Malabestia
Autres titres:
Real: Leonida Leoncini
Année: 1978
Origine: Italie
Genre: Comédie
Durée: 95mn
Acteurs: Ninetto Davoli, Sirpa Lane, Enzo Monteduro, Femi Benussi, Francesco Mulé, Inga Alexandrova, Franco Lantieri, Loredana Rubino, Bruno Amatucci, Paolo Celli, Austeen Cooper...
Résumé: Alors que Rome fête l'année sainte, Ciccio part de chez lui en compagnie de sa chèvre, une croix en bois sur l'épaule. Il veut se rendre place Saint-Pierre. Sur sa route il croise une petite fille, Loredana, qui a fugué de chez elle, lasse des incessantes disputes entre son père et sa mère, frigide et sexophobe. Ils vont aller ensemble au Vatican. Pendant ce temps, ses parents tentent de la retrouver tout en réglant leurs problèmes conjugaux tandis qu'un jeune pitre maladroit tente de séduire une belle allemande nymphomane...
Avant toute chose il est important de resituer ce film demeuré pour beaucoup une énigme et d'en retracer la genèse. L'histoire du film débute en 1975 non pas sous le titre Malabestia mais sous celui de Anno santo 1975. Produit par Leonida Leoncini, un journaliste florentin de la Dino Laurentiis, grand ami d'Enzo Monteduro, le film voit le jour sous la direction de Mario Bianchi avec en tête de distribution Enzo Monteduro, Francesco Mule et Femi Benussi. Malheureusement la plupart des bobines disparurent et ne furent jamais retrouvées. Ne resta du film que quelques scènes éparses dont Leoncini se servit beaucoup
plus tard pour donner vie à un film hybride composé des séquences restantes auxquelles il rajouta de nouvelles scènes tournées avec Ninetto Davoli et Sirpa Lane, vainement lancée comme nouvelle sexy star depuis le succès de La bête de Borowczyk. Anno santo 1975 devint Malabestia afin de jouer sur le filon des films zoophiles alors fort en vogue en Italie et de profiter au maximum de l'aura sulfureuse dont jouissait Sirpa. Ce procédé mercantile est ici bien mensonger puisque de zoophilie il n'en est jamais question. Malabestia est en fait une comédie romaine qui se déroule lors de l'Année Sainte, un film composite plutôt décousu où quatre historiettes mises en scène cette fois par Leoncini après que Bianchi ait
abandonné les rênes tentent tant bien que mal de s'emboiter les unes dans les autres.
Du projet initial on retrouve le personnage de Ciccio Pastore, un berger qui suite à un désaccord avec sa belle-mère part pour Rome en compagnie d'une chèvre nommée Graziella, une croix en bois sur l'épaule. En cours de route il rencontre Loredana, une fillette qui a fugué après avoir entendu ses parents se disputer violemment à son sujet. Elle se lie d'amitié avec la chèvre et promet à Ciccio de l'emmener jusqu'à la place Saint-Pierre. Tous deux parcourent Rome mais la fillette se perd et traine Ciccio de basiliques en basiliques avant qu'ils ne réussissent enfin à voir le Pape après avoir été recueillis le temps d'une nuit
par une prostituée au grand coeur. Au cours de leur périple, ils feront aussi la connaissance d'un petit escroc qui pour gagner de l'argent emmènent les touristes au Vatican dans une fourgonnette baptisée Giubileo.
Tel était donc le sujet de base qu'on retrouve bien sûr dans Malabestia agrémenté d'un nouveau fragment dont les protagonistes sont Sirpa Lane et l'ami amant pasolinien Ninetto Davoli. Sirpa interprète Ursula une jeune femme allemande que Davoli entend bien kidnapper sans qu'on sache réellement pourquoi. C'était sans compter sur le fait qu'il en tombe amoureux et qu'une série de catastrophes l'empêche de mener à bien son projet.
C'est finalement Ursula qui le kidnappera gentiment avant d'en faire son chauffeur personnel, toujours sur fond d'Année Sainte.
