Il trucido e lo sbirro
Autres titres: Le cave sort de sa planque / Le clan des pourris / La mort en sursis / Le truand sort de sa planque / Le clan des calabrais
Réal: Umberto Lenzi
Année: 1976
Origine: Italie
Genre: Polizesco
Durée: 90mn
Acteurs: Tomas Milian, Claudio Cassinelli, Nicoletta Machiavelli, Robert Hundar, Henry Silva, Biagio Pelligra, Umberto Raho, Tano Cimarosa, Arturo Dominici, Luciano Rossi, Renato Mori, Dana Ghia, Valerio Colombaiono, Massimo Bonnetti, Corrado Solari, Susanna Melandri, Antonio Casale, Ernesto Colli, Rita Forzano, Mario Erpichini, Rosita Torosh, Salvatore Billa, Tom Felleghy, Giovanni Cianfriglia...
Résumé: Afin de retrouver une fillette kidnappée l'inspecteur Sarti fait sortir de prison un petit voyou crasseux, Monezza, pour qu'il l'aide à la retrouver. Monezza a bien connu le chef de la bande qui a enlevée l'enfant, un certain Brescianelli. Avec l'aide de trois anciennes connaissances du petit truand ce dernier et Sarti vont tenter de repérer l'infâme malfrat ce qui risque d'être compliqué car celui ci a changé de visage et seule sa fiancée sait à quoi il ressemble désormais. Le temps est compté car la fillette est gravement malade...
Avant toute chose situons le film afin de mieux comprendre la place qu'il tient dans la filmographie de Tomas Milian. L'acteur avait tourné pour la première fois avec Umberto Lenzi en 1974 en incarnant un dangereux tueur mafieux dans La rançon de la peur / Milano odia: la polizia non puo sparare. Ils s'étaient retrouvés l'année suivante pour Bracelets de sang puis pour Brigade spéciale / Roma a mano armata, un film à retenir puisqu'il est le premier où Tomas incarnait le Bossu (Il gobbo), un des trois personnages à qui il allait donner vie la même année aux cotés de l'inspecteur Giraldi très inspiré de Serpico et de Monezza dit
Poubelle, un repris de justice au verbe haut, sans foi ni loi, crasseux, hirsute qui servira d'indic à la police. Il trucido et lo sbirro, quatrième rencontre entre Lenzi et Milian, est le premier film où Monezza apparait.
Camille, la fillette d'un riche industriel, a été enlevée par l'infâme Brescianelli, un truand sanguinaire qui en échange de l'enfant demande à la famille une importante rançon. Gravement malade Camille n'a qu'une semaine à vivre si elle ne reçoit pas régulièrement son médicament. L'inspecteur Sarti, un flic aux manières peu orthodoxes, fait s'évader de prison Monezza surnommé Poubelle, un bandit qui autrefois a bien connu Brescianelli et qui
est le seul à pouvoir l'aider à retrouver l'enfant. Trois autres voyous, ex-associés de Monezza, le Calabrais, Mario et Vallelunga, vont également travailler pour Sarti. Le retrouver n'est pas évident car le truand psychopathe a changé de visage et seule sa fiancée, Mara, sait désormais à quoi il ressemble. Une course à la montre s'engage durant laquelle flics et brigands impitoyables vont violemment s'affronter jusqu'à ce que Monezza remonte jusqu'à la planque de Brescianelli.
L'objectif de Dardano Sacchetti, scénariste du film, était au départ de faire une comédie policière afin de plus ou moins briser les codes habituels du polizesco. Nait ainsi Monezza,
un voyou facétieux, crasseux, né de l'union d'une prostituée et d'un brigand, un trublion, un pur romain issu du petit peuple qui a souvent hanté les prisons de la capitale. Et c'est Tomas Milian, alors en pleine période polar, qui est choisi pour incarner ce trublion aux allures de clochard. Le problème est que Lenzi n'a jamais porté dans son coeur la comédie, bien plus à l'aise dans la violence gratuite et l'action pure et dure. Le film va en souffrir puisque scénariste et metteur en scène ne sont guère d'accord sur la direction à prendre mais également par le fait que Milian n'est pas très à l'aise dans ce rôle extraverti, lui l'acteur timide et taciturne.
