A suon di lupara
Autres titres:
Real: Luigi Petrini
Année: 1967
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 89mn
Acteurs: Lang Jeffries, Annabella Incontrera, Femi Benussi, Luciana Paoli, Giancarlo Del Duca, Grazia Di Marzà, Paolo Todisco, Paola Pitti, Gianni Ridolfi, Armando Del Vecchio, Nino Vingelli, Antonio Toma, Ugo Carboni, Mario De Rosa, Lino Banfi, Gina Mascetti, Luisa Giulietti, Bruno Alias, Enzo Andronico, Vittorio André, Dolores Calò, Pasquale Campagnola, Salvatore Carrara, Bruno Degni, Luciano Foti, Ferruccio Fregonese, Alfonso Giganti, Romano Milani, Attilio Pelegatti, Oscar Sciamanna, Pupita Lea Scuderoni, Maria Tedeschi...
Résumé: Dans la Sicile moraliste et traditionaliste des années 60 un procureur qui se bat pour que subsiste les vieilles valeurs dans un pays régi par la mafia locale apprend que sa jeune épouse est enceinte d'un autre homme. En effet après avoir appris l'impuissance de son mari la malheureuse épouse dans un moment de faiblesse s'est laissée séduire par son beau-frère. L'homme va devoir faire face à ce déshonneur dans un contexte particulièrement ironique. Il instruit une affaire dans laquelle il veut faire condamner un épiux qui a tué sa femme car elle était enceinte d'un autre...
Malgré son titre et son générique d'ouverture trompeurs qui laisseraient supposer qu'on s'apprête à assister à un petit polar mafieux A suon di lupara (littéralement Avec un fusil), troisième film de Luigi Petrini après Una storia di notte et Le sedecenni, est en fait un drame social se déroulant dans la Sicile ultra conservatrice et moraliste des années 60.
Claudio Chiaramonti est un procureur d'origine française intègre et rigoureux fort réputé venu s'installer en Sicile pour y combattre la mafia et surtout faire respecter morale et traditions. Il vient d'épouser une française, la jeune et jolie Lucienne. qu'il emmène vivre en Sicile. Le
couple vit dans la grande demeure familiale aux cotés de la soeur de Claudio, Rosalia, qui veille férocement sur son frère et l'honneur de la famille aidée par l'austère gouvernante Concetta. La soeur de Lucienne, Roberta, vient également s'y installer avec son ami et amant Richard afin de récupérer sa part d'argent sur l'héritage familial. Claudio travaille sur une affaire de moeurs qu'il espère bien mener à bien. Il veut faire condamner un mari qui a tué sa femme car celle ci est tombée enceinte d'un autre homme, quelque chose qu'il ne peut tolérer. Durant l'instruction il apprend qu'il est impuissant et ne pourra jamais avoir d'enfant. Il
refuse d'adopter. De son coté Richard, invétéré séducteur, couche avec Agata, une des jeunes domestiques, et profite d'un moment de faiblesse de Lucienne lors d'une fête trop arrosée pour lui faire l'amour. Malheureusement Lucienne découvre quelques temps plus tard qu'elle est enceinte. Indignée Roberta lui demande d'avorter afin de sauver du déshonneur son frère. Elle refuse. Elle finit par avouer à Claudio qu'elle est enceinte. Le procureur lui demande lui aussi d'avorter pour sauver son honneur. Lucienne refuse catégoriquement de tuer son enfant pour une simple question d'honneur. Un fait inattendu va jouer en sa faveur tandis que Richard va de son coté connaitre un sort bien funeste tout aussi inattendu. On ne badine pas avec l'honneur jeunes filles en Sicile.
