La ragazza di Via Condotti
Autres titres: Le crime de la Via Condotti / Meurtres à Rome / Special killers / La chica de Via Condotti / The girl from Via Condotti
Réal: German Lorente
Année: 1973
Origine: Italie / Espagne / France
Genre: Polar
Durée:
Acteurs: Frederick Stafford, Michel Constantin, Femi Benussi, Claude Jade, Giacomo Furia, Patty Shepard, Alberto de Mendoza, Simón Andreu, Manuel de Blas, Giuseppe Castellano, Dada Gallotti, Pupo De Luca...
Résumé: L'épouse alcoolique et droguée d'un détective privé est assassinée par son mystérieux amant. En quittant la chambre il égare la photo d'un motard. C'est à partir de ce cliché perdu que le détective va mener son enquête bien décidé à découvrir l'identité du tueur. Cette photo le mène à une strip-teaseuse, Laura, la maitresse d'un célèbre avocat. Le limier tombe amoureux de la jeune femme mais celle ci refuse pourtant de l'aider dans ses investigations comme elle refuse de collaborer avec la police. Petit à petit le détective va mettre à jour un réseau de drogues à la tête de laquelle se trouve l'avocat. Il découvre également que le fameux motard pourrait être le frère de Laura...
Après avoir débuté comme scénariste l'espagnol German Lorente fait ses débuts de réalisateur en 1964 avec Le désir avec Maurice Ronet. Dés lors il prendra régulièrement l'habitude de coproduire ses films avec la France et l'Italie. Parmi ses oeuvres les plus connues tournées dans les années 60 on peut citer Son nom est Daphné et Tu mourras dans son cercueil. A l'aube de la décennie suivante il s'oriente vers le giallo et le polar. Il réalise notamment Hold-up avec Nathalie Delon juste après La ragazza di Via Condotti sorti en France sous les titres Meurtres à Rome et Le crime de la Via Condotti, un thriller anti
conventionnel qui fonctionne sur les éléments habituels du genre sans véritablement se classer dans une case spécifique du thriller à l'italienne.
Alors qu'il rentre chez lui le détective privé Sandro Mattei trouve comme trop souvent son épouse Simone ivre et droguée. Sandro l'aime mais ne la supporte plus. Ils se disputent, elle se conduit comme une trainée et lui promet qu'elle couchera avec le premier venu aussitôt aura t-il franchi le seuil de leur domicile. Sandro trouve réconfort auprès de sa meilleure amie, la douce Tiffany. Pendant ce temps Simone comme promis s'envoie en l'air
avec un homme qui finit par l'étrangler. A son retour Sandro découvre le cadavre de sa femme ainsi qu'une photo d'un homme à moto tombée à coté du lit. Avec l'aide de Tiffany Sandro va tenter de découvrir qui est cet homme, l'assassin présumé. Il remonte jusqu'à Laura la séduisante gérante d'un magasin de vêtements qui la nuit travaille dans un club de strip-tease et se prostitue régulièrement. Elle est aussi la maitresse d'un grand avocat, Giorgio Russo, qui commence à avoir des doutes sur sa fidélité. Il ignore en effet tout de sa double vie. Rapidement Sandro tombe sous le charme de Laura. Russo demande au détective de la suivre. Sandro découvre ainsi les activités nocturnes de Laura qui une nuit se
fait agresser alors qu'elle tapine. Elle doit la vie sauve à un homme qui a risqué la sienne pour elle. Une autre putain est elle aussi violemment agressée quelques jours plus tard. L'inspecteur Palma demande à Laura de coopérer afin que l'agresseur soit enfin arrêté. Terrifiée elle refuse. Sandro découvre de son coté que l'avocat est à la tête d'un réseau de trafic de drogue. Acculée Laura finit par avouer que c'est son frère Mario qui est l'agresseur. Il travaille pour l'avocat qui a également commandité le meurtre de Simone. Désormais grillé le notable fait exécuter Mario. Laura avoue que si elle a choisi cette vie et a toujours protégé son frère c'est uniquement pour l'argent, le luxe, le prestige. Alors que Sandro est sur le
point de faire tomber l'avocat, ce dernier abat une ultime carte qui sera fatale pour le détective.
