Maniaco Deprebis

Si Umberto Lenzi donna quelques unes de ses lettres de noblesse à deux styles de cinéma typiquement italiens, le giallo et le polizesco, s'il restera célèbre pour ses quelques films d'horreur qu'il réalisa dans les années 80, il le restera beaucoup dans un genre beaucoup plus délicat, la sexy comédie, auquel fort heureusement il ne s'essaya qu'une seule fois dans sa longue carrière.

Afin peut être de se démarquer de ses confrères, Lenzi délaisse toubib, prof et autres lycéennes pour s'attaquer aux institutions et à une certaine liberté des choix sexuels avec ce qu'on peut considérer être une version du pauvre de La cage aux folles. Le cinéaste reprend à sa manière l'inoubliable tandem Serraut/Tognazzi sans jamais parvenir à être ne serait qu'une petite minute convaincant. On suit ainsi les aventures mouvementées d'un jeune homosexuel, Franco, amoureux de Nicole, un travesti. Tout irait pour le mieux si d'une part l'oncle de Franco n'était pas juge censeur particulièrement puritain et conservateur. D'autre part Franco fait la connaissance de Anna, une strip-teaseuse dont Nicole est particulièrement jalouse au point de vouloir se suicider. Lorsque le cadavre d'un travesti est retrouvé dans un fleuve, un commissaire homophobe accuse Franco du crime. Afin d'échapper à la justice mais également à l'emprise de son oncle qui ne doit pas découvrir leurs moeurs libertines, Franco, Anna et Nicole, bien vivante, vont devoir inventer moult situations des plus cocasses.

Tout était là pour faire de Pardon vous êtes normal? un film particulièrement drôle et acerbe. La déception puis le désenchantement vont bien vite s'emparer du pauvre spectateur embarqué dans ce qui est peut être une des plus mauvaises comédies italiennes que le genre ait connu. Peu habitué à la comédie et par conséquent à l'humour, visiblement mal à l'aise, Lenzi se fourvoie d'un bout à l'autre du métrage. Il tente d'être amusant mais la transparence de la mise en scène, le coté douteux de l'ensemble, l'accumulation de gags peu imaginatifs qui tombent aussitôt à l'eau, une interprétation bien peu convaincante de la part d'une brochette d'acteurs bien peu investis qui visiblement s'ennuient achèvent ce tuer dans l'oeuf cette comédie qui à aucun instant ne parvient à faire rire pas même sourire.

Toute la folie, la démesure, la bonne humeur et surtout l'acidité de La cage aux folles est cette fois absent pour faire place à une tristesse quasi générale, à une parodie du pauvre où les quelques bonnes idées sont immédiatement réduites à néant par le manque d'enthousiasme de Lenzi. Certes, il combat les défenseurs de la morale, fustige la censure, dénonce un certain racisme caché derrière les bonnes valeurs chrétiennes et l'hypocrisie des moralisateurs dans un film monté comme une pièce de boulevard, il va à l'encontre du schéma traditionnel de la sexy comédie où un personnage féminin est à la source de tous les désirs masculins en focalisant l'histoire sur une avalanche de quiproquos et autres rebondissements mais sa maladresse et son absence d'engouement font s'écrouler le bel édifice en quelques minutes.

Jamais drôle, Pardon vous êtes normal? qui tire son titre d'une réflexion ironique de Anna lorsqu'elle découvre que Franco est un inverti, autrement dit homosexuel, semble également ne jamais aller là où il voudrait ce qui donne souvent à l'ensemble un goût parfois douteux. Lenzi fait un film sur l'homosexualité et le choix de sa sexualité mais à aucun moment, comme sur la réserve, ne prend aucun parti et brouille les pistes par quelques artifices parfaitement ridicules. Franco est gay mais il en fait un parfait hétérosexuel dans tous les sens du terme, ne laissant entrevoir sa différence que par sous-entendus tandis qu'il fait des homosexuels de simples travestis et folasses des plus caricaturaux. S'en dégage alors non seulement un sentiment bien mitigé sur les intentions de Lenzi mais aussi une impression d'homophobie latente aggravée par le personnage et les réflexions d'une lourdeur étonnante du commissaire. Plus grave, pour un film traitant d'homosexualité et de différence, c'est l'hétérosexualité qui triomphera renforçant encore plus cette désagréable impression.

On oubliera la prestation du pauvre Ray Lovelock qui prend ici la place de Ugo Tognazzi. Sa prestation restera une des plus mauvaises de sa carrière. Totalement transparent, jamais convaincant encore moins convaincu, on a bien du mal à croire à son personnage qui par instant atteint des sommets de ridicule notamment lors de son défilé habillé en jeune mariée. A ses cotés, Enzo Cerusico fait ce qu'il peut sous la défroque de Nicole mais il est à des années lumière de Michel Serrault. Osera t-on mentionner la pitoyable performance de Aldo Maccione exécrable en commissaire homophobe qui semble se demander ce qu'il est venu faire dans cette galère. Nous aussi! Anna Maria Rizzoli qui la même année fut la partenaire de Ray Lovelock dans le sexy giallo Play motel n'a jamais été une grande actrice et son personnage de Nini Pimpon alias Anna la fausse prude semble exister uniquement pour se déshabiller et s'exhiber nue le plus possible, consciente de ses charmes. Seul Renzo Montagnani tire son épingle du jeu dans la peau de l'oncle moraliste et puritain.


On retiendra du film quelques scènes disséminée ça et là et l'amateur savourera un surprenant clin d'oeil tout spécialement réjouissant ici puisqu'il aura noté que le film que le juge censeur doit visionner afin de lui accorder ou pas son visa n'est autre que le jubilatoiremondo de Joe D'Amato Emanuelle e le notti porno nel mondo.
Bien peu aguichant, dénué de réel érotisme, dépourvu de sa causticité, de son charme et surtout de toute énergie, bien peu convaincant et très rarement amusant, Pardon vous êtes normale? échoue sur toute la ligne. Comme quoi l'humour est un art qui n'est pas donné à tout le monde.