A visages découverts: Les enfants de Salo et leurs mystères
Salo et les 120 jours de Sodome, l'ultime film particulièrement controversé de Pier Paolo Pasolini qui aujourd'hui encore continue de défrayer la chronique, n'aurait certainement pas eu le même impact si les victimes avaient été des adultes. C'est la jeunesse de ces adolescents martyrs prisonniers de bourreaux et maquerelles cruels, objets de leurs fantasmes sexuels les plus dépravés, qui a souvent rendu le film parfaitement immoral et particulièrement insoutenable aux yeux du public. Dans le roman du Divin Marquis dont le film s'inspire les victimes étaient beaucoup plus jeunes. Leur âge s'étalait de 12 à 15 ans. Si pour des raisons évidentes Pasolini dut quelque peu vieillir ses malheureux protagonistes ceci n'enlève rien à l'atrocité des situations. Difficile d'oublier ces visages désespérés marqués par la peur et le dégout, ces regards perdus embués de larmes, ces jeunes filles et jeunes garçons dénudés qui espèrent échapper à la mort, sortir de l'enfer dans lequel on les a bien malgré eux plongé. Qu'ils soient victimes, collaborateurs, sodomisateurs appelés à l'origine fouteurs ou filles des hauts dignitaires (appelées filles-épouses puisqu'elles devront épouser leur père), tous autant qu'ils sont, ils restent de malheureux anonymes, un simple prénom, un visage, fantomatique? Cet anonymat fut souhaité par Pasolini puisque pour lui donner une âme à ces jeunes leur aurait conféré une personnalité à laquelle le spectateur aurait pu s'attacher. Dans l'optique du cinéaste cette quasi perte d'identité a pour but de rendre leurs souffrances encore plus douloureuses et insupportables.
Comme si l'atrocité de la fiction devenait une triste réalité ces jeunes comédiens pour la plupart non professionnels sont pour la majeure partie d'entre eux restés retranchés derrière ce même anonymat après la fin du tournage tant et si bien qu'ils sont longtemps demeurés une véritable énigme. Si certains ont connu par la suite une (très) brève carrière cinématographique, la plupart a pratiquement disparu comme évanouie dans le néant dés le rideau de l'enfer tombé. Si au fil des années certains nous ont malheureusement quitté la majeure partie a été retrouvée mais quelques uns parmi eux refusent de parler de cette expérience cinématographique qu'on peut qualifier d'unique, peut être honteux de ce passage devant la caméra pour un des films les plus dérangeants de l'histoire du cinéma italien.
Quarante plus tard les interrogations sont toujours aussi nombreuses et tous continuent d'intriguer. Qui étaient ils? D'où venaient ils? Que fut leur après Salo? Que sont ils devenus à la fin du tournage? Ces questions reviennent souvent, hantent tant l'esprit des inconditionnels du film que du spectateur lambda souvent troublé par ces visages au regard vide, par ces corps soumis. Très peu de choses ont fusé sur ces jeunes comédiens. Les retrouver fut un véritable labeur, une sorte de quête du SaintGraal. Certains y ont dévoué leur vie. Des années de travail parfois, de recherches méticuleuses, de recueils de témoignages pris ça et là qui se résumaient parfois à une simple phrase. De fil en aiguille les réponses sont au fil du temps lentement apparues même si parfois elles aussi se résumaient à d'infimes éléments. L'arrivée d'Internet fut décisive. Puis il y eut les premiers documentaires et autres témoignages filmés sur Salo, son tournage. Les visages commencèrent à perdre de leur anonymat, ces ombres prenaient corps et trouvaient soudain une identité cette fois bien réelle. L'aura de mystère s'estompait lentement jusqu'à ce que la lumière fuse enfin. Quatre décennies plus tard ceux qu'on nomme les Enfants de Salo ne sont vraiment plus aujourd'hui une énigme du moins pour une bonne partie d'entre eux.
Le Maniaco se devait absolument de leur consacrer un dossier spécial. Il est le fruit d'un long travail de recherches personnel mais aussi le concentré de nombreux autres travaux provenant de diverses sources, le travail de fourmi effectué depuis des années par les très éminents journalistes de Nocturno, les ouvrages parus sur le film, les interviews de quelques rescapés de cet enfer tels Antinisca Nemour, Franco Merli (aout 1989) et Ezio Manni (décembre 2007) mais également Paolo Bonacelli et Hélène Surgère, l'incontournable ouvrage de Uberto Quintavalle, les archives de la presse italienne d'alors et les témoignages d'époque. Et bien entendu les confidences recueillies lors des entretiens avec certains des jeunes victimes que le Maniaco a effectué tous ces derniers mois.
Ce dossier à visage découvert devrait réjouir les inconditionnels de Salo et apporter les réponses aux principales questions qu'il se pose. Il était évident que cette biographie la plus exhaustive que possible des jeunes comédiens devait être complétée par une revue tout aussi poussée des quatre hauts dignitaires, des trois maquerelles et de la pianiste virtuose eux aussi sujet à bon nombre de questions. C'est donc avec grand plaisir que Le Maniaco vous offre un second dossier consacré aux quatre acteurs et quatre actrices qui interprètent les terribles bourreaux et les obscènes narratrices.
Ce tombé de masque sera suivi d'un chapitre consacré aux nombreux mystères de Salo, ces énigmes qui font aujourd'hui encore couler beaucoup d'encre. On le sait l'ultime film de Pasolini est une oeuvre incomplète, mutilée, amputée de bon nombre de scènes ce qui la rend par instant incohérente tant au niveau de la trame scénaristique que du flou qui entoure certains personnages, certaines séquences. Scènes disparues, scènes non intégrées, scènes coupées, bobines volées voilà quelques explications à ces énigmes. Grâce à des documentaires aussi précis qu'exceptionnels que Pasolini prossimo nostro, La voce di Pasolini et le récent Il laboratorio dell'inferno, des témoignages de ceux qui accompagnèrent Pasolini (Gideon Bachman, Roberto Chiesi...) sur le tournage, de documents précieux comme les scenarii d'origine et ces trésors inestimables que sont les fabuleux clichés et travaux de Fabian Cevallos et Deborah Baar la photographe de plateau on a enfin pu reconstituer la quasi intégralité du film y compris celle des cercles des tortures finales tel qu'il se présentait à l'origine et répondre aux questions que posait le film, résoudre la majeure partie de ses mystères. Ce chapitre est aussi le fruit d'une fructueuse collaboration. Il
n'aurait en effet pas été ce qu'il est sans l'aide aussi précieuse que
méticuleuse de Messieurs Tristan Bayou-Carjuzaa, son travail de
recherches et de reconstitution, et Benjamin Berget auteur du tout
récent et particulièrement fouillé Mort pour Salo, l'ouvrage ultime sur cette extraordinaire et sulfureuse adaptation du roman de Sade.
Pour ouvrir ce dossier consacré aux adolescents de Salo il était judicieux de jeter un regard sur la jeunesse pasolinienne, définir l'acteur pasolinien par excellence, ses caractéristiques, d'en dresser le portrait, le cinéaste ayant toujours pris grand soin de choisir ses jeunes acteurs souvent non professionnels afin de mieux comprendre le choix de Salo. Une fois cette peinture terminée le lecteur découvrira comment furent choisis et recrutés les comédiens, victimes, collaborateurs, fouteurs et filles/épouses, avant d'être immergé au coeur même du tournage afin de mettre en lumière tant l'ambiance qu'il régnait sur le plateau que hors caméra, dans les auberges où résidaient la troupe, de révéler les romances qui virent le jour, les coucheries mais aussi les différends, le coté léger presque paradisiaque parfois d'un film qui à l'écran ressemble à l'enfer.
Bon voyage au coeur d'un monde aussi cruel qu'impitoyable, celui de Salo et les 120 journées de sodome, le chef d'oeuvre de Pier Paolo Pasolini réalisé quelques mois avant son assassinat en novembre 1975.
REGARD SUR LA JEUNESSE PASOLINIENNE:
Tout au long de sa prodigieuse carrière Pier Paolo Pasolini a toujours choisi avec soin les jeunes acteurs de ses films. Il n'a jamais tenté de cacher son attrait pour la jeunesse, sa fascination pour l'attrait érotique ou simplement érotisant de la juvénilité. C'est un des principaux points communs aux films de la deuxième partie de son oeuvre constituée par la trilogie de la vie, Le Décaméron, Les contes de Canterbury et Les 1001 nuits, trois films qui sont en fait une magnifique ode à l'amour, à la sexualité et à la lumière. Salo ou les 120 journées de Sodome en est la totale antithèse, une représentation de la mort, de la perversion, de la régression humaine jusqu'à son annihilation par le pouvoir.
A travers ces quatre films mais aussi ceux qu'il réalisa dans les années 60 on peut facilement mettre en évidence, définir le profil de ce qu'on appelle d'une façon parfois un peu généraliste le jeune pasolinien.
Qui est il donc? Il est assez facile de dresser son portrait. Pour Pasolini il est le plus souvent le prototype même de l'enfant des rues, cette jeunesse délinquante indubitablement issue des couches sous prolétaires et prolétaires. Parfois acnéique, pas forcément beau dans le sens esthétique du terme, le jeune pasolinien possède cependant toujours ce charme inhérent à l'adolescence, aussi particulier ou ingrat soit-il, qu'il ait la peau mate du sud ou le teint clair du nord malgré la forte attirance de Pasolini pour les jeunes romains.
De cette ingratitude physique cependant attrayante, parfois même séduisante, émane un naturel souvent émouvant, un peu gauche mais toujours spontané que Pasolini recherchait pour ses films. L'important à ses yeux, et c'est selon lui ce qui caractérisait cette jeunesse saine et enthousiaste, pleine de valeurs de cette fin d'années 60, c'était l'aspect candide, ingénu, un peu naïf. On est donc loin des canons de beauté requis par les modes et le 7ème art de manière plus globale. Ceci est particulièrement flagrant dans Le Décaméron et sa galerie de visages boutonneux qui surplombent souvent des corps aux formes grassouillettes. Il en va de même pour Les 1001 nuits et ses indigènes édentés aux yeux étincelants d'amour qui offrent leur corps nubile souvent somptueux. C'est le coeur, l'âme et ce qu'elle a à offrir qui détermine la beauté de l'être.
Dernier critère et non des moindres le jeune pasolinien s'il a le corps plutôt fin est le plus souvent bien membré puisque le sexe joue un rôle primordial dans la vision cinématographique pasolinienne et que les organes génitaux masculins avaient une grande importance aux yeux du Maitre.
En ce qui concerne les jeunes filles Pasolini était beaucoup moins exigeant que pour ses acteurs masculins. Il leur fallait tout simplement être belles et surtout très à l'aise avec la nudité. Cette aisance à se dévêtir devant la caméra était quasiment le seul point commun qu'elles partageaient avec leurs homologues mâles.
Novices ou semi-professionnels cette spontanéité n'empêchait pas le Maître d'être intransigeant et d'exiger de ces jeunes comédiens le meilleur d'eux mêmes. Il pouvait tourner et retourner une même séquence un nombre incalculable de fois. Malgré son rigorisme, quasiment obligatoire puisqu'il avait souvent recours à des non professionnels, il était toujours à l'écoute de ses jeunes comédiens, une qualité pour lui indispensable lorsqu'on choisit justement de jouer avec des acteurs inexpérimentés. Il prenait ainsi toujours en compte leurs idées et suggestions. Il pouvait modifier une séquence si l'un d'entre eux refusait telle ou telle scène, une qualité du Maitre qui fut fort utile sur le tournage de Salo lorsque certaines actrices telle Renata Moar exigea certaines conditions lors des scènes à caractères sexuelles comme le refus de tout contact charnel avec ses partenaires. Ceci posa de nombreux soucis notamment lors de la séquence de sa masturbation par la Vaccari après son mariage forcé avec Sergio. Pasolini dut en effet positionner ses caméras de façon à donner l'illusion que les corps se touchaient, un véritable casse-tête qui créa quelques moments comiques lorsque Son Excellence et le Président les rejoignent pour les sodomiser se rappelle Uberto Quintavalle. Sous les coups de reins de ce dernier Bonacelli ne cessait de perdre l'équilibre et sa tête heurtait à chaque fois la pauvre Renata.
La jeune comédienne suite aux désagréments qu'elle subit lors de la séquence où elle doit avaler les excréments du Duc émit aussi un droit de veto sur un autre point: ne pas tourner de séquences qu'elle jugerait trop extrêmes. Le dialogue entre les acteurs et le cinéaste était essentiel pour Pasolini. Et ce dialogue était primordial sur le tournage d'un film tel que Salo.
LE RECRUTEMENT DES FUTURES VICTIMES, FOUTEURS ET COLLABORATEUS DE SALO:
Pour l'ultime film du Maitre le recrutement des jeunes acteurs et actrices se fit comme d'habitude avec une infinie minutie. Pasolini arpenta une fois de plus les rues de Rome à la recherche de ce fameux profil type afin de trouver ceux qui allaient devenir les seize protagonistes masculins, les huit victimes mâles et les huit victimes féminines auxquels s'ajoutent les quatre collaborateurs, les quatre sodomisateurs et les quatre filles/épouses des dignitaires. Des castings furent bien sûr lancés de Bologne à Rome en passant par Milan auxquels se souvient Gideon Bachman des centaines de jeunes répondirent, tous plus excités les uns que les autres à l'idée de tourner pour Pasolini, un gage de succès et surtout de gains importants à la clé. Cet engouement, cette fièvre était si forte qu'aucun n'hésitait à se mettre nu avant même qu'on le leur demande.
Lors d'un déjeuner quelques semaines avant le début du tournage entre Pasolini et Uberto Quintavalle à qui le cinéaste offrait le rôle de Son Excellence Pasolini avouait que le choix des jeunes acteurs masculins fut particulièrement difficile et s'avéra un effroyable désastre. Il rencontra quelques centaines voire quelques milliers de candidats mais aucun ne faisait vraiment l'affaire. Selon ses propos souvent très durs ils avaient tous des faces d'idiots dénués de personnalité, totalement inexpressifs, vides de toute émotion, de vrais cadavres. Entre la réalisation du Décaméron en 1970 et les préparatifs de Salo fin 1974 Pasolini trouvait que la jeunesse avait énormément changé en Italie. Elle avait perdu cette innocence, cette naïveté qui faisait tout son charme. Il n'y avait plus de jolis visages, sains, naturels, candides, une jeunesse détruite par une éducation trop permissive, privée de valeurs morales et désormais vouée à la société de consommation. Il aurait été incapable de refaire Le Décaméron quatre ans plus tard avouait-il même.
Pour Salo Pasolini se refusa de choisir ses futurs comédiens parmi la petite délinquance. Ses victimes devaient en effet être raffinées, avoir une certaine classe afin de coller à l'histoire. C'est donc dans les milieux de la bourgeoisie romaine qu'il chercha ses acteurs durant de longs mois à l'exception de Franco Merli qui avait déjà travaillé pour lui l'année précédente sur les 1001 nuits. Pasolini était tombé sous le charme du jeune sicilien qui fut un temps son bel amant et c'est tout naturellement à lui que devait revenir le rôle de Franchino. Certains des jeunes garçons avaient des liens avec le cinéaste. Le père de Umberto Chessari était un ami, un chef électricien qui avait déjà travaillé avec lui notamment sur Les 1001 nuits. Pasolini connaissait très bien également Ezio Manni, un petit banlieusard romain qu'il avait rencontré quatre ans plus tôt dont il fut très proche. Il avait également déjà travaillé avec Giuliana Orlandi.
Les inconditionnels du Maestro remarqueront l'absence au générique de Ninetto Davoli, l'acteur fétiche et amant du réalisateur durant de longues années. La rupture tant professionnelle que personnelle avait malheureusement eu lieu entre les deux hommes et Pasolini en souffrait beaucoup. Leur chemin s'était séparé et il le vivait très mal. Certains comédiens furent choisis pour leur ressemblance avec Ninetto, une manière pour le metteur en scène de pallier à son absence. Ce fut le cas pour Claudio Troccoli, un des collaborateurs, dont Pasolini fut toujours selon les souvenirs de Quintavalle, très proche durant le tournage jusqu'à partager sa chambre avec lui à l'auberge où il résidait. En fait Claudio était un de ses petits protégés rencontré cinq ans plus tôt et sont la famille était des amis à lui. Il en va de même pour Giuseppe Patruno, (un des quatre fouteurs) choisi pour cette même ressemblance physique.
Encore plus difficile fut le choix des fouteurs. Pour incarner les sodomisateurs il fallait de jeunes hommes particulièrement bien dotés par Mère Nature. Trouver des candidats physiquement agréables ET généreusement membrés fut un véritable casse-tête pour Pasolini. Il passa en revue 10000 jeunes mâles, examinant avec minutie leurs attributs mais aucun n'avait le sexe suffisamment développé pour satisfaire le cinéaste qui dépité en arriva à penser que le mythe de l'étalon n'existait pas. Il n'avait pas vraiment l'intention de fouiller les milieux du cinéma pornographique essentiellement américain ni chercher parmi la communauté noire car il se souvenait que lors de son séjour en Nubie pour Les 1001 nuits il n'avait jamais vu un homme de couleur dont le pénis correspondait à ce qu'il imaginait dans ses fantasmes. Il en arriva à penser que l'homme au sexe démesuré n'est en fait qu'un mythe. Dans l'impossibilité de trouver ses quatre spécimens Pasolini eut donc recours à un subterfuge. Il fit poser une prothèse en latex sur le sexe des quatre acteurs retenus d'où la raison de ces faux pénis énormes et ridicules qu'ils portent tout au long du film y compris sous leur pantalon afin de donner l'illusion que ces étalons sont en perpétuelle érection. Simplement collées sur leur pénis ces prothèses tombaient régulièrement lors du tournage obligeant les maquilleurs à venir sans cesse les remettre en place. Le même problème survint avec le faux pénis de Antonio Orlando (Tonino) qui n'arrêtait pas de se décoller lors des tortures finales. Mais ces prothèses furent aussi source de franches rigolades puisque les quatre comédiens interprétant les sodomisateurs adoraient jouer avec entre deux prises. Pour l'anecdote ceux qui ont l'oeil aiguisé remarqueront que la prothèse de Efisio est un pénis... circoncis!
Le recrutement et le choix des huit victimes féminines fut beaucoup plus simple. Il était bien plus évident et surtout facile de trouver de jolies jeunes filles. Pour faire son choix Pasolini hanta les agences de modèles, les agences artistiques et de cinéma. C'est là qu'il trouva ses huit comédiennes qui pour certaines avaient déjà une petite expérience cinématographique derrière elles tandis que d'autres faisaient du mannequinat et avaient déjà posé nues pour des magazines. Elles avaient donc l'habitude d'évoluer en tenue d'Eve sous l'objectif. Ce sont d'ailleurs les actrices qui furent recrutées en premier, Pasolini cherchant encore les garçons quelques semaines avant le tournage. Pour l'anecdote Ilona Staler, la future Cicciolina, avait été appelée pour jouer dans le film mais la jeune hongroise était à cette époque déjà engagée dans des films osés. Elle dut décliner la proposition. Le rôle revint à Olga Andreis (Eva), une de ses amies alors modèle.
Ce qui saute aux yeux c'est que les victimes féminines sont cette fois pour la plupart assez loin du modèle pasolinien à l'exception de trois d'entre elles, Giuliana Melis dont la ressemblance avec Ninetto Davoli est assez évidente, Benedetta Gaetani et la neuvième victime Anna Troccoli, la soeur de Claudio Troccoli, un des collaborateurs.
Les quatre filles des dignitaires devaient quant à elles incarner la beauté, une certaine perfection physique, cette grâce due à leur rang, et devaient posséder une certaine maturité. Les quatre actrices furent bien logiquement recrutées dans des agences de mannequins.
Ce sont les lycéennes des écoles avoisinant Bologne qui participèrent à la scène de recrutement des jeunes filles lors de l'ouverture du film. Celles ci ne se privèrent d'ailleurs pas de crier leur stupéfaction et surtout leur colère lorsque les actrices / victimes leur avouèrent qu'elles ne connaissaient ni le sujet du film, ni leurs dialogues ni même les scènes qu'elles devaient tourner et ne participaient en aucun cas à l'élaboration du scénario. Les lycéennes bolognaises allèrent trouver Uberto Quintavalle afin de lui dire qu'il était inacceptable de traiter les gens comme de simples objets... ce qui fit rire l'acteur!
Il est intéressant de savoir que pour les scènes de foule dans l'antichambre de l'enfer Pasolini demanda à certains des parents de ses jeunes recrues (notamment ceux de Claudio Troccoli) de tout simplement faire de la figuration. Comme quoi Salo fut une belle et grande famille.
UNE COHABITATION REUSSIE:
Pour la plupart mineurs hormis trois des quatre filles/épouses et les quatre fouteurs c'est une bonne trentaine de jeunes garçons et jeunes filles qui durent vivre en communauté les quelques deux mois et demi que dura le tournage avec ce que cela compte en discipline. Le film exigeait en effet que tous soient présents chaque jour sur le plateau. Hormis quelques heurts et prises de bec inévitables lorsqu'on vit en communauté il n'y eut pourtant pas si on se fie aux souvenirs de Hélène Surgère, Uberto Quintavalle et Paolo Bonacelli d'incidents majeurs ni d'absentéisme hormis pour raisons personnelles et surtout pour cause de courte maladie. Le manoir où se déroule la plupart du récit ne possédait quasiment plus de toit. Il y faisait souvent un froid glacial et les jeunes comédiens jouaient pour la plupart du temps nus ou très peu vêtus. On imagine sans mal qu'on puisse facilement tomber malade dans de telles circonstances même si entre deux prises ils étaient emmitouflés dans d'épais peignoirs.
Les garçons étaient ouverts et avaient le contact facile, toujours prêts à discuter et se confier. Tous les acteurs interrogés à ce jour confirment qu'il régnait dans la troupe une ambiance cordiale et bon enfant, une véritable cour de récréation. Un tournoi de football auquel participèrent Umberto Chessari, Sergio Fascetti et Fabrizio Menicchini, trois des jeunes victimes du film, fut même organisé entre l'équipe de Salo nommé "120" et celle du film 1900 que Bertolucci tournait non loin du lieu où se dressait le plateau de Salo, Le tournoi fut honteusement perdu par les "120" ce qui cassa par la suite quelque peu l'ambiance de tournage selon les dires de Uberto Quintavalle. Pasolini était tout simplement furieux!
