Franco Merli: L'image pasolinienne
Son nom et son visage resteront à jamais associés à Pier Paolo Pasolini qui a deux reprises fit appel à son talent, la première fois en lui offrant le rôle principal des 1001 nuits, celui du jeune Nuredin, la seconde en lui proposant d'être une des huit victimes masculines de Salo et les 120 journées de sodome, Franchino, qui deviendra bien malgré lui une des icônes du film. Longtemps le jeune comédien qui fut très proche de Pasolini resta une énigme. Au fil des années le flou qui entourait son nom se dissipa lentement. On put enfin dresser le portrait de celui qui incarne à la perfection le jeune pasolinien, l'inoubliable Franco Merli. Nous allons sans plus attendre retracer son étonnant parcours qui lui aussi ressemble fort à un véritable conte de fée.
Né en 1958 à Corleone ce jeune sicilien de 16 ans avait déjà arrêté ses études lorsque Ninetto Davoli le remarqua lors du casting des 1001 nuits alors qu'il était garçon pompiste dans une station d'essence. Persuadé qu'il tenait la perle rare Ninetto contacta aussitôt Pasolini qui quelques jours plus tard débarque chez les parents de Franco. Ninetto ne s'était pas trompé, c'est le coup de foudre immédiat. Séduit par sa mine de petit paysan sicilien au teint mat, son regard sauvage encore empli de fraicheur et d'innocence, la maturité de son corps (le cinéaste aimait définir Franco comme un garçon de 16 ans dans le corps d'un garçon de 18 ans) et sa facilité à se mettre nu face à la caméra Pasolini lui propose d'incarner sans plus réfléchir le candide Nuredin, le jeune héros des 1001 nuits dont il est l'incarnation rêvée. Franco étant mineur il demanda bien entendu l'autorisation à ses parents puisqu'il aurait à jouer des scènes de nu. Ils n'y virent aucun inconvénient et c'est ainsi que Franco, fou de joie mais peinant à croire que le grand Pasolini était non seulement venu chez lui mais l'avait aussi choisi pour jouer dans un de ses films, s'envola quelques temps plus tard pour le Yémen, l'Egypte et l'Iran. Les 1001 nuits fut pour lui un moment privilégié, l'opportunité de voyager et de découvrir de splendides pays comme de longues vacances. Jouer n'était pas très difficile même s'il avoue qu'il ne comprenait pas toujours ce qu'on lui demandait de faire. Il se contentait de faire ce que Pasolini lui demandait, de réciter au mieux son texte en faisant attention aux mouvements des lèvres sachant qu'il serait ensuite doublé, tout cela en découvrant la magie du cinéma. Quant aux scènes de nu elles ne le dérangèrent pas car dit-il aujourd'hui il n'y avait absolument rien de vulgaire ou de pornographique.
De retour en Italie Franco décroche un rôle dans dans la sexy comédie La collegiale / La collégienne en vadrouille de Gianni Martucci aux cotés de Sofia Dionisio et Femi Benussi. Les cheveux et sourcils étrangement teints en blond il interprète Stefano, le jeune neveu de l'héroïne, un adolescent odieux, antipathique et maître-chanteur qui ne rêve que d'humilier sa cousine incarnée par Marta Katherine à qui il donne même la fessée avant qu'elle ne se venge plus tard de l'impudent garçon en lui administrant la pareille alors qu'il arbore pour l'occasion un éblouissant slip jaune canari. Le film n'est pas très bon , franchement oubliable, mais il offre l'occasion à Franco, de montrer qu'il peut jouer ailleurs qu'aux cotés de Pasolini.
