Paola Montenero: La déchéance d'un ange
Filiforme, diaphane, elle était tel un ange au paradis des sexy starlettes du cinéma de genre italien. Malheureusement au fil des années l'ange s'est brûlé les ailes et le sort s'est acharné sur cette fragile créature à laquelle tout semblait pourtant sourire. C'est en enfer qu'elle se retrouva bien trop vite, une longue chute durant laquelle sa vie ne fut que trop souvent souffrance. C'est ainsi qu'elle rejoignit la tragique destinée de certaines de ses consoeurs Karin Schubert, Paola Senatore et Lilli Carati. Il était normal que le Maniaco rende hommage à cette courageuse comédienne que personne encore moins ses nombreux admirateurs n'ont oublié. Découvrons aujourd'hui la dramatique descente aux enfers de l'angélique et malingre Paola Montenero.
Née le 13 mars 1951 à Rome Paola a toujours souhaité devenir comédienne. C'est ainsi qu'elle sort diplômée de l'académie d'arts dramatiques Silvio d'Amico. Nous sommes au tout début des années 70. Paola fait ses premiers pas sur les planches de façon plutôt remarquée. Elle interprète d'importantes pièces y compris de théâtre grec, Figlio di Iorio, l'expérimental Roma 335 ou Il ciclo et fait quelques apparitions au petit écran dans des téléfilms de grande notoriété comme Traccia verde un giallo fantastique en quatre parties basé sur l'hypothèse que les plantes vertes ont une vie intérieure et Rugantino de Pasquale Festa-Campanile.
Comme Paola est encore à l'académie, elle ne peut faire de cinéma. Elle obtient cependant la permission de tourner pour Mario Bava qui sera ainsi le premier lui offre un rôle au grand écran. Il s'agit de La baie sanglante dans lequel elle est une des protagonistes qui se fera tuée d'une inoubliable manière puisque la mort de Paola sera reprise moult fois par la suite dans les futurs slashers des années 80. Elle meurt empalée à son amant alors qu'ils font l'amour. Contrainte de choisir un pseudonyme, elle choisit Paola Rubens puisque les modèles du peintre homonyme sont toutes très maigres à l'image de la jeune comédienne qui à cette époque détestait manger.
Tout semble sourire à Paola qui rencontre alors le jeune réalisateur Massimo Pirri. Pour le metteur en scène c'est un véritable coup de foudre. Paola n'a que 20 ans mais il est subjugué par la beauté de cette diaphane Vénus passionnée de yoga et de philosophie orientale dont la ressemblance avec Catherine Deneuve est frappante. Malgré les véhémentes réticences du père de Paola, Massimo est en effet athée et communiste, le père de la jeune comédienne, un croyant pratiquant, Paola refuse de mettre un terme à leur relation. Son père la met à la porte. Paola part vivre chez Massimo qui trois mois plus tard, l'épouse pour le meilleur et le pire. Le meilleur ce sera tout d'abord leur petite fille, Selvaggia, qui naîtra de leur union. ce sera ensuite le film Càlamo en 1975 où Pirri qui en est également scénariste met en vedette sa filiforme épouse aux cotés de Lino Capolicchio. Conte existentialiste et surréaliste, Calamo sera l'unique film où Pirri pourra mettre en valeur la beauté de sa femme. Paola est l'incarnation de la Vénus par excellence, une créature
quasi divine, aérienne, qui personnifie la pureté et l'ascétisme, l'amour et la mort. Paola surprendra également par les stupéfiantes scènes de yoga qu'elle y interprète, véritable élastique humain qui met en pratique toute sa philosophie face à la caméra de son mari. Aujourd'hui Calamo reste le film que Paola préfère parmi tout ceux qu'elle a tourné. Elle le défend corps et âme, le considère comme son travail non seulement le plus beau mais également le plus abouti, un vrai film d'auteur, profond, intelligent. Ce sera malheureusement pour Paola la seule véritable occasion de pouvoir montrer ses talents d'actrice au cinéma.