Logés dans une auberge les comédiens regagnaient chaque soir leur chambre respective à l'exception du ou des favoris de Pasolini qui de temps à autre dormaient avec lui. Tel un véritable père et ange gardien le cinéaste avait bien insisté sur le fait qu'il interdisait tout rapport sexuel entre filles et garçons, sachant pertinemment qu'ils n'obéiraient pas. Certains avouèrent ainsi avoir eu une liaison durant le tournage. Selon les dires de Uberto Quintavalle ces désobéissances permettaient au Maître de pouvoir les piquer au vif parfois avec cynisme s'ils ne donnaient pas le meilleur d'eux mêmes devant la caméra, jetant ainsi la faute sur les dangereuses relations hétérosexuelles! Les sorties dans les boites de nuit locales une fois les caméras éteintes étaient elles aussi de bonnes raisons pour Pasolini pour remettre à sa place sa jeune troupe si certains étaient fatigués ou une fois de plus ne se donnaient pas à fond. De son coté Paolo Bonacelli se souvient des parties endiablées de flipper qu'il faisait avec tous ces jeunes diables.
Quant à l'homosexualité les garçons y étaient par contre plutôt réticents. C'était un sujet dont ils n'aimaient pas parler. Si certains avouaient avoir eu des rapports homosexuels c'était contre de l'argent mais aucun n'acceptait d'avouer une homosexualité latente encore moins d'accepter l'homosexualité. Leurs réactions pouvaient alors être assez brutales, un point confirmé par Susanna Radaelli lors de notre entretien avec elle. Quintavalle se rappelle que l'un deux, Franco Merli dont la relation privilégiée qu'il entretenait avec Pasolini depuis Les 1001 nuits faisait beaucoup jaser, fut sujet à moquerie. Ces railleries le mirent sur la défensive, le rendirent nerveux et irascible, toujours prêt à répondre violemment. Il finit par demander à n'avoir aucun contact charnel avec un autre garçon lors des scènes à caractère sexuel.
Un autre confessa que plus aucun de ses amis ne voudrait le revoir après la sortie du film. Un troisième, Antonio Orlando, (le futur compagnon et égérie du metteur en scène Werner Schroeder), fut de façon désobligeante surnommé "Frocchio" (la tapette) même si durant ces deux mois il était soi-disant tombé amoureux d'une des filles et passa tout son temps à ses cotés. Ezio Manni lors de nos échanges nous avoua que Gaspare Di Ienno (Rino) et Umberto Chessari (Umberto) étaient les moins tolérants à ce sujet. Ils eurent une attitude souvent contestable accompagnée de propos assez durs envers certains notamment envers Franco Merli. Très proche de Pasolini lui aussi Ezio ne fut pas épargné. Il garde encore aujourd'hui quelques griefs envers eux.
S'il régnait une ambiance cordiale sur le plateau, s'il n'y eut aucun réel incident et mésentente les quelques témoignages des comédiens qui aujourd'hui acceptent de parler affirment cependant qu'il n'y eut aucune véritable amitié qui se créa entre eux à quelques exceptions près (Umberto Chessari resta très ami avec Sergio et Fabrizio avec qui il est encore aujourd'hui en contact). Franco Merli affirme qu'ils n'avaient aucun véritable lien entre eux en dehors du tournage même s'il fut très proche de Olga Andreis (voir notre entretien avec l'actrice). La plupart se perdit de vue dés le film terminé.
LE TOURNAGE DE SALO:
Une fois le casting terminé il ne restait plus qu'à donner le premier tour de manivelle dans un château à l'abandon en fait la villa Zanni située à Mantoue où se déroule la majeure partie du film. Son toit était quasiment détruit et laissait pénétrer un froid hivernal parfois pinçant qui gêna par instant non seulement les narratrices mais également les jeunes acteurs
souvent dénudés. La villa était soigneusement gardée pour assurer la sécurité de toute l'équipe mais aussi pour que ne filtre aucune information sur le film durant les quelques mois qu'allait durer un tournage que Hélène Surgère qualifie de pesant dû aux pressions extérieures et aux menaces.
Contrairement à ce qu'on pourrait penser le tournage qui s'étala du 3 mars 1975 au 9 mai de la même année fut loin d'être un supplice. Une ambiance allègre régnait sur le plateau qui se transformait régulièrement en une sorte de cour de jeu pour grands enfants. Paolo Bonacelli (le duc) et Hélène Surgère qui incarne la Vaccari, la première des narratrices, confirment ces propos, appuyant sur le fait que tout
le plateau se transformait souvent en cour de récréation une fois la
caméra éteinte. Durant quasiment trois mois régna une ambiance collégiale. Tous ces jeunes romains et milanais s'amusaient et plaisantaient
entre eux, parfois dans leur propre dialecte avoue t-elle. On est donc
loin de l'ambiance pesante du film même si par moment la tension était
palpable.
Tous ces adolescents aimaient plaisanter et rire entre eux lors des pauses mais également durant le tournage durant lequel il était parfois difficile de les faire garder leur sérieux. Tous étaient heureux de pouvoir jouer des scènes d'action car ils passaient beaucoup de temps immobiles, passifs, à écouter les récits des narratrices ou à jouer les figurants. Ainsi la fameuse scène dite des chiens fut pour eux un réel bonheur malgré les ecchymoses aux genoux qu'ils gardèrent durant plusieurs jours!
DES ENFANTS REBELLES MAIS SI PEU:
A l'écoute de ces jeunes acteurs Pasolini était ouvert aux suggestions voire à certains refus comme en témoigne Antinisca Nemour. Elle se souvient de la gentillesse du Maître, un véritable père pour eux. Par contre ils ne connaissaient absolument pas leurs scènes ni leur contenu qu'ils découvraient quelques minutes avant le tournage afin d'accentuer le naturel. Cette technique eut malheureusement quelques effets négatifs sur certains acteurs. Renata Moar vomit pour de vrai, fut prise d'une crise de larmes et dut être évacuée du plateau lors de la scène où elle est forcée de manger les excréments du Duc. Ses larmes ne sont donc pas feintes. A partir de ce jour Renata suivie par d'autres actrices exigea que de nouvelles clauses soient rajoutées à son contrat afin d'éviter ces détestables surprises. Les actrices professionnelles imposèrent elles aussi certaines limites à leurs scènes. Hélène Surgère avait dit catégoriquement non à tout acte sexuel oral simulé. Elsa De Giorgi pour sa part se refusa à tout acte sexuel manuel. Elle influença Hélène qui par solidarité féminine refusa elle aussi ce type d'acte. Cela explique pourquoi c'est Rinaldo Missaglia, un des sodomisateurs, qui
explique à Giuliana Melis comment masturber un sexe à l'aide d'un mannequin.
Le pauvre Franco Merli fut lui aussi pris d'une véritable crise de larmes lorsque l'Evêque s'apprête à lui tirer une balle dans la tête suite à son élection du plus beau cul. Franco comme le reste de la troupe ignorait qu'il était celui qui serait choisit. Pasolini avait tenu secrète l'issue de cette scène. Surpris de ce choix, ignorant ce qui lui allait lui arriver, Franco fut soudainement pris de panique et se mit à fondre en larmes lorsque l'Evêque pose le pistolet sur sa tempe pour le tuer. Franco pensa qu'il allait réellement mourir et dut être calmé par un des assistants de Pasolini. Ce regard empli de terreur que le cinéaste a si bien su capter n'était donc pas feint mais bel et bien réel.
Quant à Lamberto Book il se rebella fermement contre Uberto Quintavalle lors de la scène dite des chiens car il ne comprenait pas pourquoi il devait être fouetté aussi violemment (même s'il s'agissait d'un fouet en laine). Là encore un assistant intervint et dut le calmer en lui expliquant gentiment que ce n'était que du cinéma et qu'il devait simplement faire ce qu'on lui disait de faire.
Lasses d'être immergées dans un bac de merde (en fait un savant mélange de chocolat et de confiture préparé avec soin par un pâtissier présent sur le plateau) les quatre filles des dignitaires exprimèrent leur colère non pas à cause du contenu mais parce qu'elles durent y rester des heures sans bouger y compris lorsque Pasolini tournait les scènes des récits de La Maggi alors qu'elles n'étaient même pas filmées. Elles ne comprenaient pas l'utilité de revoir rester dans ce bac. A bout de nerfs l'une d'elles, Tatiana Mogilansky, fut prise d'une crise de larmes. C'est Ezio Manni, un des acteurs qui joue un collaborateur, qui réussit à la calmer et la scène put être tournée.
Si le fait de connaitre à la dernière minute les scènes qu'ils devaient tournées fut donc à l'origine de quelques désagréments cette technique remporta un vif succès auprès de nos apprentis comédiens. "Cela avait un coté exaltant, même amusant" commenta cette même Tatiana Mogilansky lors d'une interview réalisée lors du tournage. Amusant est d'ailleurs le mot qui revient le plus souvent tant de la bouche des actrices narratrices, des acteurs dignitaires et des quelques adolescents dont on possède les brefs témoignages. Tous ces jeunes se sont fort amusés et ont beaucoup ri y compris lors des scènes de nu et des scènes sexuelles. A 16 ou 17 ans cela est vraiment amusant confessa une des actrices du film. La nudité ne fut pas un problème en soi. A ce sujet les témoignages des jeunes comédiens se rejoignent tous. Jouer nu lorsque tout le monde est dévêtu est finalement facile car on s'y habitue vite. Il est par contre plus difficile de jouer dévêtu lorsque tout le monde est habillé surtout pour les garçons comme le souligne Paolo Bonacelli. Contrairement à ce qu'on pourrait croire dans de telles circonstances il n'y eut aucun écart, aucune incartade. Tous furent très respectueux.
La spontanéité, le naturel des jeunes comédiens, si recherchés par Pasolini, donnent au film un coté réaliste que capte très bien la caméra. Chaque expression, chaque geste, chaque réaction des victimes, n'était pas forcément dicté. L'objectif les surprenait parfois et enregistrait telle ou telle attitude et expression physique, un procédé par moment flagrant comme lors du mariage de Sergio et Renata. Lorsqu'on observe bien la séquence on peut facilement distinguer la diversité des réactions des jeunes victimes. Certains semblent parfois gênés, d'autres esquissent un sourire ou se retiennent de rire, certains se grattent, soupirent et donnent l'impression d'être las, fatigués.
Certaines scènes devenaient comiques bien malgré elles. Uberto Quintavalle se souvient par exemple dans son livre de la scène de l'élection du plus beau cul. Les quatre acteurs qui jouent les seigneurs avaient devant eux dix-sept derrières anonymes bien tendus, la tête de leur propriétaire étant cachée par un drap. Si à l'écran le spectateur voit ce champ de culs joliment filmé l'envers du décor était bien différent, drôle et à la fois obscène. Les quatre comédiens voyaient en fait de là où ils étaient une incroyable panoplie de lèvres de toutes formes et de toutes couleurs et des ficelles de tampons hygiéniques qui pendaient de manière ridicule auxquelles répondaient des paires de couilles, des petites, des grosses, qui pendouillaient mollement. Olga Andreis (Eva) lors de notre entretien nous avoua qu'elle refusa de tourner la scène car il y avait trop de monde derrière elle entrain de regarder. Pasolini fit donc sortir toutes les personnes qui n'avaient rien n'a faire sur le plateau et la scène put être tournée.
Si les rires étaient la plupart du temps bien réels notamment lors des scènes de Aldo Valletti dont Pasolini utilisa à son avantage l'aspect comique les larmes étaient quant à elles pour la plupart du temps de la simple glycérine à l'exception donc des pleurs de Renata lors du cercle de la merde et des larmes de terreur de Franco Merli, tout deux en état de choc lors du tournage de ces séquences parmi les plus fortes du film.
Malgré le coté bon enfant du tournage l'atmosphère était parfois surréaliste, très étrange, macabre lorsque les lumières éclairaient les sombres décors comme en témoigne Antinisca Nemour et le souligne aussi l'écrivain Fabian Cevallos qui eut accès au
plateau. Cette ambiance donnait aux acteurs le sentiment d'être plongés
dans un autre monde comme coupés de la réalité. Ils ressentaient souvent
une impression indéfinissable qui s'arrêtait au moment où s'éteignaient
les caméras. Le retour à la réalité était donc par moment assez
pénible, curieux. Mais dés que les adolescents avaient retrouvé leur
esprit la bonne humeur refaisait vite surface.
C'est une grande fête qu'organisa toute l'équipe à la fin du tournage où tout le monde se retrouva pour danser et chanter ensemble sur un boogie-woogie endiablé comme en témoignent les images du film Pasolini prossimo nostro. une scène qui est en fait la fin alternative du film qui devait se terminer comme une pièce de théâtre. Victimes, bourreaux, narratrices, collaborateurs, fouteurs et même l'équipe de techniciens ainsi que Pasolini lui même apparaissaient sur cette séquence, réconciliés et... bien vivants, une façon de dire aux spectateurs que toutes les horreurs qu'ils venaient de voir n'était que du cinéma! Ce final ne fut pas conservé, Pasolini lui ayant préféré celui bien plus intimiste et surréaliste où Maurizio et Fabrizio, les deux collaborateurs, s'enlacent et esquissent un pas de danse au milieu du salon.
Selon Uberto Quintavalle ce qui sur le plateau fit le plus enragé Pasolini hormis les crises de larmes et les rebellions de quelque acteurs ce furent les scènes d'actes sexuels plus exactement de sodomie. Aucun des comédiens, plus précisément ceux interprétant les fouteurs, n'arrivait à vraiment reproduire un mouvement de bassin crédible, une telle catastrophe que cela lui faisait souvent s'écrier: "Mais vous n'avez jamais enculé personne?". Pasolini, désespéré, fut souvent obligé de leur montrer le mouvement de bassin qu'il attendait d'eux. Seul Quintavalle eut une fois les félicitations du cinéaste après avoir miraculeusement réussi à reproduire le bon mouvement de va-et-vient culien.
Une des scènes pour laquelle Pasolini fut le plus exigeant fut celle où les quatre dignitaires tuent Ezio après l'avoir découvert au lit avec la servante noire. Quintavalle ne l'avait jamais vu aussi exigeant. Il voulait qu'elle soit le plus réaliste possible notamment au niveau du maniement des pistolets, de la manière dont ils les tenaient et tiraient. Cette scène lui tenait très à coeur car pour lui elle résume parfaitement le film, l'idée phare, celle de la liberté qui se rebellera toujours contre le pouvoir aussi extrême soit-il, une séquence d'autant plus forte qu'elle met aussi en scène une relation interraciale. Au rigorisme de cette scène s'ajoutèrent deux autres difficultés: le sexe de Ezio ne retombait jamais exactement comme Pasolini le désirait mais ce sont surtout les huit heures que durent attendre Ezio et Ines Pellegrini entièrement nus dans la pièce privée de chauffage où serait filmée la scène qui fut pour
les deux jeunes comédiens le plus insupportable d'autant plus qu'à
aucun moment ils ne connurent la raison d'une si longue attente.Malheureusement quelques incidents furent dénombrés lors du tournage que l'équipe préféra taire à l'époque. Ils furent révélés bien plus tard par une des assistantes du cinéaste. Une des jeunes victimes masculines dont le nom ne fut pas révélé à l'époque fut brulée. Il est assez logique de penser que l'incident survint lors des tortures finales. Restait à savoir de qui il s'agissait. On sait aujourd'hui que la malheureuse victime était Sergio Fascetti. Lorsque le jeune acteur se fait bruler la poitrine au fer rouge par l'évêque la protection en latex qui recouvrait son torse fut mal appliquée causant une brulure suffisamment sévère pour que le garçon soit immédiatement conduit à l'hôpital. Cet incident chamboula le plan de travail de Pasolini aussi inquiet pour Sergio qu'énervé par ce douloureux imprévu d'autant plus qu'il ne savait pas si Sergio pourrait rapidement revenir ou non sur le plateau. L' ordre de tournage des séquences de tortures fut donc bouleversé même si Sergio revint sur le tournage assez vite.
Un autre incident fut révélé, celui d'une jeune fille blessée à la main par des bris de verre. Si son nom resta secret il est assez facile de déduire qu'il s'agit de Liana (Liana Acquiviva) lors de la scène où suite au croche-pied que lui fait Efisio lors du premier repas elle chute sur les débris des assiettes qu'elle portait. En observant bien la scène on peut remarquer que Liana, comme un geste réflexe, se tient très rapidement le poignet.
UNE DIFFICILE IDENTIFICATION:
Qui un jour n'a pas tenté d'identifier tous ces visages tant féminins que masculins, victimes, collaborateurs et fouteurs, sans toutefois parvenir totalement à mettre un nom sur les jeunes acteurs mais également sur les rôles qu'ils interprètent. S'il est une chose certaine qui dans un sens facilite cette identification c'est que tous les personnages du film portent leur véritable prénom à l'exception de Dorit Henke rebaptisée Doris, Faridah Malik devenue Fatma et Olga Andreis renommée Eva pour les filles. Quant aux garçons Gaspare Di Jenno devint Rino tandis que Bruno Musso fut appelé Carlo. Des changements qui ne sont pas gratuits et qui s'expliquent facilement comme nous allons le voir dans le chapitre consacré aux biographies des acteurs.
Si la plupart des prénoms et certains noms de famille notamment Claudio Cicchetti et Tonino Orlando correspondent donc aux personnages du film d'autres ne sont pourtant pas facilement identifiables de prime abord puisque quasiment anonymes. C'est encore plus vrai pour les collaborateurs qui n'ont quasiment aucune scène à eux ou ne sont jamais nommés. Hormis le fait de n'être que des prénoms du moins pour ceux qui ont la chance d'être
nommés, une large partie de ces adolescents se ressemble tant et si bien qu'ils
deviennent presque interchangeables. Difficile par exemple de
différencier Rino, Carlo, Tonino ou même Claudio (Claudio Troccoli, le
milicien aux faux airs de Ninetto Davoli). Même cheveux frisés, même
petite bouille, au premier abord rien ne permet vraiment au
spectateur de réellement les distinguer s'il n'est pas attentif.
La curiosité est dit-on un bien vilain défaut mais elle est pourtant normale et fait tout simplement partie de la nature humaine. Difficile en effet pour tout passionné de ne pas avoir ses favoris, de ne pas avoir d'attirance et/ou de la sympathie voire de l'empathie pour un tel ou un tel. Difficile donc de ne pas se poser la question de savoir qui ils étaient, d'en connaitre un peu plus sur eux d'autant plus que bien peu de choses ont été dites, écrites sur tous ces jeunes comédiens pour la plupart non professionnels. C'est beaucoup de patience qu'il a fallu autrefois à l'amateur plus généralement à tout fervent passionné pour extirper d'un dialogue ou simplement au détour d'une phrase leur prénom pour le peu qu'ils soient nommés dans le film qu'ils découvraient sur ce bon vieux support VHS avant d'avoir entre les mains les éditions enfin numériques. Beaucoup de fouilles ont du être faites au fil du temps pour trouver quelques informations les concernant. Ce sont bon nombre d'arrêts sur image, de retours en arrière grâce à la magie de la télécommande, de recherches dans la presse et les documents, les témoignages d'époque mais aussi les moyens technologiques modernes qui auront finalement eu raison d'une grande partie de ce mystère (et de bien d'autres comme nous le verront dans les chapitres suivants).
Et c'est ainsi que lentement mais sûrement s'est faite l'identification de ceux qu'on nomme désormais les enfants de Salo.
UNE ERREUR DE JUGEMENT:
En ne donnant pas corps
à ses jeunes victimes Pasolini souhaitait que le spectateur ne s'identifie pas à
eux, ne s'y attache pas, encore moins lui donner l'occasion de les aimer. Dans sa logique ce sentiment évite ainsi tout sentiment de pitié, tout sentimentalisme. Privés d'identité, d'individualité, privés de psychologie, il est difficile pour le spectateur de ressentir une quelconque sympathie pour ces adolescents. A ses yeux leur funeste sort etl'horreur des situations sont donc bien plus supportables. Cet anonymat accroit également leur déshumanisation, les prive de toute compassion de la part du public. Quelle importance finalement de
savoir qui est qui, comment disparait ou meurt tel ou tel personnage.
Les victimes sont enlevées, humiliées, assouvissent les pires
fantasmes sexuels de leurs tortionnaires puis sont exécutées. Fin!
On n'est pas loin du terrible anonymat des camps SS et de leurs
déportés transformés en simple matricule auxquels Pasolini a peut être également voulu faire référence. On remarquera d'ailleurs lors des scènes de tortures finales que les casaques grises des victimes portent toutes un numéro. Qu'y a t-il de pire que de mourir dans la plus totale indifférence, de disparaitre sans laisser derrière soi de traces, dépourvu de toute identité. En écrivant son prénom dans la poussière du sol Claudio n'a t-il pas tenté à travers ce geste de briser cet anonymat suffocant, insupportable, laissé un souvenir de son passage sur terre?
Pourtant au fil des années on constate que Pasolini s'est finalement trompé dans son implacable logique. Avec l'importance qu'a pris Salo au cours des décennies, véritable film culte pour d'innombrables fans à travers le monde aujourd'hui, force est de reconnaitre qu'il avait tort puisque contrairement à ce qu'il cherchait tous ces adolescents sont devenus malgré eux de véritables objets de curiosité qui attisent les passions, soulèvent bien des interrogations quant à savoir qui ils étaient, ce qu'ils sont devenus, extraordinaires sujets à énigmes qui continuent à faire couler beaucoup d'encre. Certains sont même devenus d'incroyables figures cultes, des icônes que leurs admirateurs vénèrent. Ces jeunes acteurs fascinent, intriguent. De l'anonymat de base voulu par Pasolini ils sont passés à la postérité. Cela n'était il pas inévitable?
Pasolini a t-il pris en compte que bien plus qu'un roman le cinéma est une incroyable, une puissante machine à fantasmes. Selon comme on regarde Salo le film a une certaine incidence sur l'esprit. N'est-il pas normal, humain même, que tel ou tel comédien, tel ou tel personnage retienne en premier lieu l'attention du public pour d'évidentes raisons physiques d'autant plus lorsque ces personnages traversent plus de la moitié du métrage en tenue d'Adam et Eve dans un fort contexte sexuel. A moins de faire totale abstraction de cet aspect physique pour ne voir, ne garder que l'horreur du film qu'on soit bisexuel, gay ou hétérosexuel l'oeil est forcément attiré vers certains plus que vers d'autres selon des critères qui sont propre à chacun, quelque soit l'importance du personnage dans l'histoire. De manière bien plus vicieuse le contexte sexuel, la nudité aident très surement le spectateur à projeter à travers eux ses propres fantasmes, perversions et autres désirs les plus intimes. Ils prennent vie, ils prennent corps dans son imagination. Ils deviennent soudainement concrets. Pasolini fait ici l'étalage de toute une multitude de perversions, de déviances sexuelles, de pratiques qui ne sont jamais que des portes ouvertes où se glisse le spectateur afin de les vivre à son tour suivant ses tendances, ses envies les plus secrètes dans un évident contexte fortement sadomasochiste. Le regard de l'urophile se portera très certainement sur Giuliana et Fatma obligées de se soulager la vessie face caméra. Les amateurs d'inspection corporelle se tourneront vers Rino entrain de déculotter Carlo pour son inspection anale ou s'attarderont sur le déculottage public de Franchino et Sergio.
