Enzo G. Castellari
Le cinéma de genre italien a tout au long des années 60, 70 et 80 eut ses maîtres dont Joe D'Amato, Lucio Fulci, Umberto Lenzi ou encore Sergio Martino pour n'en citer que quelques uns qui s'illustrèrent chacun dans une spécialité cinématographique donnée.
Mais s'il en est un qui contribua plus quiconque à lui donner ses lettres de noblesse c'est bel et bien Enzo G. Castellari. S'il marqua surtout les esprits ciné-bissophiles par ses westerns et ses polars urbains à la violence exacerbée, il sut également se diversifier et c'est toujours avec brio qu'il toucha à quasiment tous les genres.
Nous vous invitons donc sans plus tarder à découvrir le parcours sans faute de ce réalisateur qui honora le nom de l'illustre famille dont il est issu.
Enzo Girolami voit le jour à Rome le 29 juillet 1938 au sein d'une famille déjà célèbre dans le milieu du cinéma puisqu'il n'est autre que le fils du réalisateur Marino Girolami à qui on doit nombre de films de genre devenus pour certains des petits joyaux pour bissophiles avertis comme entre autres ZOMBI HOLOCAUST, CHALEURS EXOTIQUES, ROME VIOLENTE ou ITALIA A MANO ARMATO.
Il a également pour oncle le tout aussi fameux Romolo Guerrieri, artisan du film de genre qui nous délivra quelques sympathiques petites oeuvrettes parmi lesquelles les gialli L'ADORABLE CORPS DE DEBORAH, LA CONTRAFIGURA, le post nuke FINAL EXECUTOR, les polizeschi LIBERI ARMATI PERICOLOSI ou encore LA POLICE AU SERVICE DU CITOYEN.
Le destin du petit Enzo était semble t'il tout tracé et c'est tout naturellement qu'il va suivre les traces de son père. Il apparait ainsi dés l'âge de six ans dans quelques films paternels dans lesquels figure aussi son frère Ennio de quatre ans son ainé. Si faire l'acteur durant les vacances l'amuse plus qu'autre chose, y trouvant une bien récréative distraction, il poursuit un parcours scolaire des plus studieux. Il entre ainsi à l'Academy of Fine Arts et obtient un diplôme en architecture à l'université de Rome.
Si Enzo a toujours baigné dans l'univers cinématographique, goûté dés sa petite enfance aux joies d'être apprenti comédien, activité qu'il reprendra de temps en temps dans ses propres films en y faisant de petits cameos, c'est en 1960 à l'âge de 22 ans qu'il va passer aux choses plus sérieuses. Il devient assistant réalisateur pour son père sur CACCIO AL MARITO suivi de WALTER E I SUOI CUGINI, LE 7 MAGNIFICI en 1961, LES MOTORISEES et L'AFFAIRE LADY CHAPLIN sur lequel il est également maître d'armes en 1964, mettant ainsi en exergue son goût prononcé pour les cascades et les scénes de combat qui feront sa future notoriété.
En 1965, il assiste Alberto De Martino sur deux de ses westerns 100 000 DOLLARS POUR RINGO et DJANGO TIRE LE PREMIER en 1966.
Si c'est dans le western, genre alors très à la mode, qu'il fait ses premières armes, c'est dans ce riche filon qu'il s'adonne aussi à une toute autre activité dés 1963 et toujours pour son père, celle d'éditeur, notamment sur LES TERREURS DE L'OUEST mais aussi sur LES MOTORISEES, VENERI AL SOLE et VENERI IN COLLEGIO.
L'année 1967 sera déterminante pour Enzo puisqu'il va produire et surtout réaliser son premier film dont il écrit également le scénario, JE VAIS JE TUE ET JE REVIENS.
Le western était alors en Italie un des genres les plus en vogue et c'est ce qu'on offrait aux jeunes réalisateurs souhaitant débuter dans le métier d'autant plus que ces films étaient souvent des productions à petits budgets nécessitant peu de moyens et toujours rentables. Enzo n'échappe donc pas à la règle et signera désormais ses oeuvres du pseudonyme de Enzo G. Castellari, souhaitant ainsi se démarquer de son père, Castellari étant le nom de son épouse.
