Umberto Lenzi: Un talentueux acariâtre
Il fait partie des grands réalisateurs du cinéma de genre italien à qui on doit quelques uns des meilleurs gialli psychologiques d'alors, un style dont il fut à l'origine, bon nombre de polizeschi musclés et quelques films d'aventures avant de se laisser aller en fin de carrière à un cinéma horrifique de trop piètre qualité. Parfois décrié pour sa misogynie, réputé pour être un homme acariâtre ce que beaucoup de comédiens regrettent, Umberto Lenzi fait définitivement partie du panthéon des metteurs en scène qui ont marqué tout un pan du cinéma italien. En voici l'histoire.
Umberto Lenzi est né à Massa Maritima en Italie en 1931. Umberto a toujours été passionné de cinéma. S'il fait des études de droit, cela ne l'empêche pas de faire partie de nombreux fans clubs. C'est ainsi qu'il débute comme journaliste pour différents magazines et journaux. Il décide alors d'abandonner définitivement le droit pour entrer dans une école de cinéma. Il devient scénariste et critique avant d'être assistant réalisateur dés 1960 sur Dernier train pour Shangai de Renzo Merusi avec Anita Ekberg et La terreur des mers de Domenico Paolella.
C'est en 1961 qu'il réalise son premier film, Adventure with Mary Read. Entre 61 et 68 Umberto s'intéresse surtout aux petits films d'aventures comme Sandokan tigre de Bornéo, Le temple de l'éléphant blanc, Les pirates de Malaisie, Zorro contre Maciste, Le triomphe de Robin des Bois, Tre sergenti del Bengola ou encore L'invicibile cavaliere mascherato.
Il touche aussi au film d'espionnage avec A 008 operazione sterminio, Des fleurs pour un espion et bien sûr Kriminal sans oublier le western avec Una pistola per cento bare et le film historique avec Catherine de Russie.
Dés la fin des années 60 il devient l'auteur le plus représentatif du sexy giallo et du psycho-giallo dont l'héroïne sera le plus souvent l'ex- baby doll du cinéma américain Caroll Baker qui sera le plus souvent au centre d'une machination diabolique. Il va alors réaliser ce qui aujourd'hui constitue une célèbre trilogie, à savoir Orgasmo / Une folle envie d'aimer avec Caroll Baker et Lou Castel en 1968 suivi de Si douces si perverses avec Jean-Louis Trintignant et Erika Blanc puis de Paranoia pour lequel il reforme le couple Baker / Castel.
En 1970, il met en scène Un posto ideale per uccidere, un agréable giallo ensoleillé avec une toute juvénile Ornella Muti et Ray Lovelock avant de réaliser quelques autres standards avec le très étrange et particulier Spasmo, sorte de représentation parfaite de la folie humaine dans toute son horreur clinique, Le tueur à l'orchidée basé cette fois sur le modèle des gialli de Dario Argento, le très anglais Il coltello di ghiaccio et enfin en 1975 Gatti rossi in un labirinto di vetro, très certainement le moins crédible des quatre tant il peine à trouver sa véritable voie entre le giallo à la Argento et la comédie horrifique.
Il s'offre ensuite une parenthèse durant laquelle il donne dans le film de guerre, le très beau La légion des damnés, un genre dans lequel il avait déjà oeuvré en 1967 avec l'insipide Les chiens verts du désert . Il y reviendra en 1977 avec La grande bataille.
Umberto va devenir dés 1973 un des spécialistes avec Sergio Martino et Stelvio Massi entre autres du polar musclé à l'italienne souvent critiqué pour leur misogynie et leur violence expéditive. Il travaillera beaucoup avec Tomas Milian et Maurizio Merli. Il signera des oeuvres telles que Milano rovente / La guerre des gangs, Napoli violenta / SOS Jaguar operation casseur, Roma a mano armata / Brigade spéciale, Il trucido e lo sbirro / Le clan des pourris, Bracelets de sang, Le cynique l'infâme et le méchant, De Corleone à Brooklyn ou encore L'enfer de la victoire mais surtout ce qui restera comme un de ses chefs d'oeuvre, le violent La rançon de la peur.