L'attrait physique et sexuel mis de coté
reste peut être le point de réflexion principal, le reflet de soi,
la reconnaissance. Un film, ses interprètes ont toujours, du moins
très souvent un effet miroir sur le spectateur. Les figures de Salo, dignitaires et narratrices compris, ne pouvaient y
échapper. Laissons de coté les tortionnaires et maquerelles dont une partie du public voudrait sans aucun doute prendre la place selon ses préférences et ne gardons ici que les jeunes victimes, collaborateurs et fouteurs inclus puisque eux aussi victimes à leur manière des exactions de ses hommes et femmes cruels. Huit garçons et huit filles victimes, quatre miliciens et
quatre sodomisateurs auxquels s'ajoutent les quatre filles des dignitaires soit
trente deux protagonistes présents tout au long du film
jusqu'aux ultimes images. A ces trente deux interprètes on peut
en enlever quelques uns déjà qui n'ont aucune scène propre, font
uniquement acte de présence en se transformant en simples silhouettes. Difficile de s'intéresser par exemple
à Lamberto ou Fatma qu'on ne remarquerait même
pas s'il n'y avait pas les scènes de groupe ou si sur deux heures de
film ils n'avaient pas pour eux deux minuscules minutes de gloire. L'intérêt dans leur cas si jamais il y en avait ne peut être qu'exclusivement physique.
Il
n'en va pas de même pour une bonne partie d'entre eux notamment
chez les garçons victimes dont essentiellement quatre sur les huit sortent du lot. Rino, Carlo, Sergio et Umberto, quatre jeunes hommes dans
lesquels le spectateur pourra sûrement se retrouver, s'identifier même si
leur portrait reste somme toute superficiel. Ce sont avant tout les symboles
qu'ils incarnent qu'on retient. Rino et Umberto portent en eux les
graines du mal, ils représentent ceux qui se rangent du coté du
pouvoir, ceux qui prendront le relai. Ils sont l'avenir du fascisme
que ce soit par conviction ou fascination (Umberto) ou plus
sournoisement, de manière plus ambigüe, par contrainte pour sauver sa
peau (Rino).
Le personnage de Umberto est si limpide qu'il en devient odieux, méprisable. Détestable lorsque devenu milicien il fait mine de fusiller ses anciens compagnons en éclatant de rire Umberto finit par être l'égal de ses ex-bourreaux lors des tortures finales. Lorsqu'il plonge sa main dans le pantalon de Umberto le Duc, ravi, constate qu'il est en érection lorsqu'il observe à ses cotés la mise à mort de ses camarades. Umberto est définitivement un des leurs, sexuellement excité par ces funestes visions.
Plus ambigu est le comportement de Rino dont la complicité avec le Duc dès les premières images est évidente. Echanges de regards et de baisers langoureux, sourires entendus et oeillades discrètes les signes qui tendent à montrer leur entente sont nombreux. Il est le premier aussi à accompagner le Duc lorsque ce dernier entonne le chant "Sul ponte di Perati". Contrairement à Umberto rien n'est cette fois réellement explicite. Rino exprime t-il une homosexualité latente, une attirance pour le pouvoir où n'est ce qu'un simulacre pour sauver sa peau, objectif atteint dans ce cas puisqu'il sera gracié et assistera en spectateur aux exécutions finales sans en tirer visiblement de plaisir si on observe bien sa moue contrairement à Umberto qui savoure ces instants. Quelques soient ses raisons Rino demeure un personnage fascinant de par cette ambiguïté.
Quant à Carlo, insolent, arrogant, il personnifie simplement celui qui se dresse contre le pouvoir, l'autorité, l'ordre, un rebelle jusqu'à ses ultimes minutes de vie qui ose encore défier du regard son bourreau qui s'apprête à l'énucléer. Carlo est cet espoir qui permettra au Mal d'être sans cesse combattu pour que la liberté reprenne ses droits, un caractère d'autant plus attachant que Carlo est drôle, vif et impertinent.
Sergio est de son coté indissociable de Renata. Tout deux forment un duo clé omniprésent tout au long du film, deux protagonistes qui interviennent régulièrement dés l'ouverture, ensemble ou séparément, unis ce force. Du honteux déculottage public du garçon à l'union du couple, leur défloration respective en passant par l'obligation de Renata, hystérique, à manger les excréments du Duc et le mariage contre nature de Sergio et de son Excellence impossible pour le spectateur d'effacer de sa mémoire ce tandem devenu depuis un duo culte indissociable au film. Ils sont la pureté, l'innocence violée puis annihilée, incarnations de l'avilissement, de la rétrogradation.
Il est évident que pour le public il est simple de s'identifier aux personnages qui se rapprochent le plus de ses convictions, de son état d'esprit, de sa mentalité. Des Rino, Umberto, Carlo, Sergio, Renata il y en a partout. Anonymes ou pas cela n'empêche en rien d'effectuer ce rapprochement encore plus si le physique rentre en ligne de compte.
Pour quelques autres caractères tels Tonino ou Franchino ce sont avant tout leur supplice respectif qui les a porté à la postérité. S'il n'a aucune scène à lui comment oublier l'atroce mise à mort de Tonino, le sexe brulé à la flamme par le Président? Comment sortir de son esprit Franchino déjà remarqué pour sa brillante interprétation de Nurredin dans Les 1001 nuits transformé au fil du temps en véritable martyr, son visage devenu aujourd'hui
le symbole même de Salo grâce à deux inoubliables scènes: le plan sur son regard terrorisé embué de larmes, un pistolet sur la tempe prêt à être tué et son exécution la langue tranchée au couteau, une image qui a fait le tour du monde et symbolise encore aujourd'hui le film.
Pasolini avait-il pris en compte ses éléments en écrivant Salo? Avait-il prévu un tel emballement sur le long terme? Peut être serait-il aujourd'hui très étonné de cette folie collective que suscitent ses adolescents certes toujours enveloppés d'un voile de mystère, l'engouement dont jouissent aujourd'hui ses jeunes victimes qui d'anonyme n'ont finalement plus que l'apparence. Tous autant qu'ils sont ils feront encore couler beaucoup d'encre et seront encore longtemps au centre de nombreuses recherches.
Ne reste plus maintenant qu'à vous les présenter un par un de manière la plus détaillée possible.
LES ENFANTS DE SALO:
LES QUATRE FILLES / EPOUSES DES DIGNITAIRES:
Aux yeux de leur père les filles des quatre seigneurs ont encore moins de valeur que les seize jeunes prisonniers. Leur père vont se les échanger et épouser celle que le Duc leur attribue. Par cette union sacrilège les quatre dignitaires unissent à jamais leur destinée. Dés lors elles ne cesseront de descendre d'un cran l'échelle de la dégradation humaine. Privées de tout vêtement elles doivent servir dignitaires, maquerelles et prisonniers et peuvent à tout instant se faire brutaliser et sodomiser. Dans un premier temps elles incarnent l'image de la femme totalement soumise reléguée au rang de simple esclave destiné à servir l'homme et assouvir ses pulsions sexuelles à travers l'acte sodomite, la privant ainsi de son rôle premier: enfanter. Une des lois est respectée. D'esclave elle passent ensuite au rang d'animal tenu en laisse dés la scène qui au départ devait ouvrir le cercle de la merde, celle de l'annonce des nouvelles lois qui régiront les besoins naturelles des prisonniers. Grelotant sur un escalier elles sont ensuite reléguées au stade d'objet. Leur corps sert de tapis où on pose ses pieds avant la phase ultime de la déshumanisation, quatre merdes qu'on plonge dans un bac rempli d'excréments (la merde va à la merde) dés l'ouverture du cercle du sang ou comment illustrer la plus parfaite désintégration de la nature humaine. Scellé dés le départ le sort qui leur est réservé est inéluctable. Elles sont condamnées à mourir. «Ils ignorent que nous les bourgeois n'hésitons pas à tuer nos propres enfants» s'écrie le Duc lors de la scène des contrats de mariage! Les lois établies sont ainsi respectées.
Pour jouer les filles des quatre dignitaires il fallait des jeunes filles au port altier, possédant ce coté noble inhérent au rang qu'elles occupent dans le film et dont la beauté n'a d'égal que la cruauté de leur père respectif. Ce sont quatre jeunes modèles repérées dans des agences de mannequins que Pasolini choisit. Outre le mannequinat deux d'entre elles avaient déjà une toute petite expérience cinématographique derrière elles. Certaines avaient aussi tourné dans des publicités.
SUSANNA RADAELLI:
- Suzy: Elle est la fille du président. Elle épousera le Duc. Suzy, 17 ans, est interprétée par Susanna Radaelli qui a toujours préféré se faire appeler Suzy Radaelli. Cette jolie brunette au corps élancée qui croque une boulette de polenta garnie de clous lors de la scène dite des chiens est née à Milan en 1958. A l'époque de Salo Susanna était modèle. A la fin du tournage elle connut une toute petite carrière cinématographique en interprétant toujours de très courts rôles à la limite de la figuration. L'amateur la reconnaitra dans le giallo E tanta paura de Paolo Cavara. Elle est une des trois mannequins qui posent lors d'une séance photo à laquelle assiste Corinne Cléry. Vêtue d'une combinaison de moto très design elle finit par embrasser Corinne sur la bouche laissant supposer qu'elle est son amante. En 1976 elle apparait tout aussi brièvement dans la médiocre comédie Stangata in famiglia de Franco Nucci aux cotés de Lino Banfi, Femi Benussi et Patrizia Gori. Elle y joue une scène lesbienne assez osée avec une blonde inconnue devant un Piero Mazzaerella tout ébaubi. Son ultime apparition à l'écran sera en 1977 malheureusement non créditée dans l'énigmatique Maldoror de Alberto Cavallone. Dissimulée sous une perruque blonde elle est une quatre jeunes filles qui montent l'insecte géant imaginé par Marco (Tony Askin).
Le cinéma n'a jamais été la passion première de Susanna, grande adepte de photographie , de lecture et de voyages, qui durant cinq ans fut modèle dans le monde de l'habillement. Elle s'est spécialisée par la suite dans les vêtements pour enfants en ouvrant ses propres boutiques. Elle s'est exilée en Amérique, un pays dont elle est tombée amoureuse. Elle s'est installée à Los Angeles puis a changé d'orientation. Elle a en effet monté sa propre entreprise de paysagisme tout simplement nommée Susie Mama. Elle dessine des parcs et des jardins pour résidences et reste active dans le domaine de la mode, toujours aussi belle et élégante comme si le temps n'avait eu aucune emprise sur elle, tout en continuant de travailler pour un studio de post production à Hollywood. Le travail n'a jamais fait peur à Suzy.
Mère de trois fils, Alex, Paolo et Dario, Suzy ne renie en rien son passé d'artiste encore moins Salo même si tout cela lui parait aujourd'hui tellement loin. D'une extrême sympathie, très simple, c'est avec enthousiasme qu'elle évoque cette époque comme le montre notre interview réalisée en janvier 2021.
Malheureusement Suzy nous a brutalement quitté le 25 décembre 2022, un an jour pour jour après notre entretien, laissant derrière elle son compagnon Lloyd, ses trois enfants et une ribambelle d'animaux. Susanna était en effet une amoureuse invétérée de la nature.
TATIANA MOGILANSKY:
- Tatiana: Elle est la fille de son Excellence. Elle devra épouser le Président. Tatiana est interprétée par Tatiana Mogilansky. D'origine russe, installée alors à Rome, cette magnifique blonde aux boucles épaisses, aux grands yeux verts était shampouineuse dans un salon de la capitale. Elle fut choisie pour sa beauté et son corps parfait. Pour interpréter la fille de son Excellence il fallait cette grâce naturelle et cette beauté presque noble que Tatiana possédait si naturellement. Cette jeune fille timide presque mal à l'aise face à la caméra lors d'une des très rares interviews qui existe des jeunes acteurs, une interview hollandaise, ne cache ni le professionnalisme ni la gentillesse de Pasolini dont elle vante la sympathie. Elle confesse également qu'il exigeait d'eux du sérieux. Ils ignoraient les scènes qu'ils allaient tourner et les découvraient cinq minutes avant le tournage. S'ils devaient être effrayés ils feignaient la peur, s'ils devaient paraître joyeux, ils feignaient alors la joie. C'est de cette spontanéité que vient ce naturel qui caractérise Salo. «C'est bien ainsi. Cela ajoute au naturel et à l'excitation du moment» s'étrangle t-elle d'une voix toute timide, l'air heureuse, malicieuse avec son petit accent. Ce fut le seul film de Tatiana qui disparut par la suite. Tatiana fut un temps la petite amie de Ezio Manni, le collaborateur au poing levé. Cette brève romance naquit suite à une crise de larmes dont elle fut victime lors du tournage de la scène où avec les trois autres filles des dignitaires elle doit s'immerger dans un tonneau rempli d'excréments. Les quatre comédiennes, indignées par cette scène se rebellèrent puisqu'elle durent passer quatre jours dans ce tonneau sans pouvoir en sortir même lorsque les caméras étaient éteintes. Parallèlement à cette scène Pasolini tournait en effet dans la pièce voisine les séquences de Caterina Borrato pour le cercle du sang. Très énervée, ne comprenant pas la décision de Pasolini, Tatiana finit en pleurs. Ezio vint la consoler et ainsi naquit leur petite histoire d'amour. Quant à sa partenaire Susanna Radaelli (Suzy) avec qui Tatiana partageait son appartement elle parle d'elle en termes élogieux, la définissant comme une fille joyeuse, douce et très sympathique mais un peu mystérieuse. C'est pourquoi elle a longtemps pensé que Tatiana était... une espionne russe basée en Italie!
GIULIANA ORLANDI:
- Giuliana: La fille ainée du Duc qui devra épouser son Excellence est interprétée par Giuliana Orlandi. On ne la voit finalement que très peu dans le film puisqu'elle n'a aucune scène qui lui est propre. Avant Salo et les 120 journées de sodome, Giuliana était brièvement apparue en 1973 dans la décamérotique Histoires scélérates de Sergio Citti et Pier Paolo Pasolini, un rôle malheureusement de simple figurante. Il faudra donc de la patience et surtout une minutieuse attention pour la repérer. La photo ci-dessous vous y aidera. Avec Salo ce furent ses deux seuls essais cinématographiques. Giuliana avait également tourné quelques spots publicitaires pour la télévision. A la fin du tournage de Salo elle semble s'être totalement évaporée de la surface de la planète. Plus jamais on n'entendit parler de la fille du Duc dont on ne sait strictement rien de plus si ce n'est qu'elle était la nièce de Bruno Musso, le jeune acteur qui dans le film interprète Carlo le jeune acteur qui dans le film interprète Carlo.
LIANA ACQUAVIVA:
- Liana: Elle est la fille cadette du Duc qui épousera l'Evêque. Liana est elle aussi incarnée par une modèle professionnelle, Liana Acquaviva. On se souviendra d'elle essentiellement pour deux scènes. La première est celle où lors du repas du cercle des manies un des gardes lui fait un croche-pied. La malheureuse tombe à terre puis est sodomisée par Efisio, un des fouteurs, sous l'oeil réjoui du Président. La seconde se situe à la fin du film durant le cercle du sang lorsque les quatre filles des dignitaires et les futures victimes sont dans le bac rempli d'excréments que surplombe une Madone chancelante. Alors que la Castelli entame ses récits Liana s'écrie soudain: "Mon Dieu! Pourquoi nous as tu abandonné?" Elle est ainsi la seule des quatre filles des bourreaux à avoir une ligne de dialogue durant tout le film.
Salo et les 120 journées de sodome fut pour cette grande brune née le 25 mai 1957 son unique rôle au cinéma. Comme Giuliana Orlandi et Tatiana Mogilansky elle disparut totalement par la suite sans laisser de trace.
LES 8 VICTIMES MASCULINES
FRANCO MERLI:
- Franco dit Franchino est joué par Franco Merli. S'il fallait définir l'acteur pasolinien par excellence Franco pourrait en être la parfaite incarnation. A l'époque de Salo le jeune garçon n'était pas un inconnu. Né en 1958 à Corleone ce jeune sicilien de 16 ans avait déjà arrêté ses études lorsque Ninetto Davoli le remarqua lors du casting des 1001 nuits alors qu'il était garçon pompiste dans une station d'essence. Certain qu'il tenait la perle rare qui séduirait Pasolini Ninetto le présenta quelques jours tard au cinéaste qui fut de suite séduit par son air de petit paysan sicilien, sa teint mat, son regard à la fois sauvage et innocent, par la maturité de son corps (il aimait le définir comme un garçon de 16 ans dans un corps d'un garçon de 18 ans) et bien sûr son aisance à se mettre nu face à la caméra. Ce fut pour Pasolini un coup de foudre. Il tenait son jeune héros, l'incarnation rêvée de son Nureddin. Franco étant mineur il demanda bien entendu l'autorisation à ses parents puisqu'il aurait à jouer des scènes de nu. Ils n'y virent aucun inconvénient et c'est ainsi que Franco, fou de joie, s'envola quelques temps plus tard pour le Yémen et l'Iran. C'est naturellement que Franco se retrouva dans Salo l'année suivante.
Le film ne fut pas toujours une partie de plaisir pour Franco qui, souvent sur la défensive suite à une rumeur sur son homosexualité, pouvait facilement devenir violent, se transformer en une boule de nerfs face aux railleries de ses camarades jusqu'à refuser qu'on le touche pour les besoins du film. Il n'y a guère de doute sur la relation intime que partageaient le cinéaste et le garçon qu'on a souvent dit très proches. Uberto Quintavalle confirme dans son livre qu'ils se quittaient rarement hors du plateau, tant aux repas que le soir à l'auberge. Paolo Bonacelli confirme encore aujourd'hui que Franco dormait régulièrement dans la chambre de Pasolini où se rendaient également Claudio Troccoli et Ezio Manni, deux des comédiens qui jouaient les gardes. Est-ce étonnant si dans le film Pasolini lui fait remporter l'élection du plus beau derrière, une scène qui aujourd'hui fait rire jaune Franco?
De Salo c'est avant tout deux images de Franco qu'on gardera en tête, celle où il se fait arracher la langue lors des tortures finales et celle de son regard terrorisé, les yeux mouillés de larmes reflétant la peur à l'état pur, lorsque l'évêque lui pose un pistolet sur la tempe et feint de l'exécuter. Pour l'anecdote Franco n'était pas au courant de ce qui allait se passer durant cette séquence. La terreur qu'on peut lire dans son regard n'était donc pas feinte. Le jeune comédien terrorisé, pensant réellement qu'il allait mourir, fut pris d'une violente crise de nerfs. Un des assistants de Pasolini dut le rassurer et le calmer avant que le tournage ne reprenne.
Ces deux scènes dont Franco parle avec un certain humour aujourd'hui firent le tour du monde et caractérisent encore aujourd'hui Salo. Ce rôle, ces images aujourd'hui indissociables du film, allaient pourtant fortement nuire à ses projets de carrière. S'étant pris de passion pour ce métier Franco prit des cours de comédie mais la suite s'annonça cependant bien moins évidente.
Si entre Les 1001 nuits et Salo Franco, les cheveux teints en blond, tourna dans la sexy comédie de Gianni Martucci La-collegiale / La collégienne en vadrouille, il y joue un adolescent pervers, un petit maitre chanteur qui donne la fessée à Marta Katherine, l'après Salo fut par contre plus difficile. En 1976 il décroche un rôle dans l'excellente satire Affreux sales et méchants. de Ettore Scola. Il y joue le fils travesti gay et prostitué de Nino Manfredi. Il obtint ce rôle car Ettore Scola était un ami de Pasolini qui lui recommanda le jeune comédien.
A la mort du cinéaste Franco se retrouva seul à Cinecitta. Privé de son mentor, marqué à jamais par les stigmates de Salo, son image de jeune acteur pasolinien collée à la peau, les portes se fermèrent devant lui. Désillusionné Franco après une apparition en 1979 à la limite du caméo dans Il malato immaginario / Le malade imaginaire de Tonino Cervi quitta le monde du cinéma sans grand regret car comme il l'affirme aujourd'hui il n'a jamais eu l'ambition d'être un jour acteur encore moins celle de briller sous le feu des projecteurs. C'est donc serein qu'il retourna un temps en Sicile où il retrouva l'anonymat.
Franco a cependant ressurgi quinze ans plus tard en aout 1989 à l'occasion d'une longue interview qu'il accorda à l'écrivain Leonard Loonen, auteur du livre De magische drie in Il fiore delle mille e una notte van Pasolini. Il y évoqua ses souvenirs, parla de cette période, des 1001 nuits et de Salo mais aussi de Pasolini. Avec humour et pas mal de recul il aborda toute cette partie de sa vie. A cette époque Franco avait quitté la Sicile pour s'installer à Rome où il était alors chauffeur livreur pour une fabrique de moteurs GPL. Aujourd'hui Franco vit toujours à Rome. Marié il est père de deux fils.
Devenu l'empreinte même de Salo, véritable icône masculine du film, Franco compte non seulement des milliers de fans à travers le monde mais il est aussi la star de nombreux sites internet dédiés.
La biographie complète de Franco est disponible ICI.
SERGIO FASCETTI:
- Sergio est joué par Sergio Fascetti, un jeune garçon originaire de L'Aquila, né le 4 juillet 1958. Fils d'un carabinier Sergio quitte son village natal pour Rome à 10 ans. Figure emblématique du film Sergio avait tout juste 17 ans lors du tournage. Sa blondeur, son visage encore angélique séduisit Pasolini qui le choisit sans hésiter pour incarner le malheureux Sergio. Marié de force à Renata dés le début du film après avoir été dépucelé par le Duc il devient l'époux de son Excellence et finira les tétons brulés au fer rouge. On sait désormais que lors du tournage de cette scène Sergio eut la poitrine brulée et dut être hospitalisé. Sa prothèse était mal appliquée et le fer atteignit la peau, nécessitant des soins en hôpital. L'incident fut autrefois étouffé mais l'information fut dévoilée grâce aux images d'archives retrouvées sur lesquelles Pasolini, très embarrassé, évoque le drame. Plus amusant est son flirt avec sa partenaire Renata Moar durant le tournage, les scènes qu'ils avaient en commun les ayant beaucoup rapproché. Très courtisée Renata fut approchée par d'autres garçons du film à la grande colère de Sergio qui mit fin à leur idylle.
Le destin de Sergio fut malheureusement tout aussi tragique. A la fin du tournage Sergio, un passionné de football, retomba dans l'anonymat et retrouva sa vie d'avant, une vie marquée par les problèmes et surtout la toxico-dépendance. Malgré ses soucis certains affirmeraient que Sergio aurait fait en 1982, soit sept ans après Salo une très brève apparition muette dans la comédie de Castellano Grand hotel excelsior. Il serait le jeune serveur qui se tient à l'extrême droite de l'écran lorsque le personnel se met en rang dans le hall de l'hôtel. Après moult vérifications avec arrêts sur image il est évident qu'il ne s'agit pas de lui. Les deux seuls figurants qui entretiendraient une certaine ressemblance avec Sergio est le serveur à l'arrière-plan à l'extrême gauche mais il est très difficile d'affirmer qu'il s'agit bel et bien de lui tant le plan est furtif et quelque peu flou. Le second est le serveur brun en bas à droite de l'écran se tenant de profil mais là encore le plan est si bref qu'il est bien difficile d'affirmer que c'est Sergio.