Ce n'est pas que les portes du 7ème art la boudent mais c'est à cette époque que Paola
commence à être dépendante aux drogues dures. Sa dépendance ne sera pas le seul motif de l'effritement de son couple. D'autres raisons plus personnelles s'en mêlent. Malgré leur petite fille, le couple se sépare. Si Paola devait avoir le rôle de la terroriste dans le prochain film de son époux Massimo Pirri, Italia ultimo atto, c'est à Marcella Michelangeli qu'il échouera finalement. La jeune femme continue cependant à arpenter les scènes de théâtre. Sa beauté ne laisse aucun réalisateur indifférent. Michelangelo Antonioni la remarque et pense à elle pour le rôle principal de Profession reporter. Ce sera malheureusement à Maria Schneider qu'il reviendra.
C'est finalement Alberto Cavallone qui lui donnera l'occasion de revenir au cinéma en 1978
avec Spell. On est très loin d'Antonioni mais ce conte surréaliste totalement hérétique donne à Paola l'occasion d'interpréter un personnage fort dont toute la folie explosera lors du final au climax quasi apocalyptique lorsqu'elle défèque dans la bouche de son amant pour l'étouffer de ses selles. Magnifique, Paola dégage un érotisme à fleur de peau dont le point culminant est atteint lors de la scène d'auto-érotisme quand elle fait l'amour à son reflet.
Ses partenaires ne sont pourtant pas très tendres avec Paola. Monica Zanchi se souvient d'elle comme d'une fille froide et distante qui n'aimait guère s'amuser, tout le contraire d'elle. Jane Avril quant à elle garde l'image d'une fille qui aimait s'exhiber, sans véritable pudeur et prête à tout pour être remarquée. C'est une image totalement différente qu'en donne Bruno Mattei qui fut pour elle un ami. Paola était une fille très professionnelle, une travailleuse dont le professionnalisme n'avait d'égal que sa gentillesse.
En janvier 78, l'Italie découvre stupéfaite une Paola transformée, méconnaissable, dans
l'édition de Play boy du mois. Elle y arbore une toute nouvelle coupe, très courte, à la garçonne, teinte en noir. Elle y pose nue de façon très pudique cette fois, couchée sur un lit, une peluche dans ses bras alors qu'elle regarde avec malice l'objectif. A aucun moment dans l'interview qui accompagne ces photos, elle ne parle de sa toxicomanie, de l'héroïne ou des thérapies drastiques et autres cures de désintoxication qu'elle subit, de son mal être et ses problèmes même si son corps de plus en plus malingre laisse lentement deviner son calvaire. Paola préfère parler d'elle et du handicap qu'a souvent représenté sa ressemblance avec Catherine Deneuve. C'est pourquoi elle a coupé si court ses cheveux et s'est rasé le pubis. Cela lui laisse plus de temps pour faire du sport et pratiquer le yoga ajoute t-elle.
C'est avec ce nouveau look qu'elle apparait dans Emanuelle et Johanna aux cotés de l'excellente Sherry Buchanan qui interprète sa soeur jumelle. Intéressant film sur le vice, Emanuelle, et la vertu, Johanna, qui ici s'affrontent sous la forme de ces deux soeurs qui ont suivi deux chemins différents. Le film comporte des scènes très osées mais fort belles, presque oniriques notamment la scène finale où les deux soeurs s'endorment nues en position foetale. Ce sera pour Paola son ultime vrai rôle à l'écran.
De plus en plus sous l'emprise de l'héroïne, il lui devient difficile de tourner et les propositions s'amenuisent. Elle reviendra deux ans plus tard dans Novices libertines de Bruno Mattei. Elle accepte de faire ce film par amitié pour le réalisateur et parce qu'elle a besoin d'argent. A cette époque Paola vivait avec un avocat nommé Lo Foco qui avait produit auparavant Cicciolina amore mio . Sa dépendance abimait de plus en plus son corps. Avec Novices libertines, Paola joue très sûrement les scènes les plus osées de sa carrière notamment une masturbation frontale lors du viol de Zora Kerowa. Toujours par amitié pour Mattei, elle apparait lors de la scène d'ouverture de L'autre enfer.
