L'assassino è costretto ad uccidere ancora
Autres titres: Il ragno / The killer must kill again / The dark is death's friend
Real: Luigi Cozzi
Année: 1975
Origine: Italie
Genre: Giallo
Durée: 90mn
Acteurs: Michel Antoine, Femi Benussi, George Hilton, Eduardo Fajardo, Cristina Galbò, Dario Griachi, Alessio Orano, Teresa Velasquez...
Résumé: Norma est une jeune femme riche mariée à Giorgio, un architecte volage et sans le sou. Un soir elle le menace de lui couper les vivres. Lors d'une promenade un soir, Giorgio est témoin d'un meurtre. Il a alors une idée. Il va demander au tueur d'assassiner Norma. S'il refuse, il le dénoncera à la police. S'il accepte, il gagne non seulement le silence de Giorgio mais aussi 20000 dollars. Après s'être fabriqué un alibi, Giorgio se rend à une fête pendant que le tueur kidnappe Norma et l'enferme dans le coffre de sa voiture. Malheureusement, un couple de voyous la lui vole. L'assassin bien déterminé à la récupérer et terminer sa mission se met à la poursuite des deux voleurs. Il enlève la jeune fille, la retient prisonnière mais une femme a été témoin de la scène. Le tueur doit alors faire face à de nouveaux problèmes...
Seule incursion de Luigi Cozzi dans le genre L'assassino è costretto ad uccidere ancora reste certainement à ce jour son meilleur travail. Souvent présenté comme un pur giallo, on est ici plus face à un thriller hitchcockien de bonne facture que d'un véritable giallo à la Argento d'autant plus que l'identité du tueur est révélée dés les premières images.
Coproduction italo-française même si le film est resté inédit chez sous nos cieux, L'assassino è costretto ad uccidere ancora peut être vu comme un hommage au maitre anglais. Le film lorgne en effet assez souvent vers L'inconnu du Nord-Express et s'inspire beaucoup de la trame narrative de Psychose. Du thriller à la Argento ne subsistent que de très rares séquences ou allusions plus ou moins directes comme par exemple les initiales D.A inscrites sur le briquet du tueur et l'image du meurtrier avançant un couteau luisant à la main.
Si Cozzi fait monter crescendo le suspens, le plus intéressant est certainement le ton qu'il emploie, plutôt inhabituel, basé principalement sur un montage habile tout en parallèle. Beaucoup de séquences semblent ainsi se compléter ou s'opposer ce qui donne à l'ensemble cette atmosphère étrange parfois dérangeante par la noirceur qui en découle.
Ainsi, lorsque le meurtrier assassine une jeune femme, on assiste parallèlement à la fête à laquelle s'est rendu son mari. Plus sordide par contre est la symétrie que Cozzi fait entre le viol de Laura et les ébats de son copain à l'arrière d'une banquette de voiture avec une inconnue. Les râles de plaisir se mêlent aux râles de douleur, les rires aux pleurs, le plaisir à l'horreur. Bien ironiquement, Laura venait quelques minutes auparavant de refuser sa virginité à son petit ami. Autre symétrie, celle de la maison ultra moderne aux couleurs jaune de l'architecte et la bâtisse délabrée au bord de la plage comparée au château de Dracula par la jeune fille, un endroit sinistre par conséquent particulièrement bien adapté aux morts violentes.
Mais le plus saisissant ce sont surtout les personnages eux mêmes. L'architecte est un homme austère, calculateur et cynique qui fait l'amour à sa femme en préparant sa mort. Luca est un play boy à double visage apparemment amoureux de Laura mais qui se révèle terriblement sexiste, n'attendant d'elle que sa virginité, poussant le cynisme jusqu'à lui présenter l'inconnue avec qui il l'a trompé. Le personnage clé du film restera cependant son tueur sans nom au visage sec, anguleux, aux traits durs, effrayants. On est ici loin du traditionnel assassin ganté et tout de noir vêtu, ce stéréotype que Cozzi n'appréciait guère. Nous sommes face à un être sans âme sorti de nulle part, une machine à tuer qui pourtant après le viol de Laura montrera un brin d'humanité comme s'il réalisait avec horreur sa véritable nature.
Tout aussi intéressant que soit L'assassino è costretto ad uccidere ancora on regrettera cependant deux choses. Cozzi semble parfois un peu perdu dans son histoire et se disperse un peu. Il abandonne notamment la relation qui unit le tueur à l'architecte pour se focaliser sur le rapt de l'épouse qui ne fait qu'illustrer une fois ce plus ces grandes peurs que vivait alors l'Italie, un point sociologique particulièrement important omniprésent dans le cinéma italien des années 70. Cozzi semble malheureusement parfois à court d'idée. Pour combler son scénario, il crée alors un personnage inutile, celui de l'inconnue blonde tombée en panne de voiture au bord d'une route de campagne même si on peut justifier sa présence comme un élément certes inutile mais qui conduira à la perte du tueur ainsi qu'une jolie occasion d'étaler un meurtre graphique particulièrement violent. Le plus décevant reste pourtant le final d'un illogisme sidérant, beaucoup trop bâclé et d'une totale improbabilité qui vient soudain gâcher l'histoire. Si la seconde partie du film était sur le déclin, ces ultimes moments sont à oublier.
Peu graphique encore moins spectaculaire au niveau de ses effets sanglants et de la violence, mais c'était là le désir de Cozzi, on retiendra avant tout le viol de Laura et la mort de l'inconnue poignardée avec un incroyable sadisme, seul véritable moment sanguinolent du film.
On appréciera une distribution fort alléchante et plutôt convaincante notamment George Hilton, un des spécialistes du genre, dans la peau d'un mari calculateur, le séduisant Alessio Orano, le compagnon d'alors de Ornella Muti, dans le rôle de l'amant aussi sexiste que détestable mais dont les yeux bleus sont sans cesse mis en valeur par Cozzi comme pour mieux renforcer sa perfidie de son personnage, la frêle Cristina Galbo est d'une infinie tendresse notamment lors de son viol et Femi Benussi en blonde vaporeuse étale sa nudité sans complexe, apportant au film l'indispensable touche d'érotisme mais également la seule scène sanglante du film. Le tueur est quant à lui incarné par Antoine St John, de son vrai nom Michel Antoine, véritable star de ce giallo pimenté par un humour noir fort agréable, dont on n'est pas prêt d'oublier l'effroyable visage.
Si L'assassino è costretto ad uccidere ancora reste une de ses oeuvres les plus intéressantes si ce n'est l'oeuvre la plus intéressante de Cozzi, malgré son scénario aux multiples références et clins d'oeil hitchockiens, malgré ses qualités et quelques excellents moments, le film n'arrive pas à totalement convaincre. C'est mitigé qu'on ressort de la vision de ce giallo avec l'étrange impression que Cozzi s'est un peu fourvoyé dans un histoire qu'il ne maitrise pas entièrement avant de s'y perdre. Voilà qui est dommage car en l'état L'assassino è costretto ad uccidere ancora est un divertissant thriller que l'amateur regardera tout de même avec un certain plaisir.