C'est tristement que Sergio s'éteindra le 22 mars 1992 à tout juste 34 ans à Rome, sa ville natale, d'une overdose d'héroïne aux cotés de deux autres garçons, un yougoslave de 41 ans, Bosko Grcic, et un jeune italien Gabriele Luciani, 25 ans. Sergio qui vivait alors dans la périphérie romaine, plus exactement dans le quartier de Centocelle, fut trouvé mort par des proches dans sa baignoire, une seringue usagée et un lacet hémostatique trainant sur le sol de la salle de bain. Ainsi se termina donc la vie du malheureux Sergio emporté par ce fléau qui marqua l'Italie des années 80 et 90. Durant toutes ses années Sergio était restés très proche de Umberto Chessari et Fabrizio Menichini, ses partenaires, unis par leur amour du football.
ANTONIO ORLANDO:
- Tonino est joué par Antonio Orlando: Un visage triste surmonté d'une touffe de cheveux frisés, Tonino, fils d'un magistrat ami de son Excellence, fait partie des personnages qui ont très peu de scènes à eux dans le film. On se souvient essentiellement de lui pour son arrestation et surtout sa mise à mort lors des tortures finales, le pénis brulé à la flamme d'une chandelle.
Né à Naples le 15 mars 1960 Antonio avait tout juste 15 ans lors du tournage. Il faisait donc partie des plus jeunes acteurs du film. Pour les garçons il est avec Franco Merli un des rares acteurs qui avaient déjà derrière lui une expérience cinématographique.
En effet ce jeune napolitain appartenait à une troupe de comédiens de La commedia dell'arte. Il fit ses débuts au grand écran en 1974, soit un an avant Salo, aux cotés de Claudia Cardinale et Fabio Testi dans Lucia et les gouapes de Pasquale Squitieri. L'après Salo fut pour lui que bonheur. Il est un des rares jeunes acteurs du film à avoir réussi tant sa vie privée que sa vie professionnelle. Dés la fin du tournage de Salo il va enchainer les films. Comédien talentueux et prometteur Antonio va tourner sous la direction de quelques grands noms du cinéma italien. On le vit ainsi le plus souvent dans de petits rôles dans La grande bagarre de Pasquale Festa-Campanile aux cotés de Bud Spencer et Marc Porel, La femme du dimanche de Luigi Comencini avec Marcello Mastroianni et Jean-Louis Trintignant ou encore L'affaire Mori de Pasquale Squiltieri.
Dans les années 80 il devint non seulement l'acteur fétiche du cinéaste allemand et militant gay Werner Schroeter mais également son compagnon dont il partagera la vie jusqu'à sa mort prématurée. Werner offrira à Antonio ses plus beaux rôles, ses plus forts, l'occasion pour le jeune comédien de laisser enfin exploser tout son talent dans des compositions souvent difficiles, dramatiques. Sous sa direction il tourne le magnifique et tragique Le règne de Naples, la tragédie sicilienne épique Palerme ou Wolfsburg et Le roi des roses, un petit chef d'oeuvre du cinéma gay allemand dans lequel il interprète l'amant martyr du héros joué par Mostefa Djadjam. On le verra également dans un registre tout aussi spécial chez Walerian Borowczyk dans L'art d'aimer.
Pour la télévision française il tourne Le Quartet Basileus de Fabio Carpi et la mini série Les belles années. Il fut également au générique de quelques épisodes de la très fameuse série policière italienne La piovra. Alors que tout semblait lui sourire Antonio trouva malheureusement la mort dans un tragique accident de voiture le 15 juillet 1989 à Naples. Il avait tout juste 29 ans.
UMBERTO CHESSARI:
- Umberto est joué par Umberto Chessari. Umberto est avec Rino le deuxième garçon a échappé à la mort. Il réussit à passer du statut de victime au statut de milicien. Il devient bourreau et prend la place de Ezio après qu'il ait été abattu par les dignitaires. Umberto va prendre un plaisir presque sadique à feindre mitrailler ses ex-camarades lors du final. Il est aussi aux cotés du Duc lorsque celui ci observe à la jumelle les quatre premiers suppliciés puis, après avoir ouvert sa braguette, le dignitaire constate qu'il est en érection et le félicite pour cette réactivité.
Ce n'est pas vraiment un hasard si Umberto Chessari, né le 8 mars 1957 à Rome, fut choisi pour interpréter une des huit victimes masculines. Son père était en effet assez proche de Pasolini. Il fut un temps son chef électricien notamment sur Les 1001 nuits. Le jeune Umberto connaissait donc le cinéaste avec qui il lui arrivait parfois de jouer au football. Le garçon baignait donc déjà un peu dans l'univers du 7ème art. Un an avant Salo il était apparu dans la comédie estudiantine de Mino Guerrini Professore venga accompagnato da suoi genitori dans laquelle il interprète Turturo, un des élèves du lycée. Lorsque Pasolini lui offre le rôle de Umberto il accepte sans difficulté même s'il dut tout de même passer le casting. A la fin du tournage il met un terme à sa courte carrière de comédien et retourne à ses études sans pour autant déserter le 7ème art. Le milieu du cinéma l'intéressait toujours, pas en tant que comédien cette fois mais dans un toute autre domaine. Laissant derrière lui son passé pasolinien il préférait être dans l'ombre des projecteurs et passa en effet derrière la caméra dés 1983 en utilisant de temps à autre le pseudonyme de Bart Hassar. Il fut notamment chef électricien et de l'équipement. Il travailla également sur quelques films de Claudio Fragasso et Bruno Mattei tels que Strike commando, Zombi 3, Robowar, Non aprite la porta. Si Umberto a officié dans les coulisses du 7ème art c'est en grande partie à la télévision qu'il passa cependant la majorité de sa vie. En effet l'ex-jeune acteur de Salo a essentiellement travaillé pour Mediaset avant de se retirer en 2014. Il est récemment réapparu publiquement et parle volontiers et avec beaucoup de sympathie de son expérience pasolinienne dont il garde de tendres souvenirs. A la fin du tournage il garda contact avec Sergio Fascetti avec qui il s'était lié d'amitié sur le plateau ainsi que de Fabrizio Menichini avec qui aujourd'hui il est toujours ami. Umberto est marié. Il a un fils, Emanuele, qui travaille dans le monde du spectacle.
LAMBERTO BOOK:
- Lamberto est joué par Lamberto Book, un jeune romain né le 1er novembre 1959. Il avait donc 16 ans lors du tournage. Book! Ce surprenant patronyme anglo-saxon n'est pas un pseudonyme même si dans le film il est appelé Lamberto Gobbi. Book devait peut être sonner trop anglais aux oreilles de Pasolini qui décida alors de le renommer. Lamberto n'a quasiment aucune scène à lui. Il est aussi le personnage masculin qu'on voit le moins à l'écran. Il a aussi totalement disparu lors des séquences de tortures y compris des photos de plateau. Une seule prise par Deborah Barr témoigne en fait de sa présence. On le voit assis en coulisses vêtu d'un peignoir jaune entrain d'attendre auprès des machinistes et de Pasolini.
On retiendra de Lamberto la séquence, sa seule minute de gloire, où il se fait violemment fouetter par son Excellence lors de la scène dite des chiens. Si Lamberto s'est contenté d'être une des victimes anonymes du film il sut pourtant se faire remarquer lors du tournage de cette fameuse scène. Ne comprenant pas vraiment pourquoi il était fouetté si brutalement Lamberto, pris de colère, se rebella et se dressa contre Uberto Quintavalle qui interprétait Son excellence. Un des assistants de Pasolini dut intervenir et calmer le garçon en lui expliquant que ce n'était que du cinéma et qu'il devait simplement faire ce qu'on lui demandait. Tout rentra alors dans l'ordre. Après Salo Lamberto a disparu des feux de la rampe pour se consacrer aux études et à sa vie privée. Il n'a jamais quitté Rome, s'est marié, devint père de famille. Nous avons malheureusement appris par l'intermédiaire d'une de ses amies que Lamberto est malheureusement décédé quelques temps après son cinquantième anniversaire.
CLAUDIO CICCHETTI:
- Claudio est joué par Claudio Cicchetti. Né à Rome ce jeune brun aux yeux verts avait 16 ans lors du tournage. De son personnage on se souvient essentiellement de ses larmes lorsqu'il est arrêté par les miliciens et de son incapacité à satisfaire les désirs sexuels de l'Evêque lors d'un récit de la Vaccari. Tout premier à avoir été inscrit dans le carnet des punitions Claudio a longtemps été au centre d'un mystère. Lors d'un récit de La Vaccari on le voit en effet écrire avec son doigt dans la poussière du sol un mot qu'on identifie au premier abord comme étant "dio". En y regardant de plus prés il s'agit en fait de "Claudio", son prénom, une façon très discrète de laisser derrière lui une trace alors qu'il est voué à une mort certaine. Comme Graziella et Eva il fera preuve de délation lors du troisième cercle en révélant à l'Evêque que Graziella dissimule sous son oreiller une photo de son fiancé, un acte rigoureusement interdit. Cette délation ne lui épargnera malheureusement pas sa condamnation à mort.
Passionné de musique Claudio prit dés l'âge de 6 ans des cours de guitare, d'orgue et de piano. Musicien dans l'âme il forme son premier groupe peu de temps après Salo, étudie Bach et Chopin puis fonde un nouveau groupe en Romagne qui connaitra un certain succés dans le sud de l'Europe. Au fil du temps Claudio que son frère Sandro, également musicien, rejoindra plus tard diversifiera ses activités musicales, animant fêtes, mariages, jouant dans les piano-bars et lors d'évènements en plein air. En 2021 Claudio réalisera enfin son rêve, produire et sortir son premier album sur lequel il travaillait depuis 2016, "Un artista senza troppo". Parallèlement à ses activités musicales Claudio a tout au long de sa vie multiplié les métiers.
Claudio vit toujours à Rome mais il ne souhaite en aucun cas revenir sur son expérience pasolinienne. C'est pour lui un passé qu'il a définitivement laissé derrière lui. Joint par téléphone il eut cette réponse sans appel: "Le Claudio de cette époque est mort. Nous en parlerons dans une autre vie... peut-être".
BRUNO MUSSO:
- Carlo est joué par Bruno Musso de son vrai nom Bruno Carlo Musso. On se souviendra de son physique de petit clown indiscipliné qui rit de bon coeur lors de son arrestation à l'ouverture du film. On ne le verra guère tout au long de celui ci si ce n'est lors de la fameuse séquence du pot de chambre. Lors de l'inspection des vases de chambre le Président constate que Carlo a non seulement déféqué mais après que Rino l'ait déculotté il constate également qu'il a eu l'audace de s'essuyer. Il sera inscrit de suite sur le carnet des punitions pour un tel geste! Même si le personnage de Carlo n'a que peu de présence à l'écran il est cependant très intéressant car Carlo représente tout ce qui peut faire obstacle au pouvoir. L'arrogance, l'insolence, la désobéissance, il possède tous ses défauts et c'est sans doute la raison pour laquelle lors des tortures finales Carlo est un de ceux qui souffrira le plus, celui dont le calvaire sera le plus long. Il est tout d'abord énuclée (les deux yeux et non pas un seul comme on peut le voir dans la version courante) puis abattu de plusieurs balles dans le dos, une séquence absente du montage actuel.
Bruno tournera un second film en 1976, un documentaire historique de Gianfranco Mingozzi intitulé Fantasia ma non troppo per violino qui retrace l'histoire de Bologne. Bruno y tient le quatrième rôle et apparait en costume d'époque dans la peau d'un garçon dont le nom n'est jamais mentionné. Le film est aujourd'hui malheureusement introuvable, devenu totalement invisible depuis des décennies. Par la suite Bruno qui dans la vie était le neveu de Giuliana Orlandi, une des quatre filles épouses, disparaitra des feux de la rampe pour se consacrer à ses études et à ses passions dont une des principales était les voyages, plus spécifiquement l'Asie. Au début du nouveau millénaire Bruno eut sa page Facebook, un réseau social qui lui permit de retrouver son ex-partenaire Susanna Radaelli. Il créa également une page Tumblr où il partagea durant quelques années ses intérêts et sa passion pour l'Asie, surtout pour la Thaïlande, un pays dont il était amoureux. Le jeune homme au regard si malicieux s'éteindra malheureusement au début de l'année 2010 alors qu'il entrait dans la cinquantaine.
GASPARE DI IENNO:
- Rino est joué par un jeune romain Gaspare Di Jenno, de son vrai nom Gaspare Di Ienno. Si Gaspare fut renommé Rino c'est tout simplement parce que Rino était dans la vie son surnom. Rino est le préféré du Duc avec qui dés son arrestation au début du film (une longue séquence qui ne fut pas intégrée au montage final mais dont les nombreuses photographies de plateau témoignent) il échange régulièrement des regards langoureux, des airs complices, avant un long baiser lors du mariage de Renata et Sergio puis un autre, plus passionné lors d'un des récits de La Vaccari.
De grande taille, une touffe de cheveux frisés, le regard rieur, Gaspare qui ressemble beaucoup physiquement à son partenaire Bruno Musso (Carlo) se fait même un plaisir d'aider ses bourreaux. Il est celui notamment qui déculotte Carlo afin que le Président vérifie s'il s'est essuyé après avoir osé déféquer. Il est le premier à suivre le Duc lorsque celui ci entonne "Sul ponte di Perati" lors du repas du cercle des manies. Avec Umberto Chessari passé collaborateur il est le seul garçon dont le nom n'apparait pas dans le carnet des condamnés. Rangé du coté du Pouvoir il échappe donc aux tortures finales qu'il regardera, nu, debout dans la cour des suppliciés, une couronne de lauriers sur la tête, aux cotés de Graziella Aniceto.
Ce sera l'unique film que tourna ce passionné de golf, un véritable bout en train selon les dires de ses partenaires mais également un grand chambreur, un persifleur, lançant sans cesse des piques à ses camarades. Il était aussi si on en croit les souvenirs de Ezio Manni un des moins tolérants quant à l'homosexualité, faisant de certains notamment Franco Merli ses têtes de turc.
Gaspare retourna à l'anonymat dés la fin du tournage pour se consacrer à ses études. Il vit toujours à Rome. Marié depuis de nombreuses années il a un fils, Federico. Il est depuis de nombreuses années l'administrateur général de la DIG centro lavorazione à Rome, une entreprise fort réputée qui travaille le métal afin d'améliorer l'habitat.
MARCO LUCANTONI:
Non crédité au générique est Marco Lucantoni. Il incarne Tonna Peruggio, la jeune victime subversive qui tente de s'enfuir lors de l'ouverture du film. Il sera mitraillé. Marco a débuté sa carrière d'acteur en 1970. Il obtient son premier vrai rôle en 1972 dans L'assassinat de Trotsky de Joseph Losey dans lequel il jouait le neveu de Trotsky. Il y donne la réplique à Alain Delon. On le verra par la suite aux cotés de notamment Paola Tedesco et Al Cliver dans Amore grande amore libero, puis l'excellent film de guerre Libera amore mio / Liberté mon amour de Mauro Bolognini, il y joue Carlo le fils adolescent de Claudia Cardinale, suivi en 1974 de la comédie estudiantine de Mino Guerrini Professore venga accompagnato da suoi genitori dans laquelle il interprète un étudiant révolutionnaire. Pour la télévision il tourne la mini-série Il vero corraggio. Après cinq petites années seulement Marco mit fin à une prometteuse carrière d'acteur en 1977 en interprétant un des étudiants révolutionnaires du film à scandale Si les porcs avaient des ailes de Paolo Pietrangeli tiré du roman éponyme de Marco Lombardo-Radice.
Parallèlement à sa carrière de comédien Marco poursuivait ses études. Diplômé du lycée artistique de Rome en 1976 il suit dés 1977 des cours d'architecture à l'université Sapienza de Rome. C'est pourtant une toute autre voie vers laquelle il s'oriente en 1980 en intégrant DHL, une entreprise de cargo et de fret réputée pour laquelle il travaillera de très longues années. En 2000 il quitte l'Italie pour s'installer en Floride, à Naples plus exactement. Il vit aujourd'hui dans l'Ohio. Depuis 2014 il travaille pour une entreprise locale nommée Free.
LES 8 VICTIMES FEMININES:
ANTINISCA NEMOUR:
- Antinisca est jouée par Antinisca Nemour parfois créditée Antiniska, Antinesca ou Antineska Nemour. Antiniska fut pourtant une des rares à gérer plus ou moins bien son après Salo. A la suite du film elle devint le temps de quelques courtes années une des nouvelles sexy starlettes du cinéma de genre. Née à Milan le 31 mai 1957 Antinisca faisait partie des comédiennes ayant déjà derrière elle un passé cinématographique. Repérée par Franco Nucci alors qu'elle fait partie d'une agence de mannequins le cinéaste lui offre son tout premier rôle dans le polizesco Il giudice e la minorenne. Elle apparait ensuite brièvement dans Storie di vita e malavita de Carlo Lizzani puis dans la sexy comédie Quella provincia maliziosa avec Karin Well. C'est alors que Pasolini la remarque et lui propose d'être une des huit victimes de Salo. Habituée à la nudité jouer nue ne la dérangea donc guère.
Par la suite son physique d'éternelle adolescente lui permit d'apparaitre dans quelques sexy comédies dont l'enjoué La sposina / Une petite femme très brûlante, Il bocconcino / Cours spéciaux pour collégiennes et Brogliaccio d'amore. On la vit ensuite en déportée torturée dans Bourreaux SS de Cesare Canevari pour lequel selon un de ses partenaires, Tino Polenghi, elle tourna des scènes hardcore qui furent ensuite retirées de la copie originale. Antiniska tourna son ultime film en 1977, le sexy giallo La sorella di Ursula. C'est cette même année qu'elle devint une des vedettes favorites du public italien grâce à l'émission télévisée Portobello. Elle fut la séduisante standardiste qui accueillait les auditeurs. Lorsque le show prit fin qui prit fin en 1983 la jeune fille se retira alors du show biz, s'installa un temps à Rome pour se consacrer à sa vie de famille. En octobre 1985 il mit au monde sa fille Sara qui vit aujourd'hui aux USA.
Antinisca est aujourd'hui une des seules à ne pas renier ni son passé d'actrice encore moins Salo dont elle accepte de parler avec grand plaisir. Elle fut la seule également à accepter en 1997 de réapparaitre lors des Victim's reunion of Salo organisé par un jeune assidu. Simple, sociable Antinisca y raconta moult anecdotes. évoqua le bonheur d'avoir travaillé avec Pasolini en mettant l'accent sur l'attention qu'il portait à ses jeunes comédiens.
Aujourd'hui infirmière à Bologne Antinisca est réapparue publiquement en 2005 pour une interview aux cotés de Paolo Bonacelli diffusé dans les bonus du DVD La voce di Pasolini qui traite de la version longue de Salo. Elle accepte encore aujourd'hui de parler du film sur lequel elle revient de temps à autre de manière parfois bien mitigée, pas toujours très claire.
Pour l'anecdote Cesare Canevari pour qui elle tourna Bourreaux SS se souvient d'elle pour une toute autre chose. Elle avait la réputation de ne pas beaucoup se laver et de sentir quelque peu, une anecdote confirmée par son habilleuse. Pour Bourreaux SS, lors de sa scène d'amour où l'officier SS doit lui lécher les pieds, l'acteur l'obligea à aller se doucher avant! Pour prendre sa défense, Canevari ajoute: Dans les années 70, l'hygiène corporelle n'était pas aussi importante que de nos jours! La bio complète d'Antinisca est dipo ICI.
RENATA MOAR:
- Renata est jouée par Renata Moar. Renata reste certainement le personnage féminin qu'on remarque le plus dans le film dont elle est d'une certaine manière la principale figure féminine. Très vite choisie par Pasolini de suite séduit par sa blondeur et sa beauté diafane, symboles de pureté, Renata est en effet au centre de plusieurs scènes clé, celle de son mariage avec Sergio avant sa défloration par le Duc mais surtout celle où, nue, elle supplie, pleure et implore ses bourreaux de la tuer avant la mythique séquence où, victime des délires scatophages de Paolo Bonacelli, elle est contrainte de manger ses excréments déposés au milieu de la salle des orgies. Cette scène est restée à jamais gravée dans la mémoire de toute la troupe. En effet l'atmosphère était si tendue que la jeune comédienne après avoir réellement vomi de dégout fondit en larmes, proche de la crise nerveuse. Elle dut même être évacuée du plateau quelques instants à la grande colère de Pasolini. L'actrice se mit alors à hurler qu'aucun d'entre eux ne méritait d'être ainsi traité. Les larmes que versent Renata lorsqu'elle mange les excréments du Duc furent cette fois bien réelles, le visage crispé par l'horreur de la situation. Suite au tournage effarant de cette séquence Renata suivie de quelques autres de ses partenaires ajouta quelques clauses à son contrat qui lui donnaient le droit de refuser certaines scènes qu'elle estimerait trop extrêmes et d'imposer aussi certaines volontés. Elle refusa entre autre tout contact charnel avec ses partenaires lors de scènes à caractère sexuel comme celle où Paolo Bonacelli la dépucelle. Pasolini dut donc tourner cette séquence de façon à donner l'illusion que l'acteur la tient réellement en la serrant contre lui, illusion ratée selon Uberto Quintavalle peu convaincu par la réussite du plan.
Il fallait pour incarner ce douloureux personnage une actrice ayant déjà fait ses preuves devant la caméra. Née le 1er janvier 1955 à Monteverde, un quartier de Rome, c'est sa mère qui selon son agent, le célèbre Tony Askin, poussa Renata sous le feu des projecteurs à tout juste 18 ans. Blonde, un corps parfait, une silhouette de rêve, une peau claire qui trahissait des origines sûrement nordiques, la blonde romaine aux yeux verts n'était pas une inconnue pour les amateurs de cinéma de genre. Elle nous avait en effet séduit dans La lame infernale, un giallo réalisé par Massimo Dallamano en 1974. Elle est Laura l'adolescente qui raconte par flashes back son viol lors de ballets roses organisés par une secte de bourgeois dépravés.
Après le film de Pasolini tourné l'année suivante Renata va souffrir quelque peu du syndrome lolita. Etiquetée "lolitrash", victime de Salo dans tous les sens du terme, la reconversion sera assez difficile malgré ses réelles talents d'actrice. Adriano Celentano l'avait choisie pour son film Yuppi du mais le rôle lui échappe au profit de Sonia Viviani. On sait par contre grâce à la réapparition de certaines revues que
Renata a été en 1974 modèle pour un roman-photo porno soft. Elle est en effet une des comédiennes d'un récit intitulé "La tua cara baldracca" paru dans le N° 7 du magazine érotique I racconti erotici. Elle y a pour partenaire le jeune acteur générique italien Maurizio Streccioni qui de temps à autre prêta son corps pour le tournage d'inserts X destinés à des films à la base érotiques et de sexploitation.
