Occhi senza volto
Autres titres: Gli occhi dentro / Madness / Eyes without a face / Les yeux sans visage / Ojos sin cara
Réal: Bruno Mattei
Année: 1993
Origine: Italie
Genre: Giallo
Durée: 84mn
Acteurs: Monica Carpanese, Gabriele Gori, Emy Valentino, Antonio Zequila, Achille Brugnini, Carlo Granchi, Fausto Lombardi...
Résumé: Un psychopathe s'inspire des aventures du célèbre Dr Dark, un personnage de bande dessinée à la mode pour tuer ses victimes qu'il énuclée ensuite. Giovanna, la jeune auteure qui donne vie au Dr Dark refuse d'abandonner son héros jusqu'au jour où le tueur s'en prend à elle. Le sadique est finalement arrêté. Il s'agissait d'un fan amoureux de Giovanna qui la voulait rien que pour lui. Pourtant les assassinats continuent. La meilleure amie de Giovanna puis le directeur de la maison qui édite la bande dessinée sont tués. Giovanna, terrorisée, perd doucement pied...
Malgré la lente agonie du cinéma de genre italien qui débuta dans les années 80 pour n'en plus finir de s'éterniser l'insatiable Bruno Mattei n'a pourtant jamais cessé de tourner réussissant à réaliser quasiment un film par an en touchant un peu à tous les genres encore à la mode. Films de commando et d'action, resucées de succès internationaux tels Terminator et autres Predator. Puis arrivèrent les années 90 encore plus difficiles à aborder. C'est avec une série télévisée que Mattei y rentre puis avec quelques métrages érotiques avant de s'essayer à un style par lequel il ne s'était encore jamais laissé tenter, le
giallo. Il met en effet deux thrillers Omicidio al telefono et Occhi senza volto qui faillit ne jamais voir le jour puisque Mattei alla de problèmes en problèmes dont la faillite de la banque qui devait financer le film. Occhi senza volto connu également sous le titre Gli occhi dentro fut tout de même tourné mais il ne fut quasiment pas distribué pas même à l'international. Il fut simplement présenté au marché du film puis disparut. Seule une édition VHS italienne en anglais retitrée Madness permet aujourd'hui de découvrir ce petit giallo à l'ancienne malheureusement pas dans d'excellentes conditions.
Un maniaque sévit en ville et tue de manière sadique ses victimes en imitant les méthodes
du Dr Dark, un héros de bande dessinée crée par la jeune auteure Giovanna Dei. Après les avoir tuées il les énuclée à l'aide d'un extracteur et dépose les globes oculaires chez ses prochaines proies. Malgré ces évènements atroces Giovanna refuse d'arrêter d'écrire les aventures du Dr Dark qui connaissent un énorme succès. Lorsqu'elle devient la cible du tueur elle perd cependant pied, terrorisée. Le psychopathe est finalement arrêté au moment où il allait la tuer. Il s'agissait d'un fan fou amoureux d'elle qui la voulait pour lui seul. Cette arrestation ne satisfait pas vraiment le détective Amedeo Callistrati qui trouve certains détails étranges. Pour que Giovanna toujours traumatisée par ce qu'elle a vécu retrouve la
sérénité son petit ami la convainc de passer quelques jours en mer sur son bateau en compagnie de son ami Massimo. Elle a d'autant plus besoin de ce séjour que sa meilleure amie, Emy, et le directeur de la maison qui édite Dr Dark ont été tués par le sadique, de nouveaux meurtres qui confirment que le détective a bel et bien raison. Le fan n'était pas le meurtrier. Lors de son séjour sur le bateau Giovanna découvre certaines choses qui la font douter de ses deux compagnons de bord. Qui de Massimo ou de Nico est le tueur? A moins que le tueur ne soit une tierce personne. Avant de mourir Emy a d'ailleurs eu le temps de noter son nom sur une feuille de papier que le détective trouvera juste à temps...
Avec ce giallo tardif Mattei revient aux racines même du genre, celui mis en place par Bava et Argento. Un maniaque tout de noir vêtu, ganté, le visage recouvert d'une cagoule à fermeture éclair, la tête couverte d'un chapeau, la voix déformée au téléphone. Il tue de manière sadique à l'arme blanche, ici un extracteur qui lui sert à énucléer ses victimes mais également une seringue. Il faut chercher dans son enfance pour découvrir ses motifs, un traumatisme dont il ne s'est jamais remis. Gli occhi dentro s'inspire ouvertement de Ténèbres dont il reprend les grandes lignes. Ce n'est plus un romancier à succès qui est le principal protagoniste mais une auteure de bandes dessinées cette fois qui est à l'origine
d'un personnage qui remporte un succès fou auprès du public, le Dr Dark. Et le tueur suit les mêmes méthodes que Dark pour tuer. Autre point commun avec Ténèbres les motivations du psychopathe, sa folie plus exactement sa schizophrénie.
