Bruno Minniti: Monsieur Muscle pour papier glacé
Dans l'univers des têtes d'affiche qui marquèrent le cinéma de genre par leur impressionnante musculature inversement proportionnelle à leur talent de comédien, ces gueules dont le sourire était aussi carnassier que leur inexpressivité était étonnante, il y a des noms incontournables tels que Mark Gregory ou dans une mesure moindre Pietro Torrisi. Et il y a Bruno Minniti propulsé au rang de héros du cinéma Bis grâce à quelques oeuvres telles que Rush mais surtout l'inoubliable Thor. Mais la carrière de ce héros viril tout en muscles ne s'arrêta pas à ces quelques films, le puissant Conrad a en effet plusieurs cordes à son arc qu'il continue d'ailleurs de bander aujourd'hui.
Découvrons le parcours étonnant de cet acteur qui aujourd'hui en Italie continue de jouir d'un véritable statut d'idole non pas au cinéma mais dans d'autres disciplines.
Bruno Minniti est né le 5 décembre 1954 à Rome. Bruno, du haut de son 1m90, grand passionné de sport et plus particulièrement de musculation, va faire son entrée très tôt dans le monde artistique. Dés le milieu des années 70 il devient en effet un des principaux modèles des plus grandes agences italiennes et espagnoles de romans-photos dont il sera jusque dans les années 90 un des héros récurrents. Bruno en tournera plus d'une centaine faisant le bonheur de milliers de lectrices qui rêveront à travers les aventures de ce bel adonis tout en muscles, au regard enjôleur.
Du roman-photo au cinéma il n'y a bien souvent qu'un pas que Bruno franchit allègrement en 1979 en apparaissant dans Il prato des frères Taviani aux cotés de Michele Placido et Isabella Rosselini . Mais c'est dans la sexy comédie qu'il fait véritablement ses débuts de comédien, la plupart du temps dans des rôles de séducteur. Il est ainsi à l'affiche de L'importante è non farsi notare de Romolo Guerrieri puis de trois films de Michele Massimo Tarantini La moglie in bianco... l'amante al pepe, L'infirmière a le bistouri facile et La dottoressa preferisce i marinai poétiquement rebaptisé chez nous La zézette plait aux marins avec Paola Senatore et Sabrina Siani avec qui il vivra à cette époque une brève historiette d'amour. Il est également au générique de Una vacanza del cactus de Mariano Laurenti. De ces comédies, Bruno en garde aujourd'hui un piètre souvenir. C'était la fin d'un genre qui n'amusait alors plus personne. Ces comédies insipides tournées généralement
au jour le jour sans véritable scénario étaient vouées à l'échec commercial. La seule chose positive qu'il en retient est le fait qu'il était la plupart du temps entouré de très belles femmes. A cette époque il tourne également Le porno killers aux cotés d'une Carmen Russo débutante, un polar érotique signé Roberto Mauri à qui il intentera un procès pour lui avoir dissimulé l'insert de séquences pornographiques tournées sur sous le manteau.
En 1983, il rencontre l'artisan du cinéma Bis Tonino Ricci qui va en faire un de ses acteurs fétiche et surtout faire décoller sa carrière d'acteur qui jusque là stagnait. Bruno avait du en effet jusqu'alors se contenter de jouer des personnages de second voire de troisième plan. Sa musculature et sa taille prodigieuse en font l'acteur idéal pour interpréter ces rôles de nouveaux colosses qui vont doucement envahir le cinéma italien avec la naissance d'un nouveau sous genre du Bis, le post-nuke et l'Heroic fantasy all'italiana nés du succès de Mad Max 2 et Conan le barbare.
Dissimulé sous une perruque acrylique, affublé d'un slip en peau de bête, Bruno va donc incarner cette année là Thor le guerrier sous le pseudonyme de Conrad Nichols. C'est Ricci lui même qui lui trouva ce pseudonyme, une règle fondamentale alors si le film voulait être distribué à l'étranger et surtout intéressé les producteurs. Si Bruno avait gardé son nom jamais il n'aurait pu tourner Thor à qui il porte une certaine affection. L'année suivante toujours pour Ricci, il touche au post-nuke en entrant dans la peau de Rush, un aventurier sillonnant notre monde dévasté dans le film éponyme dont le résultat n'est guère brillant faute à l'absence de tout budget et d'un scénario écrit au jour le jour confie Minniti. Suite au succès d'estime remporté par le film en Italie et à l'étranger, un Rush 2 sera mis en scène un an plus tard toujours avec Bruno, le sourire plus carnassier que jamais.
