Carlo De Mejo: Le fils d'une étoile
Figure incontournable du cinéma Bis italien et du cinéma de genre, Carlo De Mejo ne pouvait que faire carrière au cinéma lorsqu'on sait qu'il est le fils d'une des plus grandes actrices du cinéma italien, une étoile aujourd'hui disparue, la divine Alida Valli.
Il avait donc tout pour rentrer de plein pied dans cet univers et briller à son tour mais malheureusement, Carlo n'a peut être pas eu le brillant destin qu'il aurait dû avoir puisque sa carrière ne s'est jamais réellement envolée malgré une belle filmographie consacrée essentiellement au cinéma de genre. Revenons beaucoup plus en détail sur le parcours de cet acteur béni.
Carlo est né en 1945 à Rome. Il est le fils de l'actrice Alida Valli et de son deuxième mari, le peintre naïf et surréaliste, Oscar De Mejo.
C'est dans l'ombre du scandale qui éclaboussa sa mère, impliquée dans une affaire de meurtre et de drogue relative à son premier amant qui brisera sa carrière, que le petit Carlo va grandir en Californie aux cotés de sa soeur Delphine.
Enfant de la balle, Carlo ne tardera pas à suivre les traces de sa célèbre mère, un peu malgré lui. Il suit des cours trois ans durant à l'Actor's studio de New York sous l'égide de Stella Adler. De 1960 à 1967 Carlo va beaucoup jouer sur les scènes de théâtre en Angleterre et aux USA.
C'est en 1967, âgé de 22 ans, qu'il fait ses débuts au grand écran sous le pseudonyme de Stewart May dans L'oro di Londra de Giuglelmo Morandi mais c'est surtout à Pasolini qu'il doit sa première vraie chance en 1968 dans Théorème où il apparait dans un petit rôle aux cotés de Terence Stamp, Laura Betti et Silvana Mangano. Cette même année il joue aux cotés de Gian Maria Volonte dans Summit.
Malgré ce départ prometteur sous l'égide du Maître, la carrière de Carlo ne va pas réellement décoller. En 1970, il fait partie de la distribution de la version italienne de Hair mis en scène par Patroni Griffi.
On le voit toujours en 1970 dans l'obscur Microscopic liquid subway to oblivion de Roberto Loyota, pseudonyme derrière lequel se cachait le mari de Ewa Aulin et dans un drame de guerre de Sergio Garrone La colomba non deve volare avec Howard Ross, Horst Bucholtz et Silva Koscina où il ne fait comme trop souvent qu'une petite apparition.
En 1972, Armando Crispino lui offre un rôle guère plus étoffé mais tout empreint de folie meurtrière dans son intéressant giallo L'etrusco uccide ancora / Overtime dans lequel il est le fils assassin de Nadja Tiller.
Carlo a alors la chance de se retrouver ensuite aux cotés de Edwige Fenech dans la divertissante décamérotique de Aldo Grimaldi Quando le donne si chiamavano Madonne, un genre alors fort à la mode dans lequel il est un des fringants amis de Jurgen Drews, prêt à tous les subterfuges pour séduire les Dames qui vivent sous le toit de Mario Carotenuto.
Mais Carlo n'a que très rarement de vrais rôles. Il est cantonné aux personnages de seconds plans dans lesquels il ne peut malheureusement guère exprimer ses talents d'acteurs.
C'est alors qu'il va tourner en France, une chance de sortir d'un cinéma de genre dans lequel il s'enferme doucement.
Jacques Deray fait appel à lui pour être un des partenaires de Jean-Louis Trintignant dans son policier Un homme est mort en 1972, Jean-Louis qu'il retrouve l'année suivante pour Défense de savoir, réalisé cette fois par Nadine Trintignant avec Michel Bouquet en tête d'affiche.
Malheureusement, cette tentative de sortir du carcan d'un cinéma de genre italien spécialisé se solde plus ou moins par un échec. Carlo va poursuivre sa carrière en Italie et ne sortira plus des rails d'un cinéma Bis qui l'emprisonne lentement. Après un petit rôle dans le thriller Dernière Chance de Maurizio Lucidi en 1975, il va entamer une longue série de films érotiques bien ancrée dans l'univers soit de l'euro-sleaze ou de l'érotisme soft à l'italienne où il aura le plus souvent un des premiers rôles.
