Quando l'amore è sensualità
Autres titres: Quand l'amour devient sensualité / Sensualità / Una ragazza di paese / When love is lust / El final de la inocencia
Réal: Vittorio De Sisti
Année: 1973
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 88mn
Acteurs: Agostina Belli, Gianni Macchia, Françoise Prévost, Ewa Aulin, Femi Benussi, Umberto Raho, Monica Monet, Benjamin Lev, Nino Segurini, Giovanni Rosselli, Giovanni Petrucci, Rina Franchetti...
Résumé: Afin d'éviter la ruine une comtesse frustrée et sexuellement refoulée contraint sa fille d'épouser un paysan rustre qui a fait fortune dans le commerce de la viande. Leur nuit de noces se transforme en un quasi viol. La jeune femme élevée dans un contexte éducatif très rigide a développé une véritable phobie du sexe. Elle finit par fuir le domaine conjugal pour se réfugier chez sa soeur, une jeune femme émancipée qui va lui faire découvrir les joies de la ville. Pendant ce temps la comtesse succombe au charme de son gendre. Elle devient son amant...
Après des débuts dans le mondo dans les années 60 avec Scusi, lei conosce il sesso? et L'Angleterre nue puis plus tardivement l'hérétique Sesso in confessionale Vittorio De Sisti avant de définitivement basculer dans la comédie facile a réalisé trois films intéressants voire très intéressants mais pour la plupart méconnus voire oubliés. Il y a tout d'abord eu en 1970 cette perle rare pop-arty se présentant sous la forme d'un huis-clos convulsif, L'interrogatorio, suivi l'année suivante d'une curiosité contestataire tout aussi rare mais quelque peu ratée, Spogliati, protesta, uccidi: quando l'uomo è la preda, puis en 1973 ce
film, un drame érotico-psychologique morbide joliment intitulé Quando l'amore è sensualità.
La comtesse Giulia Santafelice afin de sauver le patrimoine familiale oblige sa jeune fille Erminia a épousé Antonio, un homme qui a fortune dans le commerce de la viande mais qu'elle n'aime pas. La nuit de noces se transforme en un véritable cauchemar pour Erminia. Vierge, inhibée, totalement novice en matière de sexe Erminia a toujours été tenue éloignée des choses de la vie par sa mère, une femme frustrée. Le sexe s'est au fil du temps est devenu une véritable phobie pour la pauvre Erminia qui terrorisée refuse de faire l'amour à son mari, un goujat sanguin, extraverti pour qui le sexe est très important. Cette première
nuit se transforme en un presque viol. Pour satisfaire sa libido Antonio se paie des putains avec qui il peut pour le peu qu'elles le suivent dans ses fantasmes satisfaire sa libido. Afin de trouver la paix Erminia finit par quitter le domicile conjugal et se réfugie un temps chez sa soeur Angela, jeune fille libre, émancipée et désinhibée, le parfait contraire d'Erminia. Angela lui fait partager sa vie, découvrir les joie débridées de la ville, rencontrer des jeunes de son âge, l'invite à ses parties. Erminia désormais plus à l'aise avec la sexualité finit pourtant par se lasser de cette vie pour laquelle elle n'est pas faite. Elle décide de rentrer chez elle. Elle ignore que durant son absence, sa mère qui pourtant détestait Antonio, est
devenue sa maitresse. La comtesse a fini par succomber au charme du bellâtre mais surtout à son ardente fougue sexuelle, le remède parfait à toutes ses frustrations. Erminia la surprend sortant de la chambre d'Antonio. Désormais sûre d'elle, elle se déshabille face à sa mère, rejoint son mari et lui fait l'amour. Déconfite, dépitée, sa mère s'effondre en larmes...