Pour être tout à fait exact, ce film n'est pas en soi son premier film puisque Enzo réalisa 10 ITALIANO PER UN TEDESCO, un film de guerre souvent attribué à Filip Walter Ratti. En fait, Enzo y était assistant mais devant la maladroitesse de Ratti, il prit les choses en main.
Il en va de même pour la co-production Italo-espagnole QUELQUES DOLLARS POUR DJANGO de Leon Klimovsky, un ami de son père, le tournage du film virant au vinaigre devant l'incapacité de Klimovsky à faire face aux demandes des producteurs espagnols.
Ce premier western de Castellari, JE VAIS JE TUE ET JE REVIENS avec en tête de distribution Georges Hilton et Eddie Byrnes, conte l'histoire de l'Etranger, un homme dont personne ne connait le nom mais dont la réputation de fin tireur et de pince sans rire n'est plus à faire. Il s'amuse à traquer un voleur ayant attaqué et dérobé le butin que contenait un wagon.
Castellari prend ici à contre-pied le western italien habituel, cynique et violent, en signant un film plein d'humour mais dont le final réservera pourtant quelques surprises. JE VAIS JE TUE ET JE REVIENS sera un beau succès en Italie propulsant Castellari au rang des jeunes réalisateurs prometteurs.
Cette même année, il réalise et produit une fois encore son second film 7 WINCHESTER POUR UN MASSACRE toujours avec Eddie Byrnes mais également son frère Ennio qui se tournera définitivement vers une carrière de comédien. Le film est à la croisée du western et du film d'aventures, riche en scènes d'action mais qui manquent encore un peu d'intensité. On regrettera aussi le manque de charisme des personnages principaux, trop fades, dont en tête celui qu'interprète Byrnes. Sans être un grand film, 7 WINCHESTER POUR UN MASSACRE reste un bon divertissement surtout visuel et narratif.
Il met ensuite en chantier TUEZ LES TOUS ET REVENEZ SEUL avec Frank Wolff mais surtout Chuck Connors alors inconnu. Il s'agit là d'un petit western décomplexé et convenu à la mise en scène agréable mais le film souffre de son manque d'inspiration et de personnages certes emblématiques mais trop unidimensionnels. Il demeure là encore divertissant, honnête mais sans plus.
Il donne à nouveau dans la comédie western avec AUJOURD'HUI MA PEAU DEMAIN LA TIENNE où on retrouve cette fois Antonio Sabato et un John Saxon adepte du trampoline. Castellari livre ici un petit western sans prétention, au ton assez léger mais rondement mené, enchainant courses effrénées, cascades et bagarres, le tout baignant dans un incessant humour toujours bon enfant. Si on y retrouve ce sens du montage très particulier, le film fait partie des précurseurs de MON NOM EST PERSONNE, film qui engendrera par la suite moult ersatz.
1968 est une année à marquer d'une pierre blanche dans la carrière de Castellari puisqu'il va nous livrer son vrai premier grand western. Profitant du succès incontesté de DJANGO de Sergio Corbucci, Castellari, comme nombre de ses confrères, reprend ce personnage et signe DJANGO PORTE SA CROIX connu aussi en France sous le titre HAMLET.
Si le film connait une fois de plus un joli succès en Italie, il porte surtout et avant ce qui sera désormais la patte de son réalisateur et fera son si célèbre style.
Sombre histoire à la narration complexe qui peut parfois rappeler son futur KEOMA, DJANGO PORTE SA CROIX possède tous les éléments qui feront le cinéma de Castellari. C'est déjà ce sens du montage si particulier et surtout ces nombreux et interminables ralentis qu'il tournait parfois avec plus de quatre caméras lors des scènes d'action et de combats. Castellari sera d'ailleurs accusé par ses détracteurs de copier le célèbre réalisateur américain Sam Perckinpah.
De son coté Castellari avoue que s'il admire Peckinpah, son style fut avant tout nourri par les films qu'il voyait alors mais plus particulièrement par une oeuvre qui le marqua profondément L'HOMME DE LA SIERRA de Sidney J. Furie. Il y trouva tout ce qu'il cherchait et attendait d'un film tant au niveau scénaristique que technique.
DJANGO PORTE SA CROIX est une histoire sombre aux limites du fantastique. Tout le film est en fait étrange tant au niveau du choix des décors et des paysages que du sort des personnages eux mêmes. Cette transposition d'Hamlet dans le cadre du western spaghetti malgré quelques faiblesses techniques confirmera le talent de Castellari dans l'univers du cinéma transalpin.