Le film débute de manière bien glauque par un long prologue. Un homme découvre sa femme dans un état d'ébriété avancé en rentrant chez lui. S'ensuit une violente et pathétique dispute. Le mari quitte le domicile conjugal. A son retour il trouve sa femme morte, tuée par l'homme avec qui il venait de faire l'amour, un mystérieux amant qu'on ne verra que de dos. Voilà une ouverture qui ramène aux meilleurs gialli mais c'est pourtant bel et bien vers le polar, le polar noir, le film de gangsters que s'oriente par la suite le reste du métrage. A partir
d'une photo qu'a perdu l'assassin le mari de la victime va tenter de retrouver le meurtrier. Ses investigations non seulement l'amènent à mettre à jour une importante organisation de trafic de drogue également spécialisée dans le chantage (les photos pornographiques) dont un des dirigeants est un notable mais aussi à faire face à la corruption qui règne dans les hautes sphères de la bourgeoisie romaine, à l'hypocrisie, l'arrivisme de personnes pour qui le pouvoir, le luxe, l'argent comptent plus que tout.
La ragazza di Via Condotti n'est plus ni moins qu'une dénonciation sociale amère, sombre et totalement amorale d'un milieu régi par l'attrait de l'argent ou comment certains, quelque
soit leur origine sociale, sont prêts à tout y compris tuer pour briller en société, vivre dans le panache, protégés par ceux qui en temps normal professent pourtant la légalité. Pour illustrer son sujet Lorente choisit de plonger son spectateur dans le monde de la prostitution où sévit un tueur qui se plait à passer à tabac les putains d'une Rome crépusculaire loin des habituels clichés solaires. Autant dire qu'aucun des personnages n'est vraiment sympathique ou attachant. Parmi les classes les plus basses catins et maquereaux méritent de mourir, parmi les plus nobles forces de l'ordre, avocats, milieu de la mode... sont tous corrompus. Quant à la sexualité elle est forcément crue quand elle n'est
pas tout bonnement pornographique. Si dans ce marasme Laura en victime terrifiée peut trouver de prime abord grâce à nos yeux elle s'avère en fait odieuse, perfide, perverse, intéressée, pourrie jusqu'à la racine des cheveux de sa perruque blonde. Elle incarne l'immoralité dans toute son écoeurante splendeur, préférant un manteau de fourrure à un homme brulant d'un amour sincère pour elle qu'elle condamne à la prison à vie. C'est une conclusion inattendue, pessimiste, en forme de no happy end qui pour une fois fait triompher l'amoralité au delà de toute justice et qui surtout a le mérite d'être lucide sur la corruption du monde que le film dépeint. La question est de savoir si aujourd'hui les choses
ont changé. La réponse semble évidente.
La ragazza di Via Condotti n'est pas parfait. La réalisation de Lorente est parfois un peu molle et manque de relief. L'intrigue sans temps mort n'est pas toujours très plausible mais elle tient suffisamment en haleine pour retenir l'attention et les qualités du film en font vite oublier ses défauts. L'interprétation de Femi Benussi dans la peau de Laura, un rôle maitrisé qui change des habituels gourgandines des sexy comédies dont elle fut l'héroïne. Version brune ou version blonde platine Femi se montre tout à fait convaincante dans un
registre dramatique, féroce, pour lequel elle n'est pas forcée pour une fois à se déshabiller du moins si peu. A ses cotés Frederik Stafford joue les limiers solitaires, un homme et mari désemparé par la mort d'une épouse qu'il aimait toujours malgré ses addictions, Simon Andreu est le frère assassin de Femi. Quant à Patty Shepard elle offre elle aussi une jolie prestation, à la fois pathétique et touchante, dans la peau de la malheureuse épouse alcoolique. Coproduction oblige Claude Jade est la douce Tiffany et Michel Constantin endosse le manteau de l'inspecteur Palma. On regrettera simplement que Lorente ne l'est pas mieux utilisé, un peu trop fade et sous employé pour apporter au film un
petit plus. Toujours au crédit du film la partition musicale de Enrico Simonetti portée par sa chanson-phare, "Una ragazza come tante", interprétée par la voix rauque de Augusto Daolio, le chanteur du groupe de rock italien I nomadi déjà responsable de quelques autres BO (No il caso e felicemente risolto).
La ragazza di Via Condotti est une peinture réussie du monde que le film décrit, un tableau bien sombre de la bourgeoisie, de l'hypocrisie et de l'arrivisme qui brille par son amoralité et son final amer qui devrait laisser au spectateur un arrière-goût étrange au fond de la gorge. Voilà une agréable surprise qui mérite l'attention de l'amateur d'autant plus que le film, oublié des éditeurs, est devenu au fil du temps extrêmement rare, difficilement visionnable si ce n'est par le biais d'une médiocre vidéo italienne et de la VHS française sortie jadis.