Vu sa genèse il n'est pas étonnant que Malabestia soit un film étrange, déroutant, souvent incohérent, fabriqué à partir de quatre segments différents: le voyage de Ciccio et de la fillette à travers Rome, la crise conjugale que traversent les parents de la petite fille, fous d'inquiétude depuis sa fugue, les déambulations de Giubileo et sa fourgonnette et enfin les déboires de Filipo et Ursula, nymphomane exhibitionniste. Même si le fil conducteur du film sont les festivités de l'Année Sainte, lien qui unit les divers fragments du scénario,
Malabestia est en incessant déséquilibre. Désordonné, parfois brouillon, Malabestia fait cependant illusion notamment dans sa partie sentimentale et dramatique, de loin la plus réussie. Le périple de Ciccio, petit berger parti croix sur l'épaule en pélérinage avec pour seule compagnie sa petite chèvre a quelque chose de touchant, d'humain, comme l'amitié qui le lie à Loredana la petite fugueuse. De la comédie dramatique on passe par instant par la case lacrima movie avec ces personnages désoeuvrés souvent émouvants comme celui de la prostituée qui accueille Ciccio et sa jeune compagne dans sa roulotte, émue par cet homme innocent qui voit en elle une simple femme et cette fillette qui lui rappelle combien sa
vie est vide de sens. Surprenants de par leur violence sont également les passages qui s'intéressent aux parents de Loredana, Alessandra et Franco, un couple à la dérive en pleine crise conjugale qui ne cessent de se déchirer, de se haïr. Alessandra est frigide et considère les plaisirs charnels comme un acte abominable, une phobie qui la terrorise et l'a toujours empêché d'avoir des relations sexuelles avec son époux. Leur fille est à ses yeux un monstre né des envies perverses de son mari qu'elle compare à un animal. C'est la raison pour laquelle Loredana a fugué après avoir entendu sa mère hurler qu'elle n'était que le fruit de désirs bestiaux. L'inquiétude s'installe à l'idée qu'ils ne reverront peut être plus leur enfant, le
remord les ronge comme cette aversion pour le sexe ronge cette femme qui régulièrement revit les assauts sexuels de son mari assimilés à des viols, douloureux, brutaux. Malgré tout ils continuent de s'aimer, à leur façon. Le ton est grave, tranche avec la légèreté de l'ensemble mais reste cependant en adéquation avec la tendresse, la sympathie douce-amère du duo Ciccio-Loredana empreint d'un nuage de mysticisme.
Toujours au crédit du film certains passages filmés sur le vif au coeur d'une Rome en pleine effervescence religieuse. Ainsi l'arrivée de Ciccio avec sa croix et sa chèvre sur l'immense place derrière la basilique St Paul, tournée devant trois cent mille personnes, est un grand
moment de cinéma-réalité qu'on pourrait qualifier aujourd'hui de direct-live qui se terminera sur quelques mots prononcés par le Pape, une autorisation spéciale dont bénéficia le cinéaste. C'est toujours avec plaisir qu'on reverra certains hauts lieux de la ville éternelle notamment la visite de l'église des capucins et sa crypte ornée de squelettes, Via Veneto et la beauté du Tibre.
Le véritable problème de Malabestia provient des nouvelles scènes réalisées par Leoncini avec le tandem Davoli-Lane qui semblent venir se greffer sur le reste de l'intrigue comme un vilain bubon. Malgré son désir de bien faire, il ne parvient pas réellement à les intégrer et rien
ne vient les relier à l'histoire de base. C'est d'autant plus raté que la manière de filmer de Leoncini n'a rien à voir avec celle de Bianchi. Comme obsédé par la nudité de Sirpa, il multiplie sans raison les gros plans de nu ratés de l'ex-égérie de Vadim, les zooms nauséeux sur son fessier et son intimité. La caméra tangue, les images vacillent. On devine que Sirpa a été convoquée pour apporter à l'ensemble une grosse dose d'érotisme facile, parfois morbide (le viol incompréhensible et inexpliqué de la blonde finlandaise dans les toilettes du restaurant qui finalement y prend gout et surtout plaisir), mais totalement inutile puisque l'histoire de base ne s'y prête pas. C'est d'autant plus exaspérant que Sirpa, mono
expressive, prouve une fois de plus ses bien piètres talents de comédienne inversement proportionnels à sa facilité à se mettre nue, ce qu'elle sait au final le mieux faire. Ce n'est pas ce film qui rehaussera une carrière qui ne décolla jamais. A l'exception de La svastica nel ventre Sirpa se noya dans des productions érotiques degré zéro, vampirisée par le film de Borowczyk, avant de finir tristement dans la pornographie et mourir du sida, seule, oubliée de tous, à la fin des années 90.
Quant à Ninetto Davoli, il nous ressert son numéro favori, celui de l'insatiable pitre, le clown pasolinien cette fois dans le surjeu. Le malheureux s'évertue à sauter dans tous les sens
comme un diable dans un bénitier en vain. Il n'est jamais drôle, sa prestation étant d'autant plus gâchée qu'il fut doublé, affublé d'un accent qui lui fait perdre ce phrasé qui le caractérise d'habitude.
Si on oubliera la triste performance du duo, on saluera par contre celle de Femi Benussi qui en quelques dix petites minutes de présence parvient à nous toucher ainsi que celle de l'ex-danseuse russe Inga Alexandrova (inoubliable dans Les nuits rouges de la gestapo dans lequel elle exécute la danse de Mademoiselle Hitler, une balle de ping-pong dans le vagin) particulièrement habitée par son rôle. Toutes deux donnent une certaine profondeur au film à l'instar de Enzo Monteduro, égal à lui même, qui ne cache pas tout le bien qu'il pense de ce film qu'il prit beaucoup de plaisir à tourner.
Malgré ses défauts Malabestia est une agréable petite curiosité bâtarde inégale et désordonnée cependant divertissante, une rareté de plus qui certes devrait plaire aux amoureux de Sirpa, s'il en existe, mais qui prouve surtout comment les italiens ont toujours su utiliser les restes de bandes pour produire de nouvelles pellicules. Le résultat n'est pas toujours de grande qualité. Il est ici tout simplement satisfaisant.
Ce sera le seul film que Leoncini signera. Il restera cependant dans l'univers du 7ème art en vaquant à divers postes et se mariera à une des nièces de Ronald Reagan après avoir divorcé de l'actrice et chanteuse Mita Medici.