L'interrogatorio
Autres titres: The interrogation
Réal: Vittorio De Sisti
Année: 1970
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 80mn (version VHS) / 92mn (version longue)
Acteurs: Benjamin Lev, Paolo Gozlino, Brigitte Skay, Teodoro Corrà, Rino Bolognesi, Marcello Fusco, Giacomo Furia, Stefania Pecce, Luciana Antonelli, Martitia Palmer, Lucia Modigliani, Claudio Bernabei, Irio Fantini, Bruno Boschetti, Piero Gerlini, Giulio Vasilicò, Nerina Montagnani, Lucia Righi, Franco Magno, Filippo Perego...
Résumé: Un jeune garçon venu de la campagne tente sa chance à Rome. Le jour même de son arrivée il se retrouve bien malgré lui embarqué dans un sordide fait divers. Une femme est assassinée dans un immeuble. Les résidents le voient s'enfuir de son appartement. Arrêté il devient pour la police le parfait coupable. Un long interrogatoire commence où ils vont essayer par tous les moyens de lui faire avouer ce qu'il a fait ou ce qu'il n'a peut être pas fait...
Après avoir débuté à la fin des années 60 dans le mondo, plus exactement le sex mondo, avec ces cours d'éducation sexuelle très rigolos qu'étaient Inghilterra nuda / L'angleterre nue et Scusi, lei conosce il sesso? et avant de se tourner vers la comédie Vittorio De Sisti, metteur en scène méconnu qui mériterait d'être réhabilité, signa trois drames sociaux aujourd'hui bien oubliés le curieux Spogliati, protesta uccidi: quando l'uomo è la preda, l'érotico-morbide Quando l'amore è sensualità et le premier d'entre eux réalisé en 1970, L'interrogatorio.
Le jeune Aldo Contini vient tout juste de quitter sa campagne natale, quelque part à Peruggia, pour Rome afin d'y trouver du travail et de tenter sa chance dans la capitale. A 7 heures du matin il sort de la gare, déambule dans la ville éternelle, aperçoit deux filles qui bronzent sur la terrasse d'un immeuble. Un homme les rejoint. Tout trois s'enlacent, s'embrassent. Aldo les observe. L'homme l'aperçoit. Aldo s'enfuit et se blesse à la tempe en heurtant une antenne de télévision. Il dévale l'escalier de l'immeuble au moment même où la domestique de l'impudente Claudia découvre son corps inanimé. Elle hurle dans la cage d'escalier. Tous les résidents tentent d'attraper Aldo qu'ils pensent être l'assassin. Il finit sa
course folle dans la rue où finalement la police l'attrape alors que la foule s'apprête à le lyncher. Pour le commissaire D'Auserio Aldo est le parfait coupable. Il va passer son temps à l'interroger, le harceler d'autant plus que tout joue contre lui. Aldo, épuisé, finit par craquer et commence à imaginer ce qui s'est passé, à vivre les faits qui lui sont reprochés. Finalement les preuves qui l'accablaient sont levées. Aldo est sur le point d'être libéré. Il en reste pourtant une, le sang de la victime que ses chaussures que le garçon ne peut expliquer sauf s'il est bel et bien l'assassin. Ce détail va être décisif et conduire au dramatique final.
Le film de Vittorio De Sisti porte très bien son titre qui reflète parfaitement ce à quoi il ressemble, un long et exténuant interrogatoire, un quasi huis-clos dans un commissariat entrecoupé de flashbacks où le jeune Aldo revit son arrivée à Rome, sa rencontre avec ces deux filles et sa fuite éperdue dans la cage d'escalier de l'immeuble où s'est produit le crime dont on l'accuse. Etre au mauvais endroit au mauvais moment, faire à cet instant ce qu'il ne fallait surtout pas faire, voilà qui pourrait résumer ce qui arrive à ce jeune homme qui quittait pour la première fois sa campagne natale pour tenter sa chance à Rome, la tête pleine d'espoirs et d'envies. En quelques heures seulement il va plonger dans un cauchemar dont
il ne pourra plus sortir. Reste à savoir s'il est bien l'assassin ou si tout joue contre lui. Tout l'intérêt du film est là. Faut il se fier aux apparences sans tenter de creuser un peu plus? Telle est la question que De Sisti semble vouloir poser ici. Pour le commissaire Aldo est le coupable idéal, inutile d'aller chercher plus loin. Bien au contraire. Peu lui importe la vérité, l'important est d'avoir un coupable à jeter en pâture au peuple. Durant donc quatre vingt dix minutes il va s'acharner contre lui, le détruire pyschologiquement et physiquement, démontant minutieusement chacune de ses tentatives d'explication jusqu'à ce qu'il s'embrouille, se contredise, par conséquent s'enfonce de plus en plus, lors d'un
interrogatoire parfois brutal (coups, passages à tabac, manoeuvres déstabilisatrices) qui va durer des jours. Mais il n'y a pas que le commissaire qui est contre lui, il y a le bon citoyen également. Pour tous les résidents de l'immeuble qui l'ont vu s'enfuir, pour la foule dans la rue prête à le lyncher lors de sa course effrénée il est aussi le meurtrier tout désigné. Il n'y a pas à aller voir ailleurs et si jamais le doute s'immisçait quoi de plus simple que de se laisser influencer. Dans un tel contexte difficile de prouver son innocence. Peu importe la vérité, le sort en est jeté. Ne reste qu'à avouer ce dont on est accusé et retracer les faits réprimandés comme ils nous sont racontés. Dans ses flashbacks le pauvre garçon ne revit
pas ses souvenirs, le déroulement de cette journée de cauchemar, il imagine simplement ce que le commissaire aimerait qu'il ait commis.
