Me Me Lai: L'icône de la jungle
S'il est bien une destination qui engendre le rêve, c'est l'Asie. Si aujourd'hui le cinéma asiatique est devenu facture courante, dans les années 70 seuls les afficionados du nunchaku et les adeptes ninja avaient leurs idoles aux yeux bridés et s'émerveillaient devant les prouesses du nain volant Bruce Lee ou les voltiges d'un Jackie Chan naissant. Mais Bouddha est grand puisqu'il entendit nos pleurs et nous envoya alors celle qui allait devenir l'icône d'un genre bien spécifique, l'incarnation parfaite de la fille de la jungle. Pourtant, peu de choses ont été écrites à son propos. C'est la raison pour laquelle le Maniaco se propose de vous attarder enfin sur les courbes parfaites de la trop discrète Me Me Lai!
Fille d'un homme d'affaires anglais travaillant dans la Royal navy et d'une mère birmane, Me Me Lai parfois appelée Me Me Lei ou Me Me Lay est née à Burma en Birmanie le 30 novembre 1952. L'aventure commence dés l'adolescence quand elle quitte sa Birmanie natale pour l'Angleterre à l'âge de 12 ans. A cette époque, la jeune Me Me (prononcez Mimi) a déjà pour seul et unique souhait de briller dans le monde du show-biz. Installée à Londres Me Me va prendre durant trois ans des cours d'arts dramatiques mais étudier n'est pas ce qui l'enchantait le plus admet-elle aujourd'hui. Elle souhaite surtout faire du cinéma. Par chance elle est assez rapidement remarquée par un agent. C'est ainsi que sa carrière débute à la télévision en tant que coprésentatrice / hôtesse d'un célèbre jeu The golden shot puis de The sale of the century. Cette exposition médiatique, son interminable chevelure de jais, son corps de rêve la font vite remarquer des producteurs de cinéma. C'est en 1970 que notre future star de la jungle fait ses débuts au grand écran dans I'll follow you anywhere de David C. Rea, une comédie sexy dans laquelle le héros crée un parfum qui rend sexuellement folle la gente féminine. Si Me Me n'y fait qu'une brève apparition, cela suffira pour lancer sa carrière.
L'année suivante elle est à l'affiche du film de Ted Hooker The crucible of terror, le temps d'un très court rôle, celui d'une jeune fille condamnée à être enfermée dans une statue dans laquelle on coulera du bronze liquide. Son fantôme hideusement défiguré reviendra persécuter un malheureux sculpteur dans laquelle Me Me se réincarnera. Ayant gagné au fil du temps une petite réputation de film de terreur pure, Crucible of terror est pourtant resté inédit chez nous et n'eut même pas les honneurs d'une distribution vidéo.
Cette même année elle est au générique de plusieurs séries télévisées anglaises dont deux épisodes de Jason King mais également Hine, Paul Temple et Omnibus. Tant au cinéma qu'à la télévison, elle apporte comme la plupart de ses consoeurs venues d'autres continents cette touche d'exotisme quasi indispensable aux productions d'alors. En 1972 elle obtient enfin son premier véritable rôle grâce à Val Guest qui en fait une des quatre jeunes filles au pair de sa sexy comédie Au pair girls / Femmes en location. Me Me, splendide, mutine du haut de ses vingt ans, y dévoile déjà ses charmes et nous gratifie même d'une superbe et audacieuse scène de nu frontal. L'actrice révèle aujourd'hui que Au pair girls reste son film préféré et l'un des rares qu'elle regarde. Parallèlement Me Me pose également beaucoup pour les magazines de charme et de mode britanniques, le plus souvent dénudées. Elle fait aussi la couverture de nombreuses revues européennes. Si ses seins fraichement refaits font la une des journaux de charme anglais c'est pour une autre raison que Me Me va en cette année 1972 entrer dans la légende. Umberto Lenzi la choisit en effet pour interpréter Moara dans Il paese del sesso selvaggio / Au pays du l'exorcisme / Cannibalis. Il s'agissait là du premier film d'un genre qui par la suite allait faire recette en Italie, le film de jungle ou le film dit de cannibales.
Aux cotés de Ivan Rassimov avec qui elle allait former le couple récurrent du film de jungle transalpin, Me Me Lai est Maraya, la jeune fille du chef de la tribu dans laquelle Rassimov est retenu prisonnier. Il va vite tomber amoureux d'elle et lui faire un enfant. Si le film pourra décevoir les amateurs d'effets gore qui s'attendraient aux excès d'un Cannibal holocaust, il faut savoir que ce remake de Un homme nommé cheval tourné en Thaïlande est davantage un film d'aventures exotiques parsemé d'inévitables tortures d'animaux. Très agréable, Cannibalis dévoile une Me Me magnifiquement mutine dont le corps est filmé dans toute sa splendeur, une beauté sublimée lors de la scène où elle court dans un champ de fleurs rejoindre son bel aventurier et lui fait l'amour. D'un grand romantisme cette séquence tranche avec la dureté des scènes finales, fort émouvantes, où la divine Me Me mourra en accouchant.