Dés mars 1975 il retrouve son mentor qui lui propose le rôle de Franchino dans Salo et les 120 journées de sodome, un film dont il portera les stigmates à vie. S'il n'a aucun dialogue cette fois du moins dans la version définitive, Franco avoue que certaines de ses scènes parlées furent coupées au montage notamment une située dans le dortoir, il aura cependant marqué à jamais les esprits grâce à deux séquences devenues cultes au fil du temps, deux scènes devenues le reflet du film qui firent de Franco une sorte d'icône indissociable de Salo. C'est bien entendu celle où lors des tortures finales il se fait arracher la langue et celle où un pistolet sur la tempe, transi de peur, les yeux mouillés de larmes, il s'apprête à être exécuté par l'Evêque après avoir remporté l'élection du plus beau cul. Personne n'oubliera son regard terrorisé, véritable reflet de la peur à l'état pur. Et pour cause! Salo ne fut pas toujours pour Franco une partie de plaisir. S'il n'avait pas été averti qu'il serait le vainqueur de l'élection, une scène qui aujourd'hui le fait rire jaune, il n'était pas plus au courant de son exécution. Lorsqu'il se retrouva l'arme contre sa tempe il fut si effrayé à l'idée qu'il allait réellement mourir qu'il fondit en larmes. Le tournage dut être interrompu, Un assistant le rassura et le réconforta afin de le calmer afin qu'il puisse continuer à jouer.
Sa relation privilégiée avec Pasolini lui causa également pas mal de tort. Uberto Quintavalle qui jouait Son Excellence témoigne dans son livre que Franco et le cinéaste ne se quittaient pas tant sur le plateau que le soir à l'auberge où la troupe résidait. Franco dormait parfois dans la chambre du cinéaste, un fait que Paolo Bonacelli se rappelle également. Cette amitié qui les liait fit beaucoup jaser ses partenaires. Une rumeur concernant son éventuelle homosexualité commença à se répandre et obligea Franco à faire face aux railleries de ses camarades. Toujours sur la défensive il pouvait alors devenir violent et se transformer en une véritable boule de nerfs jusqu'à refuser qu'on le touche hormis pour les besoins du film.
A peine sorti de l'enfer de Salo Franco retrouve les plateaux de cinéma. Fin 1975 il est au générique du film de, Ettore Scola Affreux, sales et méchants. une excellente satire sur la société italienne dans laquelle il joue le fils homosexuel, travesti et prostitué de Nino Manfredi. C'est grâce à Pasolini, un ami proche de Scola avec qui le Maitre devait prochainement travailler, que Franco obtint ce rôle. Pasolini n'eut malheureusement pas la joie de voir son petit protégé à l'écran puisqu'il fut assassiné en novembre 1975. Jouer sous la direction de Scola auprès du grand Nino Manfredi aurait pu ouvrir bien des portes à Franco si seulement les réalisateurs avaient su voir en lui son talent, cette graine d'acteur qui ne demandait qu'à s'épanouir. Franco avait tout d'un futur grand comédien mais on a vu en lui que le jeune pasolinien brisant ainsi dans l'oeuf une carrière prometteuse.
La suite sera malheureusement plus dure pour Franco qui, pris de passion pour ce métier, avait commencé à prendre des cours de comédie. A la mort de Pasolini, privé de son mentor, le jeune homme va avoir du mal à trouver sa place à Cinecitta. A jamais marqué par Salo, catalogué acteur pasolinien par excellence les propositions n'affluent guère. Les portes se ferment. En 1979 il décroche encore un très court rôle à la limite de la figuration dans Il Malato immaginario / Le malade imaginaire de Tonino Cervi aux cotés de Bernard Blier, Laura Antonelli et Marina Vlady. Ce sera son ultime apparition à l'écran. Franco met alors un terme définitif à sa carrière de comédien certes désillusionné mais pas forcément déçu. Franco avoue aujourd'hui n'avoir jamais eu l'ambition de devenir un acteur reconnu, qu'il n'a jamais cherché la gloire. "En fait je ne suis pas quelqu'un d'ambitieux. Je n'ai jamais eu aucune ambition dans la vie" affirmait il lors d'une interview.
Franco s'en est retourné un temps dans sa Sicile natale où il retrouva l'anonymat et sa vie d'avant. Il a ensuite déménagé à Rome, il s'est marié dans les années 80 avec Elisa qui lui donna deux fils. A cette époque Franco travaillait dans une fabrique de moteurs GPL en tant que chauffeur livreur. Aujourd'hui il vit toujours à Rome.