Il est toujours ambitieux voire risqué de mettre en scène un huis-clos, étant facile de vite ennuyer le spectateur. Sans être une totale réussite le pari du réalisateur est loin d'être inintéressant encore moins fastidieux. L'interrogatorio se suit avec plaisir grâce notamment à son rythme soutenu, l'absence de temps mort, un montage souvent convulsif propre à désorienter le public, une construction originale (l'utilisation d'un jeu de flashbacks où se mêlent réalité et imagination) et une interprétation convaincante notamment de son principal
protagoniste, un tout jeune Benjamin Lev dont le physique candide est ici tout à fait adapté à son personnage qui très souvent a des airs de petit garçon fragile, complètement perdu. Après des débuts remarqués dans Serafino l'amour aux champs et I sette fratelli Cervi Benjamin confirme ses talents d'acteur et offre une remarquable performance à la limite par instant de l'hystérie. Il porte une bonne partie du film sur ses frêles épaules et donne une véritable épaisseur à ce rôle difficile. Autres atouts du film une sympathique visite de la Rome de cette époque et ce coté pop-arty qui ne manquera pas de charmer l'oeil de tout amoureux de la fin des années 60 et du début des années 70 appuyé par une bande
originale très rock psychédélique signée des Renegades, un groupe anglais qui s'installa un temps en Italie pour y chercher le succès (en vain).
Aux cotés de Benjamin on retrouve Giacomo Furia dans la peau du juge tandis que Paolo Gozlino (le commissaire), Piero Gerlini, Teodoro Corrà et Rino Bolognesi sont les policiers qui tour à tour font passer à Aldo cet interrogatoire infernal. La petite touche érotique revient à la charnelle teutonne Brigitte Skay (la victime) qui nous offre un peu de nudité non négligeable.
Ecrit entre autres par Mario Imperoli L'interrogatorio fait sans aucun doute partie des meilleurs films du réalisateur. Malgré ses défauts et un final amer, inexorable, que certains
auront peut-être deviné (il n'y a qu'à regarder attentivement les toutes premières images du film pour comprendre qu'il y a deux personnes) ce drame est une véritable petite curiosité d'autant plus d'actualité aujourd'hui que les tribunaux publiques et médiatiques sont de plus en plus au gout du jour. Chacun de nous pourrait être un nouvel Aldo. L'interrogatorio fait malheureusement partie de ces pellicules totalement oubliées devenues rarissimes au fil du temps (comme la plupart des oeuvres de De Sisti). N'existent pour découvrir cet interrogatoire que la vieille et fort moyenne édition vidéo italienne sortie jadis et un passage télévisé de très bonne qualité diffusée il y a quelques années sur la chaine Mediaset. Il est
intéressant cependant de savoir que ces deux versions sont différentes. L'antique version vidéo propose une ouverture et une conclusion qui n'ont rien à voir avec la version originale. Les sept premières minutes ont été remontées, chamboulées. Cette version débute ainsi sur le plan de Claudia morte, allongée sur le sol, suivi de la scène où Aldo s'enfuit de l'appartement alors qu'apparait le titre du film en anglais (The interrogation). Le final est quant à lui totalement différent beaucoup moins fin, moins subtil que celui de la version originale. On suppute que cette vieille édition vidéo soit celle qui fut autrefois destinée au marché étranger. La version programmée sur Mediaset, beaucoup plus longue, est le montage original du film. On y retrouve l'ouverture particulièrement violente où on assiste aux jeux sadomasochistes de Claudia qui vont entrainer sa mort involontaire et la conclusion tels que De Sisti les avait tourné. C'est donc cette version qu'il faut privilégier pour le peu qu'on puisse mettre la main dessus.