Gli occhi dentro n'a donc rien de très original. Son scénario sent le réchauffé mais force est de constater que malgré le manque évident de moyens Mattei concocte un petit thriller horrifique qui fonctionne parfaitement bien et parvient à retenir notre attention durant 90 minutes. L'ouverture, un meurtre mémorable, donne le ton et montre clairement ce dont le tueur est capable. Une jeune mère est violemment assassinée, ses globes oculaires sont
retirés des orbites dans lesquels le tueur plante un tesson de bouteille. Les amateurs apprécieront d'autant plus que ce meurtre est particulièrement graphique. Il faut en profiter car hormis un second assassinat du même type il n'y aura plus beaucoup d'effets sanglants tout au long du film qui joue plus sur le suspens et l'angoisse. Et cela marche assez bien même si Mattei use et abuse des grosses ficelles du genre. Les habitués auront assez vite compris les tenants et aboutissants comme ils auront pressenti voire assez vite flairé l'identité du coupable malgré quelques fausses pistes balancées ça et là. Ne reste plus qu'à attendre le dénouement pour voir si on avait ou pas raison. Les autres rentreront dans
le jeu assez facilement et devrait apprécier le look du tueur franchement inquiétant avec sa cagoule à fermeture éclair. Un des autres atouts de ce giallo est son final totalement hystérique, tout à fait réussi, durant lequel on découvrira l'ampleur de la démence du psychopathe et ses motivations.
Gli occhi dentro n'est pas exempt de défauts, loin de là. On regrettera une trame narrative pas toujours très crédible, quelques lenteurs de rythme et surtout une enquête trop mollassonne menée par des policiers pas très convaincants. L'interprétation n'est pas forcément à la hauteur du scénario, discrète, passable mais pas extraordinaire. Dans le rôle
du détective on retrouve l'acteur fétiche de Mattei version années 90, Antonio Zequila, ex-modèle qui un temps sera à l'affiche de quelques films érotique avant de se tourner vers la chanson et la télévision puis devenir une star de la télé réalité italienne. Zequila ne donne guère plus que le minimum syndical. On aurait aimé plus. Autre star masculine de l'érotisme des années 90, Gabriele Gori, le petit ami de Giovanna, s'amuse à troubler les cartes mais sans grande conviction car trop prévisible. Le charpenté Fausto Lombardi, figure incontournable du Bis des années 80 (Les rats de Manhattan, Terreur express, A 16 ans dans l'enfer d'Amsterdam...), ne donne guère plus que ses camarades. Quant à
Monica Carpanese créditée Carol Farres, l'héroïne, elle est charmante, a un petit coté exotique, joue très bien les hystériques paniquées mais sa raideur a quelque chose de rapidement irritant qui fait quelque peu regretter non seulement les actrices argentesques mais aussi son choix pour ce rôle. On notera l'apparition de Emy Valentino.
Malgré la pauvreté des moyens, nonobstant ses défauts, Gli occhi dentro est un petit giallo sur le tard tout à fait correct mis en scène avec coeur par un Mattei en forme qui connait ses classiques et prouve que dans les années 90 on pouvait encore faire de gentilles pellicules Bis. Voilà un giallo à l'ancienne que l'amateur appréciera avoir sur ses étagères ainsi que le
collectionneur vu sa rareté. Mattei enchainera avec un autre giallo, Omicidio al telefono, qui reprend en fait un certain nombre de scènes de ce film et de matériel non utilisé. Puis ce sera son fameux Cruel jaws avant une longue traversée du désert puis son retour en force en 2002.
Pour information il faut signaler que la version sortie en vidéo intitulée Madness est différente de la version originale montée par Mattei et présentée autrefois au marché du film, les producteurs ayant jugé bon d'y greffer des scènes de La maison de la terreur de Lamberto Bava afin, du moins on le suppose, de rendre le film plus horrifique pour le
marché étranger. Le générique de Occhi senza volto défile sur les images du meurtre dans le jardin de La maison de la terreur tandis que celui de Madness défile sur fond noir avant d'enchainer sur le meurtre de la jeune mère qui lui est absent du premier montage. Puis c'est au tour du second assassinat de différer. Pour Madness c'est une seringue qui est plantée dans la gorge de la victime alors que dans Gli occhi cette scène est remplacée par celle du meurtre dans la salle de bain du film de Bava Jr. On remarquera une légère différence de couleur dans la scène du cauchemar de Giovanna, tournée en lumière bleutée pour Madness, tournée en négatif pour Occhi. Enfin le final est quelque peu différent. Les ultimes images de Madness montrent les gardes-cotes arriver sur le bateau alors que dans le montage original le film se conclut sur un gros plan du visage mutilé de la première victime.