S'il abandonne un temps le western, il y reviendra en 1972 avec TE DEUM, nouvel essai dans la comédie spaghetti qui souvent divise le public. Si l'âge d'or du genre est alors révolu ce dont le film souffre indéniablement, Castellari a décidément opté cette fois pour la comédie à base de quiproquo et de gags souvent lourds qui feront surtout rire les amateurs de rots, de flatulences et de personnages souvent déjantés.
Mal à l'aise dans la comédie légère dont il ne fait que reprendre les grosses ficelles, Castellari se fourvoie dans cette histoire de chasse au trésor qui vaut surtout pour l'interprétation savoureuse d'un Jack Palance malicieux dans la défroque d'un prêtre bien peu catholique.
Si Castellari reviendra à la comédie western en 1976 avec CIPOLLA COLT interprété par son ami Franco Nero, triste pantalonnade où l'acteur aux yeux océan fait tant bien que mal le pitre en se démenant comme un diable dans un bénitier, c'est surtout cette même année qu'il signe ce qui restera comme son western le plus connu, KEOMA, toujours interprété par Franco Nero plus ténébreux que jamais dans le rôle éponyme, personnage quasi christique traversant cette histoire particulièrement sombre.
KEOMA est en fait un parfait mélange de western et de fantastique où Castellari met tout ce qu'il aime, un conte cruel et légendaire souvent lugubre où la Mort dans le sens le plus strict du terme est omniprésente. KEOMA prend par instant des allures de poème macabre, de chant funèbre quasi bergmanien où la chanson éponyme hurlée comme un entêtant leitmotiv sert de lien entre Keoma et la Mort, renforçant la douleur du héros.
Malgré un succès mitigé en Italie, KEOMA connaitra une carrière internationale mais cela ne suffira pas à relancer le genre qui s'éteindra doucement à la fin des années 70 avec notamment MANAJA de Sergio Martino en 1977.
Hormis le western, Castellari s'est tourné vers d'autres genres dans sa longue carrière. En 1969 il signe SUR ORDRE DU FURHER, un film de guerre au casting international puisqu'on y retrouve Frederick Stafford, Van Johnson, Renzo Palmer, Ida Galli ou encore Luigi Pistilli.
Situé en pleine deuxième guerre mondiale, ce film rondement mené mais dénué cette fois de tout ralenti vaut essentiellement pour ses séquences de bataille aériennes et de bombardements parfois prestigieux, la plupart étant filmées en split screen. L'attaque de Londres est en tout en point fabuleuse et restera un des grands moments de ce film qui offrira à Castellari une renommée internationale.
En 1971, il touche à un autre genre alors en pleine essor, le giallo. Il réalise en effet ce qui restera son unique essai pour ce style typiquement italien GLI OCCHI FREDDI DELLA PAURA avec Frank Wolff, Giovanna Ralli, Karin Shubert et Gianni Garko.
Sorte de remake de ORE DESPERATE, GLI OCCHI FREDDI DELLA PAURA tourne autour de la prise d'otages par deux criminels du neveu d'un riche avocat et d'une amie prostituée. On assiste ici à un huis-clos dans la maison de l'avocat particulièrement bien emmené par Castellari qui fait graduellement monter la tension et le suspens. Si l'histoire en elle même est des plus convenues et ne surprendra personne, outre ce suspens admirablement bien tenu, on retiendra quelques très jolis effets psychédéliques, une superbe photographie et surtout l'obsédante et sublime partition musicale signée Ennio Morricone pour laquelle le film doit beaucoup. Le seul moment qui se réclame du giallo à la Argento est la scène d'ouverture où une jeune fille est poursuivie chez elle par une silhouette toute de noir vêtue et armée d'un couteau qui la déshabillera du bout de sa pointe.
Si le western l'avait rendu célèbre dans les années 60 c'est avec un autre genre qu'on va dés 1973 l'associer définitivement, le polizesco ou polar à l'italienne, puisqu'il n'en tournera pas moins de cinq qui marqueront l'histoire. Plus qu'Umberto Lenzi ou Sergio Martino, deux des grosses pointures de ce cinéma à l'italienne, Castellari aime repousser les limites de la violence et de l'efficacité visuelle.
