Spasmo
Autres titres:
Real: Umberto Lenzi
Année: 1974
Origine: Italie
Genre: Giallo
Durée: 90mn
Acteurs: Robert Hoffman, Suzy Kendall, Ivan Rassimov, Monica Monet, Guido Alberti, Rosita Torosh, Maria Pia Conte, Adolfo Lastretti, Mario Erpichini, Franco Silva, Luigi Antonio Guerra, Tom Felleghy...
Résumé: Sur une plage un couple, Xenia et Christian, découvre une jeune femme évanouie. Elle s'appelle Barbara. Aussitôt ses esprits retrouvés, elle s'enfuit. Christian la retrouve lors d'une fête à bord d'un yacht. Elle le séduit et l'entraine dans une chambre d'hôtel. C'est alors que Christian est agressé par un homme qu'il tue involontairement. Sur les conseils de Barbara ils s'enfuient tout les deux. Alors qu'il retourne à l'hôtel pour y récupérer la chaine qu'il a perdu, Christian découvre que le corps a disparu. Terrifié, Il suit Barbara chez une amie qui possède une maison isolée au bord de la mer. C'est le début pour Christian d'une lente plongée aux enfers durant laquelle la folie semble le guetter...
Si Spasmo devait au départ être réalisé par Lucio Fulci c'est plus ou moins à contre-coeur que Umberto Lenzi en repris les rênes après avoir quelque peu modifié le scénario d'origine qu'il ne trouvait guère satisfaisant en introduisant entre autre l'idée des fameux mannequins qui donnent au film toute son pouvoir d'étrangeté. Avec Spasmo le cinéaste faisait ainsi son retour vers le giallo érotico-psychologique après Orgasmo et Paranoia mais en mettant cette fois de côté la partie érotique.
Quiconque s'attendrait de Spasmo un giallo horrifique sanglant hanté par un énigmatique assassin toit de noir vêtu aussi sadique que psychopathe risque d'être profondément déçu. Avec Spasmo Lenzi donnait en effet au genre une nouvelle dimension presque entièrement psychologique en offrant à travers cette histoire un portrait fouillé de la folie humaine, celle qui se tapit au fond de tout homme. Spasmo n'est plus ni moins qu'un voyage au coeur de la folie humaine durant lequel Lenzi tente de faire croire au complot, laisse beaucoup de questions sans réponses pour mieux y répondre lors du bouleversant et terrifiant final. A partir d'une situation en somme classique, un homme après avoir tué involontairement son
mystérieux agresseur dans la chambre de sa maitresse, doit fuir avec elle pour mieux se retrouver face à des situations de plus déroutantes, Lenzi crée progressivement un climat étrange tout empreint d'onirisme dû essentiellement à la présence de ces mannequins suspendus, ensanglantés, ces visages de plastique au regard si vivant qui parsèment le film, ces poupées plus vraies que nature qu'une main poignarde ou ligote. Lenzi instaure toute une atmosphère fantasmagorique à travers ces images à la fois dérangeantes et fascinantes, macabres tandis que son héros, Christian, perd peu à peu pied avec la réalité entrainant avec lui le spectateur dans un univers de doutes, de suspicion et d'angoisse. C'est
là le deuxième atout de Spasmo, réussir à tenir en haleine le public malgré l'absence de tout effet sanglant ou violent tout simplement en lui donnant envie de trouver les réponses aux questions qu'il ne cesse de se poser. On pressent la machination, le complot, puis on soupçonne l'aliénation, la folie, lente et progressive, le traumatisme sans pour autant réussir à être entièrement satisfait tant il reste des zones d'ombre. Ce ne sont que lors des ultimes scènes que toutes les pièces du puzzle se mettront en place et que le lien qui unit les deux frères sera enfin mis à jour jusqu'à l'ultime et dramatique rebondissement, magnifique, à la fois funeste et onirique, sublime représentation d'une terrifiante folie sans aucun espoir de retour.
Toujours au crédit du film on soulignera la superbe partition musicale signée Ennio Morricone qui contribue beaucoup à l'atmosphère générale du film et les tout aussi superbes décors naturels, cette vieille maison qui surplombe la mer, ces forêts inquiétantes où gisent les mannequins ainsi que certains éléments qui renforcent l'aspect effrayant du film tels que ces rapaces empaillés qui garnissent l'intérieur de la demeure.
Très inspiré par Mario Bava, Spasmo s'éloigne pourtant mais avec bonheur des codes traditionnels du giallo. D'une part aux chambres et pièces obscures, à la nuit, Lenzi préfère les espaces lumineux, le grand jour, d'autre part point d'assassin ganté et chapeauté mais juste deux frères plus fous l'un que l'autre dont on doit percer le secret, un secret qui prend racine au coeur même de leur famille, de leur enfance. Lenzi s'intéresse majoritairement à la psychologie de ses deux principaux protagonistes, à l'analyse de leur comportement pas
toujours de façon très adroite mais suffisamment convaincante pour qu'on puisse adhérer à l'histoire sans trop être être déçu. Cependant, tout aussi habile que soit le scénario, le film n'est pas exempt de défaut dont le principal reste l'interprétation. L'autrichien Robert Hoffmann qui n'a jamais autant ressemblé à Alain Delon ne parvient pas vraiment à donner à son personnage l'épaisseur requise. Trop statique, son jeu ne parvient jamais vraiment à traduire son traumatisme, la folie qui le ronge et le fait lentement sombrer. Jamais réellement inquiétant, on a du mal à s'attacher à lui, à éprouver un quelconque sentiment de pitié ou de
peur. A ses cotés l'anglaise Suzy Kendall ne ménage guère l'effet de surprise et dés son apparition, il est clair qu'elle joue la comédie, qu'elle est une des clés d'un complot qui demeure fort heureusement flou. Le suspens s'en trouve ainsi diminué à l'instar de l'intérêt qu'on peut porter aux principaux protagonistes. Cela n'aide guère à donner de la crédibilité aux dialogues involontairement comiques par instant d'autant plus qu'aussi bien la version française que le doublage italien sont particulièrement médiocres.
Seul Ivan Rassimov, le regard de glace, reste comme d'accoutumée égal à lui même mais il est malheureusement dommage que son rôle soit si peu étoffé et reste à l'état d'ébauche.
On aura le plaisir de revoir à leurs cotés Maria Pia Conte, le regard hypnotique de Monica Monet et l'ex-présidente du mouvement naturiste italien Rosita Torosh. A signaler l'apparition furtive en super 8 de Tom Felleghy.
On pourra regretter également la mauvaise utilisation des fameux mannequins dont rien ne vient jamais justifier la présence tout au long du film si ce n'est de créer une atmosphère onirico-macabre. Une idée aussi prestigieuse aurait du être beaucoup plus approfondie et ne pas rester au simple stade de l'ébauche.
Si ces quelques défauts font que Spasmo n'est pas le chef d'oeuvre attendu, le film de Lenzi reste un bel exemple de giallo psychologique, intrigant, fantasmagorique, troublant mais surtout captivant du début à la fin. Avec un peu plus de maitrise, de rigueur au niveau de la direction d'acteurs et du scénario, Spasmo aurait pu être un modèle idéal du genre.