Orgasmo
Autres titres: Une folle envie d'aimer / Paranoia
Real: Umberto Lenzi
Année: 1968
Origine: Italie
Genre: Giallo
Durée: 90mn
Acteurs: Carroll Baker, Lou Castel, Colette Descombes, Tino Carraro, Jacques Stany, Franco Presce, LIlla Brignone, Calisto Calisti, Gaetano Imbro, Sara Simoni, Alberto Corchi, Maria Rosiello...
Résumé:
Kathryn West, une jeune et jolie riche veuve, après l’accident de voiture qui a coûté la vie de son mari, quitte l'Amérique pour l'Italie afin de se ressourcer dans sa luxueuse propriété. Un soir, elle fait la connaissance de Peter, un jeune homme tombé en panne de voiture. Elle lui offre l'hospitalité mais rapidement Kathryn est attirée par cet homme. Elle en tombe amoureuse. Il s’installe chez elle puis propose à sa soeur Eva de les rejoindre. Kathryn ignore qu'elle est en fait tombée dans un terrible piège qui se referme lentement sur elle. Ils la droguent à son insu, un peu plus chaque jour, la font prisonnière de sa propre maison afin de lui voler son argent...
Après s'être intéressé en début de carrière aux films d'aventures en réalisant de gentilles petites séries B telles que Sandokan et L'éléphant du temple blanc Umberto Lenzi va devenir dés la fin des années 60 l'auteur le plus représentatif du sexy giallo psychologique dont l'héroïne sera la plupart du temps l'ex-baby doll du cinéma américain, la blonde Carroll Baker, principale protagoniste de L'adorable corps de Deborah l'année précédente. Lenzi inaugure donc ce prolifique filon en 1968 en mettant en scène Orgasmo retitré chez nous Une folle envie d'aimer, premier film d'une désormais célèbre série de trois.
Orgasmo comme ses deux gialli suivants prend comme point de départ notre quotidien composé de petits faits et de détails souvent anodins, étranges parfois sinistres, qui un jour viennent frapper à votre porte. C'est dans ce quotidien que Lenzi puise l'intrigue de son film avec un certain talent et savoir-faire. Avec habileté, il part de cette banalité pour doucement faire basculer ses personnages dans la folie et le crime. Le cinéaste consacre toute la première partie qui baigne dans les nappes ensoleillées de cette splendide villa à la lente mise en place des protagonistes tout en multipliant ces petits faits et gestes anodins. Ce qui pourrait être vite ennuyant devient ici presque fascinant tant Lenzi parvient à rendre passionnant ce quotidien. Kathryn, jeune et fortunée veuve, commet un jour l'erreur d'accueillir sous son toit Peter, un homme tombé en panne de voiture. Attirée par l'inconnu elle en tombe amoureuse et c'est tout naturellement qu'elle accepte que la soeur de l'homme, Eva, les rejoigne. Les trois principaux protagonistes ont ainsi fait leur entrée de manière plus ou moins convaincante. Ne reste plus qu'à refermer le piège autour de l'héroïne, la malheureuse veuve, dés la seconde partie qui mènera au final certes peu original car déjà vu mais particulièrement noir soudainement assagi par un ultime rebondissement fort moraliste cette fois qui pourrait déplaire à certains. C'est peut être là un des défauts majeurs de Orgasmo.
Si Lenzi arrive à rendre intéressante la pseudo fougue amoureuse de Peter et Kathryn il parvient surtout à intégrer le spectateur dans cette relation aussi torride qu'hypocrite. Ainsi le titre original prend toute sa signification. Peter enivre la malheureuse dans tous les sens du terme, la fait basculer insidieusement dans un monde de sexe et d'alcool. Passionnante cette vertigineuse entrée en la matière est malheureusement gâchée par l'arrivée de Eva. Si jusqu'alors Lenzi jouait la carte de la subtilité et du suspens, il dévoile sans finesse les principaux rouages de cette diabolique machination qui perd ainsi une bonne partie de son intérêt en devenant trop prévisible. De ce fait, toute l'intensité dramatique s'en trouve dés lors amoindrie. De vertiges en malaises, si Kathryn réalise le piège dans lequel elle est tombée, le spectateur quant à lui se rend compte que Orgasmo n'est jamais qu'une revisitation du film de Clouzot, Les diaboliques, auquel Lenzi fait de nombreux clins d'oeil. Truffé de références cinéphiliques que l'amateur reconnaitra, l'ensemble est par moment brouillon un peu comme si le cinéaste avait eu quelques difficultés à les assembler afin qu'elles s'intègrent parfaitement dans une histoire déjà déséquilibrée sur le plan narratif qui de plus fait souvent fi de toute cohérence.
Quant au final aussi dramatique et cruel soit il, on regrettera cet ultime rebondissement plutôt inutile et surtout trop moraliste qui dénote avec la noirceur de l'ensemble. Comme il le fera dans ses deux gialli suivants, Lenzi tente de démontrer que le crime ne paie jamais. Dans le plus parfait des complots, il existe toujours ce fameux petit grain de sable inattendu et sournois qui finit par trahir les coupables. Les plus pervers regretteront cette conclusion trop sage, trop vertueuse, les autres pourront la trouver amusante. Par delà la mort, Kathryn aura gagné sa vengeance de manière bien ironique. Reste à savoir si l'ironie était ici utile.
Quelques soient les défauts du film, ne boudons cependant pas notre plaisir. L'objectif principal de Lenzi est de distraire son public et Orgasmo y parvient haut la main. Voilà un très bon thriller psychédélique pimenté de quelques scènes de violence et de touches macabres bienvenues (l'apparition des squelettes dans la chambre) en parfaite adéquation avec son époque. Captivant d'un bout à l'autre, ce premier giallo de Lenzi n'est pas parfait mais c'est là un de ses meilleurs thrillers malgré son regrettable manque de suspens.
Tourné en quelques jours seulement aux USA, Orgasmo bénéficie en outre de beaux décors et d'une mise en scène souple et efficace, l'ensemble rythmé par une fort jolie partition musicale très jazzy signée Piero Umiliani. C'est sans nul doute le meilleur film de cette trilogie érotique même si ici l'érotisme se fait discret, beaucoup plus suggéré que montré. Lenzi nous offre seulement quelques plans rapides de nu de Carroll Baker, toujours aussi parfaite, et quelques légères touches de saphisme lorsque Colette Descombes, cynique à souhait, embrasse le corps de Carroll qui demeure la principale attraction du film. A la fois trouble et sensuelle, elle apporte à l'ensemble outre sa beauté un parfum de souffre particulièrement délectable. A leurs cotés on appréciera la présence de Lou Castel qui sera de nouveau le partenaire de Carroll dans Paranoïa.
Orgasmo fut un énorme succès aux USA à sa sortie. Il fut rebaptisé pour l'occasion Paranoia, à ne pas confondre avec le second giallo de cette trilogie lui aussi intitulé Paranoia.