C'est avec détermination qu'il se lance dans ses polars urbains très inspirés du cinéma américain dont L'INSPECTEUR HARRY ou FRENCH CONNECTION que Castellari situe cette fois dans cette Italie en plein chaos social et politique, société décadente où règne la peur, la corruption et le terrorisme.
Il va tout d'abord nous livrer un LA POLICE ACCUSE LA LOI ACQUITTE au titre fort évocateur mais également connu sous nos cieux sous le titre TEMOIN A ABATTRE.
Franco Nero y tient le rôle d'un flic désillusionné qui va prendre les choses en main en tentant à sa manière de débarrasser la ville de Gênes de sa vermine le jour où son patron est tué sauvagement par une bande de voyous.
Bénéficiant d'une excellente réputation, le film est admirablement bien mené par un Castellari au meilleur de sa forme et brillamment interprété par Franco Nero et James Whitmore. Les séquences d'action sont époustouflantes ponctuées d'impressionnantes cascades, d'explosions et ce ses ralentis dont il a le secret renforçant l'impact de la violence souvent brutale. On pourra reprocher à Castellari sa nette prise de position politique mais on retrouve déjà là tout ce que fera les thématiques du genre: l'impassibilité de la justice, la violence comme seul moyen de réponse, la corruption des fonctionnaires et hauts dignitaires...
Rythmé par une bande-son fort efficace signée des frères De Angelis, agrémenté d'un montage audacieux, LA POLICE ACCUSE, LA LOI ACQUITTE, inspirée de FRENCH CONNECTION, donne d'emblée le ton de ce que seront les prochains opus de Castellari.
Prenant une fois encore comme thème l'auto-justice, son film suivant UN CITOYEN SE REBELLE toujours avec son ami Franco Nero va non seulement encore plus loin dans la violence mais se veut surtout plus ambitieux. On assiste là à la descente aux enfers d'un citoyen pris en otage et brutalisé par ses ravisseurs suite à un hold-up raté. Traumatisé par cette expérience, il aura recours à une violence expiatoire afin de retrouver ses bourreaux, le film enchainant humiliations sur humiliations jusqu'à l'affrontement final particulièrement violent.
Toujours plus fort toujours plus loin semble être alors la devise de Castellari. Son troisième polar atteint cette fois des sommets de brutalité. THE BIG RACKET, plus basique que UN CITOYEN SE REBELLE, met en scène un flic joué par Fabio Testi bien décidé à mettre un terme aux exactions d'une bande de jeunes hors-la-loi, pillant, rackettant les commerçants et allant même jusqu'au viol. Aidé par une bande d'ex-taulards impitoyables, il aura recours à tous les moyens pour exterminer cette lie.
THE BIG RACKET n'est autre qu'une vision d'une Italie au bord du chaos, prête à exploser, une société livrée à elle même où l'auto-justice fait rage, le tout dépeint par cette habituelle violence visuelle à toute épreuve à laquelle se mêle une partition musicale tout aussi percutante signée une fois de plus des frères De Angelis.
En 1977, il livrera un dernier polar ACTION IMMEDIATE qui cette fois est quelque peu en dessous de ses oeuvres précédentes, faute à un début trop mollasson. Après un départ plutôt laborieux où Castellari nous promènent de Carthagenes à Hong-Kong en passant par Amsterdam afin de donner au film une dimension internationale, le film prend une tournure plus intéressante lorsque démarre la seconde partie. On retrouve enfin le style Castellari tant apprécié avec ses cascades et poursuites effrénées, ACTION IMMEDIATE se transformant en une formidable et impitoyable chasse à l'homme filmée avec une maîtrise exceptionnelle. De terrains-vagues en entrepôts désaffectés, de stations de métro vides en immeubles en ruines jusqu'à l'ébouriffante poursuite en avions de tourisme, Castellari nous prouve qu'il n'a rien perdu de sa maestria. Les bissophiles auront également le plaisir non dissimulé de retrouver la belle Sherry Buchanan en prostituée arpentant les trottoirs d'Amsterdam le temps de quelques trop rares séquences.
Souvent considéré comme les précurseurs de films tels que UN JUSTICIER DANS LA VILLE, les polars de Castellari se démarquent de ceux de ses confrères par cette accumulation de violence et cette complaisance souvent malsaine. Ce qui les en rapprochait par contre, c'est que comme eux il y mettait en cause l'intégrité du système italien tout en exprimant graphiquement le vertigineux chaos dans lequel sombrait le pays.
