Brogliaccio d'amore
Autres titres:
Real: Decio Silla
Année: 1976
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 92mn
Acteurs: Enrico Maria Salerno, Senta Berger, Paolo Carlini, Marisa Valenti, Umberto Racepre, Giancarla Locatelli, Silvia Mango, Rosanna Callegari, Antiniska Nemour, Anna Maria Sprega, Annibale Papetti, Tino Polenghi, Rosanna Callegari, Aurelio Drago, Silvia Mango...
Résumé: Un ingénieur architecte revient après des années dans la demeure désormais vide où il a passé une partie de sa vie. Il y revit ses échecs. En quête d'identité, afin de comprendre ses erreurs pour tenter de recommencer sa vie, il entreprend d'écrire un roman inspiré par Roberta, une jolie jeune femme ex-prostituée qu'il vient de rencontrer. En quête de d'authenticité, il l'invite à voyager dans le sud de l'Italie en sa compagnie afin de mieux la connaitre et la comprendre, une manière de trouver des réponses aux questions existentielles qu'il se pose...
Unique film de l'énigmatique Diecio Silla un journaliste qui rêvait de faire du cinéma, déjà quinquagénaire lorsqu'il le réalisa Broglaccio d'amore (littéralement Brouillard d'amour) s'inscrit dans le riche filon des drames psychologiques alors très à la mode en Italie qui mettent en scène cette bourgeoisie en pleine crise existentielle frappée par l'ennui. Ce n'est pas au bout du monde que le principal protagoniste, un écrivain, va chercher les réponses à ses questions mais au bras d'une ex-prostituée qu'il invite à voyager à bord d'une caravane le long du littoral de l'Italie du sud.
Giacomo, un ingénieur architecte aujourd'hui quinquagénaire, revient dans la villa de sa
jeunesse désormais vide, abandonnée, remplie ce souvenirs, hantée par les fantômes du passé. Lors de sa visite il revit les principaux passages d'une vie ratée. Un mariage réprouvé par sa mère qui s'est mal fini, les quelques conquêtes qui ont ensuite jalonné sa vie,.. Malheureux Giacomo se pose des questions, cherche des réponses sur ces échecs afin de pouvoir tout recommencer. Il rencontre alors Roberta une collaboratrice de son meilleur ami Pierino. La jeune femme l'intrigue. Il décide de faire plus amplement connaissance. Elle lui avoue très vite qu'elle fut jadis strip-teaseuse et prostituée. Giacomo voit en elle une femme vraie, à sa façon pure et sincère. Il décide de s'inspirer d'elle pour écrire un roman qui lui
permettrait de mieux se comprendre, de trouver ces fameuses réponses qu'il cherche tant. D'abord réticente Roberta accepte. Giacomo lui propose de partir avec lui pour un voyage dans le sud de l'Italie à bord d'une caravane qu'il a acheté. Il écrira son livre durant les différentes étapes en regardant vivre cette femme qui doucement s'est prise d'affection pour cet homme perdu qui cependant refuse toute relation. Au bout de la route Giacomo se rendra à l'évidence. On ne refait pas sa vie, une vie ratée reste une vie ratée. Roberta lit finalement le livre qu'a écrit cet homme constamment déchiré entre le présent et le passé, ses rêves et la réalité. Au fil des pages noircies elle découvre l'horreur de ses réflexions. Leur chemin se
sépare. Giacomo finit seul, abandonné à ses tourments.
Pour sa seule réalisation Silla a tenté de répondre à la question de savoir s'il était possible de pouvoir recommencer une vie marquée par les échecs, de repartir à zéro en oubliant le passé, sans recommencer les mêmes erreurs. Le brouillard du titre est celui dans lequel Giacomo, un quinquagénaire introverti, tourmenté, condamné à la solitude en quête d'identité après des années d'une vie amoureuse ratée, se noie, se perd, hanté par ce passé qu'il ne parvient pas à oublier. Afin de comprendre ses erreurs, de trouver enfin qui il est vraiment il décide d'écrire un roman que lui inspire cette femme authentique, de l'emmener en voyage
pour s'éloigner des lieux qui lui rappellent cette vie, couper les ponts pour mieux se trouver.
