Bruno Mattei: Le cancre facétieux
S'il est bien un nom incontournable du cinéma de genre italien, c'est celui de Bruno Mattei, peut être l'un des plus débonnaires tâcheron du genre. C'est certainement de son coté effronté et détaché que vient l'affection qu'on lui porte. Avec sa fulgurante filmographie qui se poursuit encore de nos jours, aidé de son éternel complice Claudio Fragasso, Bruno nous a bien souvent donné de purs chef d'oeuvres, véritables joyaux parodiques et autres joyeuses oeuvres souvent absurdes mais toujours plein de bon vouloir et de sérieux frisant l'effronterie. Le Maniaco se devait de rendre un petit hommage clin d'oeil à ce trublion du grand écran en parcourant allégrement sa carrière.
Né à Rome le 30 juillet 31, Bruno baigna dés ses premières années dans l'univers du cinéma puisque son père était éditeur de films et possédait son propre petit studio d'édition. A 20 ans, le jeune Bruno décide entre deux petits boulots, de travailler avec son père comme assistant. Son profond désir est un jour de faire du cinéma et il ira au bout de son rêve. C'est le réalisateur Roberto Bianchi Montero qui lui offre sa première chance en lui proposant de travailler pour lui tout comme Nick Nostro ou même Jess Franco. Nous sommes au début des années 60 et ce travail d'assistant durera dix ans. Bruno se vantera d'avoir monté et produit plus de cent films entre 1960 et 1970.
C'est en 1970 qu'il va enfin réaliser son premier film Il drama di una sposa sous le pseudonyme de Gordon B.Mathews. Et il faut reconnaitre qu'en pseudonyme, Bruno s'y connait et peut se vanter d'être avec peut être Joe D'Amato celui qui en accumula le plus tout au long de sa carrière qui va alors se révéler prodigieuse. Bruno ne cessera plus de tourner, touchant à tous les genres. Il réalise des petites coquineries comme Les aventures galantes de Zorro ou Cuginetta... amore mio. Il donne dans le western avec A l'ouest du Rio Cuncho. Il retournera ensuite vers le montage, l'écriture, on lui doit notamment le scénario de Emanuelle et Françoise de D'Amato, et la production (La collegiale) avant de retourner définitivement au cinéma pour commencer enfin la plus belle et riche partie de sa carrière.
Dés 1976, il part tout azimut et en bon Gargantua du cinéma Bis qu'il est, il s'adonne à tous les styles. Il commence par le nazisploitation avec le très bon KZ9 camp d'extermination / KZ9 Lager di sterminio suivi de l'inénarrable et ridicule Casa privata per SS / Maison privée pour SS / Hotel de plaisir pour SS / SS girls que rien n'arrive à sauver du néant total. S'il aime choquer, Bruno s'essaie également au Mondo et autres shockumentaires en privilégiant l'aspect sexuel du genre. C'est ainsi qu'il tourne Le notti porno del mondo / Mondo erotico que Laura Gemser se fera une joie de commenter. Il donnera au film une suite, Emanuelle e le notti porno nel mondo, toujours présenté par Laura. Il récidivera en 1980 avec Sesso perverso / Sexual aberration et Sesso perverso, mondo violento, deux pseudos mondos soporifiques, tentant de montrer la place du sexe sous ses différentes facettes dans notre société.
Bruno en grand maitre du plagiat qu'il est ne peut résister à la joie de se lancer à son tour dans deux autres genres fort à la mode en ces débuts d'années 80, le nunsploitation et le W.I.P. C'est ainsi qu'il tourne à la suite aidé de son complice Claudio Fragasso, le claustrophobe et très bon Novices libertines / Voeux de sang / La vera storia della monaca di Monza avec Zora Kerowa, Franca Stoppi et Carlo De Mejo et L'altro inferno / L'autre enfer / Le couvent infernal avec quasiment la même équipe, une histoire de soeurs possédées par l'esprit du Mal.
Il s'essaie ensuite au WIP et s'en donne en coeur joie avec Emanuelle: Violenza in un carcere femminile / Penitentier de femmes et Blade violent / Révolte au pénitentier de filles tourné cette fois par Fragasso.