Castellari devint alors la bête noire des critiques italiennes qui n'hésitèrent pas alors à le traiter de fasciste, la censure faisant le reste tout comme en France où ses films furent pour la plupart tous amputés de leurs séquences les plus brutales.
Après ces cinq films choc, le polizesco s'éteignant lentement, Castellari va se tourner vers un cinéma plus populaire et surtout plus axé tout public.
Outre donc CIPOLLA COLT, il tourne en une autre comédie LA GRANDE DEBANDANDE avec Ursula Andress et Aldo Maccione en Napoléon obèse, une pantalonnade légère, une farce bouffonne mais surtout ratée qui prouve que Castellari n'est pas réellement à l'aise dans ce type de films. Il avoue pourtant regretter de ne pas en avoir tourner plus, ce genre lui tenant particulièrement à cœur.
En 1978, il donne dans un style qu'il n'avait pas encore tenté et qui deviendra fort à la mode dans les années 80, le film de commando musclé, avec UNE POIGNEE DE SALOPARDS qui regroupe toute une panoplie de «gueules» dont Fred Williamson, Bo Svenson, Peter Hooten, Raimund Harmstorf ou encore Michel Constantin. Castellari peut donc se laisser aller aux scènes d'action avec un plaisir non dissimulé et le film reste à ce jour un de ceux que préfère son auteur.
En 1979, il refuse la réalisation de L'ENFER DES ZOMBIS qui reviendra à Lucio Fulci. S'il ne croit pas un seul instant au sucés du film, Castellari avoue surtout ne pas aimer le fantastique même si certains de ses films tels KEOMA en soit légèrement imprégnés. Ces histoires de morts-vivants rongés par le temps sortant de terre ne l'intéressent pas. C'est donc sans regret qu'il abandonne la proposition, décision qu'il ne regrette pas aujourd'hui.
Le film de requin étant par contre alors à la mode suite au succès mondial de LES DENTS DE LA MER de Steven Spielberg, il préfère donc s'atteler à la réalisation de TUEURS DE MONSTRES / CHASSEURS DE MONSTRES, coproduction italo-espagnole avec Franco Nero, Werner Pochath et Eduardo Fajardo.
Le tournage du film sera des plus chaotiques puisqu'une majeure partie sera improvisée suite au vol du scénario qu'Eduardo Fajardo conservait dans ses valises qui lui furent dérobées à l'aéroport. Agréable aventure tropicale tournée aux Caraïbes mâtinée de requins, cette chasse au trésor pourra à juste raison donc paraître totalement incohérente mais avouons que l'ensemble se laisse regarder sans déplaisir.
Durant ces vacances d'été Castellari va s'amuser à réaliser un film d'horreur LA DIABLESSE dont il n'achèvera pas le tournage. Réunissant l'insolente Leonara Fani et Caterina Boratto qui fut une des narratrices de SALO ET LES 120 JOURS DE SODOME de Pasolini, LA DIABLESSE tente de marier horreur et érotisme torride, l'heroine, possédée par l'esprit d'une sorcière, ne pouvant atteindre l'orgasme qu'en tuant. Ceci nous offre quelques beaux moments nécrophiliques renforcés par une très belle photographie. Malheureusement le film souffre d'un scénario des plus confus et guère logique. Au final, LA DIABLESSE est un film raté dont Castellari a toujours renié la paternité, pensant même qu'il ne sortirait jamais. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il découvrit qu'il avait été finalement distribué, achevé par Dieu sait qui.
Castellari va alors aborder l'aube des années 80 naissante avec un ultime polar, son cinquième, enterrant ainsi le genre. Ce sera LE JOUR DU COBRA avec Sybil Danning et Franco Nero en détective alcoolique. Loin semble être le temps de BIG RACKET et consorts à la vision de ce film d'une absolue mollesse où Nero traine paresseusement sa carcasse, naviguant sur un scénario d'un classicisme désolant. Cette histoire convenue à la mise en scène anonyme ennuie assez vite et s'oublie aussitôt le mot Fin apparaissant à l'écran. Castellari tente pourtant un cinéma inspiré de Chandler avec son détective en chapeau mais il ne semble guère être en forme. On retiendra une très belle photographie et quelques belles scènes comme celle ouvrant le film, la tentative de Nero de casser son personnage de flic brutal habituel pour un jeu plus subtil et plus décontracté mais ces qualités se noient dans l'inintérêt de l'ensemble.
