Paranoia
Autres titres: A quiet place to kil / A beautiful place to killl
Real: Umberto Lenzi
Année: 1970
Origine: Italie / Espagne / France
Genre: Giallo
Durée: 91mn
Acteurs: Carroll Baker, Jean Sorel, Anna Proclemer, Marina Coffa, Luis Davila, Alberto Dalbes, Hugo Blanco, Rossana Rovere, Calisto Calisti, Hugo Blanco, Rossanna Halvorsen, Jacques Stany, Manuel Diaz Velasco, Alfonso De La Vega...
Résumé: Helen est coureur automobile. Un jour elle est victime d'un accident. A sa sortie de l'hôpital elle reçoit un télégramme de son ex-mari, Maurice, qu'elle tenta de tuer par désespoir quelques années auparavant. Il l'invite à passer quelques jours à sa villa. Elle s'y rend et fait la connaissance de sa nouvelle épouse, Constance. Elle découvre vite que c'est elle qui en fait a rédigé le message. Constance lui avoue qu'elle envisage d'assassiner Maurice et qu'elle aimerait qu'elle soit sa complice. Helen par vengeance accepte. Mais les choses tournent mal. Constance est tuée accidentellement par Maurice. Avec l'aide d'Helen, il jette le corps à la mer. Tout deux peuvent réapprendre à se connaitre et retomber amoureux l'un de l'autre. C'est alors que surgit Susan, la fille de Constance, qui soupçonne très vite le couple d'avoir tué sa mère...
Père du sexy giallo, un sous genre du thriller à l'italienne dont le sexe, l'argent et les machinations machiavéliques en sont les principaux rouages, Umberto Lenzi clôt en 1970 avec Paranoia sa célèbre trilogie ouverte en 1968 avec Orgasmo / Une folle envie d'aimer suivi de Si douces si perverses deux ans plus tard, son plus gros succès. Ce triomphe plutôt inattendu donne au cinéaste de l'assurance qui met alors ce troisième opus en route en reprenant non seulement les éléments propre au genre mais également son égérie, la blonde et hitchockienne Carroll Baker. Désormais indissociable du thriller érotique transalpin, il redonne à la blonde actrice Jean Sorel comme partenaire en voie de devenir lui aussi un récurrent du genre depuis qu'il forma avec elle le couple infernal de L'adorable corps de Deborah de Romolo Guerrieri.
Avec Paranoia, Lenzi reprend une fois de plus le fameux triangle amoureux qui sera à l'origine d'un meurtre puis de toute une machination bien huilée afin de le dissimuler jusqu'à ce qu'un évènement inattendu puis un second viennent troubler les plans de ou des assassins. Helen, une coureuse automobile, est victime d'un accident. A sa sortie de l'hôpital elle reçoit un télégramme de son ex-mari, Maurice, qui l'invite à Palma de Majorque dans sa superbe villa. Elle y fait la connaissance de sa nouvelle femme, Constance qui est en fait à l'origine du télégramme. Constance est éperdument amoureuse de Maurice, non seulement pour son coté play-boy mais aussi pour la fascination qu'il exerce sur les femmes en général, le vice qui transpire de son être. Consciente qu'un jour elle le perdra, elle prévoit de l'assassiner et de faire d'Helen sa complice après avoir appris qu'autrefois celle ci a tenté de
le tuer par désespoir. Helen accepte pour se venger du mal qu'il lui a fait. Malheureusement les choses ne se passent pas comme prévu. Constance meurt, tuée involontairement par Maurice sous les yeux d'Helen. Ils jettent le cadavre à la mer. Ils peuvent alors reprendre leur relation amoureuse en oubliant le passé. C'est alors que la fille de Constance, Susan, revient à la villa. Elle soupçonne vite le couple d'avoir assassiné sa mère. Lentement Helen craque d'autant plus qu'un de leurs amis aurait filmé la scène du meurtre. La jeune femme découvre alors que Maurice entretient depuis longtemps déjà une relation interdite avec la fille de Constance. Ecoeurée, elle décide de le quitter. Machiavélique, Susan va se servir de cette révélation pour démasquer son beau-père et compromettre Helen qu'elle a toujours détesté mais peut être pas pour les raisons qu'on pourrait croire puisque les véritables coupables ne sont peut être pas ceux auxquels on pense.
