Cannibal ferox
Autres titres: Make them die slowly / Canibal feroz
Real: Umberto Lenzi
Année: 1981
Origine: Italie
Genre: Horreur / Cannibale
Durée: 95mn
Acteurs: Lorraine De Selle, Zora Kerowa, Danilo Mattei, Giovanni Lombardo-Radice, Walter Lucchini, John Bartha, Meg Fleming, Robert Kerman, Venantino Venantini, El Indio Rincon, Larry Dolgin, Dominic Raake...
Résumé: Gloria Davis, jeune étudiante en anthropologie, part en Amazonie afin de rédiger sa thèse sur le cannibalisme. Elle est accompagnée de son amie Pat et son frère Rudy. Tombés en panne, ils doivent se rendre à Manioca, village où est censée vivre une tribu cannibale. Ils y rencontrent Mike et son ami Joe, blessé à la jambe. Les trois héros découvriront vite que Mike est un dangereux trafiquant de drogue ayant massacré la population du village. La vengeance des indigènes sera terrible et un horrible massacre va commencer. Seule Gloria survivra, soutenant sa thèse avec succès.
En lisant le résumé ci dessus, on comprend vite que Cannibal ferox lorgne directement sur l'effroyable Cannibal holocaust sorti l'année précédente, véritable choc cinématographique à l'échelle mondiale. L'engouement suscité par le film de Ruggero Deodato donna naissance à nombre d'oeuvres du même acabit en ce début d'années 80, le mythe du cannibalisme devenant un sujet récurrent dans l'horizon du cinéma gore italien.
Force est de reconnaitre que le film de Lenzi qui en 1972 avait déjà oeuvré dans ce domaine fort particulier avec un des tout premiers films dit de cannibales, si ce n'est le premier, l'intéressant film de jungle Il paese del sesso selvaggio / Cannibalis, puis renouvelé l'expérience en 81 avec La secte des cannibales, signe là un des meilleurs films de ce sous genre, dans la grande lignée de son illustre modèle même si cette fois le discours est moins moralisateur.
Spécialiste incontesté du polar à l'italienne et du sexy giallo, Umberto Lenzi agrémente bien naturellement son film d'une trame policière que certains jugeront inutile voire ennuyante.
Elle ne l'est cependant guère plus que les escapades américaines de Cannibal holocaust. Elles aident d'une certaine manière à quelque peu soulager le coté étouffant, éprouvant, d'un film qui porte un regard farouche sur les peuplades amazoniennes en montrant que leurs instincts les plus primitifs ne demandent qu'à ressortir au grand jour. Lenzi légitime le tout par l'attitude abjecte de Mike, le trafiquant de drogue rendu fou par l'abus de drogues.
Si le racisme sous-jacent bien présent tout au long du métrage peut être contestable tout comme les raisons qu'évoquent le réalisateur pour justifier ses abominations (mais après tout n'est ce pas là le propre de ce type de cinéma, la base même du cinéma d'exploitation)
Cannibal ferox est avant tout une pure réjouissance exotique qui ravira les amateurs d'un certain cinéma vomitif et d'effets sanguinolants spectaculaires. Castration, décervelation, démembrement, repas cannibales, sans oublier la désormais mythique scène où Zora Kerowa se fait suspendre par les seins à des crochets de boucherie sont ainsi au menu. Cannibal ferox, tourné dans les forêts colombiennes dans des conditions souvent difficiles notamment par le manque de nourriture et la chaleur écrasante, est un véritable trois étoiles du gore que l'on doit au spécialiste effets spéciaux Gianetto De
Rossi. Une fois encore est également au programme toute une série de massacres d'animaux bien réels. Une tortue, un iguane et un petit singe notamment font cette fois les frais des pulsions sadiques du réalisateur qui prend un évident plaisir à filmer leur agonie malgré les protestations de certains comédiens, Danilo Mattei et Giovanni Lombardo-Radice en tête, qui refusaient ce type de barbarie gratuite mais imposé par les producteurs, un des arguments régulièrement employé par les réalisateurs pour justifier ces actes.
Délaissant l'aspect pseudo-documentaire de Cannibal holocaust, Cannibal ferox se rapproche en fait beaucoup plus du traditionnel film d'aventures de jungle, une oeuvre
fictionnelle au scénario plutôt bien construit dont la sous intrigue policière sert à expliquer la présence de Mike et Joe dans cette forêt truffée de cannibales et la raison pour laquelle ils ont retrouvé leurs instincts primaires. Exploitées et maltraitées par l'Homme blanc, les peuplades primitives se rebellent et se dressent contre leurs bourreaux en usant de leurs traditions guerrières ancestrales. On retrouve le schéma usuel des vieux films d'aventures hollywoodiens remis ici au goût du jour avec cette avalanche d'effets gore et le retour à l'anthropophagie pure et dure, un rite traditionnel qui d'une part donne un coté réalité au film, d'autre part sert le scénario et donc la thèse de Gloria, l'anthropologue à l'origine de ce voyage amazonien.
Plutôt tatillon, rigoureux Lenzi soigne sa mise en scène, alerte, sans temps mort si on excepte certains passages qui par instant ralentissent l'action, un léger défaut qu'on lui pardonnera d'autant plus rapidement que Cannibal ferox accompagné d'une obsédante partition musicale se visionne avec passion et bénéficie d'une solide interprétation de la part d'acteurs fort investis, de l'impressionnant Giovanni Lombardo-Radice, cruel et déchainé sous l'effet de la cocaïne, à Lorraine De Selle, seul film que la comédienne ne renie pas aujourd'hui, sans oublier la blonde Zora Kerowa dont la mise à mort restera une des scènes
d'anthologie du cinéma gore, Danilo Mattei et Walter Lucchini sans oublier Robert Kerman déjà présent dans Cannibal holocaust, ici dans un rôle secondaire, celui du policier chargé de mener l'enquête à New-York.
Si Cannibal ferox aujourd'hui encore hautement controversé n'est pas le plus violent et barbare des films dits de cannibales, malgré quelques incohérences scénaristiques, il demeure parmi les meilleurs du genre. Il se classe sans difficulté aucune dans le trio de tête avec Cannibal holocaust et Le dernier monde cannibale. Il demeure aussi le témoignage pervers d'une époque où le cinéma italien ne reculait devant aucune limite dans l'insoutenable afin de choquer et mettre mal à l'aise son spectateur.