Quelli che contano
Autres titres: Cry of a prostitute
Real: Andrea Bianchi
Année: 1974
Origine: Italie
Genre: Polar
Durée: 93mn
Acteurs: Henry Silva, Barbara Bouchet, Fausto Tozzi, Alfredo Pea, Patrizia Gori, Pier Maria Rossi, Giancarlo Del Duca, Dada Galotti, Carla Mancini, Pietro Torrisi, Mauro Righi, Enrico Marciani, Omero Capanna...
Résumé: De retour d’Amérique, Tony Anianti est chargé par Don Cascemi de rétablir l’ordre dans un petit village sicilien où deux familles mafieuses se livrent une guerre sanglante qui risque de nuire à la mafia et au trafique d'héroïne à laquelle elle se livre. Un véritable jeu de massacre commence entre les deux clans...
Si le nom de Andrea Bianchi reste avant tout associé à deux des principaux joyaux de l'euro-trash transalpin des années 80 que sont Malabimba et Le Manoir de la terreur ainsi qu'à ses productions érotiques et pornographiques le réalisateur signait en 1974 ce polar mafieux particulièrement brutal et sanglant plutôt étonnant qui demeure à ce jour son film le plus abouti et surtout le plus intéressant.
Fortement inspiré du Parrain, Bianchi livre ici une histoire certes banale et peu originale, une classique histoire de rivalité entre deux clans mafieux teintée d'un zeste de Roméo et Juliette, l'ensemble assaisonné à la sauce western. Et c'est ce mélange détonnant qui est un des principaux atouts du film qui puise sa force dans cette atmosphère qui rappelle de façon évidente celle des western-spaghettis notamment ceux de Sergio Leone. Quelli che contano tire définitivement vers Pour une poignée de dollars quant à son intrigue mais également Pour quelques dollars en plus et Django.
Le personnage campé par Henry Silva tient beaucoup de ces héros solitaires et vengeurs tant par ses apparitions fantomatiques que par l'inquiétant sifflement qui accompagne chacune de ses arrivées dans ce décor aride écrasé par un soleil de plomb donnant ainsi à l'ensemble une aura quasi fantastique. Bianchi transpose donc les bases du western spaghetti dans un contexte cette fois mafieux et impitoyable d'où la seule lumière d'humanité est d'une part la belle mais trop peu développée histoire d'amour entre la fille de Don Cascemi et le neveu de son ennemi juré et les flashes-back qui nous apprennent le douloureux passé de Silva.
Le résultat s’avère assez vite fascinant de par cette ambiance de dégénérescence et de folie morbide particulièrement réussie. C'est à un véritable jeu de massacre auquel Bianchi nous invite dés les premières minutes, une ouverture qui donne le ton du film, une décapitation lors d'un violent accident de la route. Le plan suivant nous entraine dans une morgue où le ventre d'un enfant est ouvert afin que le commissaire y déniche l'héroïne qui y est cachée. Malsain, macabre, complaisant, gratuit (le plan sur la tête décapitée que tient dans ses mains l'inspecteur), Bianchi n'évite aucun détail sordide, une attitude qu'il gardera tout au long du film. On ne compte plus les têtes qui explosent sous l'effet des balles, les effusions de sang
sans oublier ces scènes presque surréalistes où entre autres une hystérique tranche à la scie le crâne d'un malfrat ainsi que celle où Silva écrase au rouleau compresseur le corps de deux hommes. De cette hécatombe déjà fort sanglante au départ émerge un moment d'une rare sauvagerie, la brutale sodomie de Barbara Bouchet, le visage en sang, et sa correction suivie de son viol, agonisante, frappée et défigurée à la boucle de ceinturon. Rarement avait on atteint un tel degré de sauvagerie dans ce genre qu'est le polar transalpin si ce n'est dans certaines oeuvres fortement décriées telles que I ragazzi della Roma violenta et I violenti di Roma bene. Rien ni personne ne trouve grâce aux yeux de Bianchi, ni les femmes ni les enfants handicapés, le personnage campé par le jeune Alfredo Pea, ou non.
Quant aux personnages eux mêmes, Bianchi dresse un portrait au vitriol de ces deux familles ennemies, composées d'une horde de bêtes sauvages, des fous sanguinaires tous plus dépravés les uns que les autres. Et si le goût du sang n'est pas leur raison de vivre, Bianchi en fait des handicapés ou des malades mentales hystériques. Le personnage central quant à lui est tout aussi cruel et sadique que ceux qu'il est chargé d'éliminer.
Doté d'une mise en scène non pas exceptionnelle mais simplement honnête et sans temps mort, Quelli con contano doit également beaucoup à la beauté sauvage de ses décors naturels sublimés par la photographie léchée de Carlo Carlini. Si l'intrigue est censée se dérouler en Sicile, le film fut tourné dans le Latium, à Montecello, et en Ligurie.
Le film n'évite pas par instant le ridicule et n'est jamais très crédible ne serait ce que dans le grand guignolesque de ses meurtres et l'inutilité de certains personnages. Ainsi celui qu'incarne Barbara Bouchet, prostituée alcoolique et nymphomane, épouse de Don Cascemi, est ici quelque peu déplacé et n'a guère d'autre fonction que de se montrer en tenue sexy afin d'apporter au film son indispensable zeste d'érotisme.
On sourira également face à la sudation excessive de Silva qui d'un bout à l'autre du film dégouline mais détrempe surtout sa chemise sans jamais en changer.
Aux cotés de Henry Silva plus monolithique que jamais et Barbara Bouchet, on appréciera également une affiche de qualité puisqu'on retrouve Fausto Tozzi, Mario Landi, Giancarlo Del Duca, Vittorio Sanipoli, Patrizia Gori, Pietro Torrisi, Pier Maria Rossi, futur Messie de Francesco Rosi et le jeune Alfredo Pea dans son premier rôle à l'écran avant une longue carrière dans la sexy comédie.
Quelque soit ses défauts qui pourront parfois faire sourire, Quelli che contano est un très honnête film, certainement un des meilleurs si ce n'est le meilleur de la filmographie du réalisateur, violent, sauvage, excessif, fascinant, esthétiquement très beau, un pur exemple de cinéma d'exploitation jamais ennuyant.