Ray Lovelock: Le charme de la discrétion
Ray Lovelock de son véritable nom Raymond Lovelock est contrairement à ce que son patronyme à consonance américaine laisserait supposer un pur italien né à Rome le 19 mai 1950, d'une mère italienne et d'un père anglais. C'est seulement âgé de 17 ans que le jeune Ray va entrer dans l'univers du cinéma sans que cela ne soit au départ un véritable désir de sa part puisque passionné de football, il souhaitait devenir joueur professionnel. C'est plutôt un hasard, une chance qui s'offrait à lui et qu'il sut saisir.
C'est Giulio Guesti qui lui donnait cette chance en lui proposant un petit rôle dans son Se sei viva spara / Tire encore si tu peux en 1967 aux cotés de Tomas Milian, la star d'alors de ce genre très en vogue qu'était le western spaghetti. Ray y joue Evan, jeune garçon dont on se souviendra dans ce film pour son viol suggéré. Ray retrouvera régulièrement Tomas tout au long de sa prolifique carrière et les deux jeunes acteurs vont d'ailleurs devenir de véritables amis en dehors des plateaux de tournage. Ray le considèrera rapidement comme son grand frère, celui qui lui prodiguera toujours de bons conseils qu'il s'évertuera à appliquer à la lettre, prenant très à coeur sa carrière.
A la suite de ce film, il envisage d'arrêter ce métier, toujours en vue de faire carrière dans le milieu du football. Par la suite, Ray va par un coup du sort et surtout poussé par l'épouse de Tomas Milian entamer plus ou moins en amateur une petite carrière de chanteur rock et faire un peu de scène locale avec un groupe d'amis. C'est alors que le réalisateur Carlo Lizzani le persuade de tenir un rôle dans son nouveau film Banditi a Milano où il retrouve Tomas Milian en partenaire mais également Gian-Maria Volonte.
Dés lors, Ray Lovelock ne cessera plus de tourner, se spécialisant alors dans le polar, mais il avoue n'avoir jamais été emporté par le tourbillon du succès qui d'ailleurs ne fut jamais réellement gigantesque. En effet l'Italie l'a le plus souvent et bien malheureusement considéré comme un acteur d'estime.
En 1970, on le voit en France dans le très beau et presque surréaliste Les Sorcières du Lac de Tonino Cervi avec pour partenaires Ida Galli et Maria Monti.
La même année il tourne sous la direction de Umberto lenzi, Un Posto Ideale per Uccidere / Meurtre par interim, un sympathique thriller beatnick réunissant Irene Papas et une toute jeune Ornella Muti encore mineure mais déjà si envoûtante.
Suite à ce film Lenzi va en faire un de ses acteurs fétiches. Le beau Ray ne tournera
pas moins de trois films pour le réalisateur. Ce sera d'abord l'incontournable Milano Odia: La Polizia Non Puo Sparare / Le grand kidnapping / La rançon de la peur avec Tomas Milian et Henry Silva, peut être l'un des meilleurs polars qu'ait réalisé Lenzi puis La Grande Bataille, film de guerre bâtard et quelque peu brouillon mais bénéficiant d'une prodigieuse distribution internationale puisque Ray se retrouve entouré de Helmut Berger, Samantha Eggar, John Huston, Stacy Keach et Edwige Fenech qu'il retrouvera la même année pour une sexy comédie, Marche pas sur ma virginité / La moglie vergine de Girolami dans laquelle il joue son jeune mari malheureusement impuissant, incapable de la satisfaire malgré d'innombrables tentatives. L'année suivante il sera son amant dans Lâche moi les jarretelles où ils partagent une brulante scène de sexe. Enfin ce sera l'affligeant Pardon, Vous êtes Normal? en 1979, une nouvelle comédie légère qui tente de plagier La cage aux folles dans laquelle Ray reprend sans aucune conviction le rôle de Ugo Tognazzi. Toujours en 1979 il tourne une dernière comédie l'affligeant L'anello matrimoniale de Mauro Ivaldi avec Carmen Villani dont il interprète le mari.
Même s'il ne jouissait pas d'un véritable engouement dans les milieux du septième art, le nom de Ray s'aligne pourtant sans honte aux cotés des autres grandes têtes d'affiche inhérentes au genre dont bien sûr Milian mais aussi Fabio Testi ou Franco Nero.
Se spécialisant dans les rôles flics ou de jeunes voyous dont la beauté fait oublier l'aspect impitoyable du personnage, Ray va essentiellement se faire remarquer dans quelques fleurons du genre comme Rome Violente de Marino Girolami en 1974 avec Maurizio Merli, Squadra volante de Stelvio Massi avec de nouveau son ami Tomas Milian mais surtout dans Live like a man, die like a cop de Ruggero Deodato en 1976. Avec ce film, Deodato signe un polar violent où Lovelock forme avec Marc Porel, l'autre beau gosse du cinéma italien, un duo de charme mais surtout de choc particulièrement ambigu, l'ombre d'une homosexualité latente planant sur leur relation. L'acteur s'associe ici aux méthodes aussi expéditives que sans appel de son compère interprété par Marc Porel. Live like a man, die like a cop sera le premier film violent et sujet à controverse que tournera le beau Ray. Il récidive en 1977 avec La Settima Donna / Terreur de Franco Prosperi pour qui Ray avait déjà tourné un plaisant petit polar dont il était le héros, Pronto d uccidere. S'inscrivant dans la lignée des rape and revenge que le film de Wes Craven inspira, Prosperi signe une oeuvre dure et sans concession, une sorte d'hymne à l'auto-justice et à la violence gratuite.
