Le maudit, le mystique et le charmeur: Benjamin Lev, Pier Maria Rossi, Gianluigi Chirizzi
Pour cette septième édition de nos Visages d'un jour visages de toujours le Maniaco a aujourd'hui décidé de mettre plus en lumière trois nouveaux acteurs qui à leur façon ont marqué l'histoire du cinéma de genre chacun à leur manière sans qu'on puisse toutefois réellement savoir qui se cachait derrière les personnages qu'il ont interprété avant de disparaitre aussi brusquement qu'ils étaient apparus. Trois jeunes acteurs tous plus différents les uns des autres, trois comédiens avec chacun son propre style, son propre charme mais qui avait pour point commun outre leur talent leur beauté physique à laquelle nous avons tous un jour ont succombé.
Voici que se lève sans plus tarder une part du mystère sur Benjamin Lev, Pier Maria Rossi et Gianluigi Chirizzi.
Si les origines de Benjamin Lev, parfois crédité sous le nom de Benjamin Levi, restent floues, il serait né en 1946 ou 1947 à Beyrouth, ce qui est certain c'est qu'il vivait aux USA avant d'arriver à Rome à la fin des années 60. Benjamin partage alors un appartement avec le propriétaire du célèbre sauna Le Hilton et fait partie comme de nombreux jeunes hippies d'une coopérative. Il débute sa carrière de comédien en 1968 lorsque Gianni Puccini lui offre la chance d'interpréter Ettore, le plus jeunes des sept frères Cervi dans le très beau I sette fratelli Cervi. Le film lui ouvre les portes de Cinecitta. Dés lors, Benjamin dont le physique rappelle irrésistiblement celui de Franco Citti jeune ne cessera plus de tourner. Durant quasiment neuf années, il enchainera à une vitesse phénoménale films sur films tout en multipliant les plus grands metteurs en scène. Après avoir été le fils de Ugo Tognazzi dans
la mini série FBI Francesco Bertolazzi investigatore puis un des principaux protagonistes du rarissime Madness - gli occhi della luna de Cesare Rau on le voit chez Werner Fassbinder pour Attention à la sainte putain, chez les frères Taviani pour Allonzanfan, chez Pietro Germi pour Serafino ou l'amour aux champs dans lequel il est le jeune berger ami de Adriano Celentano, chez Vittorio de Sisti pour L'interrogatorio, il est enfin le compagnon de Charles Bronson dans La cité de la violence de Sergio Sollima. Benjamin est également à l'affiche de quelques films d'exploitation puisqu'on le trouve au générique du tortueux giallo de Mario Caiano L'oeil dans le labyrinthe, il est le complice de l'helvète Brigitte Skay dans le thriller de Luigi Batzella Lo strano ricatto di una ragazza per bene et traverse joyeusement quelques comédies telles que Scusi eminenza posso sposarmi de Salvatore Bugnatelli, Amore e ginnastica auprès de Senta Berger et Lino Capolicchio et Si ce n'est toi c'est donc ton frère dans lequel il est l'assistant du shérif joué par Pino Ferrara.
La plupart des réalisateurs pour qui Benjamin a travaillé gardent de lui le souvenir d'un garçon hyper actif, physiquement très agréable et doté d'un réel talent de comédien. Benjamin était un touche à tout multipliant les activités sur les plateaux. C'est ainsi que pour Madness de Cesare Rau dont il est un des deux protagonistes principaux Benjamin travailla sur la post production du film. Malheureusement son addiction aux drogues le rendait souvent difficile à gérer. Rares étaient les fois où il n'était pas sous leur emprise durant les tournages, jamais à court de joints. Lorsqu'il tourne Jeunes désespéré et violents de Romolo Guerrieri le cinéaste se souvient qu'il fut arrêté pour une sombre affaire de détention de produits stupéfiants ce qui obligea le metteur en scène à utiliser une doublure. Fort heureusement l'affaire n'eut pas de suite et fut close rapidement mais Guerrieri ne connut jamais le véritable fond de l'histoire. Reste que la composition survoltée de Benjamin dans ce superbe polizesco est tout à fait stupéfiante.