Malgré un scénario particulièrement simpliste Il trucido e lo sbirro, un des polars italiens qui très certainement compte le plus grand nombre de titres français, est loin d'être un mauvais film. L'alliance fonctionne et même si on est réticent à l'humour celui ci ne prend jamais le pied sur l'action encore moins sur la violence. Cette quatrième collaboration entre Milian et Lenzi est tout bonnement un cocktail explosif de brutalités de tout style, 90 minutes d'action quasi non stop qui baignent dans une extraordinaire lampée de violence dont Lenzi a le secret et une immoralité à toute épreuve tant et si bien qu'elle en devient jouissive. Lenzi se complait à faire exploser toutes les barrières du bon gout et de la décence, un exercice qu'il
connait bien et qu'il semble ici pousser au maximum. Il ne s'embarrasse guère de détails. L'intrigue, toute menue, n'est qu'un magnifique prétexte pour multiplier les scènes de hold-up, de poursuite, de vol à l'arrachée, d'exécutions et autres méfaits en tout genre dans un contexte si décomplexé qu'on ne sait même plus qui sont les bons qui sont les méchants, tous jouant sur le même terrain mais en ayant des motivations différentes. Lenzi ne se refuse rien à commencer par mettre au coeur de l'intrigue une gamine (joufflue et pleurnicheuse de surcroit) malade pour laquelle ses ravisseurs n'ont aucune considération. Au plus mal Brescianelli lui intimera même d'arrêter ses jérémiades par un détonnant "Ta
gueule". Ajoutons à ce programme réjouissant une bonne dose de la légendaire misogynie du réalisateur et on obtient un cocktail foudroyant de mauvais gout qui propulsera le spectateur avide de complaisance et d'amoralité aux limbes de l'extase. Comment en effet ne pas frémir de bonheur lorsqu'un des voyous violente avec un plaisir totalement assumé une femme enceinte, quand les malfrats lors d'une fusillade arrache le landau d'une passante pour s'en servir comme bouclier avec gros plan sur le vermiceau en pleurs, lorsque l'ouvreuse se fait fracasser avec une brique, autant de scènes aujourd'hui impensables qui nous rappelle O combien l'Italie savait en son temps repousser les limites de la subversion et de la provocation.
Au milieu de ce champ de bataille où Lenzi se permet toutes les outrances le personnage de Monezza distille son humour trashouille et vulgaire à travers une série de répliques hautes en couleur aujourd'hui cultes et de déguisements stupides (le peintre en bâtiments maladroit, le berger sourd et muet...) qui fort heureusement n'envahit pas le film. Parfait anti héros Monezza désamorce simplement cette violence en jouant la carte du clown pouilleux, un électron libre qui ne prend jamais réellement cette histoire au sérieux mais est-il possible de l'y prendre? Tout est excessif, sans grande cohérence, souvent invraisemblable et ce bon Poubelle est là pour justement incarner cette gigantesque improbabilité.
Il trucido e lo sbirro brille également par sa distribution qui regroupe une jolie brochette d'acteurs récurrents à ce type de pellicule, une distribution de "gueules" du cinéma Bis, en tête Henry Silva qui même s'il n'a que peu de temps de présence à l'écran reste un véritable méchant, cruel, cynique, impitoyable absolument dantesque. Autour de lui hormis Tomas Milian (doublé par l'extraordinaire Ferruccio Amendola) on retrouve entre autres le puissant Robert Hundar, Tano Cimarosa, Luciano Rossi, Antonio Casale, Giuseppe Castellano, Biagio Pelligra et quelques fort séduisants jeunes délinquants, Valerio Colombaiono, Massimo Bonetti et Corrado Solari. Claudio Cassinelli n'est certes pas Franco Nero ni
même Maurizio Merli mais il parvient à les imiter sans trop de mal dans la peau de ce flic aux méthodes peu orthodoxes.
Mené de main de maitre par un Umberto Lenzi talentueux, professionnel et sans aucune retenue Le cave sort de sa planque est un petit écrin de violence gratuite et d'amoralité totalement jouissif pour tout ceux qui dans le cinéma de genre aiment l'excès sans jamais se prendre la tête.
Le réalisateur, peu satisfait de cette collaboration semi humoristique ne renouvellera pas l'expérience et laissera sa place l'année suivante à Stelvio Massi pour la seconde aventure de Poubelle, La banda del trucido / L'exécuteur vous salue bien.