Le scénario n'est pas très original cette fois, même plutôt classique, trop classique peut être. Lenzi a délaissé les intrigues complexes et tordues au profit d'une histoire toute simple dont on connaitra très vite les tenants et les aboutissants pour le peu qu'on soit habitué au genre. Il dévoile en effet dés la seconde moitié du film le noeud de l'histoire dont on aura entrevu discrètement certaines révélations lors du générique d'ouverture filmé de façon très originale en négatif. Malgré la simplicité d'un scénario prévisible, Paranoia est cependant un film qui tient en haleine d'un bout à l'autre du métrage. On pourrait même dire que le film est captivant tant Lenzi maitrise sa mise en scène et sait entretenir un certain suspens malgré quelques
incohérences et surtout des effets souvent grossiers. Ainsi les regards coupables, inquiets ou accusateurs que n'arrêtent pas de se lancer Maurice et Helen, leur comportement souvent suspect, leurs alibis peu crédibles auraient eu vite fait de mettre la puce à l'oreille des moins futés mais jamais de leur entourage. Cette facilité exagérée pourra en faire sourciller certains mais grâce au talent du cinéaste, on parvient aisément à passer outre pour se prendre à cette histoire de meurtre parfait qui très vite prend l'eau de toutes parts faute à l'acharnement du sort jusqu'à l'ultime rebondissement, joyeusement pervers dans le fond, typique d'un certain cinéma commercial italien alors en vogue, proche du final de Plein soleil dans sa forme.
La grande force de Paranoia réside outre dans cette série de déveines dans ses dialogues souvent subtils et à double sens, parfois cyniques, dans la beauté, la majestuosité des décors tant naturels de Majorque qu'intérieurs mis en valeur de façon sublime par une photographie somptueuse et l'utilisation étonnante du scope. En ce sens, Paranoia est très surement le film de Lenzi le plus visuellement travaillé. On nage en pleine magie visuelle faite de couleurs chatoyantes aux réminiscences par instant gothiques tant et si bien que certains plans en deviennent vertigineux, étourdissants, tandis que les jeux de miroirs, de reflets, abondants, parviendraient presque à donner à l'ensemble un coté surréaliste, fantastique, savant procédé destiné à mettre en avant la double personnalité des protagonistes qui unissent l'amour à la mort. Si l'ensemble est fortement estampillé années
70, ces dernières ont rarement été autant sublimées. Quant à l'interprétation, elle est ici très professionnelle et parvient à donner à une intrigue somme toute traditionnelle une certaine épaisseur. Jean Sorel, le regard bleu acier, en play-boy vicieux, arrogant et déterminé est plus convaincant que jamais, Anna Proclemer est parfaite en épouse assassine, Marina Coffa, future star des romans-photos de la Lancio, est une délicieuse jeune intrigante, Carroll Baker est quant à elle égale à elle même, sublime, à la fois forte et fragile, à la fois coupable et victime, piégée malgré elle dans une histoire qui la dépasse. Epoque oblige Carroll malgré ses 38 ans se déshabille toujours aussi volontiers à l'instar de Jean Sorel qui de son coté restera digne contrairement à sa prestation dans L'adorable corps de Deborah
où il affichait un nu dorsal mémorable. Si Lenzi comme la plupart des metteurs en scène d'alors une fois de plus associe la bourgeoisie au stupre, au vice, à la dépravation, aux apparences, il y ajoute cela va de soi une dose de lesbianisme indissociable au milieu mais également indispensable au genre via le personnage de Constance que la beauté et les atouts physiques de Carroll ne laisse pas indifférente. Il est à noter que le sexe est un peu moins présent cette fois que dans la majorité des autres thrillers érotiques d'alors, Lenzi préférant plus suggérer que réellement montrer. Cela ne l'empêche cependant pas de filmer les petites culottes de danseuses lors d'une éblouissante contre-plongée sur un jerk frénétique.
Accompagné d'une fort agréable partition musicale lounge signée Gregorio Garcia Segura, Paranoia est parfois considéré comme le thriller érotique le plus faible de son auteur. Si du point de vue scénaristique cela peut se vérifier, Paranoia n'en demeure pas moins un film tout à fait réussi, divertissant, fascinant par bien des aspects et visuellement d'une splendeur rarement atteinte dans ce style de cinéma. Rien que pour cela et la qualité de la distribution Paranoia mérite toute l'attention tant de l'amateur que du novice.
Signalons aux lecteurs qu'il ne faut pas confondre ce Paranoia rebaptisé pour l'international A quiet place to kill avec Orgasmo qui fut lui aussi renommé Paranoia à sa sortie, créant bien souvent une confusion bien compréhensible chez le spectateur non averti d'autant plus que les DVD ont parfois interverti les jaquettes des deux films.