C'est en 1976 que Benjamin tournera son ultime film l'étrange et déjantéLa febbre del cinema / Movie rush de Ottavio Fabbri dans lequel il est Valzi, un cinéaste halluciné qui met en scène ses délires. Le comédien disparaitra par la suite sans laisser de trace comme s'il s'était volatilisé de la surface de la planète au grand désespoir de ses nombreux admirateurs. Nombreux sont ceux qui tentèrent de le retrouver mais en vain. Talentueux, Benjamin Lev restera à jamais un de ces nombreux acteurs maudits du cinéma italien de cette époque dont on aime se souvenir des compositions qu'il interpréta avec force et conviction.
Tout aussi mystérieuses sont les origines de Pier Maria Rossi parfois crédité sous le pseudonyme Piero Rossi dont on ne sait quasiment rien si ce n'est qu'il entama sa carrière de comédien en 1972 en apparaissant dans un des segments de la décamérotique de Enrico Bomba L'Aretino nei suoi ragionamenti sulle cortigiane, le maritate e... i cornuti contenti qui fut également le premier rôle au cinéma de la future sexy starlette Karin Well.
On retrouve l'année suivante Pier Maria dans une seconde décamérotique signée cette fois Silvio Amadio E si salvo solo l'Aretino Pietro con una mano avanti e l'altra dietro dans laquelle il interprète un jeune moine puis il retrouve Enrico Bomba pour une troisième décamérotique Le milla e una notte... e ancora una volta. Il y joue le jeune Ahmet, un éternel insatisfait, qui lors du dernier segment franchit une porte magique derrière laquelle il pourra avoir tout ce qu'il souhaite avant d'en payer le prix fort. Est ce son regard empli de sagesse, son visage christique, sa barbe et ses longs cheveux noirs caressant un corps noueux mais
Pier Maria qui incarne une certaine beauté masculine typique de ces années "Peace and love" va très souvent être catalogué dans des rôles de hippie, de jeune homme sage plus ou moins énigmatique si on excepte son rôle dans Il figlio della sepolta viva, la séquelle de Sepolta viva / La tour du désespoir de Aldo Lado, auprès de Eva Czemerys dont il joue le cruel et dévoué amant. Il fait ensuite une courte apparition dans l'intéressant drame historique ... E di Saul e dei sicari sulle vie di Damasco de Gianni Toti avant d'obtenir pour la première fois un des rôles principaux dans un film. C'est Roberto Mauri qui lui fit ce plaisir en lui proposant d'incarner Thomas le jeune homme que recueille la trouble Camille Keaton
dans l'étrange et fascinant thriller Madeleine anatomia di un incubo. Parfait dans la peau de ce hippie sur lequel va lentement se refermer un piège inextricable, Pier Maria va cependant retrouver par la suite ces rôles de seconde ou troisième main dont il a l'habitude. On le voit ainsi auprès de la blonde Barbara Bouchet dont il avait été le jeune amant hippie joueur de flûte, un nouveau rôle sur mesure, dans la comédie douce amère de Giuliano Biagetti Ancora una prima volta prima di lasciarci. Sans sa barbe cette fois il retrouve Barbara dans le violent Quelli che contano de Andrea Bianchi dans lequel il est Paolo le jeune fiancé de l'innocente Patrizia Gori. Il apparait brièvement par la suite dans Io e lui, une petite comédie
salace signée Luciano Salce très inspirée du fameux Sexe qui parle de Frédéric Lansac puisque le héros interprété par Lando Buzzanca découvre que son pénis s'exprime!
