Zora Kerova: Deux inoubliables façons de mourir
Parfois créditée Zora Kerowa la belle Zora Kerova, de son vrai nom Zora Ulla Keslerova, est née à Prague le 11 août 1950. Issue d'une famille d'intellectuels bourgeois composée d'un père directeur de banque, d'une mère travaillant au ministère des finances et d'une soeur avocate, Zora dès son plus jeune âge a toujours émis le souhait de suivre un chemin différent. Déjà enfant, elle se sentait attirer par le milieu artistique et c'est devant la perplexité de ses proches qu'elle commença très jeune à travailler dans le cinéma à Prague mais également en Allemagne et en Pologne, une quarantaine de films que Zora avoue elle même avoir oublié.
En 1977, notre belle slave décide de s'installer en Italie afin d'y vivre. La petite histoire dit que Zora débarqua à Rome clandestinement dans la voiture d'un touriste américain, avec pour
seul bagage, quelques vêtements et sa brosse à dents! Ce n'est plus Linda de Suza quittant son pauvre Portugal, c'est Zora la rousse délaissant son austère Tchécoslovaquie. Il faut savoir qu'à l'époque, quitter ce pays n'était pas chose facile politiquement surtout si on ne voulait pas rompre définitivement les liens avec sa famille, ce que refusait Zora. Avec en poche un contrat pour un théâtre de Rome, les choses se virent facilitées d'autant plus qu'elle fit le maximum pour pouvoir vivre et tourner dans la ville éternelle. Débrouillarde et rusée, elle obtint la nationalité italienne en 1978.
Son premier contrat avec le cinéma italien se fut à Bologne en tant que mannequin occasionnel. C'est grâce à des amis qu'elle trouva son premier agent, Vitaliano Elia. La grande aventure pu enfin débuter pour Zora qui fait une apparition non créditée et plus que fugitive dans La maison aux fenêtres qui rient de Pupi Avati en 77 au tout début du film dans la scène de l'auberge.
Son tout premier vrai film signé Claudio Giorgi, La fièvre américaine, fut un démarquage de La fièvre du samedi soir qui déferlait alors sur la planète. Sorti très discrètement sous nos cieux en 79, Zora n'eut guère plus de chance avec son second film Le evase, storie di sesso e violenza. Tourné en 1978, le film sortit tardivement sur nos écrans en 1983 sous le titre racoleur Violez les otages. Le film de Giovanni Brusatori est pourtant loin d'être sans intérêt. Quatre prisonnières s'évadent de prison, prennent un bus en otage et se retrouvent dans la demeure du juge qui les a condamné. Les relations entre évadées et otages vont vite se transformer en un étrange jeu de force. Si Zora plus belle que jamais y a un rôle éminemment sympathique, le film baigne sans cesse dans un climat de tension glauque
et malsain.. Il vaut surtout pour ses quelques scènes froides et lucides, son érotisme racoleur et sa direction d'acteurs sèche et efficace même si le tout manque de cohérence. De ce film, Zora se souvient surtout de l'ambiance certes amicale mais tendue entre toutes ces actrices qui se voulaient stars. Pour elle, ce fut simplement une expérience amusante.
C'est avec Ragazze in affito qu'elle poursuit sa carrière. Si elle avoue n'avoir aucun souvenir de ce film l'en blâmera t-on? Connu chez nous sous le titre de Contes pervers, il s'agit d'une adaptation des contes érotiques de Régine Desforges. Réalisé par Mauro Ivaldi, il se compose de trois sketches tout à fait quelconque. Festival de sexe mou, de fesses flasques et d'érotisme vulgaire, c'est avec impatience qu'on attend le troisième segment où Zora qui incarne une superbe call-girl illumine de sa présence cette gentille ineptie. Il est bon de dire que ce fut la première fois qu'elle dût tourner nue des scènes de sexe.