Au grand écran Renata réapparait en 1976 dans le SS movies Destin de femmes de Mario Caiano. Elle est la soeur dévouée au 3ème Reich d'un officier SS joué par Roberto Posse, un rôle assez court mais elle a cependant le temps d'exhiber une fois encore son magnifique corps nu. Ce sera son ultime rôle au cinéma. Etre comédienne n'a jamais été l'objectif deRenata qui avouait-elle à l'époque nourrissait d'autres ambitions dans la vie. Lesquelles? Nul ne le saura jamais. Voir les portes du cinéma se refermer ne fut donc pas une tragédie pour elle.
Après avoir posé nue pour le magazine de charme espagnol Interviu en novembre 1977, six magnifiques portraits érotiques qui firent le bonheur de ses admirateurs, des clichés disponibles ICI, la belle Renata met un terme définitif à ses activités artistiques et retourne alors à l'anonymat le plus total. Renata qui déjà à l'époque était une énigme pour ceux qui la côtoyait tant sa vie était entourée de flou s'est depuis volatilisée dans le néant. Elle a tout simplement disparu sans laisser de trace. Dans ses lointains souvenirs Tony Askin se souvient qu'à cette époque elle consommait régulièrement des substances illicites et avait pour fiancé une petite frappe qui toujours selon lui la battait. Souhaitons simplement que Renata ait su sortir de ce giron infernal. Pour l'anecdote selon les souvenirs de Hélène Surgère mais aussi Ezio Manni Renata fut la petite amie de Sergio, les scènes qu'ils avaient en commun les ayant naturellement rapproché. Très courtisée Renata aurit été également approchée par d'autres garçons du film ce qui aurait fortement déplu à Sergio. Jaloux, il décida alors de rompre.
Si Franco Merli demeure l'icône masculine du film Renata en reste quant à elle l'icône féminine. Il est d'ailleurs amusant de savoir qu'on voue un culte à Renata au Japon où les sites dédiés ne cessent de se multiplier au fil du temps!
La biographie complète de Renata Moar se trouve ICI.
DORIT HENKE:
- Doris est jouée par Dorit Henke, un nom de famille d'origine hébraïque. Née le 19 juin 1953 les origines de Dorit reste floues. On ignore en effet où elle est née. Mais pourquoi Doris et non pas Dorit? Il est quasiment certain que si Pasolini a préféré l'appeler ainsi c'est que ce prénom vient plus facilement en tête que Dorit. Quoiqu'il en soit la belle allemande n'était pas vraiment une inconnue du moins pour les férus de polissonneries germaniques. En effet Dorit apparut très jeune dans un petit nombre de films érotiques adolescents, ces softcore alors à la mode souvent chauds qui aimaient allier gentiment sexe et exploitation. Dés 1971 elle est ainsi à l'affiche du troisième volet de la longue série des Hausfrauen report puis celle des Blutjunge verfurherinnen, le premier volet, Les gourmandines, et le second Collégiennes perverties. Elle est également à l'affiche de Zum Zeiten frühstück: Heibe Liebe Mädchen, Die nach München kommen, Frühreife Betthäschen / Les minettes en folie et Krankenschwestern-Report / Les savoureuses. Elle s'installe alors à Rome et va apparaitre dans une poignée de films coquins. Si on la voit notamment chez Bruno Corbucci dans Trafficone Dorit va surtout devenir l'espace d'un temps une habituées des décamérotiques, Elle est au générique de Le favolose notti d'oriente, Comment faire cocus les maris jaloux et E si salvo solo l'aretino pietro con una mano avanti e l'altra dietro ces deux derniers signés Silvio Amadio. Elle apparait ensuite dans la série télévisée Malombra. Elle fait une aussi une brève apparition dans le western Il ritorno di Clint Il solitario. Elle est la jeune fille violentée par deux hors-la-loi lors de l'ouverture du film. Dans la version destinée au marché étranger la scène du viol est un peu plus longue et surtout bien plus détaillée. Elle reste simplement suggérée dans la version normale.
Parallèlement à sa carrière de comédienne Dorit pose également pour de nombreux magazines de charme dés le début des années 70 et apparait au générique de bon nombre de romans-photos tant italiens que germaniques.
Habituée aux photographies et productions érotiques audacieuses jouer nue dans Salo ne dérangea donc pas Dorit. L'après Salo fut par contre un peu plus dur. Toujours installée à Rome Dorit voit les propositions se raréfier. Elle apparait très brièvement en 1976 non créditée au générique du Sexycon de Sergio Martino dans lequel elle est une des victimes de Dracula puis dans un épisode de la série télévisée Rosso veneziano, trop peu pour pouvoir survivre dans la capitale. La jolie teutonne se retrouve sans travail. Par chance Dorit avait connu jadis le célèbre play-boy MAL, un des rois du roman-photo italien, ex-petit ami de la starlette Patrizia Viotti. Désemparée elle dut se résigner à frapper un jour à sa porte. Au chômage Dorit cherchait un toit. MAL la recueillit. Ils vécurent quelques temps une belle histoire d'amour. Leur relation permit à Dorit de refaire un temps surface. Elle renoua en effet avec l'univers du roman-photo et joua aux cotés de MAL le temps de quelques aventures. Sa beauté typiquement allemande plaisait beaucoup aux lecteurs et ce regain de popularité lui permit de se refaire une santé financière jusqu'au jour où le terrible séducteur rencontra une nouvelle starlette. Ceci mit fin à leur histoire. Dorit fit par la suite une ultime apparition au grand écran en 1977 dans le sixième volet de la série Hausfrauen report puis elle disparut alors pour ne plus jamais réapparaitre du moins publiquement. Dorit s'est en fait mariée à un italien, une union d'où est née sa fille. Toujours aussi belle comme si le temps n'avait aucune emprise sur elle la blonde teutonne, une grande amoureuse des chiens, vit toujours à Rome mais s'appelle désormais Dorit Henke Capelli.
GRAZIELLA ANICETO:
- Graziella est jouée par Graziella Aniceto. Elle est la meilleure amie de Eva avec qui elle entretient une relation presque maternelle. Elle est la seule fille à échapper aux tortures pour avoir dénoncé sa camarade coupable d'avoir eu des relations sexuelles avec Antinisca. Elle assiste aux carnage, vêtue d'une robe blanche aux cotés de Gaspare Di Jenno, nu, une couronne de lauriers sur la tête.
Ce fut l'unique rôle de cette jeune fille originaire de Gorizia, une région du Frioul. Dés la fin du tournage Graziella s'est semble t-il évaporée dans la nature. On a totalement perdu sa trace.
OLGA ANDREIS:
- Eva est jouée par la belle milanaise Olga Andreis, Olga Eva Andreis son nom complet. C'est la raison pour laquelle elle se nomme Eva dans le film. La régle est ainsi respectée puisque chaque victime masculine ou féminine est dans le film désignée par son véritable prénom y compris pour Rino (Gaspare Di Ienno dont Rino était le surnom dans la vie) et Carlo (Bruno Musso dont le Carlo était le second prénom). Modèle depuis déjà quelques années au moment du tournage Olga fut contactée par Pasolini via l'agence où elle travaillait. Amie et collègue de travail de Ilona Staler Olga accepta de suite le rôle même si elle savait qu'elle ne serait guère mise en valeur dans le film, un détail qui l'inquiètait bien plus que de jouer nue. La nudité n'était en effet pas un problème pour cette jolie blonde qui avait déjà posé en tenue d'Eve pour de nombreux magazines dont Lui et Playman. Olga garde de Salo un tendre souvenir tout comme de Pasolini, un homme unique à ses yeux de par ses qualités
humaines. Le film fut pour elle trois mois de plaisir et de joie mais aussi d'amitié. A la fin du tournage Olga continua son métier de modèle et apparut aussi dans de nombreuses publicités dont une pour de la bière. Elle fit aussi une apparition dans le troisième sketch de la sexy comédie de Franco Castellano et Pasquale Festa-Campanile Week-end à l'italienne / Sabato domenico e venerdi. Elle est une des danseuses du Crazy Horse amoureuse de Adriano Celentano. Par la suite Olga quitta le monde du mannequinat, se maria, fonda une famille et s'installa dix ans en Sardaigne. Elle vit aujourd'hui paisiblement à Milan, un retour à ses origines, et ne renie en rien son passé encore moins Salo dont elle parle avec grande joie. Pour plus de détail consultez notre interview d'Olga ICI.
GIULIANA MELIS:
- Giuliana est jouée par Giuliana Melis Avec ses cheveux frisés coupés très courts, Giuliana fait partie de ces beautés particulières comme Pasolini aimait souvent en choisir. On peut facilement constater qu'elle devait beaucoup plaire à Pasolini au nombre de gros plans sur son visage qu'il fait tout au long du film. Impossible de ne pas noter la ressemblance de Giuliana avec Ninetto Davoli, une ressemblance qui fut surement décisive pour Pasolini
dans le choix de la jeune actrice, ce qui expliquerait aussi ces gros plans réguliers. Giuliana a deux scènes importantes à son crédit dans le film. Maladroite et fuyante, elle est tout d'abord sujette à moquerie lorsque la Vaccari s'aperçoit qu'elle ne sait pas masturber un homme. «Troia!» lui lance alors Rinaldo qui est chargé de lui montrer comment empoigner un sexe masculin. L'évêque la forcera ensuite à uriner tandis que ce dernier se soulage lui aussi la vessie.
Originaire de Sardaigne cette charmante petite rondouillarde aux cheveux frisés, au regard malicieux connut par la suite une brève carrière le temps de deux films. Elle apparait la même année dans I violenti di Roma bene / La nuit des excitées, un polar brutal signé Sergio Grieco, dans lequel elle est une des deux jeunes filles sauvagement violées puis brûlées par les voyous. L'année suivante elle est au générique de la sexy comédie La presidentessa dans laquelle elle interprète la jeune domestique fougueuse de Mariangela Melato. Pleine de vie, pétillante, Giuliana prouvait qu'elle pouvait être également à l'aise dans un registre comique. Pourtant ce fut là son ultime prestation au grand écran. Giuliana quitta le monde artistique, retourna vivre en Sardaigne et se consacra à sa vie privée. La jolie actrice aux cheveux frisés est malheureusement décédée le 25 septembre 2016 à Selargius.
BENEDETTA GAETANI:
Benedetta Gaetani de son nom complet Benedetta Gaetani Aragona est la huitième victime. Si son prénom n'est jamais utilisé dans le film elle est également peu présente si ce n'est en simple figurante. Elle n'apparait étrangement pas dans la séquence dite des chiens, de la remise des rubans, ni dans celle où toutes les victimes tant masculines que féminines sont réunies pour le sketch de la Vaccari et de la pianiste dans le cercle du sang ni lors des séquences de torture du moins dans le montage final. Benedetta disparait et réapparait pour finalement s'évaporer lors du cercle des tortures confirmant que Salo fut amputé de certaines séquences lors du montage. Il est cependant certain que l'actrice a bel et bien participé au massacre final, torturée et exécutée lors du troisième cercle comme en témoignent les nombreux clichés de plateau et les séquences filmées lors du tournage du film. Benedetta est fouettée, battue à coups de patte d'ours, sodomisée avant que l'Evêque ne la recouvre d'épingles.
La seule scène de Benedetta qu'on retiendra est celle où le Président vante la beauté du cul en lui caressant la culotte après l'avoir allongée sur ses genoux lors d'un des récits de la Vaccari.
Si on a l'oeil exercé on pourra entrapercevoir Benedetta en 1977 dans Mimmi Bluette, fiore del mio giardino de Carlo Di Palma, une très furtive apparition, avant qu'elle ne s'évapore définitivement cette fois du monde du 7ème art. Napolitaine d'origine, descendante d'une famille noble, les Aragona, Benedetta a par la suite poursuivi ses études. Elle est une de celles qui a su le mieux gérer son après Salo. Elle s'est orientée vers le sport et l'endurance se spécialisant dans le marathon et le trekking. Pendant près de dix ans elle fit beaucoup d'expéditions sur l'Himalaya en tant que chef de groupe. Dans les années 90 Benedetta s'est beaucoup intéressée à la médecine plus précisémment à la chiropractie et la physiothérapie. Elle a suivi les cours des plus éminents professeurs. Elle s'est installée en Ecosse, près d'Edinburgh, et officie maintenant depuis plus de 20 ans dans son propre cabinet.
Quant à son passé pasolinien Benedetta refuse désormais d'en parler. Elle fut approchée en 2008 par le célèbre magazine Nocturno mais elle se désista au dernier moment, ne souhaitant visiblement plus revenir sur cette expérience.
FARIDAH MALIK:
- Fatma est jouée par Faridah Malik. D'origine égyptienne Faridah restera dans nos souvenirs celle qui doit uriner sur le visage du duc, sa seule et unique véritable scène dans le film exception faite de sa mise à mort lors du cercle de sang. Son scalp restera en effet un des grands moments d'horreur graphique du film. Faridah avait à l'origine une autre scène qui ne fut pas intégrée au film. Le jour des mises à mort alors que les maquerelles venaient chercher les victimes féminines dans leur chambre Faridah éclatait en sanglots puis tombait à genoux en suppliant de leur laisser la vie.
Ce fut l'unique prestation de la brune Faridah avant qu'elle ne s'évapore totalement dans la nature. Elle est une des quelques actrices à n'avoir jamais été retrouvée. Elle resta très longtemps amie avec Olga Andreis dont elle fut très proche durant le tournage. Selon Olga Faridah eut tellement honte d'avoir fait ce film, si honte d'avoir fait ce qu'on lui demanda de faire, qu'elle décida de ne plus jamais en parler et oublier cette abominable expérience, jurant que personne ne la retrouverait.
LA 9ème VICTIME: ANNA TROCCOLI
On n'oubliera pas de mentionner la neuvième victime qui se fait malheureusement tuée au début du film lors du cercle des manies. Après avoir tenté de s'enfuir au cours du premier récit de la Vaccari ses camarades la découvrent lors du récit suivant la gorge tranchée sous l'autel de la vierge. Son interprète non créditée au générique est longtemps restée non identifiée, d'autant plus anonyme et donc énigmatique qu'elle est la seule à n'avoir aucun prénom dans le film. En fait son interprète n'était autre que la propre soeur de Claudio Troccoli, l'acteur qui incarne le collaborateur dont la ressemblance avec Ninetto Davoli est frappante. Si son identité est désormais connue la jeune fille est toujours créditée en tant que Sorella Troccoli dans les fiches techniques du film. Quel pouvait donc être son prénom? Ce n'est plus aujourd'hui un mystère. C'est Ezio Manni qui l'a lui même révélé. Il s'agit de Anna, Anna Troccoli. Reste cependant une énigme: pourquoi Pasolini n'a pas souhaité utiliser son prénom ni même lui donner une identité? La réponse est peut-être toute simple. Lors d'une interview que les parents de Anna et Claudio donnèrent lors du tournage de Salo ils révélèrent que Anna n'avait que 11 ans à cette époque. Vu son très jeunes âge Pasolini a tout bonnement décidé non seulement de ne pas la créditer mais d'en faire la première victime afin de lui éviter toute scène de nu, contournant ainsi tous les problèmes auxquels il aurait sûrement du faire face vis à vis de la censure et des codes moraux. Contrairement à son frère dont on connait le parcours après Salo même s'il a volontairement choisi l'anonymat Anna n'a quant à elle plus jamais donné signe de vie par la suite, préférant l'anonymat le plus complet.
LES GARDES ou "FOUTEURS": Ainsi nommés en raison de l'incroyable taille de leur sexe. On les appelle aussi les sodomisateurs. Comme les collaborateurs ils sont quatre. Ils sont les plus âgés du casting. Leur âge allait de 20/25 ans à 30 ans. Aucun d'eux n'avait d'expérience cinématographique. Ils avaient tous un métier qui n'avait aucun rapport avec le 7ème art. Hélène Surgère se souvient qu'il y avait parmi eux notamment un conducteur de camion, un boxeur et un footballeur (Ezio Manni). Les fouteurs sont recrutés à l'ouverture du film par les quatre dignitaires qui parcourent les campagnes. Ces nombreuses séquences n'ont malheureusement pas été intégrées au film. Seule la multitude de magnifiques photos prises par Deborah Barr sur le tournage témoigne de leur existence et de la manière dont ils furent choisis, la taille de leur pénis étant le critère principal. On découvre ainsi Rinaldo et Giuseppe côte à côte, hilares, ouvrant leur braguette pour sortir leur organe et l'exhiber fièrement au Duc. Il en va de même pour Guido qui monté sur un piedestal expose son sexe au Duc.
EFISIO ETZI:
- Efisio est joué par le romain Efisio Etzi de son véritable nom Efisios Etzi. Remarqué par le Président il est le troisième fouteur à être selectionné, le Duc visiblement convaincu à la vision de son sexe en érection projeté en ombre chinoise contre un mur. Efisios n'a pour lui qu'une seule véritable séquence, celle où il sodomise Liana la seconde fille du Duc (Liana Acquaviva) lors du premier repas avant de se faire sodomiser à son tour par le Président, très excité par cette scène. Il épouse le Duc lors des simulacres de mariage.
Né à Cagliari dans le quartier Sant'Elena Efisios fit ses études à la célèbre école sarde ITC Primo Levi. Lorsque Pasolini l'engagea Efisios était vendeur de chemises. Aujourd'hui il partage son temps entre Rome et la Sardaigne.
RINALDO MISSAGLIA:
- Rinaldo est joué par Rinaldo Missaglia, le fouteur à moustache au sexe fort bien dimensionné toujours prêt à accueillir les caresses intimes des dignitaires lors des récits des narratrices. Avec Giuseppe Rinaldo est le premier des quatre fouteurs à avoir été sélectionné par le Duc. Si l'on en croit certaines sources l'origine le rôle de Rinaldo aurait du être tenu à l'origine par Franco Citti. Pasolini aurait changé finalement d'idée afin de protéger ses amis proches des conséquences d'un tournage qui s'annonçait difficile et politiquement dangereux. C'est ainsi que le rôle serait revenu à Rinado Missaglia. L'information est à prendre avec prudence puisque Franco Citti n'a jamais au grand jamais confirmé cette rumeur encore moins Pasolini. Vu l'âge de Franco (40 ans lors du tournage) cela parait encore moins plausible.
La scène où on le remarque le plus est celle où il donne une brutale leçon de masturbation à Giuliana Melis sous l'oeil sévère de La Vaccari. C'est à cette occasion qu'il prononce sa seconde et dernière réplique, le première se situant lors du premier repas lorsque le Président expose son derrière à l'assemblée. Il épouse le Président lors des simulacres de mariage en fin de bande.
Rinaldo était chauffeur camionneur de métier. Il fait partie des quelques jeunes comédiens qui ont par la suite totalement disparu.
GUIDO GALLETTI:
- Guido est joué par GUIDO GALLETTI immortalisé pour sa relation maritale avec l'Evêque qu'il sodomise avec un évident plaisir lors de sa nuit de noces. Dernier des quatre fouteurs à avoir été sélectionné Guido est aussi celui qui apporte les alliances lors du mariage de Renata et Sergio puis lors de l'union de Sergio et de son excellence. C'est également lui qui est chargé de déshabiller puis de masturber Sergio afin de tester sa maturité sexuelle après son mariage avec Renata pendant que la Vaccari s'affaire à donner du plaisir à la jeune épouse. Il s'était auparavant occupé de Tonino, une scène coupée au montage.
Né le 2 mai 1950 dans le Lazio à Rome Guido était boxeur lorsqu'il fut sélectionné pour jouer dans Salo. Il débuta professionnellement dans ce sport en novembre 1972, à 22 ans, et mit un terme à sa carrière sportive en novembre 1981 après 37 championnats dont 14 où il sortit vainqueur. Il boxa essentiellement en Italie mais aussi en Europe (Grèce, Autriche), en Asie mineure et en Libye. Guido termina dans la catégorie poids lourd. Après s'être retiré du monde de la boxe il se consacra entièrement à sa vie de famille et disparut des écrans radar.
GIUSEPPE PATRUNO:
- GIUSEPPE PATRUNO joue le 4ème garde. Sélectionné en même que Rinaldo par le Duc il est anonyme, son nom n'étant jamais mentionné et n'a aucun rôle déterminant si ce n'est lors du final lors des exécutions dans la cour des supplices et lors d'une scène coupée, celle où il roue de coups Franchino après sa tentative d'évasion. Il épouse son Excellence lors des simulacres de mariage en fin de film.
Giuseppe est né le 26 juillet 1945 à Pistoia en Toscane. Il avait auparavant fait une petite apparition dans la série Le avventure di Laura Storm en 1965 puis une autre la même année dans la mini série familiale Questa sera parla Mark Twain. A la fin de ce tournage Giuseppe fait son service militaire en tant que caporal suppléant à la base militaire de Caserta près de Naples. A la fin de ses obligations militaires il tourne un téléfilm Corruzione al palazzo di giustizia de Ottavio Spadaro. En 1968 il est diplômé en sciences économiques puis en commerce et économie en 1970. Il fait un retour devant la caméra en 1973 le temps d'une petite apparition dans l'intéressant thriller de German Lorente La ragazza di via Condotti. Agé de 30 ans lors du tournage de Salo, son ultime long métrage, Giuseppe était un des acteurs les plus vieux de la "jeune distribution". A la fin du tournage de Salo Giuseppe pour qui le cinéma n'a toujours été qu'un passe-temps consacra sa vie à sa passion première, l'enseignement. Trois ans avant Salo il était déjà professeur assistant spécialisé en économie à l'université de Bari et c'est là qu'il continua à travailler de longues années durant après sa collaboration avec Pasolini. Giuseppe s'est marié en 1974 et de cette union sont nés trois enfants.
LES COLLABORATEURS: Ils sont eux aussi au nombre de quatre. Ils sont recrutés dés l'ouverture du film par les militaires de la X MAS, une division d'infanterie fasciste, pour certains comme Ezio et Claudio sous les yeux de leur famille. Ils servent principalement de gardes. Ils assurent la sécurité des lieux et participent avec les fouteurs aux tortures finales. Ce sont eux qui ont le privilège de sodomiser chacun leur tour les filles/épouses des quatre seigneurs. Ce sont les seuls à n'avoir aucune scène de nu intégral durant tout le film à l'exception de Ezio surpris entrain de faire l'amour à la servante de couleur.