Né en 1958 à Corleone ce jeune sicilien de 16 ans avait déjà arrêté ses études lorsque Ninetto Davoli le remarqua lors du casting des 1001 nuits alors qu'il était garçon pompiste dans une station d'essence. Persuadé qu'il tenait la perle rare Ninetto contacta aussitôt Pasolini qui quelques jours plus tard débarque chez les parents de Franco. Ninetto ne s'était pas trompé, c'est le coup de foudre immédiat. Séduit par sa mine de petit paysan sicilien au teint mat, son regard sauvage encore empli de fraicheur et d'innocence, la maturité de son corps (le cinéaste aimait définir Franco comme un garçon de 16 ans dans le corps d'un garçon de 18 ans) et sa facilité à se mettre nu face à la caméra Pasolini lui propose d'incarner sans plus réfléchir le candide Nuredin, le jeune héros des 1001 nuits dont il est l'incarnation rêvée. Franco étant mineur il demanda bien entendu l'autorisation à ses parents puisqu'il aurait à jouer des scènes de nu. Ils n'y virent aucun inconvénient et c'est ainsi que Franco, fou de joie mais peinant à croire que le grand Pasolini était non seulement venu chez lui mais l'avait aussi choisi pour jouer dans un de ses films, s'envola quelques temps plus tard pour le Yémen, l'Egypte et l'Iran. Les 1001 nuits fut pour lui un moment privilégié, l'opportunité de voyager et de découvrir de splendides pays comme de longues vacances. Jouer n'était pas très difficile même s'il avoue qu'il ne comprenait pas toujours ce qu'on lui demandait de faire. Il se contentait de faire ce que Pasolini lui demandait, de réciter au mieux son texte en faisant attention aux mouvements des lèvres sachant qu'il serait ensuite doublé, tout cela en découvrant la magie du cinéma. Quant aux scènes de nu elles ne le dérangèrent pas car dit-il aujourd'hui il n'y avait absolument rien de vulgaire ou de pornographique.
De retour en Italie Franco décroche un rôle dans dans la sexy comédie La collegiale / La collégienne en vadrouille de Gianni Martucci aux cotés de Sofia Dionisio et Femi Benussi. Les cheveux et sourcils étrangement teints en blond il interprète Stefano, le jeune neveu de l'héroïne, un adolescent odieux, antipathique et maître-chanteur qui ne rêve que d'humilier sa cousine incarnée par Marta Katherine à qui il donne même la fessée avant qu'elle ne se venge plus tard de l'impudent garçon en lui administrant la pareille alors qu'il arbore pour l'occasion un éblouissant slip jaune canari. Le film n'est pas très bon , franchement oubliable, mais il offre l'occasion à Franco, de montrer qu'il peut jouer ailleurs qu'aux cotés de Pasolini.
Dés mars 1975 il retrouve son mentor qui lui propose le rôle de Franchino dans Salo et les 120 journées de sodome, un film dont il portera les stigmates à vie. S'il n'a aucun dialogue cette fois du moins dans la version définitive, Franco avoue que certaines de ses scènes parlées furent coupées au montage notamment une située dans le dortoir, il aura cependant marqué à jamais les esprits grâce à deux séquences devenues cultes au fil du temps, deux scènes devenues le reflet du film qui firent de Franco une sorte d'icône indissociable de Salo. C'est bien entendu celle où lors des tortures finales il se fait arracher la langue et celle où un pistolet sur la tempe, transi de peur, les yeux mouillés de larmes, il s'apprête à être exécuté par l'Evêque après avoir remporté l'élection du plus beau cul. Personne n'oubliera son regard terrorisé, véritable reflet de la peur à l'état pur. Et pour cause! Salo ne fut pas toujours pour Franco une partie de plaisir. S'il n'avait pas été averti qu'il serait le vainqueur de l'élection, une scène qui aujourd'hui le fait rire jaune, il n'était pas plus au courant de son exécution. Lorsqu'il se retrouva l'arme contre sa tempe il fut si effrayé à l'idée qu'il allait réellement mourir qu'il fondit en larmes. Le tournage dut être interrompu, Un assistant le rassura et le réconforta afin de le calmer afin qu'il puisse continuer à jouer.
