Patrizia Viotti: Chronique d'une tragédie annoncée
Etoile filante du cinéma Bis italien, cette blonde comédienne ne laissa malheureusement guère de traces dans les annales. Bien peu se souviennent aujourd'hui de cette jeune romaine qui fit plus parler d'elle pour ses drames personnels que pour les quelques films dont elle fut l'interprète durant les quatre petites années que dura sa brève carrière. Elle restera surtout le miroir de cette détresse qui trop souvent mène de jeunes et fragiles jeunes starlettes au bord de l'abîme. Voici sans plus tarder la tragique histoire de la blonde Patrizia Viotti.
Née à Rome le 25 juin 1950, Patrizia est issue d'une famille très modeste. Elle n'a que 18 ans mais l'adolescente fréquente alors un bar fort renommé, Il Piper, où tous les chanteurs et artistes à la mode aiment se retrouver. Patrizia y fait inéluctablement des rencontres et très vite elle va suivre les traces de sa soeur ainée Piera pour comme elle devenir modèle. Elles posèrent ensemble notamment en novembre 1967 pour la revue Playmen. Patrizia fait alors ses premiers pas dans le roman-photo puis elle va devenir la protagoniste d'une série de science-fiction pour le magazine Lunella. Elle y est une adolescente en fleur venue de la lune ramenée sur Terre par des explorateurs. La jeune fille se retrouve propulsée au coeur d'aventures et de mésaventures grotesques ultra sexy où elle apparait à demi-nue au milieu d'autres modèles toutes plus disponibles les unes que les autres. Lunella connait un immense succès grâce à ces romans-photos érotiques mais leur parution cesse au bout de cinq numéros seulement, attaqué par les bien pensants de l'époque qui n'y voient qu'obscénité d'autant plus que Patrizia est encore mineure.
Si la jeune modèle est la cible des moralisateurs, c'est aussi pour une autre raison bien plus grave qui affectera à jamais son destin. Patrizia, alors installée à Milan, est en effet la petite amie officielle de Paul Bradley Courling, plus connu sous son d'artiste Mal. Mal est le chanteur et leader des Primitives, un bellâtre qui fait alors tourner la tête de toutes les adolescentes italiennes. Il est une véritable idole en Italie. Patrizia est folle amoureuse de lui. Elle n'a que 17 ans, il en a 23. Leur relation sulfureuse défraye la chronique. C'est le moment que choisit Patrizia pour annoncer qu'elle est enceinte du crooner. Aveuglée par ce coup de foudre, elle désire plus que tout au monde cet enfant.. Ses parents qui dés le départ n'avaient jamais accepté cette relation insensée sont prêts à tout pour qu'elle renonce à cet homme qui selon eux ne pourra jamais la rendre heureuse. Mal de son coté est déchiré entre cette fiancée inattendue et sa carrière naissante. Il sait que se marier y mettrait un terme, ses admiratrices ne lui pardonneraient jamais cet acte. Il doit agir avec prudence. Son manager et ses avocats le poussent en ce sens également mais Patrizia n'en démord pas, elle ne vit plus que pour lui, prête à vivre dans l'illégalité. Son père va alors intenter un procès contre Mal pour détournement de mineur. Le chanteur fera quelque temps plus tard une déclaration publique comme quoi il quitte Patrizia, ne se sentant pas prêt ni pour le mariage ni pour être père. Entre sa fiancée éperdue et sa carrière, il a tranché. Leur histoire s'arrête donc au grand désespoir de la jeune comédienne qui perdra son bébé quelques temps avant l'accouchement tandis que le succès grise le chanteur pour midinettes.