En un film Me Me devient une icône pour tous les amoureux de ce genre cinématographique bien spécifique. Elle sera désormais l'incarnation parfaite, rêvée, de la fille de jungle, un titre qui ne la quittera plus mais qui peut être nuira à sa carrière de comédienne. Me Me disparait des écrans quatre ans durant le temps de se marier à un champion asiatique d'arts martiaux qui aimera suivre sa jolie épouse sur ses futurs lieux de tournage. Il faut donc attendre 1976 pour que Me Me réapparaisse sur les écrans pour y reprendre son rôle fétiche. Ruggero Deodato la choisit en effet pour être la jeune cannibale du Dernier monde cannibale aux cotés de son habituel partenaire Ivan Rassimov et Massimo Foschi. Tourné aux Phillipines parmi des tribus n'ayant jusqu'alors jamais eu de contact avec l'homme blanc, Le Dernier Monde Cannibale peut être vu comme une introduction à Cannibal holocaust. Deodato conte ici l'histoire d'un homme capturé en pleine jungle par une tribu primitive qui pratique encore le cannibalisme. Enfermé dans une cage, le héros qu'interprète avec force et courage Massimo Foschi devra son salut à une des indigènes jouée par Me Me d'abord intriguée par cet homme qui l'apprivoisera progressivement.
Me Me nous offre quelques scènes d'anthologie dont deux des plus fameuses sont celle où elle masturbe Massimo Foschi à travers les grilles de sa cage et celle où il la possède violemment dans la brousse. Mais c'est avant tout de sa mort atroce dont on se souviendra le plus, ouverte en deux, vidée de ses entrailles puis dévorée par les siens. Malgré l'efficacité du film, la beauté de Me Me dénote cependant aux cotés des primitifs dont elle est censée faire partie ce qui fait d'elle une cannibale peu crédible malgré sa peau recouverte de boue et sa chevelure ébouriffée. Comment imaginer en effet une femme primitive dotée d'un corps aussi parfait nanti de sublimes seins siliconés, vous dévorant de ses yeux mutins discrètement soulignés d'eye-liner? Reconnaissons tout de même que notre jeune birmane n'avait jamais été aussi belle avec son regard attendrissant de poupée effrayée! A ce sujet, Me Me reconnait aujourd'hui que son personnage est esthétiquement peu vraisemblable malgré les heures passées à se faire recouvrir de boue. Quant à la sempiternelle question sur le fait de jouer la plupart du temps nue, comme beaucoup de ses consoeurs, Me Me avoue que c'était une étape alors obligatoire à franchir pour une comédienne. Très timide, elle confesse que les metteurs en scène et les équipes de tournage ont toujours su la mettre à l'aise, la rassurer, et au final tout s'est toujours très bien déroulé pour elle mais affirme qu'aujourd'hui pour rien au monde elle accepterait de refaire cela. Deodato pour sa part parle d'elle comme d'une femme particulièrement forte et courageuse qui n'avait peur de rien, toujours prête à relever les pires défis dans des conditions de vie et de tournage souvent très dangereuses. Le dernier monde cannibale restera sans nul doute le film de cannibales le plus marquant dans la carrière de Me Me, le plus percutant également, loin ddevant la gentillesse de Cannibalis et du mitigé La secte des cannibales.
De retour en Angleterre, Me Me ne verra toujours pas sa carrière décoller. Elle reste abonnée aux personnages de filles légères et autres prostituées dans des rôles de troisième plan. Elle interprète Nan Lee, une des catins qui tient tête à Peter Sellers dans Le Retour de la Panthère Rose sorti en 1978. En 1979, elle est Mme Wang dans le License to love and kill / Adieu canaille de Lindsay Shonteff, un film d'espionnage parodiant les James Bond où Gareth Hunt, un des trois New avengers de la dernière saison de la série Chapeau Melon et Bottes de Cuir, est un agent secret devant combattre un génie du mal dont le passe-temps favori est créer des clones.
Après ces deux films où elle ne fait qu'une furtive apparition, la toujours aussi belle Me Me s'envole pour le Sri Lanka où pour la troisième fois elle se prépare à incarner son rôle de fille de jungle toujours aux cotés de Ivan Rassimov avec qui on lui prêtera même une romance ce que démentira rapidement l'intéressé. Me Me avait beaucoup d'estime pour Ivan, un homme d'une gentillesse et d'une tendresse extrême qu'elle respectait. Une belle amitié était née entre eux au fil des années et de leurs retrouvailles régulières. La Secte des Cannibales / Mangiati vivi dai Cannibali réalisé par Umberto Lenzi est l'histoire d'une jeune femme, Janet Agren , qui part à la recherche de sa soeur disparue mystérieusement dans la jungle. Grâce à l'aide d'un aventurier joué par Robert Kerman elle retrouve sa trace dans une secte en plein milieu d'une jungle infestée de cannibales. Un illuminé sadique et pervers, le toujours excellent Ivan Rassimov, fait régner la terreur au sein de ce groupe très inspiré de Jim Jones et tient ses adeptes sous sa totale emprise. Me Me incarne Mowara, une jeune adepte qui aidera nos héros à s'enfuir au péril de sa vie. Comme d'accoutumée, Lenzi signe là une oeuvre hybride, mélangeant polar, aventures et gore. Aux cotés de la charmante suédoise Janet Agren et d'une Paola Senatore en fin de course Me Me dévoile à nouveau ses charmes pour le plus grand bonheur de ses nombreux admirateurs. De ses scènes on retiendra avant tout celle de son quadruple viol et celle de sa mort malheureusement reprise sur celle du Dernier Monde Cannibale de Deodato, laissant un goût amer aux fans de l'actrice qui méritait à leurs yeux un autre traitement moins... économique! Des trois films cannibales dont elle fut l'héroïne, Me Me avoue qu'il s'agit là de celui qu'elle aime le moins.
