Ivan Rassimov: La gueule du talent
Ivan Rassimov, de son vrai nom Ivan Djerassimovic, est né un 7 mai 1938 à Trieste de parents croates. Alors qu'il est encore à l'université, le jeune homme, très attiré par le cinéma, part s'installer à Rome qui est alors en quête de nouveaux talents.
C'est malheureusement à ce moment que l'armée l'appelle. Ivan doit partir faire son service militaire.
De retour de ses obligations militaires, il retourne à Trieste et prend des cours de théâtre. Remarqué par la star alors montante Adriano Celentano, il fait ses grands débuts au cinéma à ses cotés en 1964 dans Super rapina a Milano. La machine est en route, rien ne l'arrêtera plus.
Mario Bava fait appel à lui la même année pour La planète des vampires, Vittorio de Seta pour Un uomo a metà ou encore Enzo Dellacquita pour Una ragazza che sapeva amare.
Durant toute cette période, Ivan touche à beaucoup de genres différents mais son visage aux traits secs et anguleux vont vite le cataloguer dans des rôles de vilains. A la fin des années 60, il tourne quelques westerns, un genre très à la mode alors, dont Se vuoi vivere...spara en 1967 et Non aspettare Django, spara ou encore Cjamango en 1968, tous deux réalisés par Edouardo Mulargia, où il est crédité sous le pseudonyme de Sean Todd.
Enchaînant tournages sur tournages ce qui lui vaut de parcourir le monde, il revient en Espagne en 69 pour incarner le fameux Sandokan dans Le tigri di Mompracem de Mario Sequi avant d'entrer de plein pied dés 1970 dans le monde du giallo.
Ivan est alors à l'âge d'or de sa carrière. Il tourne pour Sergio Martino trois gialli devenus désormais des classiques du genre Tutti i colori del buio/ L'Alliance invisible le superbe Il tuo vizio è una stanza chiusa e solo io ne ho la chiave et Lo strano vizio della signora Wardh/ L'étrange vice de Mme Wardh.
Pasquale Squillero le fait tourner dans son Il vendetto è un piatto che si serve freddo, Romolo Scavolini le veut pour son étrange giallo Bianco vestito per Mariale / Exorcisme tragique / Les monstres se mettent à table.Il atteint l'apogée de sa carrière en 72 lorsque Umberto Lenzi avec qui il avait déjà tourné au début des années 60 en fait un de ses acteurs fétiches. Il ouvrira l'ère des films de jungle avec Il paese del sesso selvaggio/ Au pays de l'exorcisme / Cannibalis, tourné en Thaïlande aux cotés de celle qui deviendra l'icône du genre et sa fidèle partenaire à l'écran, la charmante birmane Me Me Lei. Remake du célèbre Un homme nommé cheval, le film narre les aventures d'un homme capturé par une tribu pratiquant des rites cannibales qui l'initiera à leurs coutumes. Après être tombé amoureux de la fille du chef du village à qui il fera un enfant, il devra décider entre rester vivre chez ce peuple indigène ou retourner vers la civilisation. Inaugurant un genre qui allait faire recette, le film même s'il contient quelques scènes gore et les indispensables tueries animales est avant tout un film d'aventures exotiques mâtiné d'une belle histoire d'amour qui finira tragiquement.
L'année suivante il incarne l'ambigu inspecteur Cliff dans le cynique mais fort divertissant Piège pour un tueur de Massimo Dallamano.
En 74, il est une inquiétante incarnation d'un Christ diabolique dans L'ossessa / La possédée de Mario Gariazzo, très agréable film de possession à l'atmosphère étrange et par instant effrayante. Rarement le visage sévère de Ivan et son regard perçant n'avaient été aussi bien mis en valeur, rendant son personnage terrifiant.
