Uomini si nasce poliziotti si muore
Autres titres: Live like a man die like a cop
Real: Ruggero Deodato
Année: 1976
Origine: Italie
Genre: Polizesco
Durée: 90mn
Acteurs: Marc Porel, Ray Lovelock, Adolfo Celi, Marino Masè, Renato Salvatori, Alvaro Vitali, Franco Citti, Silvia Dionisio, Sofia Dioniso, Enzo Pulcrano, Bruno Corazzari, Daniele Dublino, Claudio Nicastro, Sandro Scarchilli, Margaret Hossowitz, Gina Mascetti, Benito Pacifico...
Résumé: Alfredo et Antonio sont deux jeunes flics bien peu conventionnels. Ils vivent ensemble, partagent tout. Plus proche de délinquants que de vrais policiers leurs méthodes sont aussi expéditives, violentes que peu orthodoxes. Leur chef les couvre en sachant bien au fond de lui que seule une violence encore plus radicale peut enrayer la progression de la délinquance. Alfredo et Antonio doivent alors mettre hors d'état de nuire un dangereux chef de bande: Roberto Pasquini dit Bibi...
Après une pause de deux ans durant laquelle il tourna beaucoup de spots publicitaires Ruggero Deodato revenait au cinéma en 1975 avec une dramatique érotique, Ondata di piacere, et Uomini si nasce poliziotti si muore / Live like a man die like a cop l'année suivante, sa seule et unique incursion dans un genre alors très en vogue en Italie, le polizesco.
Gros succès au box office italien même s'il sortit quasi simultanément avec le premier film de la série des Monezza, le personnage incarné par Tomas Milian, Uomini si nasce poliziotti si muore est aujourd'hui bien souvent comme un des meilleurs polizeschi. Si cela est discutable, force est de reconnaitre que le film est un des plus travaillés et des plus réussis de Deodato, réalisateur souvent inégal quelque soit les genres auxquels il ait touché. Ecrit par Fernando Di Leo, un des spécialistes du polar brutal à l'italienne, le film doit beaucoup à la griffe du maitre que l'amateur reconnaitra très facilement ici à travers cette surenchère dans la violence et la noirceur du récit que beaucoup comparèrent à une version survoltée de Starsky et Hutch auxquels les deux héros, Alfredo et Alberto font irrésistiblement penser, même si, dixit Deodato lui même, la série n'était pas encore diffusée en Italie.
Avouons que le tandem qu'ils forment est un des principaux atouts du film. Plus voyous ou délinquants que réellement policiers, le duo a recours a des méthodes bien peu orthodoxes pour arrêter les malfrats, des méthodes aussi brutales que les actes commis par ceux qu'ils pourchassent, souvent réprimées par leur chef qui cependant les couvre en sachant pertinemment que pour tenter d'enrayer la violence c'est d'avoir recours à une violence encore plus radicale. Cyniques, sans pitié, intrépides, c'est souvent par la mort que ces deux flics peu ordinaires au visage angélique les punissent.
Pourtant le point le plus intéressant du duo, celui qui d'ailleurs fut le plus sujet à controverse, est la relation qui lie ces deux jeunes policiers. Beaucoup virent entre eux plus qu'une simple amitié et n'hésitèrent pas à parler d'homosexualité déguisée voire refoulée même si à l'époque où fut tourné le film, on ne pouvait parler ouvertement d'homosexualité masculine encore plus dans ce contexte bien spécifique. Inséparables, complices, Antonio et Alfredo vivent ensemble dans un petit appartement, entretiennent une relation ambigüe tout en multipliant oeillades et empoignades viriles. La vision qu'ils ont du sexe et par extension de la gente féminine est aussi trouble. Certes ils aiment les femmes et abuser de celles qui traversent leur chemin mais au final c'est plus pour eux un jeu, aussi cynique que brutal, que leurs méthodes. Il n'y a aucun plaisir, aucune satisfaction et la femme n'est qu'un simple objet avec lequel on s'amuse. En fait le sexe n'est jamais pour eux qu'un moyen de plus pour contrecarrer la violence tout en assouvissant leurs pulsions perverses afin de mieux entretenir leur cynisme et par conséquent la noirceur du scénario. Deodato en profite pour y donner sa vision sur la condition de la femme dans les années 70, considérée comme un être faible, soumise au mâle tout puissant qui peut à tout moment prendre possession de son corps afin de satisfaire sa libido.