Dés 1981, après ce troisième film de jungle, Me Me va se tourner vers le théâtre. Alors installée à Londres, elle est l'une des interprètes principales de la célèbre pièce à succès de David Hare, Plenty, aux cotés de Julie Convington, Paul Freeman, Stephen Moore et Kate Nelligan.
On la voit également cette même année au petit écran dans deux épisodes de Spearhead et un épisode de The Optimist en 1983.
Cinq longues années s'écouleront avant que la sculpturale Vishna ne réapparaissent sur les écrans grâce cette fois à Lars Von trier qui lui offre le rôle de Kim dans Element of Crime, une prostituée qui suivra le long et pénible parcours d'un policier torturé. A 32 ans, plus belle et mature que jamais, Me Me nous livre ici une magistrale interprétation prouvant qu'elle pouvait jouer autre chose que les filles de jungle ou les petits rôles de filles légères. Même si elle est une fois de plus une prostituée dont Lars Von Trier ne se lasse pas de filmer la divine nudité, Me Me laisse éclater tous son talent de comédienne dans cette oeuvre cérébrale et tortueuse.
De la jolie birmane, le réalisateur danois n'a bizarrement guère de souvenirs hormis une anecdote du premier jour de tournage. Me Me devait jouer une scène assez violente avec son partenaire Michael Elphick. A la fin de la prise, elle s'éloigna en pleurs. Pensant qu'il l'avait malmenée ou fait mal, Michael alla la rejoindre. Elle le rassura gentiment et avoua que ses larmes n'avaient rien à voir avec lui. Elle expliqua alors qu'elle venait de se faire une fois de plus refaire les seins et que désormais elle les trouvait trop gros. Ce fut pour Me Me un complexe qu'elle dut supporter tout au long du film, considérant son corps dénaturé. Est ce pour cela que la belle asiatique mit un terme définitif à sa carrière après Element of Crime.
Si Me Me a quitté depuis déjà vingt ans les feux de la rampe, elle n'a pourtant pas disparu de nos mémoires. Elle est restée à travers la planète l'incarnation parfaite de la fille de jungle qu'elle a si souvent interprété à l'écran, ce qui a peut être nui au développement de sa carrière tant il est parfois difficile pour un acteur de casser une image établie. Me Me s'est retirée un temps à Colchester afin de s'adonner à une autre passion, l'athlétisme et le body building féminin, devint professeur d'arts martiaux avant de quitter ce milieu pour entrer dans la... police! Elle intégra en effet la brigade du comté d'Essex et se fit totalement oubliée. Epouse et mère de famille, elle s'occupa aussi de son mari et de sa fille Lesley. Cette dernière tient à rassurer tous les fans de sa célèbre maman en avouant tendrement qu'elle n'a pas changé et a su rester au fil des ans toujours aussi ravissante.
Me Me a donc pris de la distance par rapport à son passé d'actrice qu'elle ne renie cependant pas. Elle en est fière mais ne souhaitait simplement plus en parler jusqu'à récemment où contre toute attente à l'instar de sa consoeur Francesca Ciardi, Me Me a refait surface après 20 ans de silence. Pour le plus grand bonheur de ses admirateurs toujours aussi nombreux à travers le monde, Me Me est réapparue et participe régulièrement à des conventions et autres festivals de films d'horreur à travers l'Europe comme récemment à Camden aux cotés de Francesca Ciardi. On la vit également entourée de Ruggero Deodato et Massimo Foschi. Avenante, souriante, intemporelle, toujours aussi belle, Me Me sur laquelle le temps n'a eu aucune emprise évoque ses souvenirs avec tendresse, parle de sa carrière et de son statut de fille de jungle, avouant qu'elle n'a jamais vraiment aimé se voir à l'écran mais surtout qu'elle n'a jamais osé regarder ses films de cannibales trop insoutenables pour elle mais se régalant toujours autant du parfum de scandale qu'ils ont jadis génèré et continuent toujours de générer.
Son visage mutin nous fera longtemps encore frémir de bonheur à chacune de ses apparitions nous transportant dans cet état quasi-bouddhique, ce septième sens qui nous transporte aux limites du nirvana cinématographique. Si du fond de ta retraite tu nous entends chère Me Me, sache que si nous, nous ne sommes que des humains, toi tu es l'icône non seulement de la jungle mais aussi de notre culte.