A la fin des années 70, le polizesco se mourant, il fait une rapide et unique incursion dans la sexy comédie avec une parodie ratée de La cage aux folles Pardon vous êtes normal? avec Ray Lovelock.
Dés 1980 il fait son entrée dans le cinéma horrifique commercial profitant de la vague de films dit de cannibales et de zombis, une période aujourd'hui qu'il renie plus ou moins et dont il ne souhaite guère parler. S'il avait été en 1971 un des précurseurs du genre avec ce qui était alors plus un film de jungle, un démarquage de L'homme des hautes plaines agrémenté de rapides plans de cannibalisme, le désormais fameux Cannibalis / Il paese del sesso selvaggio, il nous offre en 1980 ses versions de Cannibal holocaust avec d'une part son inoubliable Cannibal ferox, d'autre part son moins chanceux Mangiati vivi / La secte des cannibales, une sorte de patchwork du Dernier monde cannibale, La montagne du Dieu cannibale et de son propre Cannibalis puis enfin une toute gentillette comédie de jungle méconnue et oubliée Incontro nell'ultimo paradisio, une version de Tarzan au féminin avec Sabrina Siani. C'est aux zombis qu'il s'attaque ensuite avec le mauvais mais fort drôle L'avion de l'apocalypse avec Hugo Stiglitz. Il s'essaie ensuite en 1982 à l'héroïc fantasy avec le plaisant La guerre du fer avec George Eastman et la regrettée Elvire Audray. Cette version de La guerre du feu mâtiné d'héroïc fantasy, sous un scénario d'Alberto Cavallone, sera malheureusement un de ses derniers bons films.
Par la suite Lenzi va comme bon nombre de ses confrères multiplier les petits films de guerre plus ou moins anodins, jamais vraiment désagréables mais jamais très intéressants non plus. Il est ainsi à l'origine d'une trilogie composée de Tempi di guerra, Cinq salopards en Amazonie et Un ponte per l'inferno. A la fin des années 80, il tournera une poignée de films d'horreur franchement mauvais, triste témoignage de la mort du cinéma de genre Italie. Désillusionné, il signe ainsi en 1989 un décevant Le porte dell'inferno puis le consternant Nightmare beach. Seuls surnagent un étonnant Ghosthouse et le tout aussi bon Hitcher 2 / Paura nel buio, un efficace thriller horrifique, deux de ses films les plus honorables de cette époque avec Black demons / Demoni 3, son ultime incursion dans l'horreur, qui sans être parfait, demeure un sympathique film de zombis. A cette période il tourne aussi pour la télévision. Il réalise pour la Reitele deux téléfilms La casa del sortilegio et La casa delle anime maledette qui font partie d'une quadrilogie intitulée Case maledette. Les deux autres volets sont signées par Lucio Fulci.
En 1990 Lenzi signe une sous Indiana Jones poussif qui prêche par son non sérieux, A la recherche du scorpion d'or, puis en 1991 un petit polar à l'américaine Hornsby & Rodriguez. Ce sera son ultime réalisation pour le grand écran, un chant du cygne anodin, oubliable et sans grand intérêt. A l'instar de beaucoup d'autres metteurs en scène Lenzi travaillera par la suite pour la télévision italienne pour laquelle il réalisera quelques téléfilms. Sa dernière création remonte à 1997 après presque 40 années de bons et loyaux services durant lesquelles il nous délivra quelques un des plus beaux joyaux du giallo et du polar avec cette griffe très personnelle qui fit sa réputation.
Après s'être retiré des feux de la rampe Umberto Lenzi s'était mis à l'écriture de gialli qui avait connu un joli succès en Italie.
Fatigué Umberto avait été placé ces derniers temps en maison de repos puis hospitalisé à Rome où il s'est éteint le 19 octobre 2017 à l'âge de 86 ans.