Tourné à Monte Celio près de Rome et non pas en Sicile A suon di lupara risque d'en décevoir plus d'un. Du polar mafieux il n'en a que le titre et le générique, cet aspect étant relégué en tout arrière-plan par le biais de quelques dialogues (la mort d'un des frères Morusso, les vendetta entre familles et la fameuse loi du silence). Après un petit quart d'heure prometteur A suon di lupara se transforme en une sorte de drame rose, un roman-photo mafieux d'un autre temps agrémenté d'une ombre de critique sociale. Cela ne serait pas un problème en soi si l'ensemble n'était pas si superficiel, stéréotypé et surtout invraisemblable. Les personnages ne sont que des caricatures trop inconsistantes pour
donner une certaine épaisseur à un scénario sans surprise. On a ainsi un procureur qui représente tout le coté conservateur d'un pays rétrograde qui se bat avec acharnement (du moins sur le papier) pour que la Sicile garde ses traditions morales mais il épouse une jeune femme plus jeune que lui, douce, compréhensive et vertueuse. Si la soeur de cette sage épouse incarne quant à elle une jeunesse délurée bien plus libérée, la soeur de l'avocat, revêche, est à l'image de son frère qu'elle protège comme elle protège l'honneur de la famille. Sans oublier Richard le séducteur arriviste et intéressé qui trousse jupons comme bon lui semble. Autour de ce noyau gravitent des personnages, plutôt des silhouettes qui
pour certaines disparaissent sans raison du scénario (Lario le jeune homme à tout faire, le frère Morusso abattu dont on ne parle plus, Agata la domestique...).
L'histoire de son coté aurait pu être intéressante puisqu'elle met bien ironiquement le procureur dans la même position que l'homme qu'il veut condamner mais dénuée de psychologie, de force narrative et surtout de vraisemblance elle s'affadit rapidement et perd la majeure partie de son intérêt. Traité comme un banal roman-photo sur fond de Sicile mafieuse, répétitif et surtout particulièrement bavard A suon di lupara devient vite ennuyeux. Le message social n'est présent que par traces, bien trop légères là encore pour amener à
la moindre réflexion d'autant plus que la Sicile reconstituée de Petrini n'est pas très crédible. A aucun moment on y retrouve cette âme, cette fermeté, cette rigueur morale. Si quelques paysages romains font illusion il n'en a va pas de même pour sa description. Quant à la conclusion bien décevante digne d'un feuilleton à l'eau de rose elle prêtera à sourire et ce n'est pas le twist final qui changera grand chose même si on aurait aimé retrouver cette noirceur tout au long du film.
Fortement daté, estampillé années 60 A suon di lupara est bien entendu à remettre dans son contexte d'époque même si cela ne changera guère de choses. Le film de Petrini est
d'une étonnante sagesse, farouchement inoffensif y compris dans son érotisme désuet, très peu présent de toutes façons, et ses quelques séquences qui tentent de recréer l'ambiance d'époque. Pour preuve la drug-party, alors indispensable à tout bon film dit social, dégénérant en orgie bourgeoise. Rarement avait-on vu une dépravation aussi bon enfant. Quelques verres de champagne sur fond de jerk pour une foule d'invités qui se contente de s'affaler sur des divans, chemise entrouverte, cravate dénouée pour embrasser quelques filles légères en robe de soirée débraillées à la choucroute impeccable.
L'interprétation est à l'avenant. Chacun fait son travail le plus correctement possible. Insipide,
le canadien Lang Jeffries est peu crédible dans la peau de ce rigoureux procureur sicilien. Annabella Incontrera est tout aussi transparente dans le rôle de Lucienne et se contente d'être jolie. Quant à Femi Benussi c'était là un de ses tout premiers rôles en Italie. Elle s'est vue octroyer le rôle de Roberta pour la simple et bonne raison qu'elle était alors la fiancée du producteur. Piston! Piston! Certes délurée elle n'en est pas pour autant dévergondée et reste ici habillée se contentant d'un plan en bikini et de transgresser les bonnes moeurs. On retiendra un rapide plan buste nu mais très prude de Paola Pitti s'offrant dans un champ à
Giancarlo Del Duca qui finira sa carrière dans la sexploitation (Malabimba, La bimba di Satana, Giochi carnali). Notons l'apparition de Lino Banfi en autochtone sicilien.
Simple curiosité d'un autre âge le troisième long métrage de Luigi Petrini est à réserver aux collectionneurs d'oeuvres oubliées, aux passionnés de films de genre griffées années 60 pour grossir leur culture personnelle. Les autres n'y trouveront qu'ennui, indifférence ou désintérêt.