L'Italie ayant toujours aimé s'approprier les grands succès du box office américain, Castellari va ensuite livrer en 1981 sa propre version des DENTS DE LA MER avec LA MORT AU LARGE avec en tête de distribution Vic Morrow, James Franciscus, Giancarlo Prete et sa propre fille Stefania Girolami.
Reprenant la trame du film de Spielberg, LA MORT AU LARGE est plutôt inoffensif et même parfois fort drôle avec ses poupées déchiquetées et ses maquettes qui explosent sur fond d'images cartes postales baignant sur une partition musicale très disco des frères De Angelis lorsqu'il n'atteint pas des sommets d'hilarité lorsque le grand requin blanc dévore non seulement des pontons mais avale littéralement un hélicoptère, véritable clou du spectacle.
Pour le reste, LA MORT AU LARGE est un agréable divertissement à la mise en scène vigoureuse et stylisée toujours aussi bien mené par un Castellari en pleine forme qui n'oublie pas au passage de caler quelques subtils ralentis.
Si le film connaitra un succès international inattendu, Universal intentera pourtant un procès à Castellari pour plagiat, l'affiche du film ressemblant trop à celle des DENTS DE LA MER d'autant plus que LES DENTS DE LA MER 3 était alors en pleine préparation.
En 1982 un autre film va devenir un véritable triomphe à l'échelle mondiale, c'est MAD MAX 2 de George Miller. Toujours prête à imiter et plagier ces blockbusters, le cinéma d'exploitation italien va donner naissance à un nouveau sous-genre: le post nuke.
Ce sont donc des hordes de punks hirsutes pourchassant de valeureux guerriers bardés de cuir dans des landes désertiques ravagées par l'holocauste qui vont débouler sur nos écrans. De Joe D'Amato à Bruno Mattei en passant par Ruggero Deodato et Lucio Fulci, le post nuke est à la mode et Castellari en signera pas moins de trois.
Le premier sera LES NOUVEAUX BARBARES qui aujourd'hui encore reste une référence en matière de post nuke transalpin. Interprété haut la main par Fred Williamson et George Eastman LES NOUVEAUX BARBARES est une oeuvre bis totalement délirante faite de bric et de broc mais utilisé de façon si ludique que le film en devient réellement séduisant. Aux voitures gadget semblant sorties tout droit d'un bazar pour enfants aux armures et costumes extravagants dont sont affublés nos punks en crêtes acrylique, LES NOUVEAUX BARBARES mêle avec entrain l'action et le délire de façon homogène en y ajoutant une dose de sadisme et d'audace typiquement italienne. Castellari ose en effet donner au film une touche homosexuelle plus que suggérée via ce personnage de méchant aux tendances sodomites joué par Eastman.
Véritable jouissance visuelle marquée par les habituels ralentis qui donnent aux nombreuses cascades la force qu'elles n'ont pas, LES NOUVEAUX BARBARES demeure un des meilleurs post nuke transalpins, ludiquement parlant.
Castellari enchaine ensuite ce qui demeure là encore un des post nuke les plus connus et appréciés, devenu au fil du temps un véritable classique du genre, LES GUERRIERS DU BRONX. S'il ne s'agit pas réellement d'un post nuke au sens propre du terme, aucune allusion n'étant faite à un quelconque holocauste nucléaire, LES GUERRIERS DU BRONX nous entraine dans les ruines du Bronx où désormais des gangs rivaux se font la guerre. Il y a notamment les Zombis et les Riders menés par Trash, un jeune rebelle. La riche héritière d'une société d'armes éminemment puissante est alors enlevée par les Zombis. Délivrée par Trash, l'affrontement entre les deux clans sera des plus sanglants.
