Le regine
Autres titres: Les sorcières du lac / Les sorcières du bord du lac / Queens of evil / Il delitto del diavolo
Real: Tonino Cervi
Année: 1970
Origine: Italie
Genre: Fantastique
Durée: 83mn
Acteurs: Ray Lovelock, Silvia Monti, Ida Galli, Haydée Politoff, Guido Alberti, Gianni Santuccio...
Résumé: David, un jeune hippie, après avoir aidé un étrange homme tombé en panne au bord d'une route, passe la nuit dans une cabane au fond des bois. Au réveil, trois ensorcelantes femmes l'invitent chez elles. David accepte et semble vivre un véritable conte de fée. Mais très vite d'étranges faits se produisent. Hallucinations ou réalité, quand David réalisera dans quel horrible piège il est tombé il sera trop tard...
Après un premier film avec Bud Spencer sorti en 1968, le western écrit par Dario Argento Oggi a me domani a te, le metteur en scène et producteur Tonino Cervi signe en 1970 son second film et change cette fois radicalement de ton en s'infiltrant dans l'univers du fantastique. Le regine est une sorte de conte à la fois féerique et maléfique, envoûtant et étrange somptueusement mis en image.
Après un début en fanfare où David, le jeune protagoniste, aide un étrange homme victime d'une crevaison, le film adopte un rythme assez lent dés lors où il décide de passer la nuit
dans une cabane au fond des bois. Cervi s'évertue à instaurer une étrange atmosphère à la fois poétique et vénéneuse dans un merveilleux cadre naturel (les légendaires espaces forestiers de Faggeta du Mont Cimmino et le château de Chigi à Castel Fusano) dont il utilise le maximum des possibilités qu'il lui offre. Sous l'oeil avisé de Cervi, cette forêt se transforme en une véritable Brocéliande où tout donne l'impression de n'être que magie. La lumière semble danser entre les feuilles des arbres, chaque son résonne comme un chant divin lorsque apparaissent comme sorties de nulle part ces trois fées diaphanes et mutines, aussi belles qu'ensorcelantes qui vont étourdir le jeune homme pour mieux le conduire à sa perte.
Ebloui par ces trois créatures, il se laisse séduire, à la fois étonné et émerveillé par le charme qu'elles déploient et ces instants de bonheur qu'elles lui offrent. En cela Les sorcières du lac compte des séquences d'une rare beauté. Parmi celles ci la promenade sous un ciel rayonnant au milieu du lac pour la cérémonie des poissons où à chaque instant on s'attend à voir surgir des sirènes dans le clapotis de l'eau, la légende du château embrumé, la baignade de David et Samantha où la fée apparait et disparait à volonté dans les flots en appelant dans un hypnotique écho le jeune garçon, la poursuite en moto à travers les bois qui se termine par une superbe scène d'amour ou encore la légende du pommier
perdu au milieu des bois d'où vient la pomme que la fée fera croquer à David. De quoi rappeler la sorcière de Blanche Neige.
Mais tout conte de fées a son coté sombre, sa touche d'angoisse ou d'horreur. Entre deux rêves éveillés, David de plus en plus sous l'influence des trois femmes se retrouve plongé dans un univers de terreur et d'hallucinations qu'il ne contrôle pas. Lorsqu'il réalisera le piège dans lequel il est tombé, il sera trop tard. Les fées ne sont que d'horribles sorcières, des suppôts du Diable qui ont tissé leur toile sur le malheureux afin qu'il soit sacrifié sur l'Autel de leur Maitre Satan dans le château embrumé.
De la féerie, Le regine passe alors au simple stade de film satanique où Cervi déploie toute la panoplie du genre. Orages nocturnes, pluie battante, cérémonie magique dans les bois, réunion de sorciers célébrant la fête de l'été durant laquelle David sera livré à la plus jeune fée afin qu'ils copulent ensemble et soit ainsi damné pour l'éternité. La beauté se transforme alors en repoussante laideur, les trois fées ne sont plus que des harpies échevelées qui massacrent à coups de serpette, hache et couteau leur victime, le réduisant en charpie sous l'oeil réjoui de cette incarnation du Diable.
Si Les sorcières du lac est une fable cruelle et hypnotique où on retrouve une bonne part de
l'imagerie des contes de grand-mère, le film cache pourtant un pseudo discours socio-politique cher aux années 70. La jeunesse représente le péché et le danger, la bourgeoisie est l'image même de la perversion, le Mal et par conséquent de l'Enfer. Les bourgeois et hauts dignitaires de notre société ne sont en fait que des démons en quête de pêcheurs. Si la jeunesse ne pêche plus par la chair car le sexe n'est plus un tabou, si la libération des moeurs trop permissive devient une grave menace pour le mal, où le Diable trouvera t-il ses ouailles pour peupler l'Enfer si ce n'est en piégeant de malheureuses victimes en les entrainant dans les bras de redoutables incubes? La bourgeoisie est donc mise sur la
sellette, une fois de plus coupable de tous les maux, tous les vices, gangrène de notre société. Le discours reste inchangé et Tonino Cervi n'apporte rien de plus au sujet qu'il a choisi d'illustrer à travers ce conte satanique.
Dénué de tout effet choc si on excepte le sanglant final, doté d'une mise en scène très juste, d'une photographie sublime et de décors arty pop multicolores au charme irrésistiblement psychédélique, Le regine est un film fantastique au véritable sens du terme, un film d'atmosphère auquel on accrochera ou pas auquel cas il pourra sembler un rien ennuyant.
Les trois fées, drapées dans de somptueux costumes psychédéliques fortement estampillés
années 70 ont le visage de l'élégante Ida Galli, de la brune Silvia Monti et de l'innocente et candide Haydée Politoff qui comme pour la majorité des films qu'elle tourna en Italie le déteste, en n'hésitant pas à le traiter de chose ridicule".
Particulièrement bien mises en valeur, elles dégagent un érotisme à fleur de peau et bien peu ne succomberait pas à leur terrible pouvoir de séduction. On comprend donc le pauvre David interprété par un tout jeune Ray Lovelock aux allures hippie tout juste sorti du sexy thriller de Umberto Lenzi Un posto ideale per uccidere qui de manière certes plus pudique
se dénude également pour notre plus grand plaisir lors de très nombreuses scènes où Cervi essaie visiblement de mettre en avant son coté jeune séducteur.
Il est à noter que, comme très souvent à cette époque, Ray est aussi le compositeur et l'interprète de la superbe chanson du générique "We love you underground" et de la tout aussi belle composition "Swimming" qu'on entend en fond lors de la scène du lac.