Sa relation privilégiée avec Pasolini lui causa également pas mal de tort. Uberto Quintavalle qui jouait Son Excellence témoigne dans son livre que Franco et le cinéaste ne se quittaient pas tant sur le plateau que le soir à l'auberge où la troupe résidait. Franco dormait parfois dans la chambre du cinéaste, un fait que Paolo Bonacelli se rappelle également. Cette amitié qui les liait fit beaucoup jaser ses partenaires. Une rumeur concernant son éventuelle homosexualité commença à se répandre et obligea Franco à faire face aux railleries de ses camarades. Toujours sur la défensive il pouvait alors devenir violent et se transformer en une véritable boule de nerfs jusqu'à refuser qu'on le touche hormis pour les besoins du film.
A peine sorti de l'enfer de Salo Franco retrouve les plateaux de cinéma. Fin 1975 il est au générique du film de, Ettore Scola Affreux, sales et méchants. une excellente satire sur la société italienne dans laquelle il joue le fils homosexuel, travesti et prostitué de Nino Manfredi. C'est grâce à Pasolini, un ami proche de Scola avec qui le Maitre devait prochainement travailler, que Franco obtint ce rôle. Pasolini n'eut malheureusement pas la joie de voir son petit protégé à l'écran puisqu'il fut assassiné en novembre 1975. Jouer sous la direction de Scola auprès du grand Nino Manfredi aurait pu ouvrir bien des portes à Franco si seulement les réalisateurs avaient su voir en lui son talent, cette graine d'acteur qui ne demandait qu'à s'épanouir. Franco avait tout d'un futur grand comédien mais on a vu en lui que le jeune pasolinien brisant ainsi dans l'oeuf une carrière prometteuse.
La suite sera malheureusement plus dure pour Franco qui, pris de passion pour ce métier, avait commencé à prendre des cours de comédie. A la mort de Pasolini, privé de son mentor, le jeune homme va avoir du mal à trouver sa place à Cinecitta. A jamais marqué par Salo, catalogué acteur pasolinien par excellence les propositions n'affluent guère. Les portes se ferment. En 1979 il décroche encore un très court rôle à la limite de la figuration dans Il Malato immaginario / Le malade imaginaire de Tonino Cervi aux cotés de Bernard Blier, Laura Antonelli et Marina Vlady. Ce sera son ultime apparition à l'écran. Franco met alors un terme définitif à sa carrière de comédien certes désillusionné mais pas forcément déçu. Franco avoue aujourd'hui n'avoir jamais eu l'ambition de devenir un acteur reconnu, qu'il n'a jamais cherché la gloire. "En fait je ne suis pas quelqu'un d'ambitieux. Je n'ai jamais eu aucune ambition dans la vie" affirmait il lors d'une interview.
Franco s'en est retourné un temps dans sa Sicile natale où il retrouva l'anonymat et sa vie d'avant. Il a ensuite déménagé à Rome, il s'est marié dans les années 80 avec Elisa qui lui donna deux fils. A cette époque Franco travaillait dans une fabrique de moteurs GPL en tant que chauffeur livreur. Aujourd'hui il vit toujours à Rome.
Contre toute attente Franco est revenu sur le devant de la scène en aout 1989 en acceptant pour la première fois de sa vie une interview de l'écrivain Leonard Loonen, auteur du livre De magische drie in Il fiore delle mille e una notte van Pasolini. Franco y revenait longuement sur son passé d'acteur. Avec joie et bonne humeur, sans rien renié, il y racontait avec beaucoup d'humour ses souvenirs, partageait quelques anecdotes de tournage des 1001 nuits et de Salo, revenait sur sa relation avec Pasolini.
Si pour nous comme pour beaucoup Franco restera à jamais l'acteur pasolinien par l'excellence, s'il est à jamais associé à l'enfer de Salo, il demeure avant tout un jeune comédien talentueux, hautement sympathique à qui on n'a pas donné la chance de s'épanouir devant les caméras, il aura cependant gagné la plus belle des récompenses, la reconnaissance du public, de son public, et son amour éternel comme le prouvent les nombreux sites qui lui sont dédiés sur la toile à travers le monde. Franco est toujours aussi populaire, dans le coeur de ses fans qui ne l'ont jamais oublié, ravis de voir qu'il a réussi sa vie loin des feux de la rampe.