Silla signe un drame existentiel en forme de carnet intime où Giacomo se laisse aller à ses confessions, une oeuvre psychologique scindée en deux parties inattendues, une première qui s'attache à la rencontre de ce bourgeois d'âge mûr totalement perdu et de cette ancienne prostituée devenue une femme respectable, leurs échanges, leur animosité, leur lente amitié, une seconde qui transforme cette fois le film en une sorte de road-movie, un voyage en caravane pendant lequel Giacomo non seulement écrira son livre mais qui verra également leur relation va devenir plus trouble, Roberta se sent de plus en plus attirée par
cet homme qu'elle a appris à aimer malgré le refus de Giacomo d'aller plus loin, incapable de gérer un amour. Les deux parties ont pour point commun d"incessants flashes-back, les errances de Giacomo entre le passé et le présent, ses souvenirs et la réalité.
Brogliaccio d'amore repose entièrement sur ses dialogues, d'une part les réflexions, les pensées, les confessions, les questions et réponses de Giacomo sur sa vie, sur la vie., des dialogues récités de manière monocorde, désespérée, d'autre part sur celles de cette ex-prostituée, pleine d'humanité, de féminité, qui aujourd'hui souhaite connaitre l'amour, à envie d'aimer véritablement. Leur réunion lors de ce voyage confrontera leurs idées et pensées,
permettra d'en extraire le négatif, d"exprimer toutes leurs sensations. Dire qu'il ne se passe rien durant près de 90 minutes est un doux euphémisme. Il faut donc aimer les films particulièrement bavards, aimer s'immerger dans l'intimité de deux être égarés, explorer leur âme, aimer philosopher. dans le cas contraire l'ennui risque de très vite prendre le dessus. Une fois l'incipit accepté il n'y a plus qu'à plonger dans cet univers gris, morne dominé par la solitude.
Brogliaccio d'amore n'est pas parfait. Il n'est pas le meilleur drame psychologique bourgeois. On lui reprochera son rythme excessivement lent comme on regrettera d'avoir un
peu de mal à partager le drame de ces deux êtres, Silla n'ayant pas réellement réussi à nous faire s'attacher à eux faute peut être à une mise en scène pas assez appuyée. En résulte par instant un certain ennui certes pas dérangeant mais qui cependant nuit quelque peu à l'ensemble.
Le film entier repose en fait sur l'interprétation de ses deux principaux protagonistes, excellents, le grand Enrico Maria Salerno dont la sincérité, la profondeur rendent touchant et la toujours superbe et délicate Senta Berger dont la douceur et l'humanité rendent délicieuse. Leur professionnalisme, leur investissement donnent au film sa force dont on
retiendra également la magnifique photographie hivernale, grise. Turin sous la pluie, la mer déchainée, les plages désertes balayées par le vent, la neige, la campagne ou le littoral plongés dans la grisaille de l'hiver sont un peu comme la mort qui lentement étouffe Giacomo. La magnifique partition musicale signée Carlo Savina renforce un peu plus encore la note dramatique de l'ensemble qui se conclura par ce gros plan inoubliable sur le visage ravagé de Enrico Maria Salerno, très surement un des plus belles et plus fortes images du film qui en soi est la réponse définitive à cette quête perdue d'avance.
Brogliaccio d'amore fait partie de ces drames italiens particulièrement méconnus que tout amateur de films dits psychologiques se doit de découvrir même s'il n'apporte aucun sang neuf au genre, la bourgeoisie, son ennui, son mal être étant semble t-il incurable spécialement dans les années 70. Le fait que le film soit particulièrement rare, oublié des catalogues, difficilement visible aujourd'hui si ce n'est à travers une très vielle vidéo et ses rarissimes passages télévisés sur les chaines italiennes nocturnes en font une oeuvre de collection privilégiée. Le film fut un retentissant échec à sa sortie en Italie. Dépité par un tel accueil, le moral à zéro, Silla tenta cependant de réaliser un second film qui ne se fit malheureusement pas. Il se retira alors du monde du 7ème art et retourna à ses activités journalistiques.
Signalons l'apparition trop brève de la pasolinienne Antiniska Nemour, version blonde ici, dans le rôle de la jeune strip-teaseuse qui danse nue au début du film.