Maniaco Deprebis

Salon Kitty fut le premier film d'une trilogie inachevée destinée à attaquer de façon extrême le pouvoir. Pour Tinto Brass, le pouvoir est la chose qui corrompt le plus l'âme et les pulsions naturelles. Il les transforme en quelque chose de grotesque et d'artificiel qui amène à la destruction.
Lorsque Salon Kitty sortit en Italie, la censure se jeta dessus. Elle le jugea sexuellement obscène et coupa notamment toutes les scènes d'érection. Elle fit de ce film sa principale cible du moment. Il sortit en Italie dans le courant de l'année 1975. Brass organisa même une sortie clandestine risquée avec pour objectif de se moquer de la censure.
Salon Kitty tiré du roman Geheim reichssache! salon Kitty, ein report, le film propose de faire la lumière sur ce cabaret, endroit scabreux situé au coeur de Berlin et contrôlé par les SS pour découvrir les secrets militaires des officiers étrangers en visite en Allemagne. Brass a traité de façon plus poétique le parcours de ses héros afin d'approfondir sa critique corrosive sur le pouvoir et le fanatisme.
L'ouverture du film particulièrement violente et sexuellement fort audacieuse montre jusqu'où ce fanatisme et le pouvoir peuvent entrainer l'homme, le transformant en barbare. Le sexe devient alors le symbole hallucinant de l'aberration du pouvoir.
Le véritable départ du film, c'est l'arrivée à Salon kitty où Brass déploie une nostalgie étonnante à décrire ce lieu, à s'attarder sur la musique, les ballets, les couleurs, les jeux. C'est d'ailleurs là le véritable but de ce salon au départ, nonobstant toute politique et condition sexuelle. Si Madame Kitty s'offusque de ce que son salon est devenu, un lieu d'espionnage et une anti-chambre du pouvoir, Brass à son instar, s'insurge avec rage et désespoir contre ce despotisme fanatique qui transforme cet endroit ludique en sanctuaire sale et profane.
Au final, Salon Kitty est un film qui met en scène une guerre dans une guerre où le pouvoir et le sexe, l'esprit et le sentimental se confondent dans le sang. Le champ de bataille n'est autre que le salon de Mme Kitty.
Beau, décadent, scandaleux, violent, poétique, Salon Kitty magistralement mis en scène par un Tinto Brass à fleur de peau, restera un des chefs d'oeuvres les plus marquants de son réalisateur.
Le film est dominé par une interprétation hors pair avec en tête d'affiche, l'irradiante et insolente Theresa Ann Savoy dans le rôle de Margherita, la jeune prostituée espionne qui représente la vie et l'idéalisme. La bergmannienne Ingrid Thulin est une Mme Kitty émouvante, une sorte de Pretty woman d'un autre temps, femme de spectacle, transformiste, quasiment une mère douce et compréhensive pour ses filles de joie. A leurs cotés, le visage implacable de Helmut Berger incarne à la perfection la dualité sexe-pouvoir. On retrouvera également toute une pléiade de sexy starlettes dont certaines faisaient ici leurs débuts. On citera entre autres Patrizia Webley, Tina Aumont, Paola Senatore, Malisa Longo, Rosita Torosch, Malisa Longo et Paola Maiolini.