LES GUERRIERS DU BRONX est en fait un mélange de NEW YORK 1997, LES GUERRIERS DE LA NUIT saupoudré d'un zeste de MAD MAX 2. Ce produit hybride oscille entre baroque et incohérence mais l'ensemble est joliment trashy. Castellari y déploie toute une panoplie de scènes d'action brutales et parfois même sanglantes qui plairont aux amateurs sans oublier cette violence stylisée qu'il maitrise totalement, magnifiée par une très jolie photographie. En plus de son coté seventies, LES GUERRIERS DU BRONX est bercé par une partition musicale à base d'orgue signée Walter Rizzati, dernier atout de ce concentré de science fiction et d'action.
LES GUERRIERS DU BRONX c'est aussi et surtout son interprète principal, le jeune Mark Gregory de son vrai nom Marco De Gregorio, que Castellari avait repéré dans une salle de sport.
Malgré un jeu de comédien plutôt médiocre et cette raideur qui le caractérisa par la suite et lui fit subir les railleries de ses partenaires, Marco possédait toutes les qualités de son personnage dont cette violence naturelle qu'il intériorisait et sut si bien faire passer à travers le rôle de Trash.
Le film fut un énorme succès au box office américain puisqu'il y atteignit la cinquième place et c'est tout naturellement qu'une suite fut donnée l'année suivante.
LES GUERRIERS DU BRONX 2 se situe toujours dans le Bronx qui cette fois est l'objet de convoitise d'une puissante société immobilière. Pour ses dirigeants il n'y a qu'une seule politique d'expropriation: l'extermination des habitants. C'est à un génocide auquel on assiste donc mené par une bande de mercenaires impitoyables. Trash va se dresser contre eux et tenter de les arrêter.
C'est à contre coeur que Castellari tourna cette séquelle dont il ne voulait pas. Uniquement réalisée à des fins commerciales, elle ne possède ni l'enthousiasme du premier opus ni la force.
On sent que Castellari fut contraint de la faire, subissant le film et l'ambiance s'en ressent. Même si la violence et l'action sont toujours présente, chacun semble faire le minimum y compris Henry Silva. Le tournage fut lui aussi contrarié par les états d'âme de Marco De Gregorio qui traversait alors une difficile période de sa vie, submergé par ses problèmes familiaux. Ce second opus lui permettra tout de même de poursuivre sa carrière dans ce type de rôles jusqu'en 1989 date à laquelle il se retira pour revenir à ses premières amours: la rue.
Par la suite Castellari va se tourner vers un cinéma de plus en plus grand public, allant de petites séries B en produits formatés sans guère d'intérêt.
Son dernier véritable film possédant un intérêt certain sera TUAREG LE GUERRIER DU DESERT resté inédit en France. TUAREG n'est qu'une transposition de RAMBO dans le désert saharien. On suit les aventures d'un tuareg incarné par les yeux bleu océan de Mark Harmon en pleine lutte contre l'armée ayant tué un militaire qu'il avait recueilli sous sa tente.
On retrouve là toute la force des précédentes oeuvres de Castellari et son sens inné de l'action. Aucun temps mort puisque TUAREG enchaine scènes de combats et de poursuites ponctuées d'explosions époustouflantes qu'il filme inlassablement au ralenti, décuplant toute leur puissance.
L'originalité du film provient surtout de cette étrange mélange de traditions tuareg ancestrales et de techniques modernes. Les chameaux côtoient allègrement les jeeps, les sabres se mélangent aux mitraillettes le tout sublimé par une photographie extraordinaire mettant en valeur les magnifiques étendues sablonneuses du Sahara s'étendant à perte de vue sous un ciel bleu azur.
La suite de la carrière de Castellari sera de moins en moins passionnante malheureusement. Il signe en 1985 LIGHTBLAST, un thriller inconsistant et formaté lorgnant trop souvent vers le téléfilm. On assiste là aux exactions d'un homme ayant volé une arme nucléaire et qui veut faire exploser toute une ville si une rançon ne lui est pas remise. Le seul vrai petit intérêt de LIGHTBLAST est la présence de l'ex-CHIP'S Erik Estrada en flic que ses admirateurs pourront voir nu entrain de servir un poulet rôti afin de délivrer une pauvre femme prise en otage!
Pour le reste, outre son coté ultra convenu, le film souffre d'un scénario farfelu, incohérent à souhait et d'une mise en scène mollassonne malgré quelques explosions filmées au ralenti et quelques poursuites haletantes. Force est d'avouer également qu'Estrada ne parvient à aucun moment à donner une certaine consistance à son personnage qui manque essentiellement de sérieux. LIGHTBLAST demeure un gentil divertissement oubliable.