Si l'amateur de malsain se régalera de son film suivant Terreur express, il n'en va pas de même pour notre starlette, le film de Ferdinando Baldi restant pour elle un de ses pires souvenirs. La raison en est la scène où elle se fait violer par deux hommes dans les toilettes du train. Ce qui au départ devait être une séquence forte mais courte au montage rapide et tournée avec pudeur se transforma vite en de très longs plans complaisants de sexe et de violence filmés sans aucune pudeur ni talent. Zora n'eut pas peur de le crier haut et fort à la sortie du film tant elle trouva cela ridicule et odieux. Les incessants mouvements de roulis de ce faux wagon la rendirent en plus malade durant tout le tournage. Un calvaire pour la pauvre Zora! Seule note positive, sa rencontre avec Venantino Venantini, un homme tout à fait charmant avoue t-elle avec qui elle passa d'excellents moments.
Vint alors Anthropophagous qui la fit connaitre au monde entier. Tourné en un mois en Grèce durant l'été 80, le film de Joe D'Amato apporta une grande satisfaction à Zora. Elle fut d'autant plus heureuse de le faire qu'elle découvrit en George Eastman un homme d'une extraordinaire gentillesse avec qui elle devint très amie et en Tisa Farow, une jeune femme avec qui elle eut une grande complicité durant le tournage.
Bruno Mattei la choisit ensuite pour incarner Virginia dans Novices libertines, une oeuvre forte tirée d'un fait historique réel. Mattei signe là certainement son film le plus abouti. Zora y est une jeune novice qui va vite devenir mère supérieure. Violée, elle va devoir porter l'enfant du péché avant que l'église ne la condamne à être emmurée vivante. Film dédié à l'enfermement, Novices libertines, titre français peu approprié, est une oeuvre sur la perversion de l'innocence, subtilement mise en scène. Zora y est magnifiquement troublante sous la défroque d'une nonne dont on suit la lente descente aux enfers après qu'elle ait connu tous les maux de l'existence à travers le tourbillon de sa courte vie. On peut dire qu'ici Zora trouva son premier rôle fort, laissant tout son talent de comédienne dramatique y éclater.
C'est alors qu'elle est choisie pour interpréter dans Cannibal Ferox, le film culte de Umberto Lenzi et probablement celui qui la rendit célèbre à travers le monde par la fin atroce dont elle est victime. Personne en effet n'a oublié la séquence où elle est suspendue par les seins à des crochets de boucherie. Photo qui aujourd'hui encore fait partie de tous les catalogues gore. A l'instar de ses camarades, Cannibal Ferox reste pour Zora l'un de ses plus beaux et forts souvenirs, même si le tournage en Amazonie fut éprouvant. Souffrant de malnutrition - l'équipe se nourrissait de biscuits et de bananes la plupart du temps - une certaine nervosité se faisait ressentir chez les comédiens et les relations avec les peuplades locales étaient parfois tendues. Sans compter les dangers dû à l'environnement. Zora se souvient du jour où voulant aller se promener dans la jungle, elle se perdit. Ce fut la plus la plus grosse frayeur de sa vie. C'est Giovanni Lombardo Radice et Danilo Mattei qui la retrouvèrent après de longues recherches. Giovanni et Danilo restèrent d'excellents amis par la suite. Ajoutons une gastro qui valut à Zora de bien vilains désagréments jusqu'aux derniers jours de manivelle et on comprendra facilement que tourner en Amazonie ne fut pas une partie de plaisir! Comme sa compagne Lorraine De Selle avec qui elle partageait sa case en paille et passait de longues heures à jouer de la guitare, si Cannibal Ferox était à refaire, elle le referait avec plaisir. Elle garde dans son album souvenir de merveilleuses photos pleine d'émotions prises avec ses amis comédiens et les indigènes, au début réticents mais qui au fil du temps se firent amicaux et n'hésitèrent pas à confier leurs enfants à la belle blonde. Par contre, notre boucle d'or tchèque hésiterait à refaire la scène de torture finale tant elle eût mal à la poitrine par la suite. Malgré les effets spéciaux (Zora était assise sur une sellette alors qu'une fausse poitrine cachait la sienne), le moindre faux mouvement lui arrachait des cris d'horreur. De retour en Italie, amaigrie et fatiguée, son médecin lui prescrit un repos bien mérité avant de reprendre les tournages.