La même année elle est au générique de La locanda della maladolescenza de Bruno Gaburro dans lequel elle incarne une terrible maquerelle qui tient une auberge qui en fait cache un repère de prostitution adolescente. Cette même année Massimo Pirri écrit pour elle son film Eroina. Pour avoir vu son ex-épouse se détruire, il est bien placé pour parler des ravages de la drogue.
En 1980 Paola touche le fond. Incapable de jouer correctement elle finit dans la pornographie avec le film de Lorenzo Onorati, Dolce gola / Que peut on faire d'une femme. D'Antonioni à Onorati l'abîme est grande et montre combien la chute de Paola fut importante. Paola, plus maigre que jamais, hagarde, interprète ses premières séquences hardcore, une fellation et une pénétration avec Paolo Di Bella, de nombreuses scènes très osées où elle ne cache rien de sa plus intime intimité avec Claudio Perone et ses inoubliables ébats saphiques avec Guia Lauri Filzi qu'elle pénètre tant vaginalement que analement avec une banane.
Ce sera l'ultime film de Paola qui met ainsi un terme à sa carrière tant cinématographique qu'artistique. Incapable de continuer, elle se retire. Mais le sort s'acharne sur elle comme si sa vie n'était pas encore un enfer suffisant. Elle va entamer dans les années 80 une très longue et difficile cure de désintoxication, un combat acharné qui se terminera par une victoire. Marquée à vie par ses années de souffrance physique, Paola n'est pourtant pas au bout de ses malheurs. Elle perdra la fille qu'elle eut de Massimo Pirri dans un tragique accident de voiture. Il fallut du temps à Paola pour surmonter le drame.
Aujourd'hui pourtant elle a réussi à surmonter les épreuves de la vie notamment grâce à une nouvelle maternité qui a redonné un nouveau sens à sa vie après s'être battue bec et ongle
contre l'acharnement du destin qui une fois encore s'abattra sur elle à la fin des années 90 puisque Paola aura un grave accident de voiture.
L'ex-sexy starlette a finalement vu le bout du tunnel, vaincu le sort contre vents et marées. Tel un ange elle a ressuscité et recommencé une toute nouvelle vie, partagée entre les USA et l'Italie notamment Padoue où elle réside aujourd'hui. Ce courage et cette volonté mérite tout notre respect et nous sommes heureux que Paola, devenue également végétarienne, ait enfin trouvé le bonheur et la joie de vivre loin des paradis artificiels qui entre autres causes ont détruit une carrière prometteuse. Le visage certes marqué par les affres du passé, elle parle aujourd'hui volontiers de son parcours cinématographique, évoque moult souvenirs
mais confesse qu'elle déteste et n'a jamais vu la plupart des films qu'elle a pu tourner, tous alimentaires, à l'exception de Calamo, la grande réussite de sa carrière, et à moindre mesure, Spell de Cavallone pour qui elle a un grand respect. Elle préfère chérir sa carrière au théâtre puisqu'elle se considère avant tout comme une comédienne de théâtre qui a toujours adorer les levers de rideau et cette rencontre avec le public que seule cette discipline permet. Le bonheur fut malheureusement de courte durée. Bien trop affligée par son douloureux passé celle qui n'a jamais cessé d'aimer Massimo Pirri, le seul et unique grand amour de sa vie disiat-elle, s'est éteinte le 25 octobre 2016 à Padoue à 65 ans. Fatiguée, lasse d'une vie qui ne lui a rien épargné, Paola semble avoir cessé de se battre. "Je vais mal depuis longtemps. Je suis mourante. Si on ne se parle pas aujourd'hui on ne se parlera plus demain" furent les inquiétantes paroles de Paola au grand spécialiste du cinéma Roberto Poppi qui souhaitait l'interviewer.
A nos yeux Paola restera cette Vénus lumineuse qui irradia certaines oeuvres phare du cinéma de genre italien.