EZIO MANNI:
- Celui dont on se souvient le plus puisqu'il est le seul à avoir un réel rôle est Ezio joué par EZIO MANNI. Dés le début du film il désobéit en adressant un regard à la servante noire puis il prend la défense des quatre filles des dignitaires après que ses compagnons d'infortune les ait maltraité. Il souffle un mot d'excuse "Pardon, on nous a demandé de faire ça" quand Claudio Troccoli crache au visage de Tatiana. Mais c'est surtout pour la scène de sa mort dont on se souvient d'Ezio. Pris en flagrant délit lorsqu'il fait l'amour à la servante noire il est froidement abattu alors qu'il fait le salut des partisans déstabilisant ainsi un instant ses bourreaux, un geste de révolte lourd de signification puisqu'il est le symbole de révolte, de l'espoir, celui qu'un jour le pouvoir aussi extrême soit-il pourra être renversé. A sa mort c'est Umberto qui prendra sa place passant ainsi du statut de victime à celui de collaborateur, le sexe toujours prêt pour assouvir les désirs du Duc.
Né le 23 mai 1955 dans la banlieue romaine Ezio, alors jeune espoir du baseball italien, avait connu Pasolini en 1971 un soir dans un bar de Nettuno. Très vite une solide amitié naquit entre le cinéaste et le jeune homme. Ezio admirait Pasolini qui le séduisait par ses connaissances, sa culture. Pour le petit banlieusard qu'il était le maitre était une source infinie de connaissances, de sujets de discussion notamment politique. C'est tout naturellement que Pasolini lui proposa un rôle dans Salo après lui avoir demandé quel type de personnage il souhaitait interpréter. Quitte à perdre de l'argent Ezio choisit ce rôle muet qui ne demandait quasiment aucune scène de nu, Après sa participation à Salo Ezio préféra l'anonymat. Il retourna à sa vie d'avant. Il accepta de revenir sous la lumière des projecteurs en 2007 en Italie à l'occasion d'une interview dans laquelle il partage avec plaisir ses souvenirs de tournage et son amitié avec Pasolini. Fier de ce film et de son passé pasolinien Ezio refuse rarement d'en parler lorsqu'on le sollicite.
Pour l'anecdote Ezio qui fut quelques temps le petit ami de Tatiana Mogilanski, une des filles des dignitaires, fut doublement mis à l'épreuve lors de la scène où, nu, il est abattu. D'une part Pasolini dut recommencer de très nombreuses fois le plan de sa mort, tentant de filmer le mieux possible son sexe. N'y arrivant pas, ce fut pour le jeune acteur, mort de honte, un véritable calvaire que Tonino Delli Colli, le directeur de la photographie, mit fin en faisant comprendre au Maître que le fascisme n'était en rien une question de longueur ou de beauté du pénis. D'autre part avant le tournage de cette scène mythique il dut sous ordre de Pasolini patienter huit heures entièrement nu aux cotés de Ines Pellegrini dans la pièce non chauffée où allait être filmée la scène.
Si on se fie aux souvenirs de Paolo Bonacelli Ezio aurait également été un temps le compagnon de Pasolini. L'acteur se souvient en effet que le garçon dormait de temps à autre dans la chambre du cinéaste à l'instar de Franco Merli et Claudio Troccoli, un fait confirmé par Quintavalle et l'intéressé lui même qui aujourd'hui en tire toujours une grande satisfaction.
CLAUDIO TROCCOLI:
- CLAUDIO TROCCOLI interprète Claudio. S'il n'a pratiquement aucun dialogue il est avec Ezio celui dont la participation est cependant la moins anonyme. Lors du recrutement il crache au visage de sa mère en pleurs qui lui tend une écharpe. C'est également lui qui crache au visage au Tatiana en ouverture de film. Elle le gifle alors pour le punir de cette offense. Comme les trois autres collaborateurs il est également très actif lors du cercle des tortures en tant que sodomisateur. Les derrières de Tatiana et Suzy en seront les victimes. C'est aussi lui qui clôt le film avec la célèbre scène de la danse qu'il effectue avec Maurizio Valaguzza. Ce sera pour Claudio dont les parents présents sur le tournage font de la figuration lors des scènes de foule de L'antichambre de l'enfer son unique rôle à l'écran. Sa soeur Anna interprète quant à elle la neuvième victime.
Selon Uberto Paolo Quintavalle qui jouait Son Excellence Pasolini était très proche de Claudio. Il entretenait avec lui une relation qui n'était pas sans rappeler celle qui le liait à Ninetto Davoli auquel Claudio ressemblait beaucoup. Outre ses cheveux frisés son visage rappelait étrangement celui de Ninetto. C'est cette ressemblance dit-il qui a convaincu Pasolini alors très affecté par sa récente rupture avec son jeune protégé d'engager Claudio pour le rôle. Au départ c'est d'ailleurs Ninetto qui devait interpréter ce personnage. Si le cinéaste tentait de retrouver en lui Ninetto ce choix lui valut malheureusement plus de souffrance que de bonheur. Si les deux garçons se ressemblaient physiquement ils avaient deux personnalités bien différentes, une cruelle vérité que Pasolini dut accepter. Sous ses airs tranquilles Claudio cachait l'âme d'un jeune homme tourmenté mal dans sa peau se souvient Uberto avant d'ajouter qu'il était d'une extraordinaire sympathie, d'une extrême générosité, un véritable coeur en or. En fait Pasolini connaissait bien l'oncle et les parents de Claudio, un couple de paysans sardes avec qui il était devenu ami en 1970 suite à l'achat d'un moulin. Les parents du garçon prirent l'habitude d'apparaitre dans les films du Maitre en tant que simples figurants (ils font une apparition également dans Salo ce sont le cuisinier et la cuisinière sur lesquels tire Ezio lors du rassemblement dans le parc à la fin de L'antichambre de l'enfer). Dés 1970 Claudio, né en 1957 près de Chia en Sardaigne, commença lui aussi à faire de brèves figurations non créditées dans les trois films qui composent la Trilogie de la vie. Claudio que Pasolini avait gentiment surnommé Troccoletto se rapprocha beaucoup du cinéaste au fil du temps et devint un de ses petits protégés. Lorsqu'il fut assassiné c'est sa nièce qui prit Claudio sous son aile et lui trouva un travail en tant que carabinier, un métier qu'il exerça de longues années. Si Claudio a volonatirement choisi de retourner à l'anonymat la famille Troccoli reste aujourd'hui encore très populaire à Chia où elle continue de faire vivre la mémoire de Pasolini avec notamment la visite du moulin qu'il avait acquit.
MAURIZIO VALAGUZZA et FABRIZIO MENICCHINI:
Les deux autres collaborateurs sont MAURIZIO VALAGUZZA (à gauche) et FABRIZIO MENICHINI (à droite). Si le premier poursuivit par la suite une carrière artistique le second se retira définitivement du devant de la scène dés la fin du tournage. Contrairement à Ezio Manni et Claudio Troccoli plus actifs, Fabrizio et Maurizio font simplement acte de présence en surveillant essentiellement les victimes.
Le seul et unique moment de gloire de Fabrizio Menichini est son arrestation lors de l'ouverture du film. Alors qu'il s'enfuit en vélo avec deux amis il est rattrapé par les officiers SS puis embrigadé. Fabrizio est un des rares acteurs du film à n'avoir aucune ligne de dialogue, pas même un mot murmuré. Comme pour les trois autres collaborateurs son personnage prend cependant un peu plus d'importance lors du cercle du sang puisqu'il participe aux tortures des victimes. Lors du premier cercle il reste dans la chambre des observations assis en arrière-plan derrière le Duc pendant que celui ci vérifie l'érection de Umberto. Il est présent dans la cour des supplices aux cotés de Umberto lors des troisième et quatrième cercles. Avec Umberto il maintient Giuliana Orlandi lorsque Doris se fait fouetter par l'Evêque puis observe Claudio Troccoli entrain de sodomiser Liana puis il la sodomise à son tour avant que la malheureuse ne soit exécutée sur la chaise électrique. Hormis qu'il était très lié à Sergio Fascetti et Umberto Chessari on ne sait quasiment rien de Fabrizio si ce n'est qu'il partageait son amour du football avec ses deux amis. Umberto Chessari resta en contact avec lui jusqu'au début des années 2000 avant qu'il ne le perde de vue.
Rebaptisé Bruno pour les besoins du film (il est brièvement nommé lors du repas du cercle des manies lorsque le Président expose son cul) Maurizio Valaguzza est un peu plus présent que Fabrizio. Il restera surtout célèbre pour la fameuse séquence qui clôt Salo. Enlacé à Claudio Troccoli il exécute un pas de danse au son d'une musique qui passe à la radio, une séquence presque surréaliste, comme hors du temps, alors que dans la cour les jeunes victimes sont tuées. C'est lors de cette scène que Maurizio a sa seule phrase de dialogue lorsque Claudio lui demande le prénom de sa petite amie. Lors des supplices il aide notamment les fouteurs à pendre Suzy après que Claudio Troccoli l'ait sodomisé, seule scène où on l'aperçoit dans le montage définitif. Comme pour Fabrizio ce sont les photos de plateau qui révèlent sa présence lors des autres tortures. En caleçon il se tient par exemple derrière Tatiana lorsque Claudio Troccoli la sodomise sur le grill. Par la suite Maurizio n'a pas quitté le monde du spectacle. Il fait partie des jeunes acteurs pour qui l'après Salo fut une jolie réussite. Il s'est en effet consacré au théâtre. Il a joué et écrit de nombreuses pièces, une activité qu'il continue aujourd'hui encore.
Après pratiquement 45 ans de silence Maurizio aujourd'hui sexagénaire a ressurgi en 2012 pour le plus grand plaisir des fans de Salo lors d'un documentaire privé intitulé The 121st day réalisé par Alessandro Avellis. Il y mettait en parallèle le travail du Marquis De Sade et de Pasolini. Maurizio, jovial, y était interviewé aux cotés notamment de Paolo Bonacelli. Il revenait parfois avec émotion sur ses souvenirs de tournage et expliquait comment il fut choisi pour jouer un des collaborateurs. C'est à Milan que Pasolini le dénicha. On lui fit faire un essai en lui demandant de se déshabiller, de se tourner à droite puis à gauche. Rien de plus. Maurizio obtint le rôle. Dans ce précieux document il donnait également avec un évident enthousiasme son avis sur le film près de 50 ans plus tard. Maurizio accepta de revenir à nouveau sur son expérience lors d'une interview accordée cette fois à Nocturno au printemps 2019 et dont le contenu devrait être prochainement dévoilé.
LA SERVANTE NOIRE:
Elle est interpretée par l'érythréenne INES PELLEGRINI, la petite protégée de Pasolini qui fut l'héroine avec Franco Merli des 1001 nuits. Ines, prénom que Pasolini lui donna (son vrai prénom est Marcia), débarquée en Italie de son Afrique natale après des études de commerce, avait accepté malgré ses réticences de tenter sa chance au cinéma afin de pouvoir réaliser son rêve: avoir suffisamment d'argent pour pouvoir s'installer définitivement en Afrique et y vivre heureuse. Désillusionnée elle mettra fin à sa carrière à l'aube des années 80. Ines durant presque sept ans fit cependant les délices du cinéma de genre italien, alternant sexy comédies, films érotiques, giallo et films de pure exploitation. Elle sera une des rares actrices de couleur dans l'univers du Bis transalpin et obtiendra un joli petit statut de sexy starlette à la fin des années 70. Si son rôle dans Salo est assez court la scène de sa mort aujourd'hui
culte reste un des grands moments du film. A l'origine son personnage était un brin plus étoffé mais toutes ses scènes furent coupées notamment celle où on la voit préparer les couverts et frapper un petit gong afin d'annoncer le début du festin dit de la merde lors du troisième cercle.
Après Salo on a pu voir Ines notamment dans Una bella governante di colore / Poupées sur canapé, Gatti rossi in un labirinto di vetro de Umberto Lenzi dans lequel elle trouvait le rôle le plus étoffé de sa carrière. Elle est l'intrigante bonzesse chauve dans Laure de Massimo Dallamano puis une des otages de Violez les otages. Elle est au générique d'un des cinq films de science-fiction de Alfonsio Brescia, le mauvais La guerre des robots, puis elle tournera encore quelques inepties érotiques en tant cette fois que simple figurante.
Après avoir mis un terme à sa carrière de comédienne Ines se maria à un italien et partit vivre à New-York où elle a ouvert un négoce et s'occupe encore aujourd'hui des plus déshérités. La bio complète d'Ines est disponible ICI.
Salo et les 120 journées de sodome ce sont aussi des visages d'enfants et d'adolescents témoins ou victimes qui se retranchent derrière le silence de la mort en se fondant dans un cruel anonymat. A gauche Albertina enlevée de force d'une école catholique qui échappera de justesse à la terrible sélection des futures victimes. Sous son apparente perfection les dignitaires s'aperçoivent en effet qu'il lui manque une dent. A droite deux enfants qui disent au revoir à Ezio emmené par les soldats.
Ces scènes furent tournées à Bologne.
LES MYSTERES INSOLUBLES DE SALO:
Nombreux sont les mystères qui entourent Salo et nombreux sont ceux qui ont tenté d'apporter leurs lumières afin de donner des éléments de réponse. Ce chapitre n'a pas pour objectif d'essayer une nouvelle fois de résoudre ces zones d'ombre mais d'apporter d'une part quelques points de réflexion aux lecteurs sur certains éléments capitaux, d'autre part de confirmer l'existence de scènes jadis coupées au montage et de les reconstituer à partir des photos existantes. Il a également pour but de faire découvrir l'ultime cercle de tortures, celui où l'Evêque est placé en tant qu'observateur, absent de la version qu'on connait. Ces scènes se trouvaient en effet sur les bobines qui furent dérobées lors des dernières semaines de tournage, malheureusement jamais retrouvées. Jusqu'à ce jour la seule manière de reconstituer cet ultime cercle des supplices, par conséquent d'en connaitre le sort des victimes, de donner un aperçu des scènes coupées ou manquantes sont les précieux et innombrables clichés de tournage (quelques 8000 en tout) pris par Deborah Barr, la photographe de plateau, ainsi que celles de Fabian Cevellos, que Pasolini autorisa à venir sur le tournage. On pourra retrouver certains de ces clichés dans son livre "Salo: mistero, crudeltà e follia" ainsi que dans d'excellents documentaires notamment Pasolini prossimo nostro, La voce di Pasolini et le récent et très réussi Il laboratorio dell'inferno. Très utiles également tous les documents qu'ils soient filmés ou photographiés appartenant à Gideon Bachman et les précieuses interviews d'époque ou plus récentes des acteurs qui acceptent de parler et de ceux qui travaillèrent avec Pasolini. Enfin les différents scénarii et jets de travail écrits de la main du cinéaste quant au déroulement des scènes sont eux aussi des documents aussi précieux que rares.
Ces documents aident également à mieux comprendre certaines scènes ou certaines des relations qu'entretiennent entre eux les personnages. Ainsi la complicité entre Rino et le Duc débute dés le recrutement du garçon. Pasolini avait en effet filmé son arrestation, une longue séquence où dans une étable Rino (Gaspare di Ienno), habillé d'un joli costume, semblait heureux d'être choisi par le Duc. Face au Duc et au président on le voit se déshabiller fièrement face à lui puis baisser son pantalon et son caleçon. Les mains sur les hanches il s'exhibe nu, un large sourire fendant son visage, face à ses recruteurs. Une scène qui rapelle celle où Franco et Sergio doivent eux aussi se déculotter face aux dignitaires mais dans un contexte cette fois bien différent et surtout bien plus humiliant. Au sourire radieux de Rino fait place ici la honte, le malaise qui se lit sur leur visage, dans une salle plombé par un silence pesant.
LES SCENES MANQUANTES:
Le vestibule de l'enfer au grand complet:
Le prologue du film intitulé Le vestibule de l'enfer (L'antinferno) était à l'origine bien plus long. Si on s'amuse à le reconstituer à partir des centaines de photos de plateau et de tournage on peut s'apercevoir qu'il durait 15 à 20 minutes de plus. Pasolini avait par exemple filmé bien plus d'arrestations. Du coté des filles on assistait à celles de Renata (Renata Moar) enlevée alors qu'elle était en vélo avec sa mère sur un chemin de campagne, et de Doris (Dorit Henke), kidnappée alors qu'elle sortait en compagnie elle aussi de sa mère. La pauvre femme sera froidement tuée d'une balle dans la tête devant des toilettes publiques par la maquerelle rabatteuse (Anna Rechimuzzi). La mère de Renata sera quant à elle jetée à l'eau par ses agresseurs après qu'elle tenté de sauver sa vie. Cette scène rend plus explicite la détresse de Renata comme ils éclairent les propos qu'elle tient à son sujet dans le cercle de la merde juste avant d'être contrainte de manger les excréments du Duc.
Chez les garçons on découvrait celle de Franco (Franco Merli) alors qu'il jouait au ballon devant son école (alors que dans le film il est censé avoir été pris au piège lors d'un rendez-vous galant) et de Rino (Gaspare di Ienno).
On assistait plus en détail à la sélection des quatre collaborateurs et surtout à celle des quatre fouteurs choisis par les quatre seigneurs avec l'aide de trois putains. Les précieux clichés nous montrent en effet comment les quatre dignitaires arpentaient la campagne accompagnés de toute une cohorte de soldats afin de recruter ces fameux sodomisateurs choisis pour la taille impressionnante de leur sexe. On peut ainsi voir côte à côte Rinaldo (Rinaldo Missaglia) et Giuseppe (Giuseppe Patruno) exhiber fièrement face au Duc leur impressionnant pénis puis Efisio en érection choisi par le Président et enfin Guido (Guido Galletti) monté sur un petit monticule de terre sortir le sien, tout quatre étant pris en photo par le Duc. Les arrestations terminées les scènes de sélection étaient elles aussi plus nombreuses. On y voyait notamment celle de Doris présentée aux dignitaires par Anna Maria Dossena qui leur avait déjà présenté Eva.
Tout aussi intéressant est le fait qu'il existait quatre maquerelles rabatteuses (Anna Maria Dossena, Paola Pierraci, Carla Terlizzi, Anna Rechimuzzi) qui avaient un rôle bien plus étendu à l'origine. Elles accompagnaient les dignitaires dans leur chasse aux futures victimes féminines qu'elles choisissaient et enlevaient avant les sélections. Ne subsiste d'elles que quelques furtifs plans dans la version finale lors de l'ouverture. De simples silhouettes qu'on ne remarqueraient même pas si on n'avait pas recours à un arrêt sur image. Seul le personnage de Anna Maria Dossena (la rabatteuse qui présente Eva (Olga Andreis) et Renata (Renata Moar) aux dignitaires) a gardé une certaine consistance dans la version définitive. Ces quatre rabatteuses étaient elles mêmes sous les ordres des trois maquerelles narratrices. Toute une hiérarchie en somme. Pour de plus amples informations sur ces rabatteuses il suffit de se rendre ICI sur le dossier consacré aux Maîtres de Salo.
Il y avait également trois putains, trois tenancières de bordel qui parcourent les campagnes avec les seigneurs afin de sélectionner les quatre sodomisateurs, chacune d'elles ayant son favori qu'elle présente aux dignitaires. Toutes leurs scènes ont été malheureusement éliminé du film. Il ne reste comme témoignage de leur présence qu'une ribambelle de clichés qui permet aujourd'hui de les reconstituer. Là encore pour en savoir plus sur ces catins obscènes le dossier Les Maîtres de Salo y dévoile bon nombre d'informations, photos à l'appui.
Ont totalement disparu également les duègnes, de vieilles et horribles maquerelles chargées de s'occuper des victimes féminines. Présentes dans le roman de Sade Pasolini avait choisi de les faire apparaitre dans le film. Ne reste de leur pasasge à l'écran que quelques photos de tournage.
Quant aux quatre filles/épouses elles y avaient un rôle un peu plus étoffé avec notamment la scène où, détendues, souriantes, loin encore d'imaginer le triste sort que leur réservent leur funeste père, elles plaisantent et prennent le thé à la villa lorsque les quatre collaborateurs, après les avoir observé par la fenêtre, font irruption dans la pièce et viennent les chercher.
Les sélections faites tous partaient en convoi pour l'effroyable villa où leur destin sera scellé. Après le discours des seigneurs sur le balcon Pier Paolo Pasolini clôturait le vestibule de l'enfer avec l'entrée des victimes dans la maison, les quatres dignitaires ouvrant la marche suivis des victimes encadrées par les gardes.
Des images parlant toujours mieux que des mots le vidéo montage présenté ci-dessous reconstitue la quasi intégralité du Vestibule, un travail de fourmi remarquable réalisé de main de maître par Tristan Bayou-Carjuzaa fait à partir des photos existantes.
Le test de maturité sexuelle de Tonino:
Qui un jour n'a pas été étonné de voir sur certaines photos de plateau Tonino (Antonio Orlando) se tenir aux cotés de Guido (Guido Galletti) dans la salle où Sergio et Renata seront respectivement masturbés par Guido et La Vaccari (Hélène Surgère) avant leur mariage forcé. Dans le film c'est Sergio qui se tient à ses cotés. Que vient donc faire Tonino sur les photos? On connait aujourd'hui la réponse. Dans le but de former le premier couple seigneurs et narratrices testent dans un premier temps la maturité sexuelle, l'identité sexuelle des victimes sur lesquelles ils doutent encore. Tonino est l'une d'elles. Après l'avoir lui même déshabillé Guido le masturbe mais Tonino est incapable d'entrer en érection et d'éjaculer. Jugé sexuellement indéfini il est violemment expulsé de la salle par Guido sous l'ordre express des seigneurs, furieux. C'est alors que Sergio (Sergio Fascetti) entre en scène pour être à son tour testé avec succès cette fois. La scène avec Tonino, incluse dans le scénario original, fut tournée mais n'en subsiste que quelques secondes dans le montage qu'on connait. En effet si on observe très attentivement cette courte scène c'est bel et bien Tonino qui se fait masturber par Guido. On aperçoit clairement sa touffe de cheveux frisés lorsqu'il soulève légèrement la tête comme la jolie capture d'écran ci dessous en témoigne. .
Mais lorsque Guido s'écrie "Hourra! C'est venu. C'est un homme" après que le garçon est éjaculé dans sa main ce n'est pas Tonino qui se relève mais Sergio sorti de nulle part! Voilà qui est particulièrement trompeur pour celui qui ne sait pas qu'il y a eu en effet deux victimes masculines testées. Pour lui il s'agit simplement de Sergio. Ce montage en trompe l'oeil est extrêment bizarre. Pourquoi un tel manque de logique lors de cette scène clé? Pourquoi n'y avoir pas inclus ne serait-ce que l'arrivée de Sergio (quelques photos de plateau montrent Guido venir le chercher), pourquoi ne pas avoir conservé ne serait-ce que quelques plans qui auraient clairement montré la présence de deux garçons?