Si cette homosexualité latente est unique dans le genre et donne au film parallèlement à sa surenchère dans la violence son intérêt majeur, Uomini si nasce... souffre malheureusement de son humour omniprésent qui désamorce une grande part de sa brutalité. Toutes les séquences sanglantes et de violence pure s'en trouvent largement amoindries et perdent donc beaucoup de leur efficacité. C'est plus souriant voire hilare que choqué que le spectateur assiste à ce jeu de massacre qui finalement se transforme vite en une sorte de joyeuse bande dessinée pour adultes. Cet humour parfois fort noir (le chien de l'aveugle tué par une voiture) incessant donne au film un air de comédie policière quelque peu décevant et gâche le script de Di Leo, efface toute sa puissance d'autant plus que Deodato n'est ni Umberto Lenzi ni Di Leo. Il manque en effet cette perversité, cette énergie, l'implacabilité qui ont fait la réputation de leurs films et du genre en général.
Quant à dire que Live like a man die like a cop est le polizesco le plus violent jamais réalisé comme on le lit trop souvent, il faut donc relativiser l'affirmation et y mettre un bémol. Le film contient en effet de très nombreuses scènes sanglantes aux limites du gore (une jeune tirée sur le bitume, son sac à main attaché par une chaine à son poignet que le délinquant tente de lui arracher finit sa course la tête écrasée contre un lampadaire, les cervicales brisées d'un voyou, les maltraitances qu'infligent les deux policiers aux malfrats, l'énucléation d'un indic....) mais tout est si énorme et noyé dans cet humour constant que l'efficacité s'en trouve considérablement affaiblie. On est donc loin de certaines oeuvres beaucoup plus sérieuses de Lenzi ou Di Leo et surtout de films aussi bruts que brutaux dont la violence aussi gratuite qu'inouïe ne prêtait guère à sourire mais mettaient mal à l'aise tout en flattant les
bas instincts du spectateur. On pense notamment à Come cani arrabiati, I violenti di Roma bene, I ragazzi della Roma violenta...
On saluera la prestation du blond Ray Lovelock et du brun Marc Porel qui forme un tandem fort réussi et complémentaire. Ils incarnent avec aisance et surtout brio ces deux jeunes flics impétueux toujours de bonne humeur. A leurs cotés on aura le plaisir de retrouver de grands noms tels que l'excellent Adolfo Celi dans le rôle du chef de la police, Renato Salvatori, Marino Masé, Franco Citti, Enzo Pulcrano et même Alvaro Vitali dans le très court rôle d'un concierge pornophile. Silvia Dionisio, alors épouse du réalisateur, et sa jeune soeur, Sofia, créditée sous son nom d'artiste Flavia Fabiani, toutes deux reléguées à des rôles de simples figurantes, apportent la petite d'érotisme à l'ensemble.
Sans être ce chef d'oeuvre de violence qui en a fait sa réputation, malgré ses défauts et son humour trop appuyé, Uomini si nasce poliziotti si muore, rythmé par les jolies mélodies chantées par Ray Lovelock lui même, est un très bon polizesco bien peu conventionnel puisqu'il saborde les règles générales du genre. Il mérite donc toute l'attention de l'amateur.
Suite au succès du film en Italie (il est resté inédit sous nos cieux) une séquelle avait été prévue mais elle ne fit pas pour deux raisons, d'une part la concurrence du personnage de Monezza qui prenait de plus en plus d'importance dans le ciel du polizesco, d'autre part le producteur Alberto Marras désirait la réaliser mais Deodato s'y opposa. Marras mettra donc en scène son propre film toujours avec Ray Lovelock: L'avvocato della mala.