De Sisti n'a rien inventé. Ecrit par Luigi Russo Quando l'amore è sensualità qui n'est pas sans rappeler Répulsion de Polanski n'est jamais qu'un nouveau drame bourgeois mettant en scène un triangle amoureux particulièrement scabreux frisant l'inceste, une mère
comtesse, sa fille cadette et son macho de mari. La mère est une veuve frustrée qui se veut irréprochable, une bourgeoise catholique qui pour éviter la ruine a contraint sa fille d'épouser un jeune paysan rustre qui s'est enrichi au fil du temps grâce à ses divers commerces de viande. Sa fille Erminia, chaste et pure, a été élevé de manière prude. Sa mère l'a toujours tenu à l'écart des choses de la vie, dans l'ignorance la plus totale de la sexualité tant et si bien que la jeune fille a développé une peur phobique à l'égard du sexe. Antonio est un goujat, un mâle violent tendance sadomasochiste dans toute sa splendeur pour qui le sexe donc le devoir conjugal est primordial. A travers ses trois personnages
finalement guère originaux De Sisti tisse cependant une histoire aussi décadente qu'immorale, souvent surprenante de par sa violence. Pour preuve la nuit de noces d'Erminia qui ouvre le film si violente et brutale qu'elle en deviendrait presque dérangeante. Tétanisée à l'idée de devoir se donner à son mari Erminia tente de se soustraire au devoir conjugal, une tentative qui se transforme très vite en un quasi viol. Antonio n'est plus qu'une bête déchainée qui essaie vainement de posséder sa proie hurlante. Furieux, vexé, frustré, il quitte le manoir pour satisfaire sa libido avec une putain dans une de ses chambres froides. Sa seconde tentative sera tout aussi vaine et c'est dans les bras d'une jeune voisine, une
femme facile, qu'il vivra la nuit de noces qu'il lui a été refusé lors d'une parodie de mariage durant laquelle elle est nue sous le voile virginal. Difficile de faire plus odieux et machiste. Comme il est difficile de faire plus lâche que la mère qui témoin muet des souffrances de sa vie ne fait rien, se contentant d'écouter ses cris sans jamais osé agir jusqu'au jour où Erminia décide de quitter le domicile conjugal et les campagnes de Parme pour se réfugier chez sa soeur à Piacenza.
A partir de cet instant on suit deux histoires parallèles. Celle d'Erminia qui sans toutefois être pleinement heureuse découvre les plaisirs de la ville, la vie de douce débauche sex, drug and Rock'n'roll" de sa soeur qui l'initie aussi aux plaisirs lesbiens. Celle de sa mère qui désormais seule avec Antonio au domaine ne contient plus les désirs qu'elle a si longtemps refoulés. Oubliés Dieu et les évangiles, lentement elle cède aux charmes et à la virilité ardente d'Antonio, retrouve sa libido éteinte depuis tant d'années. Ils finissent par faire l'amour dans un grenier et deviennent amants. La comtesse se construit un monde autour du mari de sa fille qui de son coté continue de s'amuser à droite à gauche, un état de fait qu'elle se force à accepter, tandis que Erminia qui n'a pas réussi à trouver sa place au milieu de cette jeunesse citadine en laquelle elle ne se reconnait pas. Elle préfère rentrer au
domaine, se sentant désormais prête à se conduire comme une vraie épouse. Le soir de son retour elle surprend sa mère entrain de sortir de la chambre d'Antonio.