Son film suivant, STRIKER, renoue avec la tradition du film d'action et d'aventures. Un aventurier, John Slade interprété par Frank Zagarino, doit cette fois délivrer un ami journaliste retenu prisonnier au Nicaragua par des sandinistes.
Voilà un sous Rambo typique qui ne manque en tout cas pas de punch, Castellari n'y allant pas avec le dos de la cuiller en matière d'action. On lutte, on se frappe, on s'entretue 90 minutes durant dans la joie et la bonne humeur sur fond de message politique. Si Frank Zagarino est impeccable en machine à tuer, on regrettera le jeu forcé des autres acteurs, John Steiner et John Philip Law en tête, surjouant ou totalement inexpressifs selon les scènes sans oublier des dialogues souvent risibles. STRIKER possède toutes les qualités du film d'action mais son manque de sérieux empêche de totalement y adhérer et il ne dépasse donc pas le simple stade de film divertissant, efficace sur l'instant, une œuvre Bis qui plaira à l'amateur de ce type de films.
En 1989, Castellari redonne vie au célèbre marin Sinbad avec SINBAD DES 7 MERS demeuré inédit chez nous également, un film totalement raté dont il a aujourd'hui honte. Interprété par le toujours monolithique Lou Ferrigno, SINBAD DES 7 MERS souffre surtout des problèmes de tournage qu'il rencontra suite à la faillite de la Cannon qui le produisait. Castellari abandonna d'ailleurs le tournage. C'est alors Luigi Cozzi qui en reprit les rênes sans l'accord de Castellari et le termina, en changeant le scénario et en le remontant à sa façon tant et si bien que le film ne ressemblait plus du tout à ce qu'il était à l'origine. Il en résulte une histoire d'une totale incohérence, sorte de patchwork indigeste qui mit Castellari en colère.
C'est vers la télévision que le réalisateur entame les années 90. Il tourne entre 1990 et 1995 plusieurs épisodes de la très populaire série EXTRALARGE avec Bud Spencer et Philip Michael Thomas.
En 1996, il décide de remettre en scène pour la télévision un nouvel épisode des aventures de Sinbad avec IL RITORNO DI SINBAD sur un scénario coécrit par George Eastman avec Kabir Bedi qui reprend donc le rôle éponyme, celui là même qui l'avait rendu célèbre en 1977 dans le SINBAD de Sergio Corbucci. On y retrouve aussi l'ex-lolita Romina Power qui faisait là son retour devant les caméras après un long silence dû à une vie personnelle des plus agitées.
Cette même année Castellari va revenir à ses premières amours, le western et livrer un étonnant JONATHAN DES OURS avec Franco Nero dans le rôle principal. Si le genre est mort depuis des années déjà, il va tenter de lui redonner vie et force est de constater que le résultat est surprenant. Il s'agit d'ailleurs là du western préféré de Castellari et un de ses films qu'il trouve le plus abouti, avis partagé par Nero lui même.
Il nous conte l'histoire d'un enfant, Jonathan, qui va voir sa famille massacrer sous ses yeux. Il va être recueilli par un ours et un vieux chef indien. Une fois adulte, il fera tout pour retrouver les responsables du massacre.
Sous bien des aspects, JONATHAN DES OURS ressemble à KEOMA avec cette touche de fantastique et son message qu'il tente de délivrer sur le racisme, ici l'Homme blanc face aux indiens. Le film est tout empreint de sentimentalisme, dégageant un évident potentiel émotionnel. Surprenant donc et sous bien des aspects, voilà un retour aux sources totalement réussi.
Par la suite, même s'il n'a jamais été très attiré par les productions télévisées, leur préférant le grand écran, il va comme bien de ses confrères y consacrer le restant de sa carrière en réalisant quelques téléfilms dont le dernier date de 2002, date à laquelle Castellari se retira gentiment, goûtant à une retraite fort bien méritée après tant d'années de bons et loyaux services au service d'un cinéma qui fit, fait et fera encore les plaisirs de nombreux fans d'un certain cinéma italien.
Enzo Castellari, reconnu par ses pairs et dont le talent n'a d'égal que la sympathie, a désormais sa place bien méritée au panthéon des réalisateurs du cinéma de genre transalpin.