Bruno, grand pilleur de succès mondiaux, n'oubliera pas d'illustrer ses talents d'artisans du Bis en s'illustrant à son tour dans le Sword and sandal remis au goût du jour depuis le Caligula de Tinto Brass. C'est ainsi qu'il réalise avec un certain soin Les aventures sexuelles de Néron et Poppée dont les décors et le casting resserviront pour Caligula et Messaline de son compère Antonio Passalia, Bruno se contentant cette fois de le produire. Il tourne également Les 7 gladiateurs avec Lou Ferrigno.
Il s'essaie également avec un certain bonheur au western avec Bianco Apache en 1986 et surtout Scalps en 1987.
Mais Bruno reste surtout et avant tout l'homme du plus grand chef d'oeuvre du cinéma Bis jamais tourné, l'inénarrable plagiat de L'enfer des zombis mâtiné de film de cannibales, l'incontournable Virus cannibal / Inferno dei morti viventi. Ce film représente à lui seul toute une partie de l'univers de Mattei celui d'un grand enfant, un cancre effronté et sulfureux qui s'évertue à faire bien, à faire plaisir tout en imitant, copiant, plagiant mais à sa propre sauce. Il mériterait une fessée mais on l'aime trop au final et on ne peut que rire à chaque nouvel exploit. On apprécie et on pardonne. On le récompense plutôt pour nous offrir tant de bonheur. Si parfois le ridicule était oscarisé, Bruno Mattei pourrait tenir haut le fameux trophée mais mieux que le ridicule, c'est pour le rire et le parti pris du non sérieux qu'il le brandirait aux cieux. Mattei, c'est le bon cinéma populaire à consommer à grosses doses et sans aucun danger, un cinéma à voir entre amis un soir de franche rigolade. Même s'il est capable du meilleur comme du pire, Bruno a toujours su être dans l'air du temps. Il connait très bien son métier, ce que le public attend. C'est peut être le secret de cet impertinent réalisateur. Suite au succès mondial de Mad Max 2, il aurait donc été étonnant que Mattei ne s'essaie pas également au post-nuke. Il réalise ainsi son inénarrable et fort drôle Les rats de Manhattan / Les mutants de la 2eme humanité, un monument du film post-atomique qui accumule scènes absurdes et bavardages interminables avant de se conclure par cette incroyable image qui fera date dans les annales du Bis, une fin si incongrue et surtout délirante que seul Mattei pouvait l'imaginer.
A la fin des années 80 il nous offre une version peu sérieuse de Predator mâtiné de Robocop, son truculent Robowar. Il s'inspire ensuite de Rambo et prend les commandes de cinq films de guerre musclés tournés quasiment à la suite entre 1986 et 1989, l'hilarant Strike commando, Strike commando 2, Double target, Cop game et enfin Nato per combattere. Il terminera surtout le Zombi 3 que Lucio Fulci dut abandonner lorsqu'il tomba malade, faisant de ce troisième opus un film bancal, plus estampillé Mattei que Fulci. Toujours dans le filon des grosses machines américaines, il donne ensuite ses versions du pauvre de Terminator 2 avec Alienator et de Jaws avec le désormais cultissime Cruel jaws.
Au seuil des années 90, la carrière de Bruno Mattei va quelque peu ralentir comme pas mal d'autres de ses confrères mais l'insatiable farfelu du Bis continue son petit bonhomme de chemin. Il tourne pour la télévision, la vidéo (Snuff trap) mais également et toujours pour le cinéma. Il refait même un retour en force inattendu en 2003 avec Nella terra dei cannibali et Cannibal world, directement tournés en vidéo, deux cannibal movies tournés simultanément avec la même équipe et les même acteurs qu'il faut voir comme un hommage aux films de cannibales des années 80 mais aussi à tout un pan du cinéma d'exploitation de ces années là. Ce sera malheureusement ses deux derniers films puisqu'il nous quittera le 21 mai 2007 à Rome à l'âge de 76 ans.
Figure incontestable et incontournable du cinéma Bis et d'un certain cinéma populaire italien, Bruno Mattei a su gagner grâce à cet étonnant détachement et ce coté d'éternel enfant, ses galons de Maître de la rigolade et du non sérieux. Il était un artisan besogneux et pilleur dont le nom n'est pas prêt de s'éteindre. C'est peut être la clé de la réussite et de la gloire.