Quando l'amore è sensualità est un psycho-drame aux thèmes difficiles qui sans être un chef d'oeuvre n'en est pas moins un film dur, une pellicule crue qui joue essentiellement sur la souffrance de cette jeune fille que la rigidité dans laquelle elle a grandi a rendu sexophobe et sur l'érotisme souvent osé qui en résulte. La première partie est particulièrement réussie. Elle situe très bien ses personnages et cerne tout aussi bien son principal sujet, les conséquences désastreuses qu'une éducation excessivement prude
peut avoir comme elle met assez bien en lumière des modes de vie opposés, des cultures différentes à savoir l'hypocrisie d'une aristocratie vouée aux vices et un monde rural plus sain que l'univers citadin et sa jeunesse superficielle délurée. Malheureusement le film de De Sisti n'est pas dénué de défauts notamment lors de la seconde partie pas toujours très convaincante, faute à un manque de psychologie. Il aurait été intéressant de beaucoup mieux développer le personnage de la mère, évoquer son passé, les raisons de cette austérité face au sexe, explorer ses failles, pour mieux comprendre ses agissements, ses frustrations comme il aurait été intéressant de mieux développer sa relation avec Antonio
dans les bras duquel elle tombe un peu trop vite et surtout facilement. Comme il aurait été également bienvenu de mieux dessiner le personnage d'Erminia et approfondir la relation qu'elle entretient avec sa mère. Certains passages sont parfois maladroits, trop conventionnels et prêtent à sourire notamment l'illustration des soirées de débauche qu'organisent Angela, trop cliché pour fonctionner. L'overdose de l'amie d'Angelina tombe à l'eau tandis que la scène où Erminia supplie son ami Fausto de lui montrer son sexe afin qu'elle voit enfin à quoi ressemble un pénis devient ridicule là où elle aurait du .
Ces quelques faiblesses sont certes regrettables mais cependant vite oubliées ne serait
que par la force de la mise en scène nerveuse et du montage, la brutalité du récit notamment de sa première partie, un final amer, cruel, lors du face à face muet entre Erminia, déterminée, enfin femme, et sa mère mortifiée de honte, désespérée. Toujours au crédit du film l'élégance de la photographie qui met en valeur les superbes paysages de la campagne émilienne noyés dans la brume et la beauté des intérieurs, l'inattendue et entêtante partition musicale martelée de voix d'enfants signée Ennio Morricone digne d'un thriller (on pense inévitablement à Chi l'ha vista morire? et Grazie zia) et une interprétation tout simplement au top. Le visage candide, pur, de la splendide et touchante, émouvante
Agostina Belli illumine l'écran, parfaite dans le rôle difficile de Erminia, confirmant ici ses talents d'actrice. La mature et touchante Françoise Prévost incarne très bien cette comtesse frustrée. Ewa Aulin dans un de ses derniers rôles est tout aussi splendide, oscillant ici entre candeur et perversion. Quant au très viril Gianni Macchia il incarne à la perfection Antonio le bellâtre, véritable coq odieux, antipathique, détestable. Les seconds rôles sont tout autant remarquables. La toujours aussi belle Femi Benussi en putain campagnarde fait une inoubliable apparition, nue sous le voile virginal dans une inoubliable parodie de noces, un bonheur pour ses fans. Non crédité Benjamin Lev interprète le petit paysan ami d'Antonio.
L'érotisme est omniprésent. Hormis Femi Agostina Belli et Ewa Aulin nous gratifient elles aussi de quelques jolis nus. Quant à Gianni Macchia on ne l'aura jamais vu aussi souvent en tenue d'Adam. Il faut le voir pavaner en mini slip blanc devant Agostina, se doucher de manière effrontée face à Françoise Prévost mais surtout on pourra enfin découvrir son intimité lors de quelques plans certes rapides mais efficaces... et plutôt excitants! Son petit derrière n'aura quant à lui plus aucun secret.
Les esprits quelque peu chagrin reprocheront au film de Vittorio De Sisti sa complaisance, son coté exploitatif, de ne pas avoir mieux approfondi l'aspect psychologique de cette
intrigue et de ses protagonistes. Ce qui n'est pas faux certes! Mais en l'état Quando l'amore è sensualità est un psycho drame tourmenté, morbide, fort bien réalisé par un De Sisti investi et professionnel. Le récit est suffisamment prenant pour retenir l'attention voire passionner et faire réagir. Ce n'est pas une pièce maitresse mais cette tragédie bourgeoise mérite une jolie place sur les étagères de l'amateur parmi les nombreuses oeuvres de ce type fort en vogue dans les années 70. A découvrir et apprécier avec délectation. La même année De Sisti tournera une très bonne décamérotique, Fiorina la vache, avant de se tourner vers la comédie fadasse puis la télévision.