Avere vent'anni
Autres titres: Avoir vingt ans / To be twenty / Being twenty
Real: Fernando Di Leo
Année: 1978
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 93mn
Acteurs: Lilli Carati, Gloria Guida, Ray Lovelock, Vittorio Caprioli, Vincenzo Crocciti, Leopoldo Mastelloni, Daniele Vargas, Giorgio Barcardi, Roberto Reale, Raoul Lo Vecchio, Fernando Cerulli, Licinia Lentini, Camillo Chiara, Flora Carosello...
Résumé: Lia et Tina ont vingt ans. Elles font connaissance sur une plage et décident de partir à l'aventure le long des routes en se débrouillant comme elles peuvent. Jeunes, belles, insouciantes et révoltées, elles vont d'aventures en aventures jusqu'au moment où elles prennent pour toit un curieux gîte hippie peuplé de jeunes contestataires. Le jour où la police en quête de drogues débarque au gîte et procède à l'arrestation de toute la communauté, Lia et Tina se retrouvent à la rue. Elles reprennent alors la route et s'arrête dans une auberge de campagne où elles vont mettre l'ambiance. Cela n'est guère du goût de la clientèle principalement masculine. Chassées de l'établissement, leur destin va alors basculer dans la plus innommable des horreurs...
Jamais je ne permettrais à qui quiconque de dire qu'avoir 20 ans est la plus belle période de la vie. C'est sur cette citation de Paul Nizan que s'ouvre le film de Fernando Di Leo, Avere vent'anni, devenu au fil du temps une oeuvre culte pour beaucoup d'amateurs pour son incroyable final aussi brutal qu'inattendu. C'est peut être également ce qu'auraient pu penser Lia et Tina, les deux jeunes héroïnes, si elles avaient su ce que le destin leur réservait. Si Avere vent'anni est devenu fameux pour cette conclusion d'une violence inouïe, le film de Di Leo risque pourtant de surprendre voire fortement décevoir ceux qui en attendaient un déluge de brutalité, une oeuvre musclée comme le réalisateur nous y avait généralement habitué.
En fait, Avere vent'anni est un curieux mélange de trois genres distincts. Le film débute comme une comédie sur fond de contestation juvénile et de liberté sexuelle. Deux jeunes filles âgées de 20 ans, Tina et Lia, font connaissance sur une plage ensoleillée au milieu d'une bande de hippies. Elles décident de profiter ensemble de la vie et partent le long des routes avec pour devise "Nous sommes jeunes, nous sommes belles, nous sommes révoltées". On y retrouve quelque peu l'esprit contestataire sexe drogue rock'n'roll des road movies américains tels Easy rider ou même Thelma et Louise bien des années plus tard. Nos adolescentes peu farouches, pleine de vie, moulées dans leur micro short, partent ainsi pour un road trip que le réalisateur présente comme une série de mini aventures qui par instant n'est pas sans rappeler un certain cinéma vérité. C'est ainsi que nos deux jeunes filles déambulent, dansent et chantent à tue-tête sous le regard amusé ou étonné des passants qu'elles croisent. De ces séquences -vérité nait alors un bien agréable sentiment de liesse communicative, une sorte d'osmose entre le spectateur et ses deux gamines insouciantes dont le naturel le séduira instantanément. Leur périple les conduira dans une sorte de gîte, une communauté de hippies excentriques dans lequel elles trouvent refuge.
Le film amorce alors un virage et passe de la comédie facile mâtinée de road movie au film plus social. Di Leo, à travers ce groupe de jeunes contestataires menés par un gourou, Leopoldo Mastelloni, tente de donner sa vision sur les moeurs d'alors, notamment sur la liberté sexuelle, sur ses idées politiques tout en tentant de rester dans la satire sociale. Toute cette partie, la plus longue puisqu'elle occupe une bonne heure, est peut être la plus fastidieuse. On oublie le ton allègre de l'ouverture pour une inflexion plus sérieuse que Di Leo maitrise mal. Beaucoup trop longue et bavarde, cette partie casse un rythme déjà inégal mais fort heureusement le cinéaste l'a ponctué de séquences de nudité et de sexe particulièrement torrides. Ainsi, la blonde Lia, sensuelle, délicate, malicieuse orpheline à la morale bien personnelle en opposition à la beauté méditerranéenne et plus agressive de la brune Tina, éternelle affamée sexuelle, se déshabillent le plus souvent possible, aguichent et se donnent sans compter aux membres de la communauté. Elles nous offrent également une brûlante scène saphique qui restera dans les annales du cinéma de genre non pas pour son audace mais pour son extrême sensualité.