C'est en 1975 qu'il obtint ce qui restera bien ironiquement son plus grand rôle au cinéma puisque le grand Roberto Rosselini lui offre la fabuleuse chance d'incarner Jesus dans sa version de la Bible, Le Messie. Malgré une honorable performance, son incarnation du Christ n'est cependant pas restée dans les annales. Quant au film il manque de relief et ne possède en rien l'ampleur épique des précédentes adaptations. Ce sera la toute dernière
apparition de Pier Maria au cinéma. S'il abandonne le grand écran il ne quitte pas pour autant l'univers artistique et c'est pour la télévision que le comédien va un temps travailler. Ce monde ne lui est pas inconnu puisqu'il avait déjà collaboré pour le petit écran en 1975 en décrochant une participation dans la mini-série Orlando furioso. Pier Maria apparaitra donc de temps à autre sur les chaines italiennes jusqu'au début des années 80. Il est au générique de la série en quatre parties Vita di Antonio Gramsci avant qu'on ne perde définitivement sa trace en 1982.
Beaucoup moins floues sont les origines de Gianluigi Chirizzi dont beaucoup se souviennent pour son rôle dans le mythique Le manoir de la terreur de Andrea Bianchi. Né en 1944 en Sicile, ce jeune ténébreux fit ses débuts au cinéma en 1972 à tout juste 18 ans dans Fellini-Roma dans lequel il ne fait qu'une très brève apparition pas même créditée en bel aristocrate. Son premier véritable rôle il obtient l'année suivante en 1973 en interprétant le jeune amant maudit de Ornella Muti dans Les religieuses du Saint Archange.
Cette même année on le voit aux cotés de Laura Antonelli dans le désormais célèbre Malizia de Salvatore Samperi. Dés 1974 le fringant Gianluigi va orienter sa carrière vers un genre alors très en vogue, la sexy comédie, qu'il ne quittera pratiquement plus par la suite. C'est avec Nipoti miei diletti qu'il ouvre le bal sous la direction de Franco Rossetti avant d'être trois fois de suite le partenaire de Gloria Guida. Il est en effet son perfide chevalier servant dans La raggazzina / La lycéenne découvre l'amour puis, odieux et calculateur,
dans Couples impudiques / Blue jeans où tous deux ont une brulante scène d'amour et enfin le médiocre Scandalo in famiglia / La lycéenne se marie. Il y interprète son jeune oncle amoureux de la Belle à qui il donne une bonne fessée. Gianluigi ne se contente pas de séduire Gloria puisque dans Quella provincia maliziosa c'est d'une toute jeune Karin Well dont il s'éprend avant de s'attaquer à Dagmar Lassander dans Atti impuri all'italiana dans lequel il est le malchanceux fils un peu niais de Maurizio Arena.
A la fin des années 70 Gianluigi délaisse la sexy comédie pour un style plus radical puisqu'il est un des principaux protagonistes, un des vaillants passagers du train qui osera s'attaquer aux voyous du rape and revenge de Ferdinando Baldi Terreur express avant de retrouver Karin Well pour ce qui restera son film le plus populaire, le très Z Manoir de la terreur de Mario Bianchi, un bien triste chant du cygne pour Gianluigi qui mettra ensuite un terme à sa carrière. S'il disparait des écrans de cinéma il n'abandonne pas pour autant l'univers artistique.
Le cinéma a toujours été pour Gianluigi une distraction, un joli passe-temps durant lequel il s'est bien divertit mais le théâtre a toujours été sa grande passion. Entre deux films Gianluigi écumait en effet les planches et c'est désormais sur scène qu'il allait continuer à exercer son métier. A ce propos Baldi est quelque peu amer. En se remémorant le tournage de Terreur express, il regrette le choix de certains comédiens et notamment celui de Gianluigi. Selon lui, les comédiens venus du théâtre sont souvent de piètres acteurs incapables de donner ce qu'un cinéaste attend réellement d'eux. Ce fut le cas de Gianluigi dont la prestation ne le convaincu guère.
Que nenni! A nos yeux Gianluigi Chirizzi nous a toujours donné entière satisfaction et restera ce ténébreux bellâtre au charme typiquement méditerranéen qui sut si bien nous faire rêver en séduisant et enlaçant Gloria, Ornella ou encore Karin tout en nous séduisant également.