technique pour les séquences en 3D de Chair pour Frankenstein. En accord avec Morrissey, il tourna les principales scènes sanglantes de Chair pour Frankenstein ainsi que les séquences où les deux enfants sont impliqués.
Sorti de cette grande aventure gore, il réalise quelques westerns et policiers. En 1978, il fait tourner Lee Majors tout juste sorti de la panoplie de L'homme qui valait trois milliards, pour un remake télé non caché du Piranhas de Joe Dante, Killer fish, et s'attèle dés 1980 au scénario de Pulsions cannibales. Il implante le thème du cannibalisme alors fort en vogue dans notre société urbaine, ce qui lui causera alors grand tort. Présenté au Festival du film fantastique du Grand Rex, le film bâtira sa réputation sur celle de son grand frère Cannibal holocaust. Ici John Saxon vétéran du Vietnam, doit faire face à ses anciens camarades qui pour survivre durent se nourrir de chaire humaine. De retour chez eux, ils ne peuvent s'empêcher de croquer quelques uns de leurs semblables. Particulièrement censuré sous nos cieux, Pulsions cannibales présente quelques scènes gore particulièrement croustillantes pour les amateurs du genre. Fort du succès de Apocalypse now et Voyage au bout de l'enfer, alors que le cinéma de genre est en net déclin, Margheriti le remet au goût du jour et se lance à nouveau dans le film de guerre avec le violent Héros d'apocalypse avec le solide David Warbeck et la fragile Tisa Farrow. Puis c'est Tiger Joe avec toujours David Warbeck qui cette fois a pour partenaire Annie Belle toujours aussi sublime même en treillis, bazooka en main au milieu des explosions et de la jungle.
Suivra un bondissant Les aventuriers du cobra d'or, démarquage du film des Aventuriers de l'arche perdue de Spielberg toujours avec David Warbeck.
En 1983, en pleine période d'heroic fantasy transalpine, il réalise Yor chasseur du futur, adapté d'une bande dessinée espagnole. Yor tente en fait de marier le genre à cette science fiction qui lui est si chère et n'hésite pas à projeter Reb Brown, son héros fadasse mais musclé, dans un futur où la massue et les flèches côtoieront les pistolets laser à la manière de Star Wars ou plutôt ici Starcrash. Ce film éminemment kitch verra aussi le retour de l'ex-star de l'érotisme Corinne Cléry. Gros succès aux USA, le film sera un échec en France mais il est aujourd'hui devenu pour les amateurs de petites séries Bis une des oeuvres phare d'une époque révolue.
Les films d'aventures étant toujours très à la mode, Margheriti signera en 1984 I sopravvissuti della città morta / Le temple du dieu soleil puis Les aventuriers de l'enfer avant de revenir au film de guerre avec le très bon L'ultime combat. Il signera enfin une efficace trilogie composée de Nom de code: oies sauvages, Commando leopard et Le triangle de la peur, tout trois avec Lewis Collins et quelques vieilles mais solides gloires du cinéma de genre et du western Lee Van Cleef en tête.
Par la suite, il se fera plus rare et tournera encore quelques petits films dont Indiojusqu'en 1996, date de sa dernière réalisation avant une retraite amplement méritée. Margheriti a toujours su montrer une réelle créativité artisanale quelque soit le film qu'il tournait, un réel savoir-faire de metteur en scène même si bien souvent il a tourné avec des budgets dérisoires. Il n'en a donc que plus de mérite encore.
Antonio est parti rejoindre un beau jour d'hiver d'autres noms tout aussi illustres comme Joe D'Amato au panthéon des stars transalpines, nous laissant un patrimoine d'une prestigieuse richesse dont on ne se lassera pas de voir et revoir!