C'est dans sa dernière partie qu'on retrouve beaucoup plus la patte du metteur en scène qui de nouveau change de ton puisque le film vire au drame pour finir lors de l'ultime quart d'heure dans la plus totale sauvagerie qui se rapproche cette fois du rape and revenge. L'arrivée de la police va dissoudre la communauté hippie qu'elle va passer à tabac lors d'interrogatoires brutaux. Di Leo associe jeunesse et précarité avec drogues et illégalité ce qui mène d'une part à la révolte et d'autre part au rejet. Seules, désormais à la rue, nos jeunes filles n'en perdent cependant pas leur enthousiasme. Heureuses d'avoir trouvé une auberge, elles se mettent alors à danser toujours aussi insouciantes, heureuse de vivre et de s'amuser. Considérées comme des putains par une clientèle essentiellement masculines, elles sont éjectées de l'établissement. Egarées dans les bois, la nuit tombante, elles sont prises en chasse par les clients de l'auberge, à leur tête un chef mafieux impassible et cruel. Elles sont alors rossées de coups puis violées. Tina suspendue par les jambes sera violemment pénétrée par un gourdin de bois, Lia sera froidement abattue. Elles seront laissées pour mortes au milieu de la forêt.
Ce surprenant final d'une brutalité inouïe, certainement un des plus insupportables et réalistes jamais filmés dans le cinéma de genre italien, risque fort de mettre mal à l'aise bien des spectateurs. Totalement gratuit, d'une surprenante complaisance, aussi glacial qu'immoral, particulièrement douteux, il laissera un goût bien amer puisque Di Leo laisse supposer que séduire, s'amuser est un acte répréhensible, un péché que seul le viol peut punir. On restera donc quelque peu dubitatif sur le sens du message qu'il semble véhiculer. Doit on forcément mourir car on a voulu s'amuser, certes peut être un peu trop, sous prétexte qu'on a vingt ans et la vie devant soi? Doit on leur reprocher leur naïveté ou d'avoir joué bien involontairement la carte de la provocation? Avoir vingt ans est il tout simplement un crime?
Massacré jadis par la censure, mutilé lors de ses passages télévisés, amputé de ce final bestial pour sa version la plus soft et remontée, Avere vent'anni, drame pseudo-idéologique quelque peu répétitif, demeure cependant une intéressante mais bien peu indulgente vision très vintage de toute une époque définitivement révolue, celle de la jeunesse des années 70 et de sa révolte, ses illusions, ses rêves de liberté et d'émancipation. C'est principalement cette nostalgie pour toute cette époque qu'on retiendra du film, c'est ici sa force première, beaucoup plus que la tentative assez piètre d'analyse sociologique et de satire sociale qu'a tenté de faire Di Leo. Le mélange des genres est ici atypique mais il illustre assez bien la confusion qui régnait alors chez les jeunes, désorientés, utopistes, perdus dans un monde qu'ils voulaient refaire.
Le plus bel atout de Avere vent'anni est très certainement le duo explosif que forment Gloria Guida et Lilli Carati, deux des sexy divas d'alors indissociables des sexy comédies transalpines. Leur spontanéité, leur enthousiasme, en font une véritable ode à la joie de vivre et aux plaisirs des sens. Le tandem fonctionne parfaitement, véritable osmose entre la douceur de la blonde Gloria Guida qui dans un certain sens perpétue son rôle fétiche de lycéenne insouciante et pleine de vie et le tempérament beaucoup plus enflammé et aguicheur de la brune Lilli Carati. Pour information c'est Gloria elle même qui entonne l'entrainante chanson éponyme du film.
A leurs cotés on appréciera la présence de Ray Lovelock dans la peau d'un des jeunes hippies qui succombera aux charmes aux charmes de Lilli lors d'une scène où on pourra l'admirer entièrement nu. Le couple s'était déjà formé pour L'avvocato della mala / Gangbusters de Alberto Marras deux ans auparavant. Vittorio Caprioli, Vincenzo Crocciti et une toute jeune Daniele Doria complètent la distribution. Leopoldo Mastelloni, éternel figurant et troisième rôle du cinéma Bis, habitué plus généralement aux rôles de transsexuel, incarne cet étrange Pierrot muet en pleine méditation.
A sa sortie Avere vent'anni sera un cuisant échec dont le réalisateur aura du mal à se remettre. Il sera à l'origine du déclin de sa carrière. Di Leo ne tournera plus que de simples films de commande, des séries B de moindre intérêt avant son chant du cygne à la fin des années 80.