La perte de l'enfant aussi dramatique soit elle aura pourtant sur Patrizia un effet positif. Elle tire un trait sur le crooner et ne souhaitera plus jamais le revoir. La haine a pris le dessus et c'est en termes fort désobligeants qu'elle en parlera par la suite. Le destin va malheureusement continuer de s'abattre sur la famille Viotti. Le 16 janvier 1970, un des frères de Patrizia, Antimo, meurt dans un accident de voiture à tout juste 17 ans. C'est le quatrième fils que les Viotti perdent en l'espace de quelques années. Le père de Patrizia est ensuite licencié suite au scandale provoqué par la relation interdite entre Mal et sa fille. Totalement désorientée, la malheureuse va alors tenter de se perdre dans l'univers illusoire du cinéma. Elle tourne son premier film en 1970, un mélodrame érotique signé Filipo Walter Ratti, Erika, aux cotés du bellâtre Bernard de Vries et surtout Pierre Brice. Elle obtient ensuite un petit rôle dans La nuit des damnés toujours réalisé par Ratti dans lequel elle est la compagne de Pierre Brice qu'elle retrouve donc une seconde fois. On la voit par la suite dans le sexy giallo de Silvio Amadio, Alla ricerca del piacere lors de quelques flashes-back et d'une courte mais magnifique scène saphique avec Barbara Bouchet. Si les talents d'actrice de Patrizia sont limités, elle parvient tout de même à se faire un petit nom dans le milieu impitoyable du 7ème art. La blonde actrice va alors être à l'affiche de deux décamérotiques, Beffe licenzie et amori del decamerone segreto / Le couvent en chaleur de Giuseppe Vari dans lequel elle séduit Dado Crostarosa et Canterbury proibito de Italo Alfaro dans lequel elle est l'interprète principale d'un des sept épisodes qui composent le film, la désinhibée Soeur Chiara dans Due suore. Patrizia enchaine ensuite avec le giallo à tendance fantastique de Leopoldo Savona, La morte scende leggera dans lequel elle est la jeune maîtresse psychopathe de Stelio Candeli. C'est là le dernier grand rôle de la comédienne qui apparait encore l'année suivante dans l'énigmatique production allemande Charlys nichten / Sexy confessions of a photographer avec Orchidea De Santis.
En mai 1974, Patrizia fait la Une de la revue Playmen pour laquelle elle pose nue. Le célèbre magazine pose à cette occasion une question pertinente. Qui est Patrizia Viotti? Une jeune fille? Un personnage lié aux chroniques des faits divers? Une actrice? Toute la tragédie est là. La jeune actrice n'est que la malheureuse victime d'un cruel destin, d'un sort qui s'acharne sur elle et la meurtrit, la détruit, une jeune femme qui tente de cacher ses blessures derrière le masque de la comédienne mais une comédienne est avant tout un être humain avec ses joies, ses drames, ce que beaucoup oublient.
Si le nom de Patrizia Viotti va continuer à faire la une des journaux ce ne sera plus pour des raisons professionnelles mais pour des choses bien plus graves. C'est pour l'actrice une lente descente aux enfers qui commence. Le 25 juin 1975 elle est arrêtée à son coquet domicile aux cotés de son époux, le dessinateur de pochettes de disques et ex-militant de l'extrême gauche Claudio Biondi, pour possession de drogues, trafic de narcotiques et mauvaises fréquentations, le couple auraient été en effet pisté et vu régulièrement auprès de toxico-dépendants. Ils sont incarcérés puis libérés en juillet. Celle que la presse surnomme éternellement l'ex-fiancée de Mal devient la cible des autorités. En 1977, elle se voit retirée son permis de conduire puis elle est de nouveau arrêtée pour détention et usage de drogues. L'histoire se renouvelle en 1980 avec en plus des raisons habituelles un nouveau chef d'accusation, association de malfaiteurs. On trouve chez elle tout le matériel des
toxico-dépendants, seringues, bougies, héroïne... Elle est de nouveau incarcérée puis libérée. Elle récidive encore deux fois en 1984. La vie de Patrizia n'est plus qu'un long chemin de croix fait de souffrances et d'addictions. Elle s'éteindra à Rome le 24 aout 1994 à tout juste 44 ans.
Véritable météorite du cinéma de genre transalpin dont bien peu se souviennent aujourd'hui, Patrizia Viotti n'aura guère marqué l'histoire par ses talents d'actrice ni par sa beauté somme toute bien commune. Elle n'est qu'un exemple parmi d'autres de toutes ces starlettes éphémères qui derrière le strass et les paillettes qu'offre le milieu du show-bizz tentent de cacher leur détresse, leurs peines et leur mal de vivre en offrant grâce et sourires au spectateur qui ne voient en elles que des objets à fantasmes. Entre le rêve et la triste réalité, il y a parfois un gouffre dans lequel elles sombrent inéluctablement. Patrizia en est le regrettable reflet.