Qu'advient-il du pauvre Tonino après qu'il ait été expulsé? Sur ce point le mystère demeure. Rien pas même dans le scénario d'origine ne laisse entrevoir ce qui a pu lui arriver. Y a t-il un lien avec son absence au mariage de Sergio et Renata? On pourrait supposer qu'il a été sévèrement puni pour son immaturité et privé de cérémonie. On peut pousser la réflexion en supposant que si Benedetta et Graziella sont elles aussi absentes c'est qu'elles n'ont pas réussi à jouir entre les mains expertes de La Vaccari lors du choix de la fille si jamais elles faisaient partie des sélectionnées jugées indéfinies. Cela reste une simple hypothèse d'autant plus qu'il serait étonnant que Graziella qui avec Rino forme le couple de survivants soit une indéfinie.
S'il ne s'agit pas là d'une véritable scène à proprement parlé ces plans ont cependant fait l'objet de quelques clichés fort alléchants qui ont du titiller la fantasmatique du spectateur. Ces deux plans se situent lors du second récit de la Maggi (Elsa De Giorgi) juste avant que le Duc n'entraîne Fatma (Faridah Malik) dans les toilettes pour qu'elle lui pisse dessus. Très excité par le récit de la narratrice le Duc saisit la main de Sergio (Sergio Fascetti) qui se tient debout à sa gauche et commence à lui sucer le doigt comme s'il pratiquait une fellation. Le président (Aldo Valletti) tout aussi excité fait mettre à genoux Rino (Gaspare Di Ienno), visiblement heureux. Il se lève et lui baisse son slip pour lui baiser le derrière pendant que la Vaccari (Hélène Surgère), souriante, lui caresse les cheveux. Pasolini décida de ne pas intégrer ces deux scènes au montage car elles faisaient redondance. Celle où Valletti dépose un baiser sur les fesses de Rino rappelle en effet celle où il caresse le derrière de Benedetta (Benedetta Gaetani) lors des récits de la Vaccari. Il ne garda donc que la scène d'urophilie avec Fatma. Dommage!
Ce baiser sur les fesses renvoie également à une des scènes de tortures finales lorsque Valletti embrasse les fesses de Franco Merli, ligoté au sol, juste avant qu'il ne se fasse couper la langue. Ce baiser ne fut pas inclus au montage. Seuls les clichés de tournage en témoignent aujourd'hui.
Le mariage de Sergio et de son Excellence:
La scène du mariage de Sergio et de Son Excellence était à l'origine bien plus longue puisqu'on assistait à la cérémonie complète. Telle qu'il apparaît à l'écran ce mariage peut sembler assez étrange. Il est donc nécessaire de reconstituer avec précision ce mariage afin d'en mieux comprendre le sens.
Voilà ce qu'on voit dans le montage qu'on connait: alors que le Président inspecte les fesses de Carlo (Bruno Musso) après avoir constaté qu'il a osé déféquer, pire, s'essuyer, désobéissant ainsi aux nouvelles lois son entrée dans la chambre des garçons, à son bras Sergio habillé en robe de mariée. La scène suivante nous montre toutes les victimes, dignitaires et narratrices à table prêts pour le fameux repas coprophage. Sergio en mariée est aux cotés de son Excellence qui l'embrasse sur le front, les lèvres pleines de merde. Puis on les voit monter l'escalier qui mène à la chambre où ils vont consommer leur union.
A la base le scénario original prévoyait de montrer leur mariage mais la totalité de la cérémonie est absente du film. Seuls les clichés de plateau témoignent de sa réalisation, une scène pourtant clé pour mieux saisir l'avenir du pauvre Sergio. Comme pour l'union de Sergio et Renata toutes les victimes sont rassemblées au grand complet accompagnées des narratrices, fouteurs et collaborateurs. Son Excellence fait son entrée au bras de Sergio. L'Evêque (Giorgio Cataldi) préside la cérémonie. C'est alors qu'à la fameuse question «Consentez vous à prendre pour époux son Excellence» Sergio pour la première fois dans le film se serait, première hypothèse, rebellé et aurait osé dire non. Si le malaise est alors palpable dans l'assistance son Excellence brise la glace en éclatant de rire. Si par ce geste impardonnable Sergio se condamne lui même à mort le rire du juge dissipe la tension et toute l'assistance rit à son tour. On peut voir un gros plan de Umberto (Umberto Chessari)
rire à gorge déployée suivi de toute l'assistance. La seconde hypothèse serait qu'au moment du consentement Umberto, moqueur, se permet une réflexion à haute voix. Il traite Sergio de PD ("Cazzi tuoi!"). Si dans un premier temps son Excellence, surpris, semble furieux de cette intervention inopinée, il éclate de rire, l'assistance rit également à gorge déployée (gros plan sur Fabrizio). Au vu des photos où l'on voit Umberto parler et suivant une certaine logique cette seconde hypothèse est la plus plausible. Elle montre également d'une certaine façon l'importance que prend Umberto au sein du groupe des victimes et annonce sa future grâce. Hormis un futur grâcié personne n'aurait pu se permettre une telle audace. La cérémonie nuptiale a tout de même lieu. Guido est chargé d'apporter l'alliance que son Excellence passe au doigt de Sergio. Une fois mariés le film devait enchaîner avec le banquet de merde qui en fait est leur repas de mariage. La logique est respectée: union, banquet, dépucelage.
L'annonce des nouvelles règles:
Une photo qui fut d'ailleurs reprise pour la jaquette de l'ultime édition DVD édité par Carlotta mérite toute notre attention. Si on pourrait croire à une photo promotionnelle on se trompe. Il n'existe en effet aucune photo de ce type, Pasolini ayant refusé tout support promotionnel. Ce cliché est en réalité une scène du film qui se situe juste après le dernier récit de La Maggi. Toutes les victimes sont rassemblées, les filles à gauche, les garçons à droite, en maillot et sous vêtements, en avant-plan les quatre filles/épouses nues attachées aux pieds de la lourde table par des laisses telles des bêtes. Les fouteurs sont affalés sur les fauteuils, les collaborateurs sont alanguis contre le mur, les narratrices, debout, se tiennent par le bras. Le Duc vient annoncer la nouvelle loi qu'il vient juste de proclamer, l'interdiction d'aller aux toilettes pour déféquer. Toute victime ayant osé se vider l'intestin verra son nom immédiatement inscrit dans le carnet des punitions. Cette scène est importante puisqu'elle annonce non seulement le banquet de la merde qui honore le mariage de son Excellence et de Sergio mais elle fait aussi écho à la scène où lors de l'inspection des pots de chambre le Président constate avec rage que Dorit et Carlo ont désobéi à la régle, Carlo ayant même eu l'audace de s'essuyer le derrière.
La tentative d'évasion de Franchino:
Cette tentative de fuite se situe le dernier jour, celui des condamnations, juste avant les récits de la Castelli. Pendant que de leur coté les filles pleurent et implorent le pardon sous l'oeil imperturbable de la Vaccari les garçons finissent de se préparer dans leur chambre. Seul rescapé Rino, confortablement installé, profite encore de son lit, serein, en maillot de corps. Franchino (Franco Merli), l'infâme ruban bleu noué à son bras, est prêt mais la peur le pousse à vouloir s'évader. Les photos de plateau le montre assis aux cotés de Sergio à qui il parle pendant que les autres garçons achèvent de s'habiller mornement. Rino semble l'observer. Cette scène fut confirmée par Franco Merli lors de son interview en aout 1989 où il confessait avoir tourné une scène de dialogue dans la chambre des garçons juste avant d'être sévèrement puni. Franco regrettait qu'elle ait été coupée puisque c'était la seule ligne de dialogue qu'il avait dans Salo, un regret d'autant plus fort que pour Salo Franco n'était pas doublé contrairement aux 1001 nuits.
La Maggi entre dans la pièce. Dans un ultime geste de désespoir Franchino tente de fuir. On le voit s'élancer à travers la chambrée mais Umberto, Giuseppe et Bruno le stoppent net et le plaquent au sol. Giuseppe le roue alors de coups dans le ventre puis l'écrase sous son pied. Conduites aux toilettes les victimes sont assises prés du bac rempli d'excréments, les filles/épouses baignant dans la merde. On voit Franchino étendu au sol. Il semble se tordre de douleur pendant que la Castelli finit son récit. On en connait aujourd'hui la raison.
Dans le montage actuel il n'existe aucune scène qui relie celle de la remise des rubans bleus (l'annonce des noms des condamnés) et l'ultime cercle qui débute par le récit de la Castelli (Caterina Boratto) dans la salle où sont réunis les dignitaires, les fouteurs (habillés pour l'occasion tout en blanc), les narratrices et les victimes épargnées (Umberto et Rino. Etrangement Graziella est absente). Dans les toilettes adjacentes à la salle les condamnés sont attachés au baquet de merde. A l'origine Pasolini avait filmé le réveil et la préparation des condamnés, celle des garçons d'une part sous l'égide de la Maggi et des fouteurs avec en prime la tentative d'évasion de Franco, d'autres part celle des filles sous l'oeil de la Vaccari. L'ensemble reliait les deux scènes et formait ainsi un tout homogène.
On voyait ainsi la Vaccari accompagnée de Claudio Troccoli et Maurizio entrer dans la chambre. Benedetta est nue sur son lit, ses compagnes s'habillent. Renata s'avance vers la Vaccari et la supplie de les épargner. Giuliana s'effondre sur son lit en larmes, Fatma s'effondre également. Benedetta les regarde, Antinesca déjà habillée reste allongée, immobile, sur sa couche, comme résignée.
Un montage vidéo étant toujours plus parlant qu'un long discours nous vous proposons une fois encore une brève reconstitution de cette longue séquence réalisée une fois de plus par le courageux Tristan Bayou-Carjuzaa.
L'INTRIGANTE DISPARITION DE CERTAINS PERSONNAGES:
Pour tout ceux qui ont vu Salo et l'ont surtout attentivement regardé il est impossible qu'ils n'aient pas remarqué bon nombre d'incohérences troublantes qui au fil du temps se sont transformées en véritables énigmes d'autant plus qu'elles vont à l'encontre de l'implacable logique, la rigueur quasi mathématique dont a fait preuve Pasolini tout au long du métrage. Voici résumés les plus gros mystères de Salo qui aujourd'hui encore restent insolubles malgré les recherches, le travail acharné des passionnés qui depuis des années planchent dessus sans encore avoir pu trouver de réponse satisfaisante à la plupart d'entre elles.
Une des incohérences majeures du film concerne essentiellement les personnages, plus précisément quatre d'entre eux, qui ne cessent d'apparaitre et de disparaitre tout au long du métrage. sans aucune explication rationnelle.
Le premier de ces personnages est celui interprété par Benedetta Gaetani, la seule à n'avoir jamais son prénom cité, difficilement identifiable donc pour le novice (Benedetta est la jeune fille que le Président allonge sur ses genoux pour lui caresser les sous-vêtements lors d'un récit de la Vaccari). Si on est un tant soit peu attentif on s'aperçoit que Benedetta est mystérieusement absente lors du mariage de Sergio et Renata ainsi que de la séquence dite "des chiens". Elle réapparait ensuite lors de tous les récits formant les trois cercles hormis lors d'une scène clé du film qui n'apparait malheureusement pas dans la version du film qu'on connait, la séquence du mariage de son Excellence et de Sergio. Lorsqu'on observe les photos de la cérémonie la jeune fille brille par sa non présence.
Elle est de nouveau absente lors d'une autre scène clé, celle de la remise des rubans bleus lorsque le Duc annonce le nom des condamnés. Pourtant Benedetta était bel et bien présente sur le plateau comme en témoigne la photo de tournage ci-dessous. La jeune fille est la quatrième à partir de la droite juste à coté de Faridah Malik. Benedetta était donc présente, maquillée, habillée, lors des répétitions de la scène mais disparait mystérieusement lorsqu'elle fut mise en boite. Que s'est il donc passé entre les répétitions et le moment où fut tournée la scène? L'énigme reste entière.
On la revoit par contre dés la séquence suivante, celle qui ouvre l'ultime cercle, celui des récits de la Castelli, et ne disparaitra plus. Elle est attachée au baquet de merde avec toutes les autres victimes. Les photos de tournage nous montrent également qu'elle est présente lors de la préparation des victimes dans la chambre des jeunes filles. Elle est présente lors des scènes de torture même si sa mort n'est pas intégrée dans la version du film qu'on connait puisqu'elle est suppliciée lors du cercle manquant, celui de l'Evêque. Les photos de tournage en témoignent. On la voit à terre, fermement maintenue, le fessier transformé en pelote d'épingles par l'évêque.
Le problème est le même avec Antonio Orlando qui interprète Tonino. Sans aucune raison apparente il est lui aussi absent lors du mariage de Sergio et Renata. Il est également invisible lors de la cérémonie nuptiale qui unit son Excellence et Sergio.
Les quatre filles/épouses (Liana Acquaviva, Susanna Radaelli, Tatiana Mogilanski et Giuliana Orlandi) sont quant à elles inexplicablement absentes du premier et du dernier récit de la Vaccari. Alors qu'elles sont présentes lors des récits des autres narratrices mais aussi de la grande majorité des autres scènes du film réduites au fil du temps à l'état de simple objet, en ce qui concerne la Vaccari elles ne sont présentes que lors de son second récit, allongées au sol, servant de tapis humain aux sodomisateurs, un récit qui suit la scène dite des chiens où elles sont bel et bien présentes. Rien n'explique donc cette absence lors de ces deux récits. Où sont-elles?
Quant à Graziella Anicetto (Graziella) son parcours est quant à lui truffé d'énigmes. Son rôle est un des plus restreints. Privée de dialogue elle se contente d'être la meilleure amie de Eva avec qui elle a une relation protectrice quasi maternelle mais elle est surtout celle qui par jalousie dénonce à l'Evêque la relation saphique qu'entretiennent Eva et Antinisca. Etrangement Graziella n'est pas présente lors de la scène dite des chiens mais elle est aussi et surtout absente lors de l'ultime récit de la Castelli. Elle vient d'échapper aux condamnations et devrait donc se tenir dans le salon auprès de Rino. Mystérieusement Graziella n'y assiste pas.
Si bien des mystères entourent donc Graziella la principale énigme reste la raison pour laquelle elle est épargnée. Elle fait ainsi partie des survivants aux cotés de Umberto et Rino. Son nom n'est pas cité lors de la remise des rubans bleus et durant les tortures de ses camarades elle assiste à leurs supplices vêtue d'une robe blanche aux cotés de Rino, nu, une couronne de lauriers sur la tête. Rien n'explique vraiment dans le montage qu'on connait les raisons qui ont poussé les bourreaux à l'épargner. La délation n'a cependant pas empêché Claudio et Eva d'être châtiés. Pourquoi Graziella aurait elle été graciée d'autant plus qu'elle cachait une photo interdite? Un élément est troublant. En observant les clichés de tournage pris par Deborah Barr on remarque un plan qui ne fut pas inclus dans le montage actuel. Lors de la remise des rubans bleus on voit Graziella lancer clairement un sourire complice au Duc. Pourquoi cette soudaine complicité qui rappelle celle qu'il entretient dés le départ avec Rino? Que s'est il passé entre le moment où Graziella dénonce ses camarades et l'annonce des condamnés?
On pourrait par contre expliquer les absences de ces trois acteurs lors de certaines scènes en imaginant qu'ils ont simplement quitté le plateau avant la fin du tournage pour raisons professionnelles ou personnelles d'autant plus que les scènes concernées furent pour la plupart tournées quelques jours avant le clap final. Une autre explication avancée est qu'ils n'aient pas pu assister au tournage car malades le jour de la mise en boite de ces scènes. On se reporte ainsi aux dires de Uberto Quintavalle dans son ouvrage Giornate di Sodoma (mais aussi à ceux de Hélène Surgère) qui confiait que certains avaient du s'absenter pour cause de maladie, une affirmation parfois contredite par certains acteurs qui de leur coté disent le contraire. Il n'y aurait eu aucune absence pour cause de maladie.
Un autre grand mystère est celui qui entoure le personnage de Eva interprété par Olga Andreis. Elle aussi disparait juste avant le cercle du sang, plus exactement après qu'elle ait dénoncé les rencontres nocturnes de Ezio et de la servante noire, une délation qui conduira à leur froide exécution. Eva s'est tout bonnement volatilisée lors de l'ultime bobine. Qu'est
il advenu de la jeune fille? Si la question a longtemps soulevé débat le mystère est aujourd'hui levé. La réponse se trouve en effet dans les clichés de tournage ainsi que dans le parolier d'origine du film. Eva a simplement été abattue après avoir dénoncé la relation coupable qu'entrenait Ezio avec la servante noire, tout deux tués sous ses yeux. Se sentant responsable de la mort du couple, traumatisée par leur assassinat, elle tente alors de fuir du château. Poursuivie par les quatre dignitaires elle se fait finalement abattre dans le jardin de la villa sous des cerisiers en fleur. Elle s'effondre le dos criblé de balles, une scène qui disparue du métrage actuel nuit beaucoup à la logique du film. Présente sur cette scène Hélène Surgère confiait lors d'un interview qu'elle regrettait beaucoup qu'elle ait disparue. Elle la trouvait très belle, presque poétique, et l'évoquait avec tendresse."Cette magnifique jeune fille blonde mourrant sous des cerisiers en fleurs" disait-elle. La séquence a une fois encore été magnifiquement reconstituée et mis en musique par Tristan Bayou-Carjuzaa à l'aide des photos de tournage.
Une autre séquence importante du film se voit étrangement privée de certains acteurs. Il s'agit de la scène de l'élection du plus beau cul. Il devrait y avoir en tout vingt candidats, les quatre filles/épouses et les seize victimes. Or lorsqu'on compte le nombre de culs exposé sur le tableau humain imaginé par la Maggi on en dénombre uniquement dix-sept. Trois manquent donc à l'appel. Lorsque les lumières se rallument et que les victimes se relèvent lentement on peut alors déterminer qui est présent grâce d'une part aux images du film d'autre part aux photos de tournage. Sont présents Giuliana Melis, Suzy, Eva, Dorit, Renata, Fatma, Graziella, Liana, Benedetta et Antinisca pour les filles. Franco le vainqueur, Sergio, Umberto, Claudio, Lamberto, Tonino et un septième qu'on voit de dos, assez difficile à identifier. Il s'agit soit de Carlo ou Rino, les deux garçons étant en effet physiquement très proches. On remarque juste qu'il a un derrière un peu velu. Reste donc à examiner leur deux postérieurs. Rino nous a prouvé qu'il était imberbe à deux reprises lors de deux plans sur ses fesses. Ce garçon de dos est donc Carlo. Seraient donc absents pour les filles Giuliana Orlandi et Tatiana, Rino pour les garçons. Pourquoi cette étrange absence lors d'une scène cruciale? Voilà un point à ce jour non résolu.
UN FINAL TRONQUE: LA DISPARITION DE L'ULTIME CERCLE DES TORTURES:
Si toutes ces interrogations sont passionnantes le plus intéressant est sûrement la preuve de l'existence de scènes coupées lors des tortures finales. Si la maison de production PEA, le producteur Alberto Grimaldi, en sont en partie responsables, ils jugeaient le film trop long et exigèrent de passer des 145 minutes originelles à 117, la faute ne leur en incombe pas entièrement. Il faut en effet prendre en compte qu'une partie des bobines fut volée durant le tournage et jamais retrouvée mais d'autres facteurs bien plus mystérieux rentrent aussi en compte. On sait que lors de la première projection privée du film en Italie les journalistes présents dont Edward Behr qui en fit un compte-rendu précis pour La stampa purent voir une version bien plus longue notamment en ce qui concerne les fameuses tortures finales (Behr évoque en effet l'éventration de Dorit Henke, la mise à nu de la boite crânienne de Faridah Malik après son scalp et la bastonnade de Benedetta Gaetani à la patte d'ours mais c'est la version actuelle qui fut présentée à Paris pour la sortie officielle de Salo quelques semaines plus tard le 22 novembre 1975. Que s'est il donc passé durant ce laps de temps? Là réside tout le mystère. Les nombreux clichés, plus de 8000, pris par la photographe Deborah Barr lors du tournage témoignent de l'existence de ces scènes et permettent surtout de retracer l'intégralité des tortures même s'il demeure quelques doutes et interrogations sur certaines victimes.
Que manque t-il donc? Présentement Doris et Giuliana sont totalement absentes des cercles. On aurait du assister au supplice de Doris éventrée par l'évêque et de Giuliana (Giuliana Melis) sodomisée par le Duc avant que fouteurs et collaborateurs ne lui tranchent les seins à l'aide d'une lame de rasoir. Battue à mort Benedetta se fait ensuite transformer en pelote d'épingles par l'Evêque.
Sont tout aussi invisibles Antinisca Nemour pour les filles qu'on aperçoit simplement et très furtivement fouettée, Lamberto Book et Claudio Cichetti pour les garçons.
Pour les quatre filles des dignitaires, seul le supplice de Susanna Radaelli / Suzy, la première fille du Duc, est montré. Aprés avoir été sodomisée par Claudio Troccoli, elle est pendue. On apercevra furtivement Tatiana Mogilansky être sodomisée sur un grill et Giuliana Orlandi être fouettée par l'évêque. Ni plus ni moins. On sait aujourd'hui qu'elles ont été fusillées. Liana Acquaviva, la deuxième fille du Duc, est tout bonnement absente du cercle de sang. En fait Liana cloturait le segment des supplices, électrocutée sur la chaise électrique.
Quant aux victimes masculines la reconstitution du supplice de Bruno Musso (Carlo) est intéressant puisqu'il ne perdait pas qu'un seul oeil mais les deux. Mais le plus intéressant reste cependant celui de Sergio Fascetti qui était bien plus long, bien plus douloureux. Après avoir eu la poitrine marquée au fer rouge il est ligotté à une chaise, dos tourné au mur, puis fusillé. Lors de ce plan on découvrait aussi en arrière-plan deux corps pendus, parfois trois ou quatre selon les clichés (en réalité des mannequins à l'effigie des acteurs). Les photos de plateau montrent clairement qu'il s'agit de Franco Merli, Renata Moar, Susanna Radaelli et Antonio Orlando soit les quatre victimes du premier cercle.
Pasolini avait clos le carnage par un plan final sinistre qui montrait les seize cadavres, certains recouverts d'un drap, allongés côte à côte dans la cour des supplices suivi du départ des quatre dignitaires montant dans leur voiture. On la voyait alors s'éloigner du château des horreurs juste avant le générique de fin.
L'ordre dans lequel sont alignées les victimes est-il hasardeux? Si on observe bien les clichés il semblerait que l'alignement suive l'ordre dans lequel ils ont été suppliciés. Cette remarque se base sur le fait que les trois premiers corps à droite sont Tonino, Renata et Franco, trois des quatre premiers condamnés du premier cercle. Coincidence ou non? Difficile pour l'instant de l'affirmer réellement.