En 1988, il retrouve Ricci une fois de plus le réalisateur pour I giorni dell' inferno sorti chez nous sous le titre Rush 3 même s'il n'a aucun rapport avec les deux précédents opus. Il s'agit là d'un film de guerre et d'aventures dans la lignée des films de Stallone où Bruno interprète cette fois un mercenaire dans un film plutôt étonnamment agréable venant de Ricci.
On le voit ensuite dans l'ennuyeux giallo de Camillo Teti L'assassino è ancora tra noi. On lui propose alors de reprendre le rôle de Thunder / Tonnerre, le jeune indien rebelle qu'avait jusqu'alors campé trois fois Mark Gregory, pour un quatrième volet de la saga de Fabrizio De Angelis. Bruno déclina la proposition et le projet fut abandonné.
Si Bruno tourne régulièrement pour le grand écran, il n'en oublie pas pour autant la télévision. Il apparait dans un grand nombre de séries et autres téléfilms pour les chaines italiennes. C'est ainsi qu'un peut le voir dans Mino, Il commissario corso ou encore La piovra 4 mais les séries qui le rendront fabuleusement célèbre sont Jeans et Pronto è la Rai. Il est également au générique de Un cane sciolto 3, un téléfilm dans lequel il joue un skipper meurtrier, un rôle qui à ce jour reste celui qu'il préfère parmi tout ceux qu'il a pu interpréter.
Bruno continue parallèlement sa carrière de comédien au grand écran. En 1990 on le voit dans Pierino torna a scuola avec Alvaro Vitali, une comédie d'une telle insipidité qu'il quitta le plateau au bout du cinquième jour de tournage. Le cinéma populaire italien était définitivement mort. Bruno s'en rendait compte et le plaisir de tourner n'était plus. Pierino aura eu au moins l'avantage de lui faire rencontrer sa future femme, un mannequin qui y tenait un rôle. Il tourne encore Alla ricerca dell' impero sepolto / Le secret du trésor inca, un solide film d'aventures de Gianfranco Parolini dans la lignée des Aventuriers de l'arche perdue destiné au départ à Pierce Brosnan ou Miles O'Keefe malheureusement trop chers. C'est à Bruno qu'incomba alors le rôle principal. L'acteur croyait beaucoup en ce film qui resta totalement inédit en Italie. Pour pouvoir le faire il refusa un film très important qu'on lui proposait malgré les avertissements de son agent.
Parmi les grosses déceptions de Bruno durant les années 90 il y a également celle de n'avoir pu jouer dans la très célèbre série Dynasty. Les producteurs cherchaient un acteur très typé italien. Bruno fut convoqué et passa une audition qui se termina très mal puisqu'au casting il refusa de réciter le texte qu'on lui avait remis, exigeant de jouer véritablement la scène. C'est pourtant cette joute verbale qui marqua les producteurs. Ils s'empressèrent de le rappeler et lui donnèrent le rôle. Malheureusement quelques temps avant le tournage des épisodes, Bruno découvrit qu'un autre comédien avait été désigné. En 1999 Bruno est de retour au cinéma dans Buck and the magic bracelets de son ami de toujours Tonino Ricci.
Ce sera son ultime apparition au grand écran. Bruno met un terme à sa carrière de comédien afin de s'occuper de sa famille. Bruno s'est en effet marié et a eu une petite fille. Il va également ouvrir une vidéothèque à Rome.
Sportif dans l'âme, Bruno n'en délaisse pas pour autant ses activités physiques qu'il poursuit avec force mais il a également d'autres cordes à son arc. S'il prend régulièrement des cours de théâtre au conservatoire, Bruno est un régulier des émissions télévisées italiennes que ses nombreux fans ne ratent jamais. Ce qu'on sait moins c'est que Bruno est aussi chanteur et sort régulièrement des CD en Italie et continue encore aujourd'hui de multiplier duos et apparitions tant à la télévision que dans que les festivals italiens.
De sa carrière de comédien, Bruno en garde un souvenir mitigé. S'il déteste les comédies dans lesquelles il a joué, il a un regard plus amusé sur ses films d'aventures dont le succès l'étonne encore aujourd'hui. La période de sa vie et de son métier qu'il affectionne le plus reste cependant celle des romans-photos. C'est pour lui celle qui lui a indéniablement procuré le plus de plaisir, de bonheur, de satisfaction tant personnelle que professionnelle. Fort célèbre chez nos amis italiens, homme respecté et respectable, d'une étonnante sympathie et simplicité, Bruno restera pour nous l'inoubliable héros de ces quelques fleurons du Bis transalpin que sont Thor ou Rush, anecdotes dans la carrière de l'olympien comédien. Pour cela, il a tout notre respect à nous. Bravo Bruno!