On peut donc le voir en 1976 dans la comédie érotique enjouée La sposina / Une petite femme très brûlante de Sergio Bergonzelli où il joue un romancier impuissant dont la jeune femme interprétée par la pasolinienne Antinesca Nemour va tout faire pour qu'il recouvre ses facultés sexuelles.
Il est le partenaire de Ajita Wilson dans Eros perversion de Ron Wertheim, apparait dans le torride Amanti miei / Nuits galantes d'une infidèle aux cotés de la blonde Cindy Leadbetter avec qui il partage des scènes érotiques très chaudes mais il est surtout en 1980 le protagoniste du scabreux La locanda della maladolescenza de Bruno Gaburro avec Marcella Petrelli et Paola Montenero. Le film truffé de séquenves hardcore qui malgré son titre n'a que bien peu voire aucun de rapport avec La maladolescenza conte les aventures d'une adolescente qui doit se prostituer dans un bordel et subir toutes formes d'humiliations sexuelles.
La même année, Carlo est un des trois violeurs abjectes d'un petit joyau d'euro-trash, le désormais fameux Terreur express de Ferdinando Baldi avec notamment Zora Kerowa et Silvia Dionisio. On le voit également aux cotés de Karin Well dans Porco mondo de Sergio Bergonzelli, une sorte de politico-fiction trash mêlée d'érotisme malsain où il offre une assez impressionnante performance dans la peau d'un fils raté et soumis à un père bourgeois et débauché. Il y joue aux cotés de sa célèbre mère elle aussi désormais cantonnée au cinéma de genre depuis déjà quelques années.
Il jouera plusieurs fois à ses cotés notamment en 1980 Un cuore semplice de Giorgio Ferrara avec une Tina Aumont en fin de course et Joe Dallesandro. Il fait également une apparition furtive et non créditée à ses cotés dans Le pont de Cassandra de George P. Cosmatos.
A l'aube des années 80, Carlo va abandonner le créneau érotique et se spécialiser dans l'horreur à l'italienne. Il apparait dans trois films de Lucio Fulci, Frayeurs , La maison prés du cimetière et Manhattan baby. Luigi Cozzi lui offre ensuite un rôle dans Contamination avant d'apparaitre dans trois films du tandem Bruno Mattei / Claudio Fragasso, L'autre enfer / Le couvent infernal en 1981 où il est le prêtre exorciseur du couvent maudit, Pénitentier de femmes et Révolte au pénitentier des filles tournés simultanément en 1982. Durant toute cette période, Carlo jouait parallèlement au théâtre de nombreuses pièces.
Il fera ensuite en 1984 un détour chez Franco Rossetti pour une minuscule apparition dans Al limito, cioè, non glielo dico et c'est en France qu'il mettra un terme à sa carrière cinématographique en 1988 avec une comédie de Serge Korber A notre regrettable époux avec Jacqueline Maillan, Pierre Tornade, Jacques Dufhilo et Alida Valli.
Carlo n'a jamais caché qu'il était devenu acteur par la force des choses et n'avait jamais réellement trouvé plaisir à jouer d'où parfois ses états d'âmes sur les tournages et ses fréquentes disparitions.
Carlo n'a pas pour autant abandonné le monde artistique puisqu'il s'est ensuite consacré uniquement au théâtre jouant sans relâche sur les scènes italiennes au coté de sa mère dés les années 90. Il a fait depuis partie de nombreuses troupes théâtrales avant de rejpoindre en 2007 la compagnie Alida Valli fondée en l'honneur de sa mère. Il écrira d'ailleurs un très beau livre souvenir sur Alida tandis que son fils, l'acteur et metteur en scène Pierpaolo De Mejo, rendra hommage à la diva en 2008 à travers un très beau film documentaire Come diventai Alida Valli. Parallèlement au théâtre, Carlo travaille également pour la télévision italienne. On a ainsi pu le voir entre autres dans des fictions telles que Casa famiglia et Distretto di polizia 4.
Carlo nous a malheureusement quitté ce 18 décembre 2015. Il s'est éteint chez lui à Rome à l'âge de 70 ans après avoir courageusement combattu la maladie. Il est regrettable que ce talentueux acteur n'ait pas eu la carrière cinématographique qu'il méritait en suivant les traces de sa glorieuse mère mais il restera un de ces acteurs inoubliables qu'on aura toujours plaisir à voir et revoir dans ces oeuvres qui font ce cinéma qui nous est si cher.