Quelques films en Tchéquie et Zora retrouva le chemin des studios italiens pour L'éventreur de New York de Lucio Fulci où elle a le rôle d'une danseuse nue, une interprétation dont elle garde un souvenir amusé mais embarrassé. Afin d'éviter toute réaction incongrue, on lui choisit un jeune partenaire gay, très intimidé lui aussi. Les parties intimes des deux protagonistes furent fortement dissimulées afin d'amoindrir au maximum les risques. Ceci n'empêchera pas Zora de mourir un tesson de bouteille enfoncé dans le vagin! De Fulci, Zora garde surtout un souvenir d'un homme sympathique mais intimidant parfois tyrannique. Elle a encore en mémoire le jour où il s'énerva très fort car elle avait encore oublié ses répliques en anglais, langue qu'elle ne parlait pas encore. Ceci n'empêcha pas qu'ils deviennent amis et elle a toujours gardé un grand respect pour cet homme.
En 1983, enceinte, elle apparait brièvement dans Les nouveaux barbares de Enzo Castellari puis disparait une grosse année, le temps de s'occuper de sa petite fille. Dés 1985 elle reprend le chemin des studios mais dans son pays natal. Il faut attendre 1988 pour qu'elle revienne sur le devant de la scène italienne. par amitié pour Fulci elle participe aux Fantômes de Sodome et Quando Alice ruppe lo specchio / Soupçons de mort, deux oeuvres mineures et sans grand intérêt d'un Fulci moribond. Elle apparait aussi rapidement dans le médiocrissime Hansel e Gretel produit par Fulci.
En 1989, Enzo Milioni l'a choisit pour être l'héroïne de son trop bavard giallo Luna di sangue / Fuga dalla morte. Lors du tournage, la belle actrice se blessa d'ailleurs assez gravement au visage durant le tournage de la scène où elle meurt.
Dés 1990, c'est vers la télévision que Zora va se tourner. Elle apparait dans quelques téléfilms italiens dont elle est assez fière et chaque fois que l'occasion se présente, elle retrouve les plateaux de cinéma dont elle ne peut se passer que ce soit en Italie ou dans son pays d'origine. Son ultime prestation date de 2012 dans un film tchèque Libas jako nabel de la réalisatrice Marie Polednakova.
Aujourd'hui, à 71 ans, Zora est avant tout une mère de famille et une grand-mère épanouie dont la fille, Petra Keslerova née de son union avec l'acteur compositeur Petr Hapka qui fut son époux de 1981 à 1997, a hérité des sens artistiques de sa jolie maman. Toujours autant demandée par ses nombreux fans, ce qui prouve que sa notoriété n'a jamais faibli, Zora apparait de temps à autre dans les festivals de cinéma italiens. Elle aime signer des vagues d'autographes que lui tendent avec sympathie ses admirateurs et se souvenir de cette glorieuse période qu'elle évoque avec chaleur. En 1999, on l'a vit par exemple invitée au festival de Bologne où le cinéma Bis était à l'honneur et depuis, si son emploi du temps le lui permet, elle ne dit jamais non à une invitation lors de manifestations cinéphiliques ou pour une promotion de DVD.
Pour nous qui n'avons que notre beau lecteur DVD, tu continueras à être l'invitée d'honneur de nos soirées dans nos humbles demeures, nous émerveillant par ton regard, un des plus beaux d'Italie, par ta présence lumineuse et ton corps de rêve, immortelle et impérissable, comme le sont les déesses.