Lovelock y joue un jeune voyou qui avec ses deux acolytes se réfugient à la suite d'un hold-up raté dans une splendide villa où sept jeunes étudiantes sous l'égide de Soeur Cristina sont venues passer quelques jours. Viols, humiliations, meurtres, rien ne leur sera épargné jusqu'à leur terrible vengeance. Véritable petit play-boy, Lovelock n'aura jamais mieux mérité son qualificatif de beauté du diable, cachant derrière sa gentillesse feinte et ses sourires ambigus, un personnage aussi odieux que ses deux partenaires. Cette même année, il est le jeune héros cynique et impétueux de Alberto Marras L'avvocato della mala / Gangbuster. Amoureux de Lilli Carati, il y interprète un avocat qui sert d'intermédiaire entre deux bandes rivales qui veulent négocier des tableaux de maitre.
En 1979, Fernando Di Leo lui offre un petit rôle dans Avere Vent'anni, le film qui fit scandale en Italie pour son final d'une violence inouïe où les deux jeunes protagonistes Lilli Carati et Gloria Guida après avoir été rossé de coups et violées seront condamnées à mort de la plus effroyable façon, un pieu enfoncé dans le vagin. Ray y interprète un jeune hippie qui succombe aux charmes sauvage de Lilli avec qui il partage un belle scène d'amour qui nous permet de l'admirer enfin entièrement nu.. et ce ne sera pas la dernière fois!
Hormis ses rôles de flic et de voyou, Ray fut également le héros de deux gros classiques du fantastique italien et ibérique. Tout d'abord, le malsain et nécrophile giallo de Armando Crispino, Macchie solari / Frissons d'Horreur. Le comédien y interprète l'amant de Mimsy Farmer, jeune étudiante frigide et névrosée, fascinée par la mort, ce qui détruit lentement leur relation. Tourné en 1972 Frissons d'Horreur est un thriller splendide aux relents de mort et de schizophrénie où chaque personnage, Mimsy Farmer en tête, se perd dans ses propres frustrations et sa fragilité.
En 1974 Lovelock, barbu pour l'occasion, est à l'affiche du très beau film de l'espagnol Jorge Grau, Le massacre des morts-vivants que l'on peut voir comme un très réussi plagiat de La nuit des morts-vivants de George Romero. Puissant et parfois terrifiant, Le massacre des morts-vivants restera l'un des meilleurs films de zombis réalisé à ce jour, avec ceux de George Romero et Lucio Fulci auxquels il n'a rien à envier.
On citera également dans la filmographie de Ray, le film catastrophe de Georges Pan Cosmatos, Le Pont de Cassandra avec notamment Sophia Loren, un film à suspens à l'action incessante qui conte l'histoire d'un train dont les passagers ont été contaminés par la peste.
C'est en 1984 que la carrière de l'acteur ralentit au cinéma du moins et regrettons que ce soit avec Murderock qu'il mit fin à sa présence sur les grands écrans. C'est un Fulci sur le déclin qu'on retrouve aux commandes de ce giallo poussif, moins pire que son Aenigma de piètre mémoire. L'énigme du tueur à l'aiguille à chapeau ne trouve son peu d'intérêt que dans quelques scènes comme celle où Olga Karlatos se voit courir en rêve, poursuivie par un tueur invisible ou par la présence de quelques acteurs tels que le filiforme et androgyne Christian Borromeo et Claudio Cassinelli.
Après Murderock, Ray Lovelock, âgé de 34 ans va alors se tourner vers la télévision qui jusqu'à aujourd'hui va occuper tout son temps, tournant feuilletons, téléfilms et mini-séries, toutes inédites chez nous. L'acteur reconnait d'ailleurs que sa vraie popularité et son propre épanouissement, il l'a trouvé au petit écran où il est un des acteurs préférés du public italien. Juste ou injuste, volontaire ou pas, chacun jugera mais Ray reconnait n'avoir rien fait de son coté pour se mettre en avant et atteindre la gloire.
Tout au long de sa carrière cinématographique, il est resté en dehors du monde du showbiz et des soirées mondaines, univers qu'il n'a jamais aimé, préférant une vie calme et saine loin des feux de la rampe avec sa femme Nancy qu'il épousa très tôt à vingt ans. Véritable mère protectrice, elle a toujours su le tenir éloigné de ce monde artificiel et lui faire garder la tête sur les épaules, ce qui n'est pas évident quand on entre dans cet univers impitoyable si jeune. Sans oublier ses amis bien sûr, Tomas Milian en tête, toujours présent pour le ramener sur le bon chemin.
Aujourd'hui Ray, comme bon nombre de ses confrères encore actifs, tourne essentiellement pour la télévision. Il est non seulement un comédien mais également un mari et père de famille heureux et épanoui, un homme à la vie simple qui ne renie en rien sa carrière cinématographique ni aucun des films qu'il a tourné. Il n'a contrairement à d'autres acteurs jamais répugné à visionner ses films à leur sortie, se mêlant à la salle lorsqu'il en avait l'occasion afin de jeter un oeil critique sur son travail.
Et si Ray est heureux nous le sommes encore plus au vu du patrimoine que cet adonis solaire nous a laissé, un parcours riche en agréables petites séries que l'Italie sut fièrement nous concocter dans ses glorieuses heures.
Ray s'est malheureusement éteint prématurément à tout juste 67 ans le 10 novembre 2017 à l'hôpital de Tervi des suites d'une longue maladie.