REVELATIONS FINALES D'UN CARNAGE OU LA RECONSTITUTION DES QUATRE CERCLES DU SANG:
Le cercle du sang tel qu'il apparait dans la version actuelle se divise en trois parties toutes basées sur le même principe. Trois des bourreaux s'affairent aux tortures des victimes tandis que le quatrième, assis dans un grand fauteuil, un collaborateur à ses cotés, les observe à la jumelle dans le salon qui surplombe la cour des supplices. Si on enlève Tonna Peruggio, le jeune homme mitraillé lors de l'ouverture du film alors qu'il tentait de s'enfuir, la jeune fille anonyme dont on a tranché la gorge lors du premier cercle après qu'elle ait elle aussi essayé de s'échapper, Eva assassinée lors de sa fuite et les trois rescapés, Rino, Graziella et Umberto il reste donc seize victimes, six garçons et dix filles dont les quatre des dignitaires.
Seize victimes dont les mises à mort comme on vient de le voir ne sont pas toutes montrées à l'écran même si on sait désormais que Pasolini, grâce aux photos de Deborah et à différents témoignages, les a tournées sans qu'elles soient intégrées au montage final pour les diverses raisons qu'on a évoqué. Quelques uns de ces clichés sont ici présentés afin de donner aux lecteurs un aperçu des cruautés dont on l'a privé. La question qui vient de suite à l'esprit est de quelle manière exactement toutes les malheureuses victimes ont trouvé la mort.
Essentiellement basé sur les observations faites en regardant minutieusement images par images le cercle des tortures tel qu'on le voit dans le montage actuel du film, en observant les quelques milliers de clichés de Deborah qui aujourd'hui ressortent et apportent de nombreux éclaircissements sur ces mystérieuses scènes manquantes, les notes de scénarii et la méticuleuse reconstitution effectuée de main de maitre à partir de ces documents visuels par Tristan Bayou-Carjuzaa et récemment publiée dans Mort pour Salo de Benjamin Berget voici le récapitulatif le plus exhaustif possible des différentes tortures dans l'ordre où elles sont infligées et le résumé précis de l'énigmatique quatrième cercle, celui de l'Evêque.
Ce chapitre va aussi rendre au deuxième et troisième cercle leurs véritables victimes puisque la version qu'on connait suite aux nombreux problèmes évoqués dans les sections précédentes les a tout bonnement mélangées, les rendant par moment illogiques. Le lecteur va donc enfin pouvoir découvrir les quatre cercles tels qu'ils ont été tourné à l'origine par Pasolini ou tel qu'ils auraient du être tournés et les comparer avec ceux qu'il a toujours vu.
Chaque session se déroule suivant un rituel précis. Pendant que trois dignitaires, un qui exécute et deux qui l'assistent, sont dans la cour des supplices le quatrième assis dans un large fauteuil se positionne en observateur. Chaque session comporte quatre victimes, une fille/épouse et trois condamnés. Deux collaborateurs en caleçon assistent aux mises à mort dans la cour et sodomisent tour à tour les filles/épouses, les deux autres sont aux cotés de l'observateur. Les quatres fouteurs nus sont quant à eux toujours présents dans la cour et aident aux exécutions. Si les tortures infligées sont toutes différentes les mises à mort respectent quant à elles un rite précis. Les dignitaires ont en effet recours aux quatre modes d'exécution ayant cours sous les régimes fascistes à savoir la pendaison (le premier cercle), la fusillade (le second), l'étranglement (le troisième) et la chaise électrique (le quatrième).
LA PREMIERE SESSION DE TORTURES:
Avant toute chose il est intéressant de savoir qu'au départ on voyait entrer par le coté
gauche de la cour les seize suppliciés revêtus de la chemise grise des
condamnés. Ils sortaient en fait du cabanon qu'on distingue à l'extrême gauche de l'image. Ils se faisaient ensuite brutalement dévêtir par les fouteurs, toute une partie disparue au montage qu'on peut découvrir à travers des images de tournage. De l'existence de ces chemises grises ne subsiste que le
plan lointain où on aperçoit deux corps pendus revêtus de ces fameuses
casaques.
Il est important également de signaler que ce premier tour de tortures est le seul à avoir été présenté dans sa quasi intégralité mais surtout tel qu'il fut tourné, les trois derniers cercles étant pour leur part totalement chamboulés.
Pour cette session d'ouverture le Duc est l'observateur. Le Président, l'Evêque et son Excellence ouvrent le carnage soit les quatre premières victimes, Tonino, Renata, Franchino et Suzy la fille du Président. Maurizio et Claudio Troccoli sont les collaborateurs présents. Umberto est aux cotés du Duc qu'il rejoint. Fabrizio reste à l'écart d'eux.
Les tortures débutent avec Tonino. Le Président lui brûle le pénis avec la flamme d'une bougie puis c'est à Renata qu'il brule ensuite les seins après qu'elle ait été violée avant de trancher au rasoir la langue de Franchino. Les trois victimes sont maintenues par les quatre fouteurs nus. Susy, la fille du Président, tenue par Maurizio Valaguzza, est sodomisée par Claudio Troccoli puis pendue. Alors que le Duc masturbe Umberto un plan éloigné montre la cour. Les trois corps sont étendus à terre, Suzy se balance au bout d'une corde sous l'oeil de l'Evêque, du Président, de son Excellence, de Rino et Graziella. Cette session était à l'origine un peu plus longue. Franco, Renata et Tonino, revêtus de nouveau pour l'occasion de leur casaque grise, étaient eux aussi pendus aux cotés de Suzy. Fait intéressant, les quatre malheureux resteront pendus tout au long des trois autres cercles telle une funeste vision de ce qui attend leurs camarades.
Comme un montage vidéo parle bien mieux qu'un long discours voici la reconstitution du permier cercle des tortures réalisé une fois encore avec brio par l'indétronable Tristan Bayou-Carjuzaa.
LA SECONDE SESSION DE TORTURES:
Session actuelle:
C'est au tour du Président de se placer en tant qu'observateur tandis que le Duc, l'Evêque et son Excellence infligent les supplices à quatre autres victimes. Dans la version actuelle du film il s'agit de Fatma, Carlo, Antinisca et Tatiana comme fille/épouse cette fois. Umberto et Fabrizio sont les collaborateurs présents dans la cour.
Fatma est scalpée, Carlo, attaché à terre, maintenus par quatre fouteurs, est énuclée par son Excellence qui sodomise ensuite une victime identifiée comme étant Antinisca pendant que les quatre fouteurs apportent la chaise électrique. Antinisca a confirmé ce viol puis a révélé la manière dont elle mourrait, une scène disparue du montage actuel. Elle est en fait étouffée la tête plongée dans un baquet. Est ce un baquet de merde, ce même baquet d'excréments où étaient attachées les victimes lors de l'ouverture du cercle, ou un baquet d'eau, Antiniska ne le précisa pas lors de cette interview datant de 2002. Il y a cependant de fortes chances qu'il s'agisse en fait non pas d'un baquet mais de la chaise en bois où fut garroté Carlo. Antinesca serait morte de la même manière. Tatiana, la fille de son Excellence, est juste à coté, culotte baissée, on devine qu'elle a été probablement sodomisée sur un grill par Claudio Troccoli et Maurizio Valaguzza, les deux collaborateurs qui se tiennent derrière elle. Fatma est quant à elle scalpée par l'Evêque. A l'origine la scène du scalp était bien plus longue. On voyait en effet l'Evêque détacher son scalp et mettre à nu sa boite crânienne. La malheureuse jeune fille juste avant de s'évanouir tentait alors dans un geste particulièrement morbide d'attraper son scalp gisant à ses cotés.
On s'attardera sur la mort de Carlo sur lequel les bourreaux s'acharnent. Si dans le film on le voit se faire arracher un seul oeil, ce sont en fait les deux qu'on lui extirpe des orbites avant de le garroter sur une chaise, exsangue, sous les rires moqueurs des fouteurs et des collaborateurs. Le corps de Carlo restera dans la cour tout au long des cercles suivants.
Pourquoi un tel acharnement? Carlo représente en fait,l'opposition au Pouvoir, il incarne la rebellion. Insolent il est le seul à avoir eu l'audace de demander au Duc quel sera le sort qu'on leur réserve, de se dresser contre Umberto lorsque celui ci devient un collaborateur et à oser répondre au Président lorsqu'il constate que le garçon a déféqué, pire s'est essuyé, malgré l'interdiction de se soulager les intestins. Au moment de son énucléation il est encore assez audacieux pour lancer un regard plein d'insolence à son Excellence, défiant une ultime fois son bourreau. Son châtiment devait donc être à la hauteur de ce qu'il incarne aux yeux des quatre dignitaires: le grain de sable qui se dressera toujours contre le Pouvoir et le mettra en péril.
Session originale:
LA TROISIEME SESSION DE TORTURES:
Session actuelle:
C'est son Excellence qui succède au Président sur le siège des observateurs tandis que le Duc, le Président et l'Evêque ont pris en charge quatre autres victimes, Sergio, Giuliana la fille du Duc, les deux seuls qu'on voit dans le montage actuel. On sait grâce aux photos de plateau que les deux autres sont Doris dont on apercoit d'ailleurs très rapidement les cheveux blonds et Benedetta.
Déchainé, l'Evêque fouette Giuliana tenue par Umberto et Fabrizio, celui ci identifié grâce aux clichés de tournage, puis les trois autres victimes ligotées au sol qu'on ne fait que deviner. La mort de Giuliana n'est pas montrée. On l'aperçoit par contre sur les photos de tournage ligotée sur la chaise où Carlo a trouvé la mort. On peut donc supposer qu'elle est morte de la même manière que lui. Sergio a ensuite la poitrine brûlée au fer rouge. On le sait désormais son supplice fut bien plus long. Assis dos tourné tourné vers le mur, il est ligoté sur une chaise basse puis fusillé. Si on regarde attentivement le film on peut d'ailleurs apercevoir ce plan furtif de Sergio mort lors du second cercle de torture, alors que son tour n'est pas encore venu, ce qui confirme bel et bien que l'ordre des supplices n'est pas celui dans lequel ils furent tournés, un illogisme qui prouve que Pasolini fut contraint de les filmer de manière bien anachronique. Comme pour Carlo on peut remarquer que le corps de Sergio reste dans la cour tout au long des autres sessions.
Ce troisième cercle de supplices se terminera sur le plan des trois bourreaux se mettant à danser bras dessus bras dessous dans la cour suivi du plan des deux gardes, Maurizio Valaguzza et Claudio Troccoli, s'enlaçant tendrement au milieu du salon pour danser sur un air de musique ringarde diffusée par un poste de radio. Générique de fin.
Session d'origine:
Les trois victimes de cette troisième session sont en fait Antiniska, Carlo et Fatma, la fille/épouse est Tatiana. On sait déjà comment meurent Carlo et Fatma. On sait également quel sort est réservé à Antiniska grâce à ses déclarations même si l'actrice aime se contredire sur ce qui lui a été réellement réservé. La version qu'on garde pour l'instant est celle d'un étouffement par garrottage sur la fameuse chaise à garrot. A ce jour les seules images qui existent de son supplice sont celles où on la voit de dos être fouettée et celles où son Excellence la sodomise. Quant à Tatiana elle est sodomisée par Maurizio et Claudio Troccoli sur le grill allumé puis étranglée.
LA SESSION MANQUANTE: LES ULTIMES TORTURES:
Reste donc l'ultime observateur. C'est au tour de l'Evêque de prendre place dans le grand fauteuil alors que le Duc, son Excellence et le Président s'occupent des quatre dernières victimes, Lamberto, Claudio, Liana et Giuliana Melis. Les deux collaborateurs sont Umberto et Fabrizio. Pour cette dernière salve toutes les victimes mortes sont regroupées dans la cour en un sordide tableau macabre, les funestes trophées des bourreaux.
Non intégrée au métrage final, cette ultime séquence demeure un véritable Graal pour les amoureux de Salo mais aussi une énigme sur bien des points. A ce jour seules les images de plateau prises par Deborah témoignent de cette dernière salve de tortures. Giuliana est sodomisée par le Duc avant d'avoir les têtons tranchés au rasoir. Comme les trois autres filles/épouses Liana est sodomisée par les deux collaborateurs puis elle est électrocutée sur la chaise électrique. C'est sa mort qui clôture cette session finale.
Restent deux victimes, Lamberto et Claudio, dont on ne sait quasiment rien quant à leur mort. On aperçoit simplement deux corps masculins nus attachés à des piquets, étendus au sol devant la chaise électrique où Liana est morte, à sa droite on voit Carlo énucléé garroté sur sa chaise. En observant de près on peut reconnaitre à gauche Lamberto même si son visage est tourné vers le sol. L'autre victime à droite par simple déduction logique ne peut être que Claudio. Leur exécution demeure malheureusement un mystère puisque aucune photo, aucun témoignage, aucun aperçu aussi minime soit-il ne donne de détails précis, n'apporte d'informations quant à ce qu'il est advenu de Lamberto et Claudio dont les mises à mort demeurent encore aujourd'hui une énigme insoluble. Seule la photographie des seize cadavres étendus côte à côte prouve qu'ils sont bel et bien morts. En interrogeant les jeunes acteurs sur les éventuels souvenirs qu'ils gardent sur leur exécution on obtient quelques informations floues mais cependant intéressantes. Selon Maurizio Valaguzza Lamberto (bel et bien présent sur le plateau des tortures, au fond en peignoir jaune, comme en témoigne la photo ci dessous) serait mort par électrocution, des électrodes attachées à ses testicules. Si on observe bien les corps des seize cadavres allongés sur le sol de la cour des tortures à l'extrême gauche on peut reconanitre ceux de Claudio et de Lamberto. Une tache rouge au niveau de son pubis macule le drap qui recouvre Lamberto pourrait en effet confirmer que les bourreaux s'en ont pris à ses parties intimes. Quant à Claudio on apercoit une blessure peu identifiable mais qui pourrait laisser supposer qu'il a été poignardé au niveau des côtes.
Si dans un des scénarii originaux leur mort est bel et bien mentionnée Roberto Chiesi affirme cependant que le cinéaste n'aurait pas tourné toutes les tortures prévues inititialement par peur de redondances, d'une certaine forme de lassitude due à la répétition des scènes. C'est ainsi qu'il aurait volontairement annulé celles des deux garçons d'où l'inexistence de photos ou ne les aurait pas intégré au montage.
LES SURVIVANTS DU MASSACRE: UMBERTO, RINO, GRAZIELLA:
Nous avions au départ vingt futures victimes, les quatre filles des dignitaires, les huit garçons et les huit filles. A la mort d'Eva tuée lors de sa tentative de fuite du château, une scène disparue du film, échappent donc au carnage trois personnages. Nous savons qu'il y a seize cadavres allongés côte à côte dans la cour à la fin des supplices comme en témoignent Paolo Bonacelli et surtout les lugubres photos de plateau qui montraient le final non retenu par Pasolini. Ces trois rescapés de l'enfer sont Umberto promu collaborateur à la mort d'Ezio, Rino et Graziella, tout deux se tenant debout dans la cour, immobiles, témoins oculaires du carnage. Rino est nu, le sexe caché par ses mains, une couronne de lauriers sur la tête, symbole de victoire. Graziella en robe blanche, symbole de pureté et de rédemption.
Difficile de dire pourquoi Umberto est choisi pour remplacer Ezio. Aucun réel élément dans la version qu'on connait de Salo ne permet d'apporter des éléments de réponse concrets. L'ultime scène où Umberto apparait en tant que victime est celle où chaque seigneur prend pour époux un fouteur. Suit la scène des délations durant laquelle Ezio et la servante noire sont tués pour avoir enfreint les lois. Devrait suivre la scène de la mort d'Eva malheureusement disparue. Arrive alors celle de la remise des rubans et l'annonce du nom des condamnés. C'est là qu'on découvre Umberto devenu collaborateur. Il rit et se moque de ses anciens compagnons qu'il feint de fusiller en les traitant de pédés provoquant ainsi le dégout de Carlo. Que s'est il passé entre sa dernière scène dans la peau de victime et celle ci? Mystère! Pour obtenir quelques éléments de réflexion il faut peut être suivre le parcours du garçon tout au long du film. Il fait partie des plus obéissants, n'a rien eu à se reprocher tout au long du film et, détails subtils, il est d'une part le second à entonner la chanson Sul ponte di Perati juste après Rino lors du premier repas, d'autre part son intervention audacieuse lors du mariage de Sergio et de son Excellence (scène absente du montage final) prouve l'importance qu'il a pris au sein de la communauté. Lors des différents cercles l'oeil attentif remarquera également que Umberto et Rino sont régulièrement positionnés l'un à coté de l'autre. Hasard ou non cet autre détail pourrait laisser sous-entendre que Umberto avait dés le départ ses chances d'être un des rescapés. Que cette place de collaborateur lui revienne est donc cohérent. Peut être n'y a t-il pas à chercher plus loin.
Les raisons pour lesquelles Rino échappe aux punitions sont quant à elles assez claires. On les trouve disséminées tout au long du film. Dés son recrutement, une séquence non intégrée mais largement détaillée sur les photos de plateau, il est évident qu'il existait déjà une certaine complicité entre lui et le Duc. C'est avec un évident plaisir que Rino se met à nu, exhibant ses parties intimes face au Duc qui très vite en fait son préféré. Il l'embrasse sur la bouche lors du mariage de Renata et Sergio puis lors d'un récit de la Vaccari. Ils échangent régulièrement des regards aussi tendres que complices. C'est Rino également qui assiste cette fois le Président lors de l'inspection des derrières. Il lui confie la tâche de déshabiller Carlo afin d'inspecter ses fesses. C'est encore lui qui est le premier a entamé le chant militaire subversif Sul ponte di Perati lors du premier repas. Une fois encore l'oeil subtil remarquera que durant rout le film Rino est le seul garçon qui cache son sexe avec ses mains lors des scènes de nu, un acte habituellement interdit par les lois établies par les dignitaires. Obéissant et dévoué Rino s'est visiblement vite rangé du coté des bourreaux, par conséquent du Pouvoir, ce qui en fait un digne successeur des quatre seigneurs. A leurs yeux le garçon mérite amplement d'échapper à la mort.
Les raisons pour lesquelles Graziella évite la mort sont par contre beaucoup moins évidentes. Pour les trouver il faut peut être regarder de bien plus près certains passages du film. Avoir dénoncé les désobeissances de sa compagne et amie Eva qui entretenait une relation saphique avec Antiniska est certainement un des points à prendre en compte. Dans un sens sa délation lui a certainement sauvé la vie. On peut alors se demander pourquoi Graziella a été ainsi récompensée et non pas Claudio dont le nom fut le premier à être inscrit dans le carnet des punitions. Lui aussi avait pourtant fait preuve de délation vis à vis d'un de ses camarades mais cela n'a servi à rien dans son cas.
Dans la version actuelle Graziella n'a que très peu d'importance tout au long du film et n'a quasiment aucune scène à elle. Elle est simplement présentée comme une des filles les plus faibles, une jeune fille désespérée que soutient son amie Eva qui la réconforte et la pousse à obéir docilement. Contrairement à la plupart de ses camarades Graziella apparait beaucoup moins souvent nue qu'eux. Elle est souvent représentée comme une sorte d'innocente poupée habillée d'une robe blanche très sage, coiffée d'anglaises. On peut considérer Graziella comme une petite fille modèle, un statut que trahit très souvent sa façon de se tenir lors de certains récits, debout droite comme un i, les mains croisées devant ses jambes, une position qu'elle garde aussi tout au long du cercle des tortures.
En sachant que les seigneurs aimaient former des couples Graziella est certainement la jeune fille qui méritait le plus cette grâce. Elle forme ainsi avec Rino un couple parfait. Finalement Graziella ou l'innocence triomphante? Ne retrouve t-on d'ailleurs pas dans la racine de son prénom le mot "grâce"? On peut voir toute une symbolique dans ce personnage, une symbolique qui expliquerait donc qu'elle est l'élue féminine. Pasolini n'a peut être pas souhaité développer ce point plus en avant. Existerait t'il d'autres motivations qui auraient poussé les bourreaux à lui laisser la vie sauve aux cotés de Rino et Umberto? Existerait t'il certaines scènes coupées au montage ou disparues qui pourraient clarifier cette énigme?
Un dernier point reste obscur. En observant bien les photos de tournage de la scène de la remise des rubans, soit l'annonce des condamnés à mort, on aperçoit Graziella adresser un franc sourire au Duc (photo ci dessus). Pourquoi ce sourire? Rien ne l'explique dans le montage qu'on connait du film. On sait juste que son nom n'est pas cité par ce dernier. Ce sourire radieux reste à ce jour une énigme comme demeure un mystère son absence lors des récits de la castelli alors que Rino et Umberto sont quant à eux bien présents.
On peut aussi se demander pourquoi Graziella n'est pas nue aux cotés de Rino lors des tortures finales. Pourquoi est-elle une fois de plus vêtue de sa tenue de poupée modèle? Espérons qu'un jour toute la lumière soit faite sur ce point crucial du film.
UNE VALSE A 4 TEMPS:
Quatre bourreaux pour quatre maquerelles dans quatre cercles qui longtemps encore résonneront comme un grondement sourd et menaçant aux quatre coins du monde. Quatre fois quatre victimes gardées par quatre miliciens et quatre colloborateurs dont les suppliques étouffés de sanglots nous saisiront encore longtemps à la gorge. Le chiffre 4, le carré a marqué tout le film qui fut construit autour de lui, de cette logique tant au niveau des personnages que des décors et des plans.
Mais derrière l'horreur il y avait des acteurs et un plateau de tournage qui par la magie du cinéma se transformait en château de l'effroi. Derrière les cris et les larmes il y avait les rires et les facéties d'une troupe de jeunes comédiens déshinibés qui s'amusèrent beaucoup durant les quelques mois de tournage que dura Salo et qui ne prirent jamais au sérieux ce qu'on leur demandait de faire. Et ce n'est pas l'immense fête qui réunit tous les acteurs et techniciens qui dira le contraire. Cette immense fête, ce bal où tous les comédiens, techniciens et même Pasolini se retrouvèrent devait en fait clôturer le film après le cercle des tortures. C'est la fin que le cinéaste avait imaginé pour désamorcer l'horreur et dire au public que tout ce à quoi il venait d'assister n'était qu'un film. Salo devait se terminer comme une pièce de théâtre, tous les protagonistes revenant saluer sur scène. Une façon de dire "Nous sommes vivants et tous heureux". Cette conclusion n'a pas été retenue et fut abandonnée au profit de celle que nous connaissons. Seules quelques images témoignent encore aujourd'hui de ce bal qui au vu d'interviews de quelques acteurs fut un inoubliable moment, celui où le plateau se transforma en une immense piste de danse où résonnait un boogie-woogie endiablé.
Quatre bourreaux, quatre maquerelles, quatre fouteurs et quatre collaborateurs pour quatre fois quatre victimes tous unis par le bonheur et le rire une fois la défroque de leur personnage laissée au vestiaire.
Salo démystifié, Salo ou le bal des artifices, enivrant comme une valse à quatre temps!
APRES L'HORREUR...
LE BONHEUR!
Crédit photos: Pasolini prossimo nostro