Cette même année, il retrouve Lenzi pour son envoûtant giallo psychologique Spasmo où il est Fritz, l'étrange et inquiétant frère de Robert Hoffmann. Il retrouvera le réalisateur en 1976 Lenzi Brigade spéciale / Roma a mano armata en 1976.L'année 75 le verra incarner trop brièvement le frère du célèbre marin Wolf Larsen dans Il lupo dei mari avant d'entrer dans la longue saga des Emanuelle en 76 avec Emanuelle goest East / Emanuelle en Orient dans lequel il joue un prince oriental et Emanuelle: Perchè violenza alle donne / Emanuelle autour du monde en 77 tout deux de Joe D'Amato.
Il fait aussi une escale dans le monde du cinéma érotico-soft avec Inhibitions / Inhibizione de Paolo Poeti aux cotés de la débutante Ilona Staller, future Cicciolina, et l'ex-porn star française Claudine Beccarie.
Il s'envole ensuite pour les Philippines où il tourne Le dernier monde cannibale de Ruggero Deodato, aux cotés de Massimo Foschi et la désormais indispensable Me Me Lei. Il s'agit là d'une parfaite introduction à ce que sera quatre ans plus tard Cannibal Holocaust. Même s'il n'a que le second rôle masculin, Ivan incarne avec vigueur le malheureux scientifique qui périra quelques minutes après avoir enfin quitté cet enfer vert.
Plus calmes seront ses films suivants. Mario Bava le dirige dans Shock où il est le psychologue de Daria Nicolodi avant de faire une rapide apparition dans la sexy comédie dans laquelle il retrouve Laura Gemser L'infermiera di campagna de Mario Bianchi.
En 78 il est un amusant sosie de Darth Vader dans L'Humanoïde de Aldo Lado avant de tourner en 1979 le troisième film de cannibales de sa carrière, Mangiati vivi dai cannibali / La secte des cannibales réalisé par l'infatigable Umberto Lenzi. Tourné au Sri-Lanka aux cotés de Janet Agren, Paola Senatore et sa fidèle partenaire à l'écran Me Me Lei, il est le redoutable gourou d'une secte de fanatiques reclus au milieu d'une jungle infestée de cannibales, évitant ainsi toute évasion des adeptes. Ce film sera l'un des derniers grands rôles de Ivan.
Il apparait plus discret dans les années 80 dans quelques rôles de second plan notamment chez Deodato pour l'agréable post nuke Atlantis interceptors et l'anodin slasher mettant en scène David Hess et Mimsy Farmer Bodycount /Il camping del terrore en 87. Il est également à l'affiche d'un anodin petit film de guerre, Cinq salopards en Amazonie, signé Umberto Lenzi.
C'est à la télévision en 88 que Ivan mettra un terme à sa carrière avec Appunto a Trieste, une série qu'on pourrait malicieusement considérée comme un juste retour à ses propres origines, bouclant la boucle d'un parcours sans faute.A l'approche de la cinquantaine, Ivan s'était alors retiré dans sa villa au nord de Rome. Il se reconvertit alors dans le monde de l'écriture et devient directeur d'une maison d'édition de romans et de bandes dessinées. Victime il y a quelques temps d'un grave accident de moto dont il s'était mal remis, Ivan nous a quitté le 14 mars 2003 suite aux complications d'une maladie du foie, laissant derrière lui son épouse Efi et sa fille Alexandra à qui nous pensons ainsi qu'à sa soeur Rada Rassimov, elle aussi actrice, qu'on put voir dans quelques excellents films dont Le chat à neuf queues, Baron blood, Le bon, la brute et le truand, Django, va et tue aux cotés de son frère d'ailleurs ou la série télévisée Michel Strogoff en 75.
Ivan aura été une des icônes masculines de toute la génération de l'âge d'or du cinéma italien, une de ses inoubliables gueules qui marquent tant par le talent que par cette prestance à l'écran. Outre cet extraordinaire professionnalisme qui l'a fait toucher à tous les genres, véritable maestro du cinéma populaire, Ivan possédait cette exceptionnelle aura qui illuminait d'une simple apparition le plus insignifiant des films.
Tu es parti pour un voyage bien au delà des mers que tu as sillonné et des jungles hostiles que tu as foulé mais tu continueras à nous faire voyager au fil de tes aventures grâce